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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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23 décembre 2022

Alfred Marie Alexandre Jauffret (1879-1915)

Alfred Marie Alexandre Jauffret

 

Alfred Marie Alexandre Jauffret voit le jour le 10 mars 1879, 20 boulevard du Nord,  à Marseille, dans les Bouches-du-Rhône.

 

Son père, Jean Baptiste Louis, 36 ans, est entrepreneur de travaux publics. Sa mère, Marie Thérèse Bourgogne, 33 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle. Le couple Jauffret a déjà deux enfants. Une petite fille agrandit la fratrie en 1885.

 

Genealogie famille Jauffret

 

Alfred Jauffret est élève à l’école supérieure de commerce de Marseille lorsqu’il est en âge de passer devant le conseil de révision. Son statut d’étudiant entraîne d’office son inscription dans la 3e partie de la liste de sa classe militaire. Alfred vient de bénéficier d’un report d’incorporation en lien avec l’article 23 de la loi sur le recrutement ; cette loi date du 15 juillet 1889.

 

Le 27 août 1900, il renonce volontairement à sa dispense. Le 29 octobre 1900, il revient sur cette décision, l’acte de renonciation est annulé.

 

Le 14 novembre 1900, Alfred Jauffret est incorporé au 141e R.I. de Marseille. Il  renonce à nouveau à sa dispense le 23 janvier 1901.

 

Une fois ses obligations militaires terminées, il est  envoyé dans la disponibilité le 20 septembre 1903 avec l’obtention de son certificat de bonne conduite. Il devient réserviste du 341e R.I..

 

Alfred Jauffret accomplit sa première période d’exercices au dépôt du 141e R.I. du 4 au 31 mai 1907. Il effectue la seconde au même endroit, du 1er au 17 juin 1910.

 

Le 27 août, il dépend du 15e escadron du train. Il est ensuite rattaché à la 15e section de secrétaires d'État major en tant qu’automobiliste poids lourds.

 

En 1913, Alfred Jauffret fête ses 34 ans. En âge de passer dans l’armée territoriale, il est inscrit dans les registres du 115e R.I.T. à compter du 1er octobre.

 

Les relations diplomatiques avec l’Allemagne s’enveniment l’année suivante. L’ordre de mobilisation générale est décrété le 2 août 1914. Alfred Jauffret rejoint le dépôt du 141e R.I. pour y revêtir l’uniforme du 115e R.I.T..

 

Son régiment séjourne dans un premier temps à Nice avant de rejoindre la région de Dijon. Le 115e R.I.T. reste à la disposition du G.Q.G. en cas de déclaration de guerre avec l’Italie. Celle-ci choisit de rester neutre. Les troupes mises à disposition pour protéger la frontière peuvent être utilisées autrement.

 

Les terribles pertes de l’armée française du mois d’août et du début de septembre 1914 doivent être compensées. Il faut puiser dans les plus jeunes classes de l’armée territoriale pour combler une partie de ces pertes.

 

Le 18 septembre 1914, un contingent de 800 soldats du 115e R.I.T. est prélevé dans les effectifs des 1er et 3e bataillons. Ce groupe rejoint la fraction du dépôt du 149e R.I. installé à Langres. À cette époque de l’année, les 25e, 26e, 27e et 28e compagnies de ce régiment cantonnent à Rolampont, une petite commune proche de la sous-préfecture de la Haute-Marne.

 

Le 27 septembre, un renfort de 500 hommes, essentiellement composé d’anciens du 115e R.I.T., prend la direction de Suippes pour rejoindre le régiment actif. Le soldat Jauffret fait partie de ce groupe. Ami du capitaine Laure, il est probablement affecté dans une des compagnies de son bataillon.

 

Le 149e R.I. combat en Artois en octobre 1914. Alfred Jauffret est nommé caporal fourrier le 31. Le mois suivant son régiment rejoint le front belge. Il occupe les fonctions de sergent fourrier à partir du 23 novembre. Le 10 décembre, il devient adjudant. Deux jours plus tard, il est promu sous-lieutenant à titre temporaire pour la durée de la guerre.

 

Alfred Jauffret n’a pas d’expérience du commandement ; son chef de corps lui confie la direction d’une demi- section de la 9e compagnie.

 

Fin décembre 1914, le 149e R.I. est envoyé sur le front d’Artois, dans le secteur de Noulette.

 

Les capitaines Baril et Panchaud, le lieutenant Jean et le sous-lieutenant Jauffret au moulin de Bouvigny en fevrier 1915

 

Le 14 février 1915, le lieutenant-colonel Gothié écrit ceci à propos du sous-lieutenant Jauffret :

 

« Soldat territorial au début de la campagne, a conquis tous ses grades au 149e actif où il a rendu d’excellents services autour d’Arras et en Belgique, fera un excellent chef de section. » 

 

Le 3 mars 1915, les Allemands lancent une violente attaque dans la zone occupée par le 149e R.I..

 

La 9e compagnie exécute une contre-attaque. Le capitaine Barril et le sous-lieutenant Larnac sont fauchés par les tirs des mitrailleuses ennemies. Le sous-lieutenant Jauffret, pris sous les rafales des mêmes mitrailleuses, est obligé de s’aplatir dans la boue durant des heures. Il attend la nuit  pour se replier. Alfred Jauffret est décoré de la croix de guerre avec une citation à l’ordre du régiment.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante. 

 

 

Durant l’attaque du 9 mai 1915, le sous-lieutenant Jauffret, devenu chef de section, entraîne ses hommes sur les pentes de Lorette en terrain découvert. Il obtient une citation à l’ordre du C.A. pour cette action.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante. 

 

9 mai 1915

 

Le 25 mai 1915, le lieutenant-colonel Gothié lui confie le commandement du peloton des pionniers-grenadiers.

 

Par décret en date du 27 mai 1915 (J.O. du 29 mai 1915) Alfred Jauffret est promu sous-lieutenant à titre définitif à compter du 10 mai 1915.

 

Sous-lieutenant Jauffret en Artois

 

Le sous-lieutenant Jauffret est toujours à la tête de ses pionniers-grenadiers durant les attaques des 25, 26 et 27 septembre 1915. Le 149e R.I., encore positionné en Artois, est engagé dans une vaste offensive pour tenter de reprendre aux Allemands le bois en Hache au sud d’Angres.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante. 

 

Les chefs de bataillons du 149e R

 

Alfred Jauffret a activement participé à tous les combats du régiment depuis son arrivée, et a gagné tous ses galons de sous-officier en très peu de temps. Le 9 octobre 1915, il se blesse très grièvement pendant une période de repos, aux abris du ravin, au cours d’une activité en lien avec sa fonction au sein des pionniers-grenadiers.

 

Les médecins ne peuvent rien faire. Il décède le lendemain à l’ambulance 5/17 à Houdain.

 

Son ami, le capitaine Laure, décrit le contexte de l’accident. : «  Il s’est tué lui-même, en expérimentant une « grenade à fusil » que son ingéniosité voulait achever de mettre au point. »

 

 

Les circonstances exactes de sa mort sont confirmées le 27 octobre 1915. Le lieutenant-colonel Gothié inscrit cette note posthume dans le feuillet individuel de son subordonné :

 

« Chef de section, puis de peloton des grenadiers, a donné les preuves de son énergie et de sa bravoure aux combats du 3 mars devant Noulette et du 9 mai devant N.D.de Lorette. Officier de pionniers remarquable, a été blessé mortellement en dirigeant des expériences de lancement de grenades au fusil. »

 

Sous le pseudonyme de Henri René, le commandant Laure évoque la mort de son ami dans son livre « Jours de gloire, jours de misère ».

 

« G… m’écrit le 10 octobre : « Nous sommes inconsolables : à son tour, lorsque l’heure impitoyable a sonné, « Notre Alfred » s’en est allé ! Tu sais qu’il avait défié l’ennemi de l’abattre jamais, et sa fin ne l’a pas fait mentir. Après avoir traversé indemne les semaines et les mois de sang, de meurtres, de tueries, que nous avons vécus aux attaques de mai, de juin ou de septembre, il s’est tué lui-même, en expérimentant une « grenade à fusil » que son ingéniosité voulait achever de mettre au point. Ah ! quand la mort veut quelqu’un, elle le veut bien, la gueuse !

 

Alfred était depuis trois mois à la tête des grenadiers du régiment.Tu n’es pas sans savoir que cette situation, avec la forme qu’ont pris définitivement nos combats, compte parmi les plus importantes et qu’elle est sans conteste la plus dangereuse de toutes. Il y avait atteint une haute maîtrise et l’exemple de son inlassable bonne humeur, de son entrain endiablé, de son sang-froid imperturbable soutenait dans nos rangs, même aux jours les plus difficiles, l’esprit d’entreprise de tous et la foi dans le succès. Il était plus encore : on le considérait à l’occasion comme « le bon juge » et « le bon apôtre » ; il tranchait les différends par un bon mot, il réveillait par la vertu du rire les énergies quelquefois défaillantes, il élevait à la hauteur des siens les sentiments que d’autres influences auraient pu rabaisser.

 

Derrière lui, toujours, les hommes chantaient et agissaient. Nul ne fut plus aimé. Nul ne sera tant pleuré… et cependant, nous avons désappris les larmes.Tu reviendras peut-être quelque jour en Artois, pendant la guerre ou après elle. Tu chercheras les tombes des nôtres : la sienne est à Houdain, dans le plus humble et le moins décoré de nos cimetières, mais pour nous tous resplendit autour d’elle une gloire très pure. Nos souvenirs pieux l’y entourent à jamais, sur cette hauteur dominant la vallée de Baraffles et d’Olhain, où se sont écoulés les jours heureux goûtés de temps en temps au cours de notre si rude campagne. Là, nous venions dépouiller la lourde boue et les pesants soucis de nos tranchées. La jovialité de « notre Alfred » nous y créait le délicieux bien-être d’une popote où l’on s’entendait comme des frères et où l’on rénovait en soi la force du sentiment familial, si bien que nous en repartions quelques jours plus tard toujours plus vaillants, toujours plus décidés à mener jusqu’àu bout l’âpre lutte où nous sommes engagés. Et son souvenir, qui plane au-dessus de ces lieux, est comme une fraîche oasis dans le désert de feu, de boue et de sang où notre caravane est enroutée ! ».

 

Decorations sous-lieutenant Jauffret

 

Le sous-lieutenant Jauffret a obtenu les citations suivantes :

 

Citation à l’ordre du régiment n° 46 en date du 22 avril 1915 :

 

« A fait preuve du plus beau courage en entraînant sa demi-section pour une contre-attaque en avant des tranchées, sous des feux convergents extrêmement violents d’artillerie et de mitrailleuses au combat du 3 mars au soir devant Noulette. »

 

Citation à l’ordre du 21e C.A. n° 48 en date du 8 juin 1915 :

 

« Au cours de l’attaque du 9 mai, sur les pentes de Lorette, a entraîné très courageusement sa section en terrain découvert, sous les feux d’infanterie et d’artillerie et a accompli une mission de renseignement dans des conditions périlleuses. »

 

Citation à l’ordre de l’Armée en date du 24 octobre 1915 :

 

« A dirigé, depuis mai 1915, le service des pionniers du régiment et de la brigade avec une compétence, un zèle et une activité dignes des plus grands éloges. »

 

Une étoile supplémentaire figure sur sa croix de guerre. Le portrait présenté sur le mémento, en noir et blanc, ne permet pas de distinguer le rang de cette citation non mentionnée dans son dossier individuel du S.H.D. de Vincennes. Elle correspond probablement à une citation reçue à titre collectif.

 

Légion d’honneur décernée à titre posthume (date d’attribution non retrouvée).

 

Cimetiere d'Houdain

 

Inhumé dans un premier temps à Houdain, il est rapatrié à Marseille en 1921. Une messe a lieu, en présence du corps, le 24 février en l’église Saint-Vincent-de-Paul. Le sous-lieutenant Jauffret repose actuellement dans une concession perpétuelle au cimetière Saint-Pierre.

 

Sepulture famille Jauffret

 

Le nom de cet officier a été gravé sur la plaque commémorative de la basilique du Sacré-Cœur à Marseille.

 

Alfred Jauffret ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Sources :

 

Dossier individuel provenant du Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La fiche matricule et les actes d’état civil concernant le sous-lieutenant Jauffret et sa famille ont été consultés sur le site des archives départementales des Bouches-du-Rhône.

 

J.M.O. du 115e R.I.T.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 797/1.

 

« Deux guerres en un siècle - 1 – la Grande Guerre – lettres d’Émile Laure à son épouse ». Livre de René Laure. Éditions de Sauvebonne.

 

« Jours de gloire, jours de misère », livre de Henri René. Éditions Perrin. 1917. 

 

La photographie représentant la sépulture du sous-lieutenant Jauffret a été réalisée par F. Pech du « Collectif Artois ».

 

La photographie du cimetière d’Houdain provient du fonds Valois consultable sur le site de la Contemporaine.

 

La généalogie de la famille Jauffret a été reconstituée à partir de plusieurs arbres consultés sur le site « Généanet ».

 

Journal  « Le Petit Marseillais » du 23 février 1921.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet, à F. Pech, à M. Porcher, à T. Vallé, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales des Bouches-du-Rhône. 

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