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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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27 novembre 2009

Témoignage de Louis Cretin : la bouffarde de M’sieur Drouot.

                 La_bouffarde_de_M_sieur_Drouot_

Un immense merci à D. Browarski qui nous offre ici la possibilité de  lire un passage du témoignage de Louis Cretin soldat musicien de la C.H.R. du 149e R.I.

Un autre très grand merci à la famille de Jean Archenoul qui me propose d’illustrer ce texte avec une photo de groupe prise le 26 juin 1917 à Ciry-Salsogne venant de sa collection. Toute ma reconnaissance à ces personnes. Une chaleureuse poignée de main à Thierry Cornet sans qui ce qui suit n’aurait jamais été possible.

Verdun…

Le 25 février, nous embarquons à Auxi-le-Château sous une tempête de neige. Nous touchons deux jours de vivres de réserve et le soir à 16 h 00, nous démarrons. Nous traversons Abbeville. Dans la nuit du 26, nous sommes dans la banlieue de Paris. Nous continuons par Verneuil, Coulommiers… On aperçoit tout le long de ce trajet les cimetières des poilus tombés dans la bataille de la Marne en 1914. La Ferté-Gaucher, la Fère-Champenoise… Sommesous et Somme-Py. Le soir, nous débarquons à Saint-Eulien à 8 kilomètres de Saint-Dizier. Trois jours de suite, nous marchons. Mais dès maintenant nous devinons où nous allons. Du 1er au 5 mars, nous demeurons à Seigneulles. Le 5 mars au matin, nous embarquons en camions automobiles. Nous traversons Souilly (siège du G.Q.G.) et à 13 h 00, nous débarquons à Regret tout près de Verdun. La canonnade est terrible. Nous passons à pied par petits paquets près de la citadelle et nous allons nous reformer le long du canal aux abords d’Haudainville. Nous passons la nuit dans des péniches abandonnées, couché sur du minerai de fer. C’était dur !!! Le 6 mars dans l’après-midi nous montons en ligne. Colonel à cheval, musique en tête. Nous longeons le Faubourg Pavé vers 17 h 00, nous atteignons le cabaret de la Cible et touchons à la zone dangereuse. La route que nous suivons est marmitée continuellement. On est obligé de s’arrêter à quelques mètres du barrage d’obus qui tombent sans arrêt. Par paquets de 20 hommes, on attend que la rafale ait éclatée. Nous faisons un bond au pas de gymnastique et l’on se retrouve à plat ventre, trente mètres plus loin, au moment où une nouvelle série d’obus de gros calibre éclatent à nouveau 15 mètres environ derrière nous. C’est ainsi que la montée en ligne s’opère. Au bois des Hospices, la C.H.R. s’arrête pendant que les compagnies continuent dans la direction du fort de Souville, la chapelle Sainte-Fine, le bois de Vaux-Chapitre. Finalement elles prennent position entre l’étang, le village de Vaux et le fort du même nom. Les pertes sont déjà élevées quand les compagnies relèvent l’unité qui occupe ce secteur. La musique, avec la C.H.R. et le bataillon de réserve bivouaque dans le bois des Hospices. C’est effrayant ce qui tombe comme obus, à droite, à gauche, en avant, en arrière, partout ça dégringole sans arrêt.  A tout moment, ils en éclatent dans nos rangs. Sans aucun abri, nous passons la nuit à cet emplacement. A l’aube, on cherche à s’égarer de cette avalanche, avec un camarade, mon meilleur copain, un poilu Vosgien des régions envahies de Saulcy, près de Senones. Je creuse avec lui un trou, quand un gros noir arrive et qui nous enterre sous les débris de la cagna en construction. Je suis  commotionné par l’éclatement. Je descends retrouver nos cuisiniers au cabaret de la Cible, pendant que les autres montent par équipes au poste de secours installé dans le fort de Vaux. Je monte la « croûte » toutes les nuits, et c’est une besogne des plus périlleuses, combien d’arrêts imprévus, de culbutes et d’acrobaties nous faisons chaque fois. Quand nous arrivons à trouver les copains, ce qui reste dans les marmites de campement est souvent immangeable. D’ailleurs on ne se charge que du pain enfilé par boule dans un bâton, les bidons de pinard et la gniole. Pour la nourriture, c’est toujours en salade que nous accommodons les légumes. Les repas chauds sont inconnus dans ce secteur. Heureux, quand après trois heures de marche, dans des conditions impossible à décrire, nous arrivons, saufs, avec moitié de ce que nous avons emporté. Plusieurs fois, nous trouvons bouteillons et bidons troués par des éclats. Au retour, même danger qu’à l’aller…

Le 9 mars des obus atteignent la ferme Bellevue, dans la soirée et mettent le feu au dépôt de grenades et de fusées qui se trouvait à cet endroit. Pendant plusieurs heures, vu d’un peu loin, ce fut un spectacle impressionnant. Des centaines de fusées de toutes sortes et de différentes couleurs firent un vrai feu d’artifice. La corvée de soupe dure jusqu’au 17 mars où le régiment est relevé. Pendant cette période, les Allemands ont attaqué chaque jour les différentes compagnies du régiment. Presque à chaque assaut, ils  sont repoussés avec des pertes énormes. Nos pertes sont grandes également, certaines unités descendent réduites à une vingtaine d’hommes. Et encore, sur ce nombre pas beaucoup sont indemnes. Les habits sont déchiquetés, couverts de sang. Ce sont de vrais fantômes, hébétés, meurtris. Ils n’ont plus souvenir de ce qu’ils ont vu, ont fait, et pourtant ils ont tenu et combattu sans arrêt pendant dix jours et autant de nuits. Ecrasés, asphyxiés, l’enfer de Verdun les a retourner et briser de toutes parts. Les journées les plus dures furent les 8, 9 et 10 mars où, sous un marmitage effroyable nos poilus ne bronchèrent pas et repoussèrent les assauts allemands. Leurs attaques furent brisées par la magnifique résistance des poilus du 1er bataillon dans le village et aux abords du fort de Vaux. Pendant ces trois jours, le village fut pris et repris huit fois de suite, pour finalement rester aux mains des Allemands. Nous tenions quelques maisons et la lisière est. Les Allemands ne purent en sortir. Le régiment descend prendre quelques repos à Dugny et aux environs. Nous recevons des renforts et le 1er avril nous remontons dans le même secteur. Pendant les journées passées à Dugny, presque journellement les avions allemands viennent nous jeter des bombes. Le 30 mars, une torpille tombe au milieu d’un rassemblement sur la route. Plus de cinquante personnes furent tuées par cet engin. Au repos, le spectacle paraissait plus terrible que sur le champ de bataille. Des corps déchiquetés, mêmes des civils, femmes et enfants périrent, victimes de ce bombardement aérien. Le 31 mars nous quittons ce pays et nous venons cantonner aux casernes du quartier d’Anthouard avant de continuer le lendemain sur Vaux.

Cette journée du 1er avril, je suis planton au poste de police. A chaque instant, je vais porter les notes de service dans les différentes compagnies du régiment. C’est sous un marmitage presque aussi serré qu’en ligne que mes déplacements se font. Le 1er avril au soir, le régiment est de nouveau engagé. Le 2, nos équipes montent à Vaux et à Souville. Mais moi, je reste comme agent de liaison à Verdun. Les lignes téléphoniques étant toujours coupées, c’est par coureur que se font et se transmettent les ordres. Je suis désigné pour faire le service du tunnel de Tavannes à la citadelle. Les obus à gaz lacrymogènes tombent sans arrêt dans la vallée et le long de la route, ainsi que sur le chemin de fer. On souffre, on pleure, on crache. C’est pénible la marche dans ces conditions. Le 3 avril dans l’après-midi, je suis surpris dans le quartier d’Anthouard où je venais d’aller porter des ordres, sous un bombardement terrible. Je me refugie au poste de police où une marmite éclate dans le caniveau. La fenêtre vole en éclats. A 200 m de là, sur les bords de la Meuse, un bâtiment occupé par des territoriaux a son escalier broyé par un obus. Le feu prend à l’immeuble et les hommes occupant le premier étage périssent asphyxiés ou brulés. Le bombardement est si violent que le quartier est évacué. Les différents services  occupant ce cantonnement viennent s’installer en dehors de la ville. Au café du « Clair de Lune » et ses environs, où je continue le même service avec la place, la division et la citadelle. J’y reste jusqu’au 9 avril, date où le régiment descend des lignes. Que dire de cette nouvelle période ? Ce fût encore plus terrible si on ose dire et surtout plus meurtrier. Les premiers jours d’avril furent aux dires des rescapés quelque chose d’impossible à raconter. Relevé le 9 nous passons deux jours à Dugny. Le 12 nous partons à pied pour aller embarquer à Lempire. Mais en cours de route, un contre-ordre nous fait revenir sur nos pas. Nous revenons  de nouveau à Dugny et Belleray. Les hommes acceptent sans murmurer. Allons-nous encore remettre çà ? Mais non heureusement ! Dans la soirée, nous partons à Lemmes et Lempire, embarquer en camions-automobiles, et vers minuit, nous arrivons à Bar-le-Duc. Nous descendons et allons cantonner 2 km plus loin, dans un faubourg de Bar-le-Duc appelé la Savonnière.

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                 Sous_chef_Drouot


 

Copie__2__de_sous_chef_de_musiqueIci se place une histoire dont fut « le héros », notre sous-chef de musique. C’était un très fort fumeur. En permanence une énorme bouffarde était suspendue à ses lèvres. Il était connu dans le régiment entier, mais surtout à la compagnie hors rang, à laquelle nous appartenions. Les hommes de train de combat, signaleurs, téléphonistes, éclaireurs montés et train régimentaire étaient très familiers avec lui. C’était un brave homme. Mais bien que n’étant pas de Marseille, il eut enfoncé Tartarin et rendu des points à Marius et Olive. Or, il advint que dans le camion qui nous descendait de Verdun pour aller au repos à la Savonnière, il laissa échapper sa pipe qui tomba sur la route. Impossible de s’arrêter pour la ramasser. Arrivé au cantonnement on le vit le lendemain errer à l’aventure, tout marri et l’air ennuyé. Les premiers qui l’aperçurent  sans son ornement habituel, lui demandèrent le motif de l’absente.

- Ma pipe ? leur dit-il, je l’ai laissée là-haut !!! Oui la dernière fois que je suis allé visiter mes hommes au fort de Vaux, une balle me l’a brisée en deux.

Vous pensez si l’histoire fut vite ébruitée. Peu d’instant après un signaleur, un « pince-sans-rire » lui dit :

- Je ne crois pas qu’une balle vous ai attrapé là, car il n’en sifflait pas beaucoup à cet endroit, ça ne serait pas plutôt un obus ?

- Il est bien probable, reprend-il je n’ai pas pu me rendre compte, il faisait nuit. En effet, je crois me rappeler maintenant. C’était un 77 ou un 88 autrichien. Il en tombait tellement !!

C’est le premier pas qui coûte. Il ne devait pas s’arrêter en si bon chemin. Dans la journée, les hommes qui l’entendirent raconter son aventure, s’aperçurent que le calibre de l’obus avait considérablement augmenté. Le soir, on le retrouva dans un café du cantonnement, une pipe encore plus volumineuse que la précédente, avait repris sa place habituelle. Il avait été en acheter une nouvelle à Bar-le-Duc. Il expliquait avec force gestes à la tenancière ébahie, entouré d’un cercle de poilus qui se tordaient, qu’une batterie allemande de 305 avait pris son briquet comme point de repère et pulvériser sa pipe au moment où il s’apprêtait à l’allumer. A un auditoire plus naïf il eut affirmé sans sourcilier que les 420 allemands furent construits pour lui casser ses pipes.

L’histoire devient populaire dans le régiment. Aussi, chaque fois après une halte, quand on reprenait la marche et que notre « clique » sonnait le refrain du régiment suivi de la « Casquette », les poilus fredonnaient la dernière strophe avec une variante : « As-tu vu la pipe à Monsieur Drouot ?»

 

Merci monsieur Cretin, merci monsieur Drouot pour cette belle anecdote.

14 novembre 2009

Sergent Marcel Weber (1891-1914).

                   Marcel_WEBER

 Medaille_militaire_de_Marcel_WeberLe sergent Marcel Weber est né le 24 juin 1891 à Mulhouse. Il servait dans la 9e compagnie sous les ordres du capitaine Henri Souchard.

Citation à l’ordre du régiment :

« Sous officier brave et dévoué. Tombé au champ d’honneur le 25 août 1914, à Ménil-sur-Belvitte » : Croix de guerre avec étoile de bronze.

Il obtient la médaille militaire à titre posthume le 17 février 1922. Il repose dans la Nécropole Nationale Française de Rambervillers. (Voir dans l’album-photo de la Grande-Nécropole)

Je remercie Mme D.J.L. Fargues pour m’avoir autorisé à reproduire les documents concernant Marcel Weber, ainsi que Guy Watbled.

 

 

 

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