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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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31 juillet 2009

Présentation et remerciements

presentation

 

Ce blog est dédié : aux humbles et aux anonymes qui auraient certainement préféré continuer de pousser la charrue et cultiver leurs champs pour nourrir les leurs, aux ouvriers et aux artistes qui furent dans l'impossibilité d'achever leurs œuvres, aux savants qui gardèrent leurs inventions dans un petit coin de leur tête et qui ne purent jamais les réaliser, et à tous les autres…

 

Vue de paysans au champ

 

N‘oublions pas les mères, les épouses et les maîtresses de tous ceux engagés dans la Grande Guerre de 1914-1918. Souvent, elles durent porter le lourd fardeau des drames de la « petite histoire dans la grande histoire ». Comme dans tous les autres conflits, les femmes des combattants ont souffert de cette guerre et sont restées absentes et silencieuses dans les écrits un siècle plus tard...

 

Que de destins brisés ! 

 

Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur le blog du 149e R.I..  

 

Tout a débuté par une recherche généalogique pour combler les « blancs » de l'histoire familiale. Ensuite, il y a eu la découverte d'un ancêtre qui appartenait à ce régiment.

 

Son nom, Camille Foignant, est inscrit sur le monument aux morts de la ville d’Épinal à côté de celui de son frère Marcel. Le premier de mes grands-oncles, Camille, soldat au 149e R.I., a été tué en novembre 1914 sur le front belge.

 

Le second, Marcel servait dans le 407e R.I.. Il est décédé en mai 1918 à l’hôpital d’évacuation n° 18 à Couvrelles dans l’Aisne. 

 

Si vous souhaitez en savoir plus sur l’histoire de Camille et de la famille Foignant, vous devrez cliquer une fois sur l'image suivante pour avoir accès à la page correspondante.

 

Camille Foignant (1891-1914)

 

Après avoir consulté quelques documents, j’ai eu la chance de trouver un exemplaire de l'historique de ce régiment chez un bouquiniste. Par la suite, j’ai pu lire deux ou trois ouvrages concernant de près ou de loin l’histoire du 149e R.I.. 

 

Après mûre réflexion, je n'ai pas trouvé de meilleure idée que de créer ce blog pour raviver le souvenir des Vosgiens, des Parisiens, des Berrichons, des Jurassiens et des Ardéchois qui composaient cette unité. Ces hommes constituaient le plus gros du contingent de ce régiment, de l’aube du conflit jusqu'aux terribles pertes des combats des mois de mai et de juin 1915 du côté de Notre-Dame-de-Lorette. Par la suite, le régiment perdra de son « identité régionale ». 

 

Je tiens à remercier les nombreuses personnes qui m'ont apporté leur aide précieuse avec générosité et sans compter. Particulièrement celles qui m'ont aidé à clarifier la "reconstruction " de certains passages du parcours du 149e R.I. (elles sauront se reconnaître).

 

Je remercie également toutes les familles et tous les passionnés qui m'ont communiqué sans aucune hésitation leurs documents, leurs photos ou encore les témoignages et les lettres qui ont été écrites par les anciens du régiment. Une chaleureuse poignée de main à tous les photographes qui ont eu la gentillesse de prendre sur leur temps, et qui se sont déplacés dans les différentes nécropoles et cimetières de France et de Belgique. Grâce à leur travail, l'album photo intitulé « La Grande Nécropole » continue de s'enrichir au fil du temps. 

 

Mais avant tout, il me faut citer le Service Historique de la Défense qui se trouve à  Vincennes, sans qui ce petit travail de mémoire n’aurait jamais pu voir le jour. Il est très important de rappeler que ce dernier a eu la riche idée de rendre accessibles les journaux de marches et des opérations sur Internet. Cela donne maintenant la possibilité à tous d’accéder en quelques secondes à ces précieux documents, pour tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin à cette période de l'histoire. Il faut savoir que les J.M.O. sont de véritables sésames pour comprendre les différents mouvements de troupes, les dates des combats, les périodes de repos et bien d'autres choses encore. C'est une source impressionnante d'informations. 

 

Hélas, le J.M.O. « fantôme » du 149e R.I. a disparu depuis fort longtemps. A-t'il été détruit durant la guerre ? A t'il été considéré comme « prise de guerre » lors d'une attaque allemande ? A-t'il été « emprunté » et jamais restitué après-guerre ? Cela restera, certainement encore longtemps, une énigme. Seule subsiste la période d'août 1914, ce qui reste bien « maigre » pour comprendre le parcours du régiment tout au long du conflit. Quant au J.M.O. de la  85e brigade, il reste peu généreux en détails précis.  

 

Comment utiliser au mieux ce blog ?

 

Colonne de gauche :

 

La rubrique « articles récents » offre la possibilité de découvrir les derniers textes publiés

 

De nombreux thèmes divers et variés sont regroupés sous l’étiquette « Catégories principales». À titre d’exemples, vous pouvez facilement retrouver les documents envoyés par les familles des descendants de soldats du 149e R.I.. Il y a également un chapitre intitulé « parcelles de vie » qui aborde les destins individuels des officiers, sous-officiers et hommes de troupe et bien d’autres choses encore. 

 

En dessous, vous trouverez une galerie d'images qui contient les albums-photos du régiment pour les années 1902, 1905, 1908, 1909 et 1911. Quelques portraits de soldats et d'officiers, ainsi que des cartes postales antérieures à la guerre y sont également visibles. Les sépultures de nombreux hommes du 149e R.I. peuvent se voir dans les albums qui s'intitulent « La Grande Nécropole du 149e R.I. ».

 

La chronique « Archives » se trouve juste après cette série d’albums-photos, celle-ci possède un classement chronologique des articles, lisibles par mois de parution.

 

Colonne de droite :

 

Vous pouvez consulter d’autres blogs et sites « amis » qui sont consacrés au 149e R.I., à d'autres régiments et à la Grande Guerre.

 

À la suite de cette série de liens vous pouvez directement accéder aux tableaux des pertes du régiment et au tableau récapitulatif des sépultures qui se trouvent dans l’ensemble des albums « La Grande Nécropole du 149e R.I. ».

 

La fonction « tag » est très pratique. Elle permet de rassembler l'ensemble des sujets en fonction des lieux et des années. Il suffit, par exemple de cliquer sur le lien « Artois juin 1915 » pour que vous puissiez lire tout ce qui touche à cette période dans ce secteur.

 

Colonne centrale :

 

On y trouve les articles publiés sur ce blog. Elle se nourrit, au fil des semaines, de  nouveaux textes, photos et documents qui y sont déposés régulièrement. 

 

Avec mes plus vifs remerciements aux personnes et aux associations suivantes, pour leurs aides et leurs contributions. Elles ont permis la construction de ce blog  pour que l’histoire, le souvenir et la mémoire des hommes du 149e R.I. dans la tourmente de la Grande Guerre ne sombrent pas trop vite dans l’oubli.  

 

Mesdames : M.C. Allognet,  M. Alzingre, S. Augier, N. Bauer, M. Bordes, V. Bourdon, J. Breugnot, S. Carluer, N. Cornet, D. Fargues, E. Gambart, C. Lacoste, A.M. Lalau, C. Leclair,  A. Malfoy, S. et O. Martel, A.C. Mazingue-Desailly, A. Mercenat, C. Miolane, R. Mioque, C. Paulhan, F. Tabellion, F. Thomas et M. Yassai.  

     

Le service historique de La Défense de Vincennes (S.H.D.), l'association « Bretagne 14-18 », le site « pages 14-18 » et le collectif « Artois 1914-1915 ». Les directions interdépartementales des anciens combattants de Bordeaux, de Limoges, de Metz, de Montpellier, de Strasbourg et de Rouen. L'établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (E.C.P.A.D.), les archives médicales hospitalières des armées de Limoges, google earth, les archives départementales des Vosges, les archives municipales d'Épinal, le conseil départemental de la Haute-Marne, les mairies de Belfort, de Béziers, d'Épinal et de Saint-Nabord. 

 

Messieurs : S. Agosto, F. Amélineau, J.C. Balla, J. Baptiste, F. Barbe, P. Baude, F. Besch, P. Blateyron, J.M. Bolmont, L. Bonnafou, M. Brisset, D. Browarski, A. Carobbi, P. Casanova, A. Cesarini, J.N. Chapron, J. Charraud, A. Chaupin, T. de Chomereau, M. Clément, G. Coffinet, P. Cordonnier, T. Cornet, J.N. Deprez, C. Didierjean, J.L. Gothland, J.F. Durand, R. Duruelle,  M. Embry, B. Étévé, B. Faure, M. Faure, A. Fresquet, C. Fombaron, J. Foussereau, N. Galichet, J ; Galichon, O. Gerardin, J.L. Gerber, R. Gillot, D. Gothié, D. Guénaff, G. Guéry, M. Guignard, I. Holgado, E. Huguenin, J. Huret, J.M. Karpp, G. Lalau, P. Larbiou, J.M Lassagues, J.M. Laurent, V. Le Calvez, M. Lepage, P. Lescallier, G. Leroux, P. Lochet, M. Lozano, É. Mansuy, Y. Marain, R. Menvielle, G. Monne,  R. Neff, G. Noël, A. Orrière, J.F Passarella, A. de Parseval, F. Pech, H. Perocheau,  F. Petrazoller, B. Pierre, J.F. Pierron, H. Plote, J.L. Poisot, M. Porcher, P. Pruniaux, F. Radet, R. Richard, L. Rico, J. Riotte, S. et D. Robit, F. Sayer, O. Sautot, E. Schaffner, E. Surig, C. Terrasson, T. Vallé, M. Vassal, B. Verger, A. Vigne et G. Watbled. 

 

La famille Aupetit et la famille Destour.

 

Cette liste s'agrandira au fur et à mesure des découvertes futures. 

 

Une question, une précision, des documents sur le 149e R.I. ? N’hésitez pas à me contacter à l’aide de ce lien/adresse. Pour m'envoyer un message, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

 

149e R

 

Ce blog est mis à jour toutes les semaines. Vous pouvez vous inscrire à la Newsletter afin d’être tenu au courant des publications.

 

Denis Delavois                                                                                                                                 

17 janvier 2025

René Marie Eugène Lecoanet (1898-1917)

 

René Marie Eugène Lecoanet est né le 19 octobre 1898 à Chambéry, dans la maison familiale située avenue de Joppet, en Savoie. Son père, Henri Léon, âgé de 33 ans, est lieutenant au 13e B.C.P. depuis le 15 juillet 1891. Sa mère, Eugénie Louise Corcellet, âgée de 26 ans, se consacre entièrement à la gestion du foyer.

 

René est le premier enfant du couple. En 1900, une fille, Marguerite Marie Clotilde, vient agrandir la famille. La naissance de Marguerite apporte une joie immense à la famille, mais la vie de René est bientôt marquée par une tragédie. À l'âge de 6 ans, il perd sa mère. Son père se remarie le 19 octobre 1907 avec Agnès Madeleine Léonie Pavy. De cette nouvelle union naîtront deux filles et un garçon.

 

La fiche matricule de René Lecoanet ne précise pas son niveau d'instruction, mentionnant uniquement qu'il est étudiant. Heureusement, le livre d'or du lycée de Chambéry fournit quelques détails sur son parcours scolaire. Il y est indiqué qu'il a quitté l'établissement en 1914, alors qu'il est en classe de 1ère D, pour intégrer le Prytanée militaire de La Flèche, où il poursuit ses études de novembre 1914 à avril 1916.

 

 

Soldat de la classe 1918, René Lecoanet, qui n’a pas encore fêté ses 18 ans, devance l'appel en signant le 3 avril 1916, à la mairie d’Épinal, un engagement volontaire pour la durée de la guerre. Dès le lendemain, il rejoint le dépôt du 149e R.I. à la caserne Courcy. Grâce à cet engagement volontaire, il peut rapidement suivre la formation de caporal puis est nommé à ce grade le 15 décembre 1916. Le 20 septembre, il effectue un stage à l'école de Saint-Cyr. Malgré son jeune âge, René Lecoanet est promu sergent le 25 janvier 1917, puis aspirant le 15 février de la même année.

 

Son parcours de soldat est difficile à reconstituer à partir des informations disponibles dans les différents documents consultés. Seule la date de son arrivée dans la zone des armées est connue : le 30 janvier 1917, il intègre le 149e R.I. combattant. Le numéro de compagnie qu’il rejoint reste inconnu. En juin 1917, il est responsable des canons de 37 mm du régiment, ce qui le rattache à la C.H.R..

 

Le 23 juin 1917, dans le secteur d’Aizy-Jouy dans l’Aisne, il est grièvement blessé dans la région lombaire et à la fesse gauche par un éclat d’obus ; René Lecoanet décède des suites de ses blessures le lendemain à l’ambulance 237 E.M.S. Il est, dans un premier temps, inhumé au cimetière de Soissons, dans une tombe portant le numéro E 542. L’aspirant Lecoanet n’a pas pris part à des combats significatifs durant les quelques mois qu’il a passés au sein d’une unité combattante.

 

Le nom de ce sous-officier est inscrit sur la tombe familiale située dans le cimetière de « Charrière Neuve » à Chambéry. Le site « MémorialGenWeb » mentionne également une sépulture individuelle dans le carré militaire du cimetière communal de Soissons, Carré E, tombe n° 572.

 

 

Son nom est gravé sur les plaques commémoratives 1914-1918 du lycée Vaugelas et de la cathédrale de Chambéry.

 

René Lecoanet ne s’est pas marié et n'a pas eu de descendance. Son père prend le commandement du 149e R.I. le  25 février 1919.

 

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre avec une palme

 

Citation à l’ordre de la VIe  l’armée n° 489 en date du 29 juin 1917.

 

« Jeune aspirant courageux et plein d’allant. Frappé mortellement à son poste de combat. Blessé le 23 juin 1917, plaie pénétrante région lombaire et fesse gauche par éclat d’obus. »

 

René Lecoanet a reçu la Médaille militaire à titre posthume (J.O. du 19 décembre 1919).

 

« Jeune aspirant courageux et plein d’allant. Frappé mortellement à son poste de combat, le 23 juin 1917. A été cité. »

 

La généalogie de la famille Lecoanet est consultable sur le site « Généanet ». Pour y accéder, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Sources :

 

La Fiche matricule de l’aspirant Lecoanet et les registres d’état civil de la ville de Chambéry ont été consultés sur le site des archives départementales de la Savoie.

 

Livre d’or du lycée de Chambéry édité par l’association des anciens élèves du lycée de Chambéry. 1927.

 

La photographie de la sépulture de la famille Lecoanet a été trouvée sur le site « Généanet ».

 

Le portrait de René Lecoanet provient du livre d’or du lycée de Chambéry.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et aux archives départementales de la Savoie.

10 janvier 2025

Du 16 au 21 juillet 1918, l’aumônier Henry témoigne…

 

L'offensive allemande du 15 juillet a échoué. Dans le secteur de la 43e D.I. plusieurs canons de 75 du 12e  R.A.C. ont été détruits ou sabotés par leurs servants, mais l'ennemi n'a pas atteint ses objectifs. Le système de défense français s’est avéré très efficace. Le lendemain de l’attaque, l'aumônier Henry, rompu aux situations extrêmes, parcourt les tranchées au plus près de la ligne de front. Bien que le secteur tenu par le 149e R.I. ne soit plus convoité par l’état-major allemand, il reste particulièrement exposé aux tirs d’artillerie et aux nombreuses attaques et contre-attaques partielles, en particulier dans le secteur de la tranchée d’York et du boyau Duchet. L’aumônier Henry évoque dans ses carnets l’attaque du 18 juillet menée par la 5e compagnie, sous les ordres du capitaine Grenet.

 

Témoignage de l’aumônier Henry 

 

16 juillet 1918

 

Camp Hamon. Pas de messe.
 

La nuit  a été calme, les Boches n’ont pas « remis ça ». C’est la confirmation des renseignements fournis par tous les rescapés qui ont traversé la plaine après l’avance boche. Les pertes ennemies ont été lourdes ; notre artillerie a fait des ravages dans leurs rangs.


Ce matin Coche a été mandé à la division ; il a reçu la croix de la Légion d’honneur. Voilà une croix bien placée.


Rien de particulier dans la matinée sinon le grondement du canon, tantôt à droite, tantôt à gauche, mais très, très loin.

 

On commence à avoir des nouvelles d’ensemble. Les Boches ont attaqué de Château-Thierry à Massiges. L’armée Gouraud les a arrêtés partout, ils n’ont pu avancer nulle part. L’armée Buat et l’armée Degoutte ont résisté moins efficacement, ayant cédé quelque peu de terrain, soit sur un point, soit sur un autre, mais l’avance boche est insignifiante si on envisage le prix dont elle l’a payée.

 

Le point où il a eu un commencement de succès est notre extrême gauche ; il a réussi à passer la Marne et à creuser sur la rive gauche, une poche de 6 km de profondeur.

 

Mais la bataille continue là-bas et les Américains qui ont d’abord fléchi, n’ont pas dit leur dernier mot.


Soirée. Visite de Flammarion. Il complète les renseignements que j’ai déjà et les précise. Oui, il y eut un moment d’alerte vive, hier. Entre le 158 et les chasseurs, il y eut un instant un trou d’une centaine de mètres environ. Plus de liaison entre eux. Les Boches se précipitent dans la trouée, ils sont à Perthes. En deux bonds, ils sont sur les pièces du 12e R.A.C. à 400 m au sud. Des six pièces qui étaient en batterie, trois ont été démolies par le feu ennemi. Les artilleurs en se retirant font sauter les autres. À 400 m plus loin, la 7e batterie continue de tirer à bout portant ; le lieutenant qui commande a reçu l’ordre de faire sauter ses pièces et de se retirer. Il se contente de bien surveiller, de se tenir prêt à exécuter l’ordre et il tire de plus belle !

 

Les Boches ont occupé les pièces pendant deux heures. On s’est ressaisi ; les contre-attaques les obligent à reculer jusqu’à Perthes, puis même à lâcher Perthes où ils laissent vingt prisonniers. En arrivant à la batterie, les Boches trouvent un margis (maréchal des logis), qui se voyant pris, fait camarade ; pour toute réponse, l’officier boche lui envoie un coup de revolver en pleine poitrine et passe outre ; deux heures après, ses camarades le retrouvaient blessé, mais toujours vivant. Voilà un fait vécu.

 

La 43e D.I. a arrêté l’ennemi sur le P.O. (poste organisé) comme elle en avait l’ordre. L’ennemi néanmoins a mordu de-ci de-là sur cette position intermédiaire en prenant quelques G.C. (Groupes de combat). Il importe de le déloger de ces quelques points de contact avancés dans notre ligne. Des chasseurs ont déjà gagné du terrain. Chaque unité travaillera dans ce sens. Le 149e R.I. découvert sur sa droite par le recul des chasseurs est obligé d’attendre que ceux-ci se soient remis à sa hauteur. Ce soir arrivent cinq blessés du 53e B.C.P. par torpillettes. C’est la lutte qui commence pour le nettoyage des G.C.. »

 

17 juillet 1918

 

« Sur tout le front de l’armée Gouraud, l’offensive boche a été arrêtée net. C’est le triomphe du système Gouraud. Les contre-attaques partielles pour la reprise des G.C. continuent ; chasseurs et fantassins rivalisent d’ardeur. On commence à se sentir ici plus en sécurité. Les Boches n’ayant rien obtenu sur notre front, ne tenteront rien de plus ici ; ils chercheront sans doute à exploiter leur léger succès sur la rive gauche de la Marne.

 

On annonce que deux G.C. ont été repris. Nous avons toujours pied sur la tranchée de Hambourg. Mais les Boches tiennent un G.C. à l’intersection de celle-ci et du boyau du Rhône ; ils tiennent encore la tranchée York et toute la lisière du bois, où celle-ci rejoint la tranchée de Hambourg. Il paraît qu’il y a pas mal de cadavres allemands dans la tranchée de Hambourg, où ils auraient été fauchés par une de nos mitrailleuses ; on parle de 200 cadavres alignés en rangées. C’est peut-être exagéré ; mais il y en a ; nos poilus les ont vus ; ils sont encouragés de voir que leurs efforts n’ont pas été vains.

 

Nous faisons popote avec le 3e bataillon, capitaine Fontaine, Prenez, Nold, Lemoine, Pourchet, Coche. »

 

18 juillet 1918

 

« J’apprends avec peine qu’il y a eu de la casse au G.B.D. ; Somme-Suippes a eu sa part de marmitage, il y aurait des tués et des blessés au G.B.D..

 

Violente canonnade ce matin dès 3 h 00 et qui se poursuit toute la matinée sur notre front. C’est nous qui continuons de refouler le Boche de ses derniers points d’appui sur notre P.O. L’objectif assigné au 149e R.I. à la 5e Cie est la reprise des tranchées Hambourg et York jusqu’au boyau Duchet. Les chasseurs du 31e feront effort de leur côté pour établir une ligne continue jusqu’au bois de la Pie. »

 

 

Dans l’après-midi, l’abbé Henry visite les secteurs en prenant le boyau du Rhône.

 

« Le boyau est à moitié comblé ; on est à peine dissimulé et les Boches sont sur la pente en face, observant et ne laissant impunie aucune imprudence. Il faut marcher, que dis-je ?, courir presque à quatre pattes. Voilà une gymnastique qui n’est pas faite pour moi. Me voici à l’extrême limite de notre ligne actuelle, au fameux G.C. Hambourg Rhône. Les Boches n’y sont plus ; ils en ont été chassés tout à l’heure, à midi ; ils ont été chassés également, à midi, du boyau de l’Elbe. »

 

L’aumônier Henry emprunte ensuite la tranchée de Hambourg qui n’assure pas la protection des soldats car elle est dominée par les hauteurs (Elberfeld et prolongement)

 

« Cette tranchée de Hambourg ne me dit rien de bon. Trop de coups de fusil en face. Beaucoup de terre remuée ; mais pas un bon boyau. Il y a des solutions de continuité, il faut passer à découvert ; ici, un chasseur a été tué tout à l’heure en exécutant cette manœuvre ; son cadavre est encore là.

 

Ses camarades me préviennent quand je suis déjà au-delà de l’obstacle. Ce sont ici encore des chasseurs. On s’est battu ici ce matin ; quelques cadavres et français et boches. Voici un sergent de chez nous Carrère Rémi, qui a été tué par un boche d’un coup de poignard dans le dos, son cadavre est encore là.

 

Enfin voici quelques soldats du 149… puis plus loin, c’est à nouveau des chasseurs. Me revoici sur le plateau, sur la pente sud. Toujours pas de 149e R.I.. Je cherche, je vais, viens. C’est en dehors du bois, sur le boyau de l’Elbe sur le chemin de retour du camp Hamon que je finis par retrouver le capitaine Grenet et à côté de lui M. Pierrot.

 

Le capitaine Grenet est fier de ses hommes, il y a de quoi. Il est en admiration devant son lieutenant Vincent dont le coup d’œil et le sang-froid ont été remarquables et qui a sauvé la situation aux instants critiques. Il commandait les G.C. en bordure du bois. Le plus avancé ayant été pris par les Boches plus vite qu’il n’aurait fallu. Dès le début, Vincent les eut tout devant lui avec facilité pour les Boches de se renforcer par la tranchée York.

 

Bientôt, il eut un autre sujet d’inquiétude : un tank s’avançait sur son flanc, suivi d’une compagnie ennemie. Que faire contre un tank ? Rien. De sa mitrailleuse, il tirait sur le personnel suivant. Le tank piqua droit sur la mitrailleuse qui n’eut plus qu’à fuir ; le G.C. fut évacué ; ce que voyant, l’assaillant continua sa marche plus en avant voulant sans doute prendre par derrière tout le système de défense. L’instant était critique, décisif. Si le tank avait réussi sa manœuvre, c’était toute la P.I. menacée.

 

Déjà les Boches tenaient plusieurs G.C. Heureusement, un des canons contre tank apercevant un nuage de poussière et de fumée qui avançait, devina plutôt qu’il ne vit le tank ; il le vise et le touche d’un obus en plein fouet, le monstre prend feu et n’est bientôt plus qu’un immense brasier… ici finit sa carrière ! Ce dont donc nous ne saurons trop remercier la Providence.

 

Un peu désemparée la compagnie d’accompagnement se jette dans le G.C. voisin. Mais cette fois la lutte est possible, Genevois et ses hommes reçoivent ordre de reprendre ce G.C. et, bon gré, mal gré, ils le reprennent. Les Boches se replient par le boyau de l’Elbe, non sans être décimés au passage par la mitrailleuse de Vincent. Genevois leur avait fait une douzaine de prisonniers.

 

Pour en apprendre d'avantage sur le sous-lieutenant Vincent, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

 

 

La carcasse du tank est là avec ses occupants carbonisés. Et déjà c’est un lieu de pèlerinage. Juste à ce moment, Duval, Robinet, Saintot et l’adjudant Alexandre en font la visite et recueillent des épaves souvenirs, mitrailleuses, douilles d’obus, etc.… Il paraît que sur le front de la division, il y a ainsi quatre monstres échoués à jamais.

 

N’importe ! Le danger a été réel et je suis de l’avis de ce poilu qui demandait la médaille militaire pour le pointeur qui a tiré ce coup de maître.

 

… Retour par le boyau de l’Elbe. Visite en passant au capitaine Escoffié. »

 

19 juillet 1918

 

« Dès le matin, forte canonnade à gauche ; renseignements pris, c’est le 21e qui attaque pour nettoyer le fond du vallon ; le 149e R.I. avance aussi quelque peu. Par une fatale méprise le 21e R.I. envoie quelques V.B. sur les nôtres et nous causent quelques pertes.

 

Après déjeuner, je vais faire un tour au camp A où se trouvent Bey et Martin ; ce sont eux qui m’ont donné les noms des victimes du bombardement. Cette nuit, tout le 149e R.I. est en ligne. Les chasseurs sont ramenés à l’arrière pour être embarqués sans doute. »

 

20 juillet 1918

 

« 8 heures 30. Visite du colonel. Rien de nouveau.

 

Soirée. Je rends visite au P.C. de la Grande Clairière. Vu le commandant Hassler, capitaine Pougny. Chaleur étouffante. On retrouve la tête de ce pauvre Andlauer sous les plâtras de l’abri effondré. »

 

21 juillet 1918

 

« Soirée. Je passe au P.C. Hassler prendre Bonnefous et nous allons visiter le fameux tank démoli. Cela vaut la visite. Au volant, le conducteur est resté carbonisé. C’est un tank gros modèle ; on dit même que c’est un tank anglais.

 

 

Vu le capitaine Grenet en passant. Retour par le boyau du Rhône.

 

20 h 00. Forte canonnade sur notre secteur. Demande d’artillerie de la tranchée York. Qu’est-ce qui se passe ? Il se passe – on ne tarde pas à l’apprendre – que les Boches viennent d’enlever le G.C. York-Duchet. En cinq minutes cela était fait. Tir d’encagement avec obus de toute nature et de tous calibres jusqu’au 210 inclus. En un clin d’œil, les nôtres sont entourés, tués, blessés ou prisonniers. Le G.C. des chasseurs à droite est enlevé de la même façon. J’ai passé une partie de la nuit au poste de secours à attendre les blessés… et les nouvelles. Il y a 3 tués, 17 blessés, 6 disparus. Voilà un G.C. qui est perdu pour la 3e fois ; c’est un mauvais coin ! Est-ce que nous allons revoir ici ce détestable jeu que nous avons connu à Lorette et qui a rendu si célèbres certaines sapes. Au nombre des disparus se trouve le caporal Pion de la 10e compagnie qui venait d’être décoré de la médaille militaire pour s’être sauvé des Boches avec ses hommes, le matin de la grosse attaque. C’est vraiment de la déveine. »

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry et la page extraite de ses carnets proviennent de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

La photographie représentant l’aumônier Henry réalisé par le médecin sous-aide-major Raymond Bonnefous est la propriété de N. Bauer.

 

La carte des sous-secteurs occupés par la 43e D.I. est extraite du J.M.O. de la 6e D.I.. . Ref : 26 N 274/9.

 

 Un grand merci à N. Bauer, à M. Bordes, à A. Carobbi et à J.L. Poisot. 

3 janvier 2025

Georges Amand Fidèle Aimé Constant Martin (1896-1918)

 

Georges Amand Fidèle Aimé Constant Martin est né le 22 octobre 1896 à Lille, dans la maison familiale située au 42 rue du Bourdeau.

 

Son père, Émile Joseph Martin, âgé de 34 ans, est tailleur de vêtements. Sa mère, Élise Bergot, âgée de 29 ans, n'exerce pas de profession.

 

Georges, élevé au sein d'une grande famille catholique, est le cinquième enfant d'une fratrie composée de trois filles et huit garçons. Malheureusement, l'un de ses frères est décédé à l'âge de trois ans et un autre à l’âge de quatorze ans.

 

Son statut d'étudiant et son degré d'instruction supérieur de niveau 3 ne sont pas mentionnés sur sa fiche matricule ni dans son dossier individuel conservé au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

 

Une courte biographie de cet homme figure dans le Livre d'or de l'Institut Catholique d'Arts et Métiers de Lille. Elle souligne qu'il a achevé ses études au cours préparatoire de l'I.C.A.M., une étape cruciale pour les étudiants aspirant à intégrer cette école pour poursuivre des études d'ingénierie. Durant son passage dans cet établissement, il se fait remarquer par sa grande piété et sa personnalité exubérante. Ses facéties lui ont parfois valu des problèmes avec l’autorité durant ses années d'étude.

 

En août 1914, l'Allemagne déclare la guerre à la France. La ville de Lille est occupée par les forces allemandes en octobre. Cette occupation a été précédée d'un intense bombardement d'artillerie qui a endommagé plusieurs quartiers centraux. La rue du Boudreau a été particulièrement touchée. Suite à cela, une partie de la famille Martin a dû quitter Lille.

 

Georges Martin prend les devants en anticipant l'appel de sa classe. Le 13 février 1915, il se présente à la mairie de Caen pour s'engager volontairement pour trois ans. Trois jours après, il intègre le dépôt du 129e R.I., une unité casernée au Havre.

 

 

Grâce à son niveau d'études, il est promu directement au grade d'aspirant, sans gravir les échelons inférieurs, une distinction notable qu'il reçoit le 1er septembre 1915. Toutefois, ni sa fiche matricule ni son dossier d'officier ne fournissent de détails sur la formation qu'il a suivie pour obtenir ce grade.

 

Le 7 septembre 1915, Georges Martin est affecté au 39e R.I. en vertu d'une décision ministérielle et rejoint son nouveau poste le 1er octobre. Une directive du Grand Quartier Général, en date du 3 décembre 1915, le fait transférer dès le jour suivant au 149e R.I., une unité frontalière vosgienne.

 

Un rapport du 149e R.I. datant de juin 1918 concerne une demande de promotion au grade de sous-lieutenant de l'aspirant Martin ; ce rapport précise qu'il a servi dans une unité combattante pendant deux ans et trois mois. Cela suggère qu'il a intégré le régiment actif lors de la bataille de Verdun en mars 1916. Comme il n'a jamais été blessé, il est très probable qu'il ait pris part à la bataille de la Somme durant l’automne 1916.

 

Une citation à l'ordre de la division, présente dans le livre d'or de l'Institut Catholique d'Arts et Métiers de Lille, atteste de sa participation à la bataille de la Malmaison. Cette citation ne figure pas dans son dossier individuel, ni sur sa fiche matricule.

 

Son frère Albert, sergent au 30e R.I., est tué le 23 octobre 1917. Aussitôt informé de cette triste nouvelle, l’aspirant Martin écrit ces quelques mots à sa mère :

 

« Tu as appris cette mort avec grand courage. Comme j’aurais voulu être près de toi. Ne le pleure pas trop, maman, c’était un héros, c’est maintenant un saint qui veille sur nous. »

 

Un passage d'une autre lettre, non datée, publié dans le Livre d'or de l'Institut Catholique d'Arts et Métiers de Lille, révèle l'état d'esprit dans lequel il se trouve avant d'affronter les combats. Il est à noter que les extraits des lettres choisis reflètent tous un discours orienté vers la foi chrétienne :

 

« Au moment d’aller à l’attaque, on ne pense pas à soi. On ne voit que le devoir à accomplir. On se recueille quelques instants pour faire face à Dieu le sacrifice de sa vie, et on s’élance en avant.

 

Je viens de monter en ligne, et, mon Dieu, on acquiert des mérites pour le ciel…

 

Je vais bien, j’ai confiance en Dieu et je compte sur toutes les bonnes prières qu’on fait pour moi…

 

Nous allons attaquer. Je pars content, avec la divine providence comme soutien et la Sainte-Vierge  qui me protégera encore comme elle l’a déjà fait visiblement jusqu’ici…

 

J’offre tous les jours au bon Dieu les actes de ma journée, mais combien de souffrances qui étaient méritoires dans le début ne le sont plus maintenant pour moi, ne me faisant plus souffrir… Il faut pour en avoir du mérite, de grandes occasions comme ce froid intense, ces marches fatigantes, ces attaques terribles. Toutes les autres petites misères, si pénibles au début, ne sont plus que des babioles qui nous manqueraient presque, si nous ne les avions plus ; elles font partie inhérente de notre vie… »

 

À la fin de décembre 1916, le 149e R.I. est mis au repos. Il entreprend une formation intensive en vue de la reprise de la guerre de mouvement après de longs mois passés dans la Somme. La moitié des trois bataillons du régiment est stationnée au camp de Villersexel, tandis que l'autre moitié est en seconde ligne dans le secteur de Seppois-Largitzen en Haute-Alsace. C'est dans cette région que l’aspirant Martin trouve l'inspiration pour une lettre adressée à sa marraine de guerre, qui semble avoir été rédigée durant cette période. Cependant, le livre d'or de l'Institut Catholique d'Arts et Métiers de Lille indique décembre 1917, ce qui pourrait être une erreur.

 

« La nuit venait de tomber faisant plus noirs encore les hauts sapins, mais sous le reflet de la lune, la route blanche et la vallée couverte de neige étincelaient. Notre colonel s’était porté en terre reconquise près du poteau allemand, face au poteau français. Sur la route, de l’autre côté de la frontière, le régiment massé attendait en silence.

 

Chacun, à cette minute inoubliable, regardait devant lui cette terre pour laquelle, depuis trois ans, on endurait mille souffrances et on bravait la mort. Et là-bas, au-delà de la ligne des collines, n’était-ce pas encore la mort qui nous attendait, et n’était-ce pas, pour beaucoup, le dernier adieu de la terre de France que nous jetait le regard des étoiles glacées ?

 

Chacun, seul avec sa pensée inquiète, se souvenait des êtres chers qui restaient de l’autre côté de la ligne des poteaux tricolores, et que peut-être, il ne refranchirait pas : «  Mort en Alsace pour la libération de sa patrie. »

 

Le froid méchant mordait les mains, crispait les fusils et figeait les yeux fixement agrandis, la fatigue faisait les membres lâches.

 

Mais soudain dans le silence un ordre a retenti ; la musique du régiment, rangée près des grands arbres sveltes et des rochers sombres, attaque la marche d’Alsace-Lorraine

 

Ce fut tout à coup, comme si une soudaine tempête bienfaisante était passée sur le régiment. On ne sentait plus le froid, la fatigue. Les muscles tendus, dressés dans un fantastique sursaut d’enthousiasme, nos hommes s’étaient ressaisis. Les pensées sombres d’abandon et de détresse s’étaient envolées, chassées par la musique glorieuse, et près du colonel, les yeux remplis de larmes, nous apercevons le drapeau du régiment déployé. Au pas, baïonnette au canon, le régiment prend possession de la terre reconquise. »

 

À la fin de mai 1918, le 149e R.I., avec d'autres unités de la 43e D.I., est envoyé en urgence à Arcy-Sainte-Restitue, dans l'Aisne, pour contrer une importante offensive allemande. Il n'est pas certain que l’aspirant Martin ait pris part à ces combats, car le rapport mentionné précédemment concernant sa promotion au grade de sous-lieutenant fait référence au C.I.D. 43 durant cette période.

 

Le 20 juin 1918, le lieutenant-colonel Vivier, chef de corps du régiment, évalue son subordonné de la manière suivante :

 

« Belle tenue, bonne éducation, bonne instruction générale, très bonne instruction militaire, belle attitude au feu, à nommer sous-lieutenant. »

 

Georges Martin est promu sous-lieutenant de réserve à titre temporaire le 20 juin 1918. Le 15 juillet 1918, son régiment est à nouveau engagé dans les combats, cette fois en Champagne, près du trou Bricot, au nord-ouest de Perthes-lès-Hurlus. Dirigeant une section de la 3e compagnie sous les ordres du lieutenant Bihr, le sous-lieutenant Martin fait face à une attaque allemande féroce, qui est finalement repoussée.

 

Le 26 juillet, le 1er bataillon du 149e R.I., sous le commandement du commandant Hassler, mène une offensive après un violent bombardement d'artillerie. Les objectifs sont atteints sans délai. Cependant, pendant l'attaque, le sous-lieutenant Martin est mortellement touché par une balle en plein cœur. Sa récente promotion n'aura duré que peu de temps.

 

Pour en savoir davantage sur les évènements qui ont eu lieu le 26 juillet 1918 et les jours précédents cette date,  il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

Les détails entourant la mort du sous-lieutenant Martin sont mentionnés dans les carnets de l'aumônier Henry.

 

« Vu dans la soirée Le Bris, Chaudron qui sont mes voisins. Bihr, Lévêque, David. Tous sont fatigués, mais enchantés de la bonne besogne qu’ils ont faite. Les petits gars de la classe 18 se sont vite mis au niveau des anciens ; ils furent très braves ; rien de tel que le succès pour remonter le moral. Il y eut quelques accidents. Tel, voyant un Boche, ne songe qu’à lui courir sus, en oublie la grenade qu’il vient d’amorcer ; celle-ci lui éclate dans la main et le tue. Tel, ce pauvre Martin, frappé d’une balle en plein cœur, alors qu’il venait d’amorcer une grenade tombe, la grenade éclate et blesse les voisins. »

 

Le sous-lieutenant Martin est initialement inhumé dans le cimetière de Somme-Suippe, dans une sépulture marquée du numéro 1793. Il repose désormais dans la nécropole nationale de Somme-Suippe, où sa tombe porte le numéro 1720.

 

 

Le 11 septembre 1918, André Martin, frère du défunt, manifeste son insatisfaction quant au manque d'informations officielles concernant le décès du sous-lieutenant Martin dans une lettre adressée au ministère de la Guerre :

 

«  Monsieur,

 

Veuillez excuser la liberté que je prends de vous écrire. Je vous serai bien reconnaissant d’avertir officiellement le maire de Pont-de-Gennes, par Montfort, du décès du sous-lieutenant Georges Martin du 149e R.I., classe 1916, Lille, tué au champ d’honneur le 26 juillet 1918.

 

Notre famille est déjà avertie officieusement de ce nouveau deuil qui nous frappe pendant cette guerre. Si je vous fais cette demande, c’est afin que ma mère résidant actuellement à Pont-de-Gennes comme réfugiée de Lille puisse réclamer au service des successions du Ministère de la Guerre, l’argent, les effets et objets personnels qu’a laissé mon frère et que Monsieur l’officier de détails du régiment a versés à la caisse des dépôts et consignations je crois, et aux soins de Monsieur l’officier de l’état civil du secteur 116, secteur du régiment.

 

La mort de mon frère m’a été apprise par un ami commun qui l’a vu tomber. Naturellement, j’ai voulu de plus amples renseignements, mais Monsieur l’officier de détails est obligé de se taire tant que le Ministère de la Guerre n’aura pas averti officiellement ma mère par le soin de la Mairie de sa commune actuelle.

 

Je vous prie de prendre en considération ma demande pour que cet avis officiel soit donné rapidement.

 

J’écris en même temps à mon député, Monsieur Groussau,  pour lui exposer mon cas de militaire ayant eu deux frères tués à l’ennemi et lui exposer notre situation actuelle et l’incurie  des services compétents. Mon frère à été tué le 26 juillet et le 17 septembre nous ne savons officiellement rien du tout.

 

Veuillez croire à ma reconnaissance et à l’assurance de mes respects.

 

André Martin 201e R.I. Hôpital auxiliaire n° 262. 9, boulevard J. Ferry, Paris. »

 

Georges Martin est décédé peu avant son vingt-deuxième anniversaire, sans s’être marié et sans avoir eu d'enfants.

 

La ville de Lille n'a pas de monument aux morts, mais un monument dédié à la Paix, où les noms des morts pour la France ne figurent pas. Une plaque commémorative portant le nom du sous-lieutenant Martin se trouve à l'Institut Catholique d'Arts et Métiers de Lille.

 

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre avec une palme, une étoile d’argent et une étoile de bronze

 

Citation à l’ordre du régiment n° 257 en date du 26 septembre 1916.

 

« Sous-officier énergique et courageux, s’est fait remarquer par son calme dans la conduite de sa section à l’attaque des positions ennemies le 4 septembre 1916. »

 

Citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 347 en date du 19 août 1918.

 

« Véritable entraîneur d’hommes, type accompli du combattant, a donné une fois de plus la mesure de sa bravoure en entraînant le 26 juillet 1918 sa section à l’attaque des tranchées ennemies. Est tombé mortellement frappé à la tête de sa section au cours de la progression.»

 

Le livre d'or de l'Institut Catholique d'Arts et Métiers de Lille fait état d'une citation à l'ordre de la 43e D.I., qui n'apparaît pas dans son dossier individuel archivé au Service Historique de la Défense de Vincennes, ni sur sa fiche matricule. L'intitulé est quelque peu inhabituel.

 

« Aspirant très énergique, a résolument abordé la lisière d’un bois garnie de mitrailleuses, enlevant sa section avec le plus beau courage et plaisantant même sous le feu de l’adversaire. 23 octobre 1917.»

 

Le sous-lieutenant Martin est décoré de la Légion d’honneur à titre posthume (J.O. du 26 décembre 1919).

 

« Officier modèle, a toujours donné les preuves d’un courage hors ligne et d’un esprit de sacrifice magnifique. Est tombé le 26 juillet 1918, à Perthes-lès-Hurlus, à la tête de sa section. »

 

Cette décoration confère aussi le droit de porter une palme sur sa croix de guerre.

 

La généalogie de la famille Martin est consultable sur le site « Généanet ». Pour y accéder, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Fiche matricule lue sur le site des archives départementales du Nord.

 

Le portrait et les extraits de lettres du sous-lieutenant Martin proviennent du livre d’or de l’institut catholique d’arts et métiers de Lille

 

Livre d'or de l'Institut catholique d'arts et métiers de Lille. 1914-1918 - Anonyme.  Imprimerie Desclée, De Brouwer et Cie - Lille ; 1922 In-8° - VIII - 387 pages.

 

Témoignage inédit de l’aumônier Henry.

 

Un grand merci à C. Bogaert, M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot, aux archives départementales du Nord, aux archives municipales et à l'Institut Catholique d'Arts et Métiers de Lille.

27 décembre 2024

Lucien Denis Arsène Laurent (1898-1918)

 

Lucien Denis Arsène Laurent est né le 28 février 1898 à Poiseul, un petit village qui compte 172 habitants en 1896, situé dans le département de la Haute-Marne.

 

Son père, Laurent Adolphe Épiphane, âgé de 30 ans, est cultivateur. Sa mère, Maria Philomène Alexandrine Laurent, âgée de 23 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle. Lucien est l’aîné d'une fratrie comprenant un garçon et trois filles.

 

Il quitte l'école communale avec un niveau d'instruction de niveau 3, ce qui signifie qu'il sait lire, écrire et calculer correctement lorsqu'il rejoint le monde du travail. Tout comme son père, il devient cultivateur.

 

Lucien Laurent est bien trop jeune pour être mobilisé lorsque l’Allemagne déclare la guerre à la France en août 1914 ; il n'est pas concerné par les événements qui vont précipiter le monde dans un conflit prolongé.

 

En 1917, alors que le conflit mondial se poursuit, Lucien Laurent et ses camarades de classe sont mobilisés bien avant la date prévue en période de paix. Enregistré sous le numéro 21 dans le canton de Neuilly-l'Évêque, il est jugé apte aux obligations militaires par le conseil de révision et inscrit dans la première partie de la liste pour la classe de 1918.

 

Début mai 1917, Lucien Laurent fait partie des 80 jeunes de sa classe recrutés à Langres pour intégrer le 149e R.I.. Il reçoit une formation initiale d'infanterie jusqu'au 9 octobre avant de quitter la caserne Courcy.

 

Bien qu'initialement affecté au 9e bataillon du 149e R.I. pour poursuivre sa formation, la date de son transfert à la 9e compagnie du régiment n'est pas connue. Quant à sa présence à Arcy-Sainte-Restitue en mai 1918, sa fiche matricule ne fournit pas suffisamment d'informations pour le confirmer.

 

Trois jours après l'offensive allemande du 15 juillet 1918, le soldat Laurent se porte volontaire pour une mission périlleuse dans le secteur de Souain. Sévèrement blessé durant l'opération, il perd son avant-bras droit et est gravement atteint aux jambes, à la main gauche et au visage par des éclats de grenade.

 

Pris en charge rapidement par les brancardiers, il est évacué vers l'hôpital d'Auve. Hélas, ses blessures sont trop importantes pour être traitées. Lucien Laurent décède le 20 juillet 1918, à l'âge de 20 ans.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

Lucien Denis Arsène Laurent est décoré de la Médaille militaire à titre posthume (J.O. du 15 octobre 1918) :

 

«S’est offert comme volontaire pour une opération périlleuse et s’est acquitté de sa mission en faisant preuve d’un grand sang-froid et d’un parfait mépris du danger. A été grièvement blessé au cours de l’action. Amputé de l’avant-bras droit.»

 

L'acte de décès de ce soldat mentionne qu'il a reçu la croix de guerre avec une citation à l'ordre de l'armée, même si cette citation n'a pas été retrouvée dans les publications officielles de l'époque. Un portrait exposé à la mairie de Poiseul le représente avec la Médaille militaire et sa croix de guerre ornée d'une palme.

 

 

Son nom est inscrit sur une plaque commémorative servant de monument aux morts à l'intérieur de l'église de Poiseul.

 

Le corps de Lucien Laurent a été restitué à sa famille dans les années 1920 et repose aujourd'hui dans le cimetière communal de son village natal.

 

 

Lucien Laurent ne s’est pas marié et n'a pas eu de descendance.

 

Pour consulter la généalogie de la famille Laurent, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services de Lucien Denis Arsène Laurent a été consultée sur le site des archives départementales de la Haute-Marne.

 

Les photographies de la sépulture du soldat Laurent ont été trouvées sur le site "Généanet".

 

Les sites "Gallica" et "Mémoire des Hommes" ont été consultés pour élaborer cette courte notice biographique.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à F. Jacquin, à T. Vallé,  à la mairie de Poiseul et aux archives départementales de la Haute-Marne.

20 décembre 2024

Du 16 au 31 juillet 1918

 

L'attaque allemande du 15 juillet a échoué face aux défenses françaises. L'adversaire n'a pas réussi à franchir la position intermédiaire de la 43e D.I., subissant des pertes colossales représentant 50 % de ses forces en première ligne.

 

Dans la soirée, l'artillerie allemande continue de pilonner les positions françaises avec force. Les nombreux déplacements de troupes derrière les lignes ennemies laissent présager une nouvelle offensive.

 

16 juillet 1918

 

Malgré ces mouvements, aucune nouvelle alerte n'est signalée durant la nuit du 15 au 16 et la matinée du 16. Le commandement allemand, reconnaissant son échec, met fin à son opération de grande envergure.

 

Les officiers supérieurs des sous-secteurs de la 43e D.I. reçoivent l'ordre de faire progresser leurs troupes afin de sonder les forces ennemies et de tenter de libérer une partie du terrain perdu.

 

Dans l'après-midi, les chasseurs de la 43e D.I., le 158e et le 149e R.I., malgré leurs pertes et l'épuisement de la veille, lancent une attaque. L'ennemi résiste, mais des éléments du 149e R.I. progressent à travers le bois du Togoland, capturant plusieurs soldats allemands.

 

Le 149e R.I. ​​​déplore 9 morts, 4 blessés et 4 disparus.

 

17juillet 1918

 

La journée reste plutôt calme sur l’ensemble du secteur occupé par la 43e D.I..

 

18 juillet 1918

 

Le commandement français, désireux d'exploiter l’échec de l’attaque allemande du 15 juillet, organise une contre-attaque d'envergure. Afin de contenir les forces adverses opposées à la 4e armée,  le général Gouraud reçoit l’ordre de faire attaquer son infanterie, appuyée par l'artillerie, sur le secteur du front dont il a la charge.

 

L'offensive débute à 3 h 30. Dans le sous-secteur Hamon, la 5e compagnie du 149e R.I., commandée par le capitaine Grenet est soutenue par l'artillerie de tranchée ainsi qu'un tir de barrage de 75. Elle conquiert la tranchée de Hambourg après un combat acharné. En dépit de la défense tenace des grenadiers ennemis et de leurs mitrailleuses, la compagnie parvient à occuper la tranchée d'York jusqu'à son intersection du boyau Duchet, objectif atteint à 7 h 00.

 

Au cours de l'assaut, les hommes du capitaine Grenet font 22 prisonniers de l’I.R. 426 et saisissent 5 mitrailleuses.

 

 

Simultanément, les chasseurs attaquent dans le sous-secteur Nord Dormoise. Ils avancent à travers le boyau Duchet et font la jonction avec le 149e R.I.. Dans le sous-secteur Sud Dormoise, le 158e R.I. progresse rapidement.

 

Les Allemands contre-attaquent. Ils sont soutenus par des tirs de barrage d'artillerie et par les mitrailleuses. Les défenseurs des tranchées récemment conquises font preuve d'une résistance farouche. Ils réussissent à tenir leur position.

 

La journée est rythmée par une succession d'actions d'infanterie, avec une alternance d'attaques françaises et de contre-attaques allemandes. L'artillerie française, très active, effectue des tirs de contre-batterie, de contre-préparation, ainsi que de nombreux tirs de surprise sur des objectifs en mouvement.

 

Le J.M.O. de la 43e D.I. rapporte 2 tués et 19 blessés pour le 149e R.I..

 

19 juillet 1918

 

À 3 h 15, après une préparation d'artillerie de tranchée, des éléments du 149e R.I. appuient une attaque lancée par le 21e R.I. qui atteint avec succès l'objectif fixé (l'intersection du parallèle 271 et du boyau Méninger).

 

La journée reste globalement calme. Pendant la nuit, des combats intenses se déroulent près de l'intersection de la tranchée d’York et du boyau Duchet. Le 149e R.I. garde le contrôle de la position.

 

Deux soldats du 149e R.I. ont été blessés durant la journée.

 

20 juillet 1918

 

L'artillerie ennemie réalise plusieurs tirs de harcèlement et un bombardement intensif avec 150 obus de 150 mm sur la zone de l'arbre A (défendue par les chasseurs).

 

 

À 20 h 30, un groupe allemand mène une attaque à la grenade sur le croisement du boyau Duchet et de la tranchée d'York. L'assaut est repoussé. Avec l'appui des chasseurs, la position est entièrement conservée.

 

Pour cette journée, le 149e R.I. compte 5 blessés.

 

21 juillet 1918

 

De 20 h 00 à 23 h 00, une intense activité d'artillerie marque le front de la 43e D.I. et des divisions avoisinantes.

 

Le poste du 149e R.I. et des chasseurs, à l'intersection du boyau Duchet et de la tranchée d’York, est attaqué par l'ennemi à deux reprises.

 

À 7 h 15, après une préparation par Minenwerfer, les Allemands tentent de s’emparer du poste, mais ils sont repoussés par les tirs des mitrailleuses françaises et par un affrontement à la grenade.

 

À 21 h 00, suite à un bombardement violent avec des obus de calibre moyen et lourd, les Allemands lancent une nouvelle attaque sur ce poste, soutenue par des tirs d'artillerie et de mitrailleuses. Les défenseurs du carrefour opposent une résistance acharnée et subissent de lourdes pertes. Ils sont forcés de battre en retraite. 

 

Plusieurs contre-attaques menées durant la nuit à 2 h 00 et 4 h 00 ne permettent pas de reprendre la position.

 

Un barrage solide est établi à 50 mètres à l'ouest du carrefour, dans la tranchée d'York, et au nord, près de la bifurcation du trou Bricot, dans le boyau Duchet.

 

Le J.M.O.de la 43e D.I. rapporte 3 tués, 14 blessés et 11 disparus au sein du 149e R.I. pour les combats de cette journée.

 

22 juillet 1918

 

À 19 h 00, après une préparation d'artillerie brève mais intense avec des canons de 155 et de 75, une unité du 149e R.I., commandée par le sous-lieutenant Coche, lance une attaque sur le carrefour York-Duchet. Les éléments du 31e B.C.P., censés rejoindre ce groupe, ne sont pas présents lors du lancement de l'attaque.

 

La confrontation est violente. Malgré une résistance acharnée, le groupe d'assaut parvient à prendre le contrôle du carrefour et à capturer trois soldats de l’I.R. 353 (88e D.I.).

 

 

Le 15e B.C.A. relève les 2e et 3e bataillons du 149e R.I. (groupement Escoffier) au centre de résistance du Trou Bricot. Par la suite, le groupement Escoffier s'installe avec une compagnie du 5e B.T.C.A. aux centres de résistance Vauclerc et Craonne ; ce dernier est placé sous le commandement de la 13e D.I..

 

Le J.M.O. de la 43e D.I. cite six blessés au sein du 149e R.I. pour cette journée.

 

23 juillet 1918

 

Durant la nuit, l'infanterie effectue les déplacements requis par la réorganisation du secteur. L'artillerie française augmente l'intensité de ses tirs de harcèlement dans la première moitié de la nuit, suite à une possible relève ennemie suggérée par des témoignages de prisonniers.

 

Les échanges d’artillerie sont peu nombreux durant la journée.

 

Le 22e B.C.A. succède au 1er bataillon du 149e R.I. au C.R. Grande Clairière, qui, à son tour, remplace le 31e B.C.P. dans le sous-secteur Nord Dormoise.

 

La journée se solde par 3 blessés au 149e R.I..

 

24 juillet 1918

 

La journée reste relativement calme. Cependant, à la tombée de la nuit, les Allemands lancent deux assauts, chacun précédé d'un intense bombardement d'artillerie, dans le but de reprendre le contrôle du carrefour York-Duchet. Ils sont repoussés vers 20 heures.

 

Le J.M.O. de la 43e D.I.rapporte 1 tué et 4 blessés au 149e R.I. pour cette journée.

 

25 juillet 1918

 

La nuit du 25 au 26 est marquée par un bombardement intense sur la position intermédiaire, qui a eu lieu entre minuit et 3 h 00.

 

Concernant le 149e R.I., l’aumônier Henry raconte dans ces carnets :

 

« Plus de cent obus de 150 envoyés par paquets de trois, de quatre sur le quartier des pionniers et la pente du camp A. La fumée est tellement dense qu’on ne voit plus les arbres, ni même la lueur des éclatements. Nous sommes fort inquiets sur le sort de nos hommes qui n’ont pas un seul abri de bombardement … Heureusement, aucun abri n’a été touché ! Grande peur, mais pas de mal. Beaucoup de bruit pour rien. Qu’est-ce que les Boches ont bien pu voir pour se livrer à une telle débauche d’obus et de gros calibre ! Le marmitage continue par intervalles irréguliers et un peu partout. »

 

L'état-major français élabore un plan pour une nouvelle opération destinée à prendre le contrôle d'une zone de couverture située devant la position intermédiaire.

 

 

26 juillet 1918

 

À 6 h 00, après un court, mais intense bombardement d'artillerie, le 1er bataillon du 149e R.I., commandé par le commandant Hassler, s’élance vers ses objectifs. Ils sont rapidement atteints malgré la résistance des forces allemandes. Les compagnies du 1er bataillon capturent de nombreux prisonniers. Le sous-lieutenant Martin est tué au cours des combats et le commandant Hassler blessé.

 

 

Tout au long de la journée et durant la nuit du 26 au 27, l'artillerie allemande bombarde intensément les positions nouvellement acquises.

 

En fin d'après-midi, le réduit intermédiaire est la cible de violentes contre-attaques soutenues par l'artillerie, toutes repoussées avec succès.

 

Suite à un intense barrage d'artillerie, l'ennemi lance une attaque avec des lance-flammes contre la tranchée York. Une contre-attaque du 149e R.I. repousse les Allemands des positions avancées, préservant ainsi les gains territoriaux de la journée.

 

Les pertes pour le 149e R.I. ce jour-là s'élèvent à 3 morts et 13 blessés.

 

27 juillet 1918

 

La journée est ponctuée par des tirs sporadiques de l'artillerie allemande. L'après-midi, les canons ennemis lancent plusieurs salves de harcèlement sur les positions avancées françaises.

 

Le  1er bataillon du 149e R.I. est cité à l’ordre du 21e C.A.  pour ses actions de la veille.

 

 « Le 1er bataillon du 149e R.I., sous les ordres du commandant Hassler, après avoir, le 15 juillet, brisé une violente offensive ennemie, a, dans la matinée du 26 juillet, malgré un violent tir d’artillerie effectué en particulier par obus toxiques et une vigoureuse résistance de l’infanterie allemande, enlevé d’un seul élan des positions ennemies sur un front de plus de deux kilomètres et une profondeur atteignant jusqu’à 1000 mètres, capturant plus de 100 prisonniers et un important matériel. »

 

Durant la nuit du 27 au 28, le 2e bataillon du 149e R.I. remplace le 1er bataillon dans le C.R. de Perthes. Ce dernier se déplace pour occuper le sous-secteur ouest de la seconde position.

 

 

28 juillet 1918

 

Aux alentours de 20 h 00, une patrouille allemande tente de s'approcher du carrefour York-Duchet. Le 149e R.I. sollicite le soutien de l'artillerie, forçant l'ennemi à se retirer.

 

L'activité des artilleurs allemands demeure intense, avec de fréquents tirs de harcèlement visant les boyaux et les lignes de communication. En réponse, l'artillerie française riposte par des tirs de harcèlement sur les boyaux, sur les pistes et sur la route Somme-Py-Tahure.

 

Il y a un blessé au 149e R.I.

 

29 juillet 1918

 

La 43e D.I. reçoit d'importants renforts. L’arrivée de ces troupes permet de consolider la 2e position, chaque centre de résistance devant être tenu par un bataillon. Les déplacements se réalisent durant la nuit du 29 au 30. Le 3e bataillon du 149e R.I. prend position au C.R. Vauclerc et le 1er bataillon au C.R. Arras.

 

La journée du 29 et la nuit suivante sont caractérisées par une intense activité de l'artillerie allemande, qui lance de multiples salves d'obus de divers calibres sur l'ensemble de la première position ; cette activité affecte les trois sous-secteurs de la 43e D.I. ainsi que les batteries françaises.

 

Entre 22 h 00 et 2 h 00, une pluie d'obus toxiques s'abat sur les 1ère et 2e lignes du sous-secteur Dormoise, sur Perthes, ainsi que sur les 1ère et 2e lignes du sous-secteur Hamon.

 

Les Minenwerfer sont particulièrement actifs. L'artillerie française répond par des tirs de neutralisation sur les batteries ennemies repérées en action.

 

Un soldat du 149e R.I. est blessé.

 

30 juillet 1918

 

Dans la nuit du 29 au 30, l’artillerie allemande effectue un bombardement de forte intensité. Les artilleurs utilisent principalement l'Ypérite. De nombreux obus sternutatoires sont également employés, entraînant chez les soldats de violentes nausées qui les forcent à retirer leurs masques.

 

L’ennemi lance une attaque dans la matinée entre 8 h 30 et 9 h 00 ciblant le bois de la Pie, B10 et la tranchée d’York. 

 

L’attaque se déclenche à la faveur du brouillard, appuyée par un intense tir d'encagement de petit calibre. L'artillerie française répond par des tirs de C.P.O. et de barrage dès 8 h 20.

 

Malgré une résistance acharnée, les défenseurs du bois de la Pie sont dépassés.

 

Des barrages sont mis en place dans les tranchées au sud du bois de la Pie et de B10, ainsi que dans la tranchée York.

 

L'artillerie ennemie continue ses tirs sans interruption tout au long de la matinée et jusqu'au début de l'après-midi. Les combats à la grenade se poursuivent dans les tranchées toute la journée.

 

Une compagnie du 3e bataillon du 149e R.I. a été affectée au sous-secteur Hamon.

 

Les pertes sont importantes. Le 149e R.I. a enregistré 4 morts, 6 blessés, 66 disparus et 15 cas d'intoxication.

 

31 juillet 1918

 

Tout au long de la journée et de la nuit du 31 juillet au 1er  août, l'artillerie allemande est, encore une fois, très active.

 

Pendant la nuit, le 3e bataillon du 149e R.I. relève le 15e B.C.A. Bataillon Alpins en 1ère ligne. Le Centre de Résistance Vauclerc reste inoccupé.

      

Le secteur se calme progressivement à partir du 1er août  et reprend sensiblement sa physionomie d’avant le 15 juillet. La carte suivante illustre le front de guerre, marqué par une première ligne de quatre parallèles, suivie d'un hinterland, puis d'une seconde ligne constituée de trois parallèles au début du mois d'août 1918.

 

 

                                   Tableau des tués pour les journées allant du 16 au 31 juillet 1918

 

                 Tableau des décédés dans les ambulances et dans les hôpitaux du 16 au 31 juillet 1918

 

                                       Tableau des décédés en captivité du 16 au 31 juillet 1918 

 

Conclusion

 

Bien que l'offensive allemande du 15 juillet ait été repoussée, l'activité dans le secteur  reste intense durant les quinze jours suivants.

 

Les tirs d'artillerie, presque journaliers et bien que brefs, sont d'une extrême violence. L'intersection de la tranchée York et du boyau Duchet, tenue par le 149e R.I., est particulièrement visée par l'ennemi. Défendue avec vigueur, elle fut perdue le 21 juillet, mais reconquise le jour suivant. Dans les jours qui ont suivi, plusieurs attaques ennemies sont repoussées sur cette position.

 

 En dépit de la fréquence et de la brutalité des bombardements, ainsi que des nombreuses attaques et contre-attaques, les pertes subies par le 149e R.I. sont restées remarquablement basses. Elles ne sont plus comparables aux lourdes pertes des années 1914 et 1915.

 

Enfin, le 149e R.I. a reçu un satisfecit particulièrement remarquable de la part des Allemands. Pendant les combats du 15 juillet, un observatoire du régiment a été capturé par l'ennemi, qui a trouvé le carnet de renseignements quotidiens des observateurs. Ce document a été transmis à travers les échelons du commandement jusqu'au Grand Quartier Général allemand.

 

Peu après, l'état-major de la 43e D.I. est informé par une note du G.Q.G. allemand, qui souligne l'importance du service d'observation, citant le carnet du 149e R.I. comme un exemple à suivre.

 

Sources :

 

J.M.O. de la 6e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Ref : 26 N 274/9

 

J.M.O. du 21e C.A.. S.H.D. de Vincennes. Ref : 26 N 195/10

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Ref : 26 N 344/14

 

J.M.O. de la 46e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Ref : 26 N  348/5

 

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

« La 43e Division pendant la campagne de 1918 » (sans nom d’auteur, mais écrit par le commandant de Charry). Éditions Mayence – Grande imprimerie moderne – 1922.

 

« Les Armées françaises dans la Grande Guerre » Tome VI. L’hiver 1917-1918. L’offensive allemande (1er novembre 1917-18 juillet 1918), 2e volume, l’offensive allemande contre les armées françaises (1er mai – 18 juillet 1918).

 

Témoignage inédit de l’aumônier Henry.

 

La carte des sous-secteurs occupés par la 43e D.I. est extraite du J.M.O. de la 6e D.I..

 

Un très grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

13 décembre 2024

Georges Louis Paul Alexandre Durand (1892-1918)

 

Georges Louis Paul Alexandre Durand est né le 13 mars 1892 à La Croix des Veaux, un lieu-dit faisant partie de la commune de Saint-Quentin-sur-Indrois, en Indre-et-Loire. 

 

 

Son père, Jules Désiré Auguste, cultivateur âgé de 29 ans, et sa mère, Marie Louise Honorée Berthon, 24 ans, sans profession, ont eu trois fils. Georges est le cadet de la fratrie.

 

 

La fiche matricule de Georges Durand mentionne un degré d'instruction de niveau 2. En tant que fils de cultivateur, il a sans doute partagé son temps entre l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et des mathématiques, et l'aide aux travaux de la ferme familiale ; c’était une pratique courante à cette époque, ce qui pourrait justifier un léger retard dans ses acquisitions scolaires. 

 

À la fin de sa scolarité obligatoire, Georges suit les traces de son père en choisissant la même carrière, travaillant probablement à son côté.

 

Enregistré sous le numéro 51 du canton de Loches, Georges Durand est déclaré « apte aux obligations militaires » par le conseil de révision, ce qui entraîne automatiquement son inscription dans la 1ère partie de la classe 1912.

 

La loi Barthou, également appelée loi des trois ans,  promulguée le 7 août 1913, allonge la durée du service militaire à trois ans. 

 

Le conscrit Durand est affecté loin de son domicile. Le 9 octobre 1913, il est appelé dans les Vosges pour intégrer une compagnie du 170e R.I., une unité créée en avril 1913 à la suite de la fusion des 4e bataillons des 21e, 44e, 60e et 149e R.I. ; ceux-ci étaient anciennement appelés groupe de forteresse de la place d’Épinal.

 

Un nouveau conflit avec l'Allemagne éclate en août 1914. À cette époque, Georges Durand est toujours sous les drapeaux. Son régiment est engagé pour la première fois au combat le 24 septembre 1914 dans la région de Baccarat.

 

La fiche matricule de Georges Durand n'apporte aucun détail sur son vécu de soldat au sein de ce régiment, jusqu'à sa blessure survenue le 8 mai 1916 à Douaumont (son nom n'apparaît pas dans les longues listes des pertes du J.M.O. du 170e R.I.). 

 

Touché par un éclat d'obus, il est évacué le jour suivant. Les lieux où il est soigné demeurent inconnus.

 

Après une année entière d’hospitalisation et de convalescence, le soldat Durand est de retour au dépôt du 170e R.I. à partir du 7 mai 1917. 

 

Le 11 novembre, il quitte la caserne Contades pour rejoindre le 149e R.I. avec un groupe de renfort destiné à compenser les pertes subies lors de la bataille de la Malmaison. 

 

Georges Durand est affecté à la 10e compagnie au moment où son groupe de renfort rejoint le régiment actif.

 

Au début du mois de décembre, les trois bataillons du 149e R.I. s’établissent dans la région d'Hérimoncourt, près de Montbéliard, afin d'y réaliser des travaux de seconde ligne. 

 

À la mi-avril, le régiment quitte cette zone pour reprendre l'entraînement près de Royalieu, au nord-ouest de la forêt de Compiègne.

 

En janvier 1918, Georges Durand est transféré dans les Vosges. Sa compagnie prend position dans un secteur proche du Violu, une région de combat relativement paisible à cette période du conflit.

 

Fin mai 1918, le 149e R.I., avec d'autres unités de la 43e D.I., est envoyé d'urgence à Arcy-Sainte-Restitue, dans l'Aisne, pour contrer une vaste offensive allemande menaçant l'armée française.


 
Durant cette bataille, le soldat Durand se distingue. Cité à l'ordre du régiment, il est autorisé à porter la Croix de guerre.

 

Pour en savoir plus sur cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

 

Le 15 juillet 1918, son régiment est à nouveau au combat ; cette fois-ci, il est en Champagne près du Trou Bricot, au nord-ouest de Perthes-lès-Hurlus, face à une violente attaque ennemie. Le sort du soldat Durand est incertain : capturé ou tué, nul ne sait.

 

Dans le chaos des combats, aucun camarade de section ne l'a vu tomber. Les témoins requis pour attester sa mort ne se sont pas présentés à l'officier d'état civil. Il est vraisemblablement consigné comme disparu dans le registre des pertes du 149e R.I..

 

Pour en savoir plus sur cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

 

Ses proches, sans nouvelles, s’inquiètent. Ils entament des démarches auprès des autorités pour obtenir des informations. Tous espèrent que Georges Durand est en captivité. Cependant, les informations fournies par le Comité international de la Croix-Rouge ne sont guère encourageantes : aucun détenu portant son nom n'est répertorié sur les listes récentes de prisonniers en Allemagne.

 

 

Le 22 avril 1922, le tribunal de Loches reconnaît officiellement le décès du soldat Durand. Le jugement rendu est transmis à la mairie de Saint-Quentin-sur-Indrois le 19 mai 1922.

 

 

Décorations :

 

Croix de guerre avec étoile de bronze 

 

Citation à l’ordre du régiment n° 34 en date du 21 juin 1918 ;

 

« Soldat très brave, a fait preuve pendant les journées des 28, 29 et 30 mai 1918 d’un courage et d’un esprit de sacrifice digne de tout éloge. »

 

Georges Durand a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume (J.O. du 4 janvier 1923).


« Soldat d’une bravoure réputée. Tombé glorieusement pour la France, le 15 juillet 1918 près de Tahure, en faisant vaillamment son devoir. » 

 

Cette citation lui vaut également une étoile d'argent sur sa Croix de guerre.

 

Le nom de cet homme figure sur le monument aux morts de la commune de Saint-Quentin-sur-Indrois, parmi les 32 combattants quentinois qui ont perdu la vie pendant le conflit de 1914-1918.

 

Le soldat Durand n'a pas de tombe militaire individuelle. Il ne s'est jamais marié et n'a laissé aucun descendant.

 

Jules et Louise Durand ont enduré la perte tragique de leurs trois fils. Il est difficile de concevoir le désespoir et la souffrance qui ont dû submerger cette famille ébranlée par le conflit. 

 

Le frère aîné de Georges Durand, marié en 1913, a eu un fils né en août 1914. Il est clair qu'il n'a pas pu beaucoup profiter de cet événement ; en effet  l'enfant est né le lendemain de son arrivée au dépôt du 90e R.I., suite à son rappel à l’activité militaire par l’ordre de mobilisation générale.

 

Sources :

 

Les registres matricules des trois frères, les actes d’état civil  de la famille Durand et les registres de recensements de la commune de Saint-Quentin des années 1891, 1896 et 1901  ont été consultés sur le site des archives départementales de la Haute-Marne. 

 

Le portrait du soldat Durand provient du site MémorialGenWeb.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et aux archives départementales de la Haute-Marne.

6 décembre 2024

14 et 15 juillet 1918, l’aumônier Henry témoigne…

 

Le 14 juillet 1918, l'abbé Henry, aumônier du 149e R.I. depuis février de la même année, se trouve, comme à son habitude, près de la zone des combats. Le régiment est sur le point de faire face à une offensive allemande majeure. Le dispositif de défense du 149e R.I., avec sa 9e compagnie répartie entre la 1ère ligne et l'Hinterland fortifié, s’apprête à subir un bombardement intense, sans savoir que des obus à gaz seront massivement employés. Positionnée à proximité du Trou Bricot, au nord-est de Perthes-lès-Hurlus, la 9e compagnie sera la première à essuyer l'attaque de l'infanterie ennemie. La majorité de ces soldats, s'ils n’ont pas été tués, sont faits prisonniers. 

 

Grâce à son écriture limpide, l'abbé Henry nous permet d’observer la tactique allemande : rapidité, contournement des points de résistance, bombardement des positions arrières avec des obus et des gaz, et la mise en place de la défense française.

 

Témoignage de l’aumônier Henry : au P.C. du colonel du 149e R.I.

 

14 juillet 1918 

 

« La journée s’achève, le 14 juillet n’aura pas eu de salves d’honneur, ni de feux d’artifice.

 

À 18 h 00, je vais faire un tour du côté de la P.I.. Il faut bien en finir avec les demandes de renseignements. Vu le capitaine Escoffier qui commande le 2e bataillon. Je n’avais pas eu encore l’occasion de faire sa connaissance. C’est un réserviste et cependant on lui donne le commandement d’un bataillon. Cela eût semblé jadis extraordinaire ; cela devient de plus en plus fréquent. Il le faut bien. »

 

15 juillet 1918 

 

 

« 0 h 00. Ça y est ! Les Boches attaquent. Je n’ai pas eu le temps de me poser la question, mes carreaux volent en éclats. L’odeur caractéristique des obus à gaz me prend à la gorge, au nez, aux yeux, m’avertit qu’il faut descendre le plus vite possible à la sape. J’ai eu le temps de passer mes habits. Le bombardement est si violent et si général que quelques hommes à peine ont pu sortir de leurs abris ; la plupart sont restés là où ils étaient.

 

Dans la sape, on ne voit que des gens affairés, je n’ose dire affolés, qui vont, viennent, s’appellent, se communiquent leurs impressions terrifiantes. Je crois entendre que plusieurs abris se sont effondrés dès les premiers obus. Le maréchal des logis Andlauer est tué. Il avait déjà deux frères tués à l’ennemi. 


Il le rappelait à l’occasion, car cela lui a valu d’être mis moins au danger. Et c’est lui qui le premier est frappé ! 

 

Le colonel fait grouper tout son monde, voici les retardataires, M. Rouquier qui, malgré tout, n’a pu éviter de « manger du gaz » et qui se trouvera documenté de première main sur son degré de nocivité ! Enfin, Lobjoy qui attendait dans son abri.

 

Le bombardement continue, effroyable. Le téléphone malgré les interruptions qui sont de plus en plus nombreuses, nous renseigne sur l’intensité du bombardement ».

 

De 0 h 00 à 4 h 00. Duel formidable d’artillerie.

 

À 4 h 00, les Boches sortent de leurs tranchées. Que vont-ils trouver en face d’eux ? En première ligne, deux sections, une au Voussoir, l’autre à Albertini. En plus, deux patrouilles de reconnaissance. Et c’est tout pour l’extrême avant. 

 

En seconde ligne, la compagnie qui est à Hinterland, c’est la 9e commandée par le lieutenant Jacqueline. Puis c’est la Position Intermédiaire, avec ses G.C. (Groupes de Combat), la vraie ligne de résistance, celle sur laquelle, d’après l’ordre, doit venir se briser l’effort de l’ennemi. Cette ligne est hors de portée des engins de tranchée.

 

Les communications téléphoniques sont coupées. Le caporal Ovide et Texier essaient sans résultat de réparer. La ligne, disent-ils, n’est plus que du vermicelle. La ligne sous plomb tient seule ; elle permet de communiquer avec Coche qui est à Albertini. Mais du Voussoir, rien ! 

 

Les Boches avancent, avancent, submergeant tout devant eux ; on s’attendait à cette avance rapide des trois premiers kilomètres, puisqu’on en avait fait la part du feu ; mais notre pensée s’en va à ceux qui ont été mis là-bas aux postes avancés, à tous ces héros qui, sentinelles perdues, doivent rester jusqu’au bout, qui jusqu’à la dernière minute tiendront pour donner les signaux d’alarme pour faire monter dans le ciel embrasé les fusées aux feux variés, qui régleront le tir de l’artillerie, déclencheront à point les barrages meurtriers et efficaces. Que font-ils en ce moment ? Que deviennent-ils dans cet enfer ? Vous le savez, mon Dieu ! Ayez pitié d’eux !

 

L’Hinterland signale l’approche du Boche. Les voici ! Ils sont sur nous ! La défense est impossible !!! Nous sommes encerclés ! Les Boches à l’Hinterland ! Déjà ! Le colonel ne peut croire à une avance aussi rapide : « Cela n’est pas possible ! Quelle heure est-il ? – 6 h 00 ! En deux heures, ils n’ont pu arriver jusque-là ! ».  

 

6 h 15. Plus de doute ! Le drame est consommé. De l’Hinderland, un dernier message, un mot, un seul, « Adieu ». C’est fini ! Chacun de nous renfonce ses larmes qui lui viennent aux yeux. Adieu à la 9e Compagnie, à l’héroïque sacrifiée ! Adieu Jacqueline ! C’est lui qui, en l’absence de Bessac parti de la veille pour un examen d’aviateur, commandait la compagnie.

 

Le marmitage boche semble diminuer d’intensité sur nous ; il se porte plus loin ? La Forestière, le camp A ont eu leur part. À la Forestière, un obus est tombé devant l’abri du G.B.D.. Les musiciens s’y étaient réfugiés, quatre sont tués et sept sont blessés. Les abris ne sont pas faits pour supporter un tel pilonnage. »

 

À 6 h 30, on constate qu’au-delà d’Erbelfeld, un îlot de résistance subsiste à Albertini alors que les Boches sont déjà à Hinterland. Ces soldats sont sacrifiés en étant pris sous le feu de l’artillerie française !

 

« Tant pis ! murmure le colonel, je n’y puis rien ! le tir de barrage ne peut plus être modifié. »

 

À 7 h 00, les Allemands sont au contact de la position intermédiaire et le vrai combat commence. 

 

À 8 h 00, l’abbé Henry relève que la ligne tient bon et que les Boches ne l’ont pas entamée. 

 

Coche, rescapé d’ Albertini, revient : « Le lieutenant raconte comment il accomplit jusqu’au bout la mission qui était la sienne : observer et signaler par fusées la progression ennemie ; faire ypériter les derniers abris, faire sauter les boîtes téléphoniques … Au fur et à mesure que le Boche avance, il fait « décaler » ses hommes par petits groupes vers l’arrière, ne gardant avec lui que ceux qui lui sont strictement nécessaires. Mais déjà le barrage boche est d’une telle intensité que quelques-uns seulement pourront en sortir !

 

Une fusée boche qui s’élève à 20 m devant lui l’avertit que le Boche est là tout près. Il fait partir ses derniers obus d’ypérite, lance ses fusées, et au pas de course suivi des quatre hommes qui lui restent, il essaie de regagner l’arrière. Il sent le Boche sur ses talons ; mais il ne sait pas que le Boche est passé depuis longtemps déjà ; que le Boche est à l’Hinterland. Au croisement d’un boyau, il se trouve face à face avec les Boches. Un coup d’œil lui permet de juger que le boyau, à droite, à gauche, en est rempli. Ils sont là en masse ; déjà un officier boche lui met son revolver devant la figure en criant « Prisonnier ». D’un bond de côté, il se dégage ; le Boche le poursuit à coups de revolver. Mais heureusement, le Boche a son masque sur la figure ; il tire mal. Coche sent qu’il ne peut échapper qu’en se lançant à travers le bled, il s’y jette à corps perdu. Bientôt il est hors de vue, il tâche de profiter de la fumée qui s’était épandue sur la plaine, car pour couvrir leur avance, les Boches se sont fait précéder d’une quantité d’obus fumigènes. 

 

Il grimpe Elberfeld, zigzaguant à gauche, à droite, trouvant le Boche partout, n’évitant un groupe que pour tomber dans un autre, essuyant maints coups de fusil. Il aiguille sur L’Hinterland, croyant y trouver le salut et c’est le Boche qui est là depuis plus d’une heure ! Il s’échappe encore, comment ? Il ne peut le dire. Ces forces s’épuisent, le masque l’étouffe ; à plusieurs reprises il est obligé de se coucher dans les trous d’obus pour reprendre haleine. Tranchée d’York ! C’est plein de Boches ! Il ne faut pas songer à utiliser les boyaux ; il faut au contraire les éviter. Les G.C. français sont là en face ; mais il y a les multiples réseaux de fil de fer qui en défendent l’approche.

 

N’importe ! C’est là seulement qu’il ne trouvera pas le Boche. Il arrache son masque qui le paralyse et franchit les fils de fer par un dernier effort de volonté et d’énergie. Enfin, il est au milieu des nôtres ; il était temps, ses forces commençaient à le trahir. Il est sauvé, mais il est seul ! Les quatre hommes qui le suivaient n’ont pu se dégager des mains des Boches ! »

 

Valdenaire est tué par un éclat d’obus qui l’atteint à la tête. La mort a été instantanée. 

 

À 11 h 45, on annonce un prisonnier boche. Il est capitaine. Cet officier commande un groupe de 5 tanks qui devait venir à bout de la résistance de la position intermédiaire. Un de ces tanks a brûlé du côté du Trou Bricot.

 

À 16 h 00, l’abbé Henry constate que le 149e tient bon ainsi que la 13e D.I. à gauche. Mais à droite la situation est moins bonne. Le colonel est soucieux, car Perthes est aux mains des Allemands, la ligne a cédé du côté des chasseurs ; il y a un trou à droite et il y a un risque que les troupes soient prises à revers et obligées d’abandonner leurs positions. Les chasseurs sont repliés sur l’ouvrage III et les Allemands sont à 200 m de cet ouvrage, c’est-à-dire à 400 m du P.C.. La situation menace de devenir tragique.

 

Le lieutenant Duval juge que le déplacement du P.C. doit être envisagé, mais le colonel qui reçoit l’ordre de tenir coûte que coûte refuse. « Il a téléphoné au colonel Brenot l’équivalent de l’adieu tragique de l’Hinterland ». 

 

Le colonel ne veut pas demander au 149e R.I. de participer à une contre-attaque. Le 149e R.I. a conservé  les positions qu’il devait garder et c’est à ceux qui ont perdu du terrain de le reconquérir. 

 

Un nouvel ordre est donné au colonel. Il doit déplacer son P.C. à l’arrière. Duval et le lieutenant Moroneret se préparent à reconnaître un emplacement, mais sont retenus par un violent marmitage.

 

« Presque sous les yeux des cuistots, la salle à manger est démolie et de belle façon. En attendant une accalmie, le lieutenant Moroneret nous dit combien dur fut le choc pour le 12e d’artillerie. Pièces démolies, hommes tués, mais la perte la plus sensible est celle du capitaine Delaage, tué au P.O. (Poste d’observation)  avec son lieutenant. Le capitaine Delaage était un des officiers les plus cotés du 12e d’artillerie et sa perte ressentie douloureusement par tous laisse un vide difficile à combler. Le lieutenant ****** est mourant. »

 

M. Rouquier compte les pertes du personnel sanitaire ; elles sont sérieuses : 4 musiciens tués et 7 blessés. Au 1er bataillon : 1 agent de liaison blessé ; au 2e bataillon : rien, au 3e : 5 brancardiers et 2 infirmiers disparus. Merlet, Pernot sont du nombre.

 

À 22 h 00, le colonel et sa suite évacuent le P.C. Hamon et vont s’installer près de l’I.D. sur la chaussée romaine. Lobjoy reste seul ici pour représenter le colonel et je reste avec lui. »

  

Pour obtenir plus d'informations sur l'offensive allemande du 15 juillet 1918, cliquez simplement sur la carte ci-dessous.

 

 

Sources :


Témoignage inédit de l’abbé Henry.


Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.


La carte des sous-secteurs occupés par la 43e D.I. est extraite du J.M.O. de la 6e D.I.. . Ref : 26 N 274/9.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et à J.L. Poisot. 

29 novembre 2024

Lucien Philibert Grivaud (1896-1954)

 

Louis Philibert Grivaud est né le 12 décembre 1896 à Montceau-les-Mines, une commune alors peuplée de 22 467 habitants, située dans le département de Saône-et-Loire.

 

Son père, Jean Baptiste, âgé de 33 ans est un ancien basculeur devenu marqueur dans l'une des mines locales. Il est chargé de comptabiliser les berlines pleines de charbon remontées à la surface.

 

 Sa mère, Jeanne Lambert, âgée de 25 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle. En 1899, elle donne naissance à une fille, prénommée Marie Alice.

 

 

La fiche matricule de Lucien Grivaud indique un degré d'instruction de niveau 3. Il quitte l’école primaire en sachant lire, écrire et compter correctement pour se former au métier de ferblantier, avant de pratiquer la profession de chaudronnier en cuivre.  

 

Le jeune homme réside à Saint-Florentin dans l'Yonne lorsqu’il est convoqué devant le conseil de révision. Depuis août 1914, la France est en guerre contre l'Allemagne. La mobilisation de sa classe est avancée. 

 

Lucien Grivaud, enregistré sous le numéro 58 de la liste du canton de Toulon-sur-Arroux, ne se présente pas devant le conseil de révision. Il est automatiquement enregistré comme « bon absent », ce qui entraîne directement son inscription dans la 1ère partie de la liste pour l'année 1915. 

 

Lucien Grivaud est affecté au 149e R.I., une unité basée à Épinal qu’il rejoint le 12 avril 1915 (période d’appel de la classe 1916). Sa  formation de fantassin se termine le 23 novembre. Il est ensuite envoyé dans la zone des armées.

 

Sans informations supplémentaires que celles indiquées sur sa fiche matricule, il est impossible de retracer précisément son parcours militaire. On ne peut pas confirmer sa participation aux batailles de Verdun et de la Somme, aux combats de la Malmaison et d'Arcy-Sainte-Restitue, ni dire s'il a été impliqué dans un où plusieurs de ces attaques dans lesquelles son régiment a été engagé. On ignore également s'il a été blessé. 

 

Sa citation à l’ordre du régiment inscrite sur sa fiche matricule nous apprend qu’il occupe la fonction de téléphoniste lors de sa capture ; celle-ci a lieu pendant l'offensive allemande du 15 juillet 1918, près du Trou Bricot, à proximité de Perthes-lès-Hurlus. En tant que téléphoniste, il fait partie des troupes chargées de freiner l'avancée initiale allemande. Ces hommes ont pour mission de se sacrifier, ce que notre soldat a honoré en détruisant son téléphone avant d'être capturé.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

 

Une fiche individuelle à son nom, disponible sur le site du Comité International de la Croix-Rouge, indique son affiliation à la C.H.R. du 149e R.I..

 

 

Jusqu'à son retour en France le 9 décembre 1918, Lucien Grivaud a été détenu dans le camp de prisonniers de Giessen, situé dans le Land de Hesse, au centre-ouest de l'Allemagne.

 

 

Le 28 janvier 1919, il rejoint la 8e section des commis et ouvriers d'administration. Le 3 mai, Lucien Grivaud se marie avec Claudine Françoise Vachez à Dijon. Envoyé en congé de démobilisation le 20 septembre 1919, il se retire à Montceau-les-Mines, muni de son certificat de bonne conduite. Sa fille, Odette, naît le jour suivant.

 

Le 1er juin 1921, il est rattaché à la 23e section de commis et d’ouvriers d’administration. Le 1er juin 1924, il est de nouveau rattaché à la 8e section de ces mêmes fonctions, sans affectation spécifique.

 

Selon le registre de recensement de Sanvignes-les-Mines de 1926, la famille réside désormais à l’Embouche. Lucien Grivaud, devenu chef d'entreprise, exerce en tant que tôlier-zingueur.

 

Le 5 décembre 1938, il est affecté au personnel pour soutenir les usines Schneider au Creusot en prévision d'une éventuelle mobilisation.

 

Le registre de recensement de 1931 révèle que Lucien Grivaud a changé de métier et exerce maintenant à son compte comme plombier.


Lucien Grivaud s'est éteint le 15 juillet 1954 à Sanvignes-les-Mines.

 


Décoration obtenue :

 

Croix de guerre avec une étoile de bronze

 

Citation à l’ordre du régiment n° 23746 en date du 28 juin 1920 :

 

« Téléphoniste faisant partie d’une compagnie chargée d’une mission spéciale lors de l’attaque du 15 juillet 1918 en Champagne, a assuré son service avec courage jusqu’au moment où l’ennemi submergeant la position, il fut capturé à son poste. A eu la présence d’esprit de détruire son matériel avant d’être pris. »

 

Sources :

 

La fiche matricule de Lucien Philibert Grivaud, les registres d’état civil de la famille Grivaud et les registres de recensement des années 1926, 1931 et 1936 de la commune de Sanvignes-les-Mines ont --- été consultés sur le site des archives départementales de la Saône-et-Loire.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi et aux archives départementales de la Saône-et-Loire.

22 novembre 2024

Albert Maurice Valdenaire (1896-1918)

 

Albert Maurice Valdenaire est né le 12 août 1896 à Cornimont, dans les Vosges, au domicile de ses parents.

 

Son père, Désiré Albert, notaire de 30 ans, et sa mère, Marie Anne Angèle Perrin, âgée de 17 ans, se sont mariés le 13 octobre 1895 et auront deux filles après Maurice. La plus jeune des filles décède peu avant son troisième anniversaire.

 

La fiche matricule de Maurice Valdenaire indique un degré d’instruction de niveau 5, ce qui correspond au baccalauréat. Il étudie le droit à l'Université de Nancy lorsqu'un nouveau conflit éclate avec l'Allemagne en août 1914.

 

 

Lors de sa comparution devant le conseil de révision, Maurice Valdenaire, conscrit de la classe 1915, obtient un sursis d'un an afin de poursuivre ses études, le rattachant ainsi à la classe de mobilisation de 1916.

 

La guerre, qui requiert un grand nombre de soldats, nécessite des renforts pour pallier les pertes et garder les régiments au complet. Ainsi, la classe de 1916 est appelée sous les drapeaux dès avril 1915. Maurice Valdenaire n'achève donc pas ses études.

 

Le 5 avril, il intègre les effectifs du 152e R.I., une unité basée à Gérardmer. Son séjour au sein de ce régiment est de courte durée. En raison de son niveau d’études élevé, ses supérieurs lui proposent de suivre la formation d'aspirant sans passer par les grades intermédiaires.

 

La circulaire ministérielle numéro 1589 1/1, datée du 29 mars 1915, l’autorise à suivre les cours de Saint-Cyr; il est rattaché en subsistance au centre d'instruction de Joinville, en qualité d'élève aspirant. Il débute sa formation le 11 avril, et la termine le 30 août.

 

Le 1er septembre 1915, Maurice Valdenaire est promu au grade d'aspirant, conformément à la circulaire ministérielle n° 1365 ½.

 

Le 2 octobre, il intègre le dépôt du 21e R.I.. Le 12 janvier 1916, il est transféré au 9e bataillon du 149e R.I.. Le 25 septembre, il est affecté au Centre d'Instruction Divisionnaire 43 pour achever sa formation. Le 4 octobre, Maurice Valdenaire rejoint le 149e R.I., commandé par le lieutenant-colonel Pineau, engagé dans la Somme depuis deux mois.

 

En qualité d'aspirant, un grade de sous-officier supérieur à celui d'adjudant-chef,  il se voit confier le commandement d'une section de la 1ère compagnie.

 

Son courage se manifeste rapidement sur le champ de bataille. Quelques semaines après son arrivée dans la zone des combats, l'aspirant Valdenaire est cité à l’ordre de la 85e brigade.

 

Le 24 janvier 1917, à Aillevans, en Haute-Saône, il se fait photographier aux côtés des cadres de sa compagnie (le lieutenant Illhé, responsable de la compagnie et les chefs de section Boudène, Loubignac et Didier).

 

 

Le 23 octobre 1917, le 149e R.I. participe à la bataille de la Malmaison. Maurice Valdenaire est de nouveau cité, cette fois-ci à l'ordre du Corps d'Armée, pour ses actions menées sous un feu nourri de mitrailleuses ennemies.

 

Promu sous-lieutenant le 7 novembre 1917 à l'âge de 21 ans, il devient l'un des plus jeunes officiers de son régiment. Avec cette promotion, il quitte sa fonction de chef de section au sein de la 1ère compagnie pour prendre en charge le service du canon de 37 mm du régiment, intégrant ainsi la Compagnie Hors Rang.

 

 

Le 29 décembre 1917, le lieutenant-colonel Boigues, responsable du 149e  R.I. à cette époque du conflit, évalue son subordonné de la manière suivante : « A été promu officier à la suite des attaques du 23 octobre où d’ailleurs il s’est distingué. Caractère franc, ouvert et sympathique, dirige avec autorité le service du canon de 37. Paraît devoir faire un très bon officier, était d’ailleurs un excellent aspirant. »

 

Fin mai 1918, le 149e  R.I., avec les autres unités de la 43e D.I., tente de repousser une offensive allemande sur le Chemin des Dames. Les combats sont acharnés et l'avancée ennemie difficile à stopper. Faute de sources, il est impossible de savoir quel fut le rôle des canons de 37 mm dirigés par le sous-lieutenant Valdenaire au cours de cette offensive. Quoi qu'il en soit, cet officier n'a pas été cité pour une action durant ces combats.

 

Le 15 juillet 1918, les Allemands lancent une nouvelle offensive de grande envergure en Champagne. Le 149e R.I. tient un secteur proche du trou Bricot. La 43e D.I. résiste fermement. L'avancée ennemie est contenue.

 

Durant ces affrontements, malgré un bombardement d'une violence inouïe, le sous-lieutenant Valdenaire maintient ses mortiers Stokes en action (les Stokes sont des mortiers britanniques largement acquis par la France dès 1917. Dans certains régiments, un canon de 37 mm pouvait être remplacé par deux mortiers Stokes). Il commande le tir de ses armes en personne, infligeant de lourdes pertes à l'ennemi. Frappé à la tête par un fragment d'obus, il décède sur le coup.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés le 15 juillet1918, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

Les circonstances de la mort du sous-lieutenant Valdenaire sont dévoilées à travers les écrits de l'aumônier Henry. Voici ce qu'il a écrit :

 

« Valdenaire est tué sur sa position de combat par un éclat d’obus qui l’a atteint à la tête. Voilà la nouvelle triste, très triste que nous apporte le sergent Frossard du canon de 37 ! Il observait le tir quand il a été touché ; la mort a été instantanée. Ainsi, c’est lui qui est tué, lui qui semblait le moins menacé et c’est Coche qui revient sain et sauf. Les jugements de Dieu sont vraiment des abîmes insondables. « Judicia tua, abyssus multa ! » (« Vos jugements sont un profond abîme ». Psaume 35 - Saint Thomas d’Aquin).

 

Après les affrontements, l'abbé Henry s'est mis en quête de la dépouille du sous-lieutenant Valdenaire, sans succès. 

 

 « Je voulais rechercher le corps du lieutenant Valdenaire puisque, paraît-il, des chasseurs du 22e l'ont enterré malgré les consignes données. Enterré où ? Et comment ? Ils ont mis, disent-ils, une croix avec la mention « Sous-lieutenant du 149 inconnu ». On ne saurait agir avec plus de légèreté et de désinvolture. Singulière mentalité qui fait agir ainsi avec les morts. »

 

Le corps de l'officier, retrouvé un mois et demi après sa disparition, a été enterré dans le cimetière de Somme-Suippe. Un passage du journal de l'abbé Henry, daté du 8 septembre 1918, relate la cérémonie en l'honneur du sous-lieutenant Valdenaire, une cérémonie à laquelle il n'a pu assister.

 

« En parcourant le cimetière de Somme-Suippe, j’ai trouvé la tombe du sous-lieutenant Valdenaire. Son corps retrouvé enfin a été recueilli pieusement par le lieutenant Lobjoy et rapporté à Somme-Suippe.

 

L’enterrement a eu lieu le matin même de mon retour (4 septembre) L’abbé Bruneau a dit la messe et voici le discours prononcé par le capitaine Fontaine sur la tombe de ce cher ami :

 

« Au nom du Colonel, des officiers, sous-officiers et soldats du 149, je viens apporter au sous-lieutenant Valdenaire les adieux émus de tous ceux qui l’ont connu.

 

Il était l’un des plus jeunes parmi les officiers du régiment ; il en était cependant un des plus brillants.

 

Étudiant en droit, il semblait destiné, après avoir fait des études brillamment commencées, à n’avoir qu’à occuper une situation que la sollicitude paternelle lui avait préparée. La guerre est venue briser ses projets.

 

Appelé de la classe 1916, il se fit remarquer dès son arrivée au dépôt par sa vive intelligence et fut choisi comme élève aspirant. Il suivit les cours de Saint-Cyr, et nommé aspirant, il partit aussitôt pour le front.

 

Vous l’avez vu arriver au régiment plein d’ardeur, de courage et se dépenser ensuite sans compter pour assurer son service. Vous l’avez vu surtout au moment des attaques à Soyécourt, à la Malmaison, se prodiguer sans souci du danger. Sa conduite particulièrement brillante à ce dernier combat lui a valu d’être promu sous-lieutenant et de prendre le commandement du peloton de 37.

 

Il sut, dans les Vosges, dans l’Aisne, comme en Champagne rendre les plus précieux services, grâce à son courage et à son désir ardent de lutter avec ténacité contre l’ennemi. Il fut deux fois cité.

 

Le 15 juillet, lorsque l’offensive attendue se déclencha, il sortit de la tranchée pour se rendre compte de la progression ennemie, afin de prendre les dispositions les plus favorables pour régler le tir de ses pièces ; debout sur le parapet, malgré l’intensité inouïe du barrage roulant qui précédait l’infanterie allemande, il fut touché à la tête par un éclat d’obus et tomba frappé mortellement.

 

Inclinons-nous bien bas devant cette tombe qui va se refermer.

 

Le sous-lieutenant Valdenaire avait une de ces âmes d’élite, une de ces âmes de héros qui nous ont valu de faire subir à l’ennemi un échec complet. Il a droit à la reconnaissance de son pays. Adressons en pensée à sa famille si cruellement éprouvée l’expression de notre vive et profonde sympathie.

 

Sous-lieutenant Valdenaire, recevez l’hommage de nos regrets profonds. Aimé et estimé de tous, votre souvenir restera parmi nous et votre nom sera inscrit sur le livre d’or du 149e R.I.. »

 

Le corps du sous-lieutenant Valdenaire est rendu à sa famille en avril 1922. Un article paru dans L'Express de l'Est le 4 avril 1922 décrit la cérémonie funéraire qui a lieu à Cornimont.

 

« Samedi ont eu lieu au milieu d’une nombreuse assistance et sous une pluie diluvienne les obsèques du sous-lieutenant Valdenaire, fils de Monsieur le Maire de Cornimont, mort pour la France le 15 juillet 1918 au Trou-Bricot au moment où le plus bel avenir lui souriait.

 

L’église de Cornimont était beaucoup trop petite pour contenir la foule accourue de toutes parts.

 

Le cercueil disparaissait sous les couronnes dont quelques-unes, splendides, étaient portées par des mutilés et anciens frères d’armes du défunt.

 

Le corps était porté par les conscrits de la classe. Derrière le cercueil venaient l’association des Mutilés de la Haute-Moselotte avec sa bannière, l’Harmonie de Cornimont, musique de Messieurs les Héritiers de Georges Perrin, le conseil municipal en entier, l’Association Sportive, la compagnie des sapeurs-pompiers, plusieurs maires des communes environnantes et les employés de toutes les administrations : instruction publique, forêts, gendarmerie, contributions directes, contributions indirectes, postes, chemins de fer, etc…

 

Avec cela, quantité de notabilités industrielles et commerciales de la région et ainsi que l’a dit Monsieur Mougel premier adjoint dans son discours, une foule émue et recueillie, vibrante jusque dans la plus profonde de ses fibres, partagée entre un sentiment de tristesse poignante et de triomphale fierté était venue elle aussi dans un élan de piété reconnaissante, rendre par sa présence un légitime hommage au défunt et à sa famille si justement respectée.

 

Monsieur le docteur Gaillemin, conseiller général et président de l’Association de la Haute-Moselotte, a retracé également en termes élogieux la vie militaire du défunt et a rappelé les paroles prononcées par le colonel du 149e R.I. lors de l’inhumation première du sous-lieutenant Maurice Valdenaire.

 

« Il était l’un des plus jeunes officiers du régiment, il en était cependant l’un des plus brillants.

 

Vous l’avez vu aussi plein d’ardeur, de courage, se dépenser ensuite sans compter pour assurer son service, vous l’avez vu sans cesse se prodiguer sans souci du danger.

 

Sa conduite fut particulièrement brillante au cours du combat de la Malmaison et lui valut d’être promu sous-lieutenant. Inclinons-nous bien bas devant cette tombe qui va se refermer.

 

Le sous-lieutenant Valdenaire était une âme d’élite, une de ces âmes de héros qui nous ont valu de faire subir à l’ennemi un échec complet. Il a droit à la reconnaissance de son pays. »

 

Les discours terminés, la foule se retire lentement après avoir rendu les derniers hommages au défunt et salué au départ la famille éplorée à qui nous adressons encore nos condoléances émues. »

 

 

Décédé peu avant son 22e anniversaire, Maurice Valdenaire n'était pas marié et n'avait pas d'enfants.

 

Son nom est gravé sur le monument aux morts de Cornimont ainsi que sur la plaque commémorative de la faculté de droit de Nancy.

 

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre avec une palme, une étoile de vermeil et une étoile de bronze.

 

Citation à l’ordre de la 85e brigade n° 71 en date  du 22 novembre 1916 :

 

« Jeune aspirant récemment arrivé au front, a fait preuve de courage, de dévouement, d’intelligence, en maintenant sa section dans une sape violemment bombardée par l’artillerie lourde. A contribué le 11 novembre 1916 pour une bonne part à repousser une attaque que les Allemands avaient déclenchée sur la compagnie. »

 

Citation à l’ordre du 21e C.A. n° 176 en date du 10 novembre 1917 :

 

« Jeune aspirant d’une grande valeur et d’un entrain incomparables. Pendant l’attaque du 23 octobre 1917, n’a pas hésité à se porter hardiment en avant malgré un tir violent de mitrailleuses ennemies et grâce à son sang-froid, à pu établir dans d’excellentes conditions  une position stokes. »

 

Citation à l’ordre de l’armée (J.O. du 15/12/1918) :

 

« Jeune officier d’une bravoure et d’un sang-froid remarquables. S’était déjà distingué dans les nombreux combats auxquels il a pris part. Le 15 juillet 1918, à la bataille de Champagne, au moment de l’attaque des Allemands, a maintenu ses pièces de stokes en batterie sous un bombardement d’une violence extrême, dirigeant lui-même le tir et infligeant à l’ennemi de lourdes pertes. Mortellement frappé à son poste de combat. »

 

Le sous-lieutenant Maurice Valdenaire a reçu à titre posthume la Légion d'honneur, comme annoncé dans le Journal Officiel du 17 octobre 1919.

 

La généalogie de la famille Valdenaire est consultable sur le site « Généanet ». Pour y accéder, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La Fiche matricule du sous-lieutenant Valdenaire, les registres d’état civil et les registres de recensement de la commune de Cornimont ont été consultés sur le site des archives départementales des Vosges.

 

« Cornimont - village frontière - 1871-1918 » de Danièle Grandemange. 2021.

 

La photographie de la tombe de la famille Valdenaire a été prise par D. Grandemange.

 

Le portrait du sous-lieutenant Valdenaire m'a été transmis par D. Grandemange.

 

Un grand merci à M. Bordes, à D. Grandemange, à M. Mangel, à A. Carobbi, à M. Porcher, la mairie de Cornimont et au Service Historique de la Défense de Vincennes

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