Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
Archives
21 août 2009

Premiers pas en Artois (1ère partie).

                  149e_R

Après son passage dans le secteur de Souain, le 149e R.I. poursuit sa destinée du côté de Notre-Dame-de-Lorette au début du mois d’octobre 1914. De larges extraits du J.M.O. de la 85e brigade sont utilisés ici pour accompagner les quelques passages provenant des livres suivants : « Lorette une bataille de 12 mois » d’Henri René et « Les combats de Notre-Dame-de-Lorette » du capitaine J. Joubert.  

1er octobre 1914

La 85e brigade doit embarquer avec le C.A. à Châlons-sur-Marne. Pour se rapprocher de la zone d’embarquement, elle doit gagner la Veuve. Le 158e R.I., qui vient de Mourmelon-le-Petit, est arrivé depuis 9 h 00. À 14 h 00, le 158e  R.I. est rejoint par deux bataillons du 149e R.I.. Le dernier bataillon de ce régiment est encore  à Souain. Le départ de la brigade commence à partir de 18 h 00. 

La brigade doit embarquer avec le C.A.. Pour se rapprocher de la zone d’embarquement, elle doit gagner la Veuve ou elle arrive à midi. Le 158e R.I. qui vient de Mourmelon-le-Petit est arrivé depuis 9 h 00. Le 149e R.I. avec deux de ses 2 bataillons est là à partir de 14 h 00, le dernier de ses bataillons est encore  à Souain. Le départ de la brigade commence à partir de 18 h 00. L’embarquement se fait à Châlons-sur-Marne. 

2 octobre 1914

Destination prévue : Creil, arrêt à la Plaine-Saint-Denis. Départ 23 h 00. Destination : Arras. Arrivée à Amiens, direction Abbeville, Etaples puis Calais, Armentières, débarquement à Wavrin à 4 h 00 du matin. 

3 octobre 1914

Les trois bataillons du 149e R.I. partent de la gare de Châlons-sur-Marne, un bataillon vers 13 h 00, un autre vers 16 h 00 et le dernier à 19 h 00.

Le 158e R.I. s’établit en défense, sur la ligne, passage sur la Deule, la Bassée jusqu'à Bauvin Des corps de la cavalerie ennemie sont signalés dans la région de Carvin. 

4 octobre 1914

Le 158e R.I. est toujours en action vers Vendin-le-Viel, Pont-à-Vendin, mais il n’y parvient pas. Il se retranche à Wingles. Le 149e R.I. se trouve dans le secteur de Saint-Pol. 

5 octobre 1914

Aubigny_en_Artois

Même but que la veille, pour le 158e R.I.. Le 2e bataillon du 149e R.I. quitte Saint-Pol pour aller sur Aubigny. Il doit accompagner 3 groupes de deux batteries d’artillerie. 

6 octobre 1914

Le 149e R.I. poursuit sa mission de soutien d’artillerie dans la région d’Aubigny-Cambligneul et dans celle de Camblain-l’Abbé. Il doit constituer la réserve d’armée. 

7 octobre 1914

                  Carte_de_Bouvigny_1914

Deux compagnies du 149e R.I. se préparent à gagner le bois de Bouvigny. Elles se dirigent sur Gouy-Servins… 

La situation reste inchangée et le calme règne sur toute la ligne. Des rassemblements ennemis sont signalés sur Roubaix-Tourcoing et vers Comines. À 16 h 00, un ordre téléphonique du commandant de la 10e armée est donné. Deux bataillons de chasseurs doivent se mettre en marche immédiate sur la Bassée.

 Deux compagnies du 149e R.I. qui sont en réserve de la 43e D.I. sont dirigées sur Gouy-Servins. Ce petit détachement du 149e R.I., sous les ordres du capitaine Petitjean, doit gagner la lisière est du bois de Bouvigny. Il occupe les avant-postes pour renforcer les éléments de la cavalerie.

Le reste du régiment est toujours dans la région Aubigny-les quatre vents, en réserve d’armée et en soutien d’artillerie. 

8 octobre 1914

Le  3e bataillon du 149e R.I. quitte la réserve et se prépare à monter en ligne, non pour tenir le front, mais pour avancer et combattre de nuit dans le milieu particulier qu’est le sous-bois. 

Les deux compagnies du détachement Petitjean, présentes dans le bois de Bouvigny, se maintiennent sans trop de difficultés. Elles cherchent à gagner la lisière est du bois. Un autre détachement plus important, celui du capitaine Laure se trouve dans le bois de Bouvigny à 19 h 00. Ce détachement est constitué de 3 compagnies du 149e R.I. d’une compagnie et demie du 1er B.C.P. et de quelques éléments d’artillerie. Il prend position devant les tranchées allemandes dans la partie est du bois de Bouvigny. 

Extraits de l’ouvrage « les combats de Notre-Dame-de-Lorette » du capitaine J. Joubert aux éditions Payot.

« La 43e D.I. doit exécuter deux attaques simultanées, l’une sur Carency, l’autre sur le plateau de Lorette. Pour celle-ci, elle donne vers 12 h 00 au 3e bataillon du 149e R.I., l’ordre de passer par le bois de Bouvigny et d’atteindre comme 1er objectif la chapelle. Deux compagnies et demie, sous les ordres du capitaine Laure, commencent à progresser dans la partie ouest du bois où elles trouvent, au passage, les 2 compagnies qui avaient relevé les cyclistes de la 1ère division de cavalerie, et dont les postes avancés demeurent à quelques mètres de petites fractions ennemies. En même temps, à droite, partant du bois de la Haie, la 5e compagnie et un peloton de la 2e compagnie du 1er bataillon de chasseurs tentent d’aborder le bois de Bouvigny par la lisière sud-est. L’adversaire résiste partout, et l’avance entravée par de multiples difficultés est presque nulle. La nuit tombe. Au milieu des arbres, dans un épais brouillard qui accentue l’obscurité, le combat continue. On est là, face à face avec des présences incertaines, mais dangereuses, et l’on tire pour un rien, nerveusement. Il n’est pas un glissement ou un pas que l’on ne perçoive dans les feuilles mortes malgré le bruit de la fusillade. Tout à coup, sur la ligne des tirailleurs, un cri rebondit de bouche en bouche : « En avant ! » Et on charge à la baïonnette, droit devant soi, sans rien voir, mais avec la foi dans le succès. Bientôt, c’est le désordre et l’anxiété. Les chasseurs viennent buter dans le flanc droit des unités du 149e R.I.. Il faut s’arrêter à hauteur de la maison forestière. Après ce moment de crise, qui a coûté quelques pertes, les fusils se taisent. L’ennemi s’est replié, on ne sait où, mais on ne le sent plus devant soi. On installe les petits postes et des patrouilles prudentes ratissent le terrain. » 

Extraits du livre « Lorette une bataille de 12 mois » d'Henri René aux éditions Perrin et cie.

« Depuis quelques jours déjà, nous savions que « ça chauffait » ferme, d’Arras à Lille. Nous trépidions dans l’inconnu. La 1ère division (13e) avait filé tout d’une traite sur Armentières et Lille, où nous la devinions aux prises avec l’ennemi. Mais nous, la 2e division, pour qu’on nous eût débarqués, sans suivre la 1ère, à l’ouest d’Arras, pour qu’on nous fît construire hâtivement des tranchées autour des villages où nous étions cantonnés, pour qu’on nous laissât nous mélanger avec la division de cavalerie tourbillonnant dans les plaines de la Gohelle, nous devions nous attendre à être engagés sur place, et cela n’était pas pour nous déplaire. Car, de l’infanterie aussi largement articulée à l’aile d’une armée, de la cavalerie la coudoyant en grande masse, de l’artillerie encore habituée aux évolutions rapides se mélangeant à elles, tout cela nous faisait l’effet d’être de la bonne graine de poursuite. Nous savions que la victoire dela Marne était à exploiter et que, dans l’esprit des chefs, il y avait place pour une décision foudroyante à laquelle tous étaient fiers d’être peut-être appelés à collaborer.

À 11 h 00, nous déjeunions, lorsque le capitaine commandant le bataillon fut appelé au téléphone…

Alerte ! Mission d’honneur, très importante, recommandations spéciales et insistantes du général commandant d’armée : Allemands à repousser d’une hauteur dominant toute la plaine, positions d’artillerie à conquérir et à conserver à tout prix, liaison à assurer avec l’avant-garde de la 13e division qui redescend de Lille et marche sur le même objectif.

On était prêt : on boucle et l’on part. Une pose plus loin, vers les quatre-Vents, on se grossit d’une section de mitrailleuses et d’une batterie d’artillerie. Avec quelque émotion, on serre la main aux camarades du 2e bataillon du régiment, momentanément maintenu à ses constructions de tranchées…

Point de direction : le vieux moulin de Bouvigny qui se profile là-haut, sur la crête, au-dessus de Servins.

Pendant que nous y montons, le capitaine commandant déboîte à droite avec sa reconnaissance d’artillerie et, de loin, nous le voyons qui scrute l’horizon à la jumelle avec le commandant de batterie : bonne affaire ! C’est là qu’il va planter les quatre 75 assurant notre appui, car c’est de ce côté, du bois de la Haie, qu’on aperçoit la chapelle de Notre-Dame-de-Lorette, notre objectif…

Quelques « tuyaux» nous sont parvenus en cours de route : notre cavalerie, qui avait pris pied aux abords de cette chapelle, a été refoulée par une attaque d’infanterie la nuit dernière, et ses cyclistes n’ont eu que le temps de couvrir son repli, luttant pied à pied sur le plateau et dans le bois contre une avant-garde ennemie supérieure. Deux compagnies de notre régiment, que nous allons retrouver là-haut, ont déjà remplacé les cyclistes…

Nous faisons la pause près du vieux moulin, avec une petite avant-garde dans la direction du bois : la dernière halte avant de nous engager…

Ce n’est pas la première fois qu’on va se battre, mais la perspective d’un combat de bataillon isolé en rase campagne, cela vous fait tout de même quelque chose. Des coups de fusil partent du bois, à l’est… Des balles perdues arrivent près des meules de paille et du boqueteau où nous nous abritons…

À nos pieds, au nord, une immense plaine, mal dégagée des brumes qui la recouvrent en partie, avec des cheminées innombrables, des alignements de corons, des chevalements de puits de mine et, ce qui est moins pacifique, des grondements sourds s’échappant du sol, des lueurs se détachant du brouillard là-bas, du côté de la Bassée, de Loos, de Liévin… C’est, sans doute, le canon de la 1ère division qui redescend de Lille et l’espoir de sa prochaine collaboration à notre engagement.

 Une compagnie reste en réserve près du vieux moulin et y creuse des tranchées. Le reste s’avance… La formation est bonne…

Voici la petite avant-garde à la lisière. Un cycliste rend compte que les deux compagnies nous ayant précédé sont en avant, à 200 m, vers une maison forestière, nez à nez avec l’ennemi qu’elles accrochent ferme.

Le capitaine commandant les prend sous ses ordres…

La nuit tombe, c'est le moment choisi. Une compagnie s’avance de front, pour entraîner les camarades, une autre par le rebord du plateau, en lisière nord du bois, et, au sud les chasseurs à pied prolongent la petite attaque avec ordre de « taper» dans le flanc gauche de l’ennemi… Le signal sera donné à droite par les chasseurs, il se fait un peu attendre, leur cheminement sans point de direction bien visible ayant été difficile. Voilà la nuit maintenant. On s’impatiente. Tout d’un coup la nappe du sifflement des balles s’étend sur tout le bois, les cris de « En avant à la baïonnette ! » percent le silence qui avait précédé l’attaque, la confusion règne, des hommes tombent, surtout à gauche. Les officiers circulent dans le taillis épais et obscur pour mettre de l’ordre parmi le brouhaha, des chasseurs à pied venant de la droite « se jettent dans les jambes » des unités qui ont poussé droit...

Le combat n’a pas donné les résultats qu’on escomptait de la surprise. À gauche, nous sommes bouclés : grosses pertes, progrès nuls, inquiétude des officiers qui sont convaincus qu’on est tombé « sur un bec » et qu’il n’y aura pas moyen de passer. À droite, on n'entend plus rien et on n’a plus de nouvelles des chasseurs ni des sections du bataillon qui agissaient en liaison avec eux.

Il faut avoir assisté à des combats de nuit en rase campagne, surtout sous bois, pour se rendre compte des anxiétés d’une telle situation, quand on n’a pas eu le temps de reconnaître au préalable ni l’ennemi ni le terrain !

Bonne nouvelle : vers minuit, on a la certitude que la droite a passé, filant d’une traite sur ses objectifs, et poussant des éléments jusqu’à l’orée à l’est du bois. Même à gauche, l’affaire s’arrange… Une patrouille d’aile, qui s’est glissée le long des pentes, a pris contact, vers les corons de Marqueffles avec des éléments de la 1ère division.

À l'intérieur du bois, des mouvements perçus nous donnent bientôt la conviction que l'ennemi se décroche, par des chemins connus de lui, mais où il nous est impossible de le talonner en raison de l'obscurité et de la non-connaissance des lieux. » 

Sources :

« Journal des marches et opérations de la 85e brigade ». S.H.D. Réf : 26 N 20/10.

Les archives du Service Historique de Vincennes ont été consultées.

« Lorette, une bataille de douze mois ». Henri René, aux éditions Paris, Perrin et Cie – 1929.

« Les combats de Notre-Dame-de-Lorette ». Capitaine J. Joubert, aux éditions Payot – 1939. 

La photographie de groupe du 149e R.I. est antérieure à août 1914.

Un grand merci à M. Bordes, M. Yassai, à A. Carobbi, à M. Porcher, à l’association « collectif Artois 1914-1915 » et au Service Historique de la Défense de Vincennes.   

Commentaires
149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
Visiteurs
Depuis la création 828 705
Newsletter
41 abonnés
149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.