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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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21 juin 2019

Ferdinand Edmond Dubourg (1891-1972).

Ferdinand edmond Dubourg

Edmond Dubourg voit le jour le 12 août 1891 à Vieilley, une petite commune située dans le département du Doubs. Sa mère, Marie Clémence Berthet, alors âgée de 34 ans a déjà donné vie à une petite fille prénommée Jeanne. Son père, Jean Charles, a 44 ans à la naissance de son fils. Edmond fut baptisé à l’église Saint-Léger.

Nous ne saurons rien de plus de l’enfance et de l’adolescence de ce petit Doubiste si ce n’est qu’il a toujours vécu dans son village natal. Sa fiche signalétique et des services nous informe simplement qu’il possède un degré d’instruction de niveau 3 et qu’il a travaillé comme cultivateur. La scolarité d’Edmond s’est sans doute arrêtée très vite pour qu’il puisse aller travailler la terre de manière définitive.

Village de Vieilley

1912, Edmond doit abandonner la ferme un court instant pour aller se présenter devant le conseil de révision qui s’est réuni à la mairie de Marchaux. Aucune maladie particulière, susceptible d’empêcher son intégration dans une caserne, n’a été détectée par la médecine militaire. Il ne peut lui être proposé aucun statut spécifique qui pourrait lui faire bénéficier d’un report de temps concernant ses obligations à porter l’uniforme durant deux années. C’est donc sans surprise qu’il est informé, par les responsables du conseil de révision, de sa classification dans la 1ère partie de la liste.

Au 149e R.I.

Le jeune homme apprend qu’il doit se préparer à quitter son département d’origine pour une autre région. Dans quel état d’esprit est-il lorsqu’il prend connaissance de cette nouvelle ? Le 8 octobre 1912, il est incorporé au 149e R.I., un régiment caserné à Épinal. Sa rude existence de cultivateur est remplacée par la vie éprouvante de soldat. Exercices, marches, instruction, manœuvres, maniement et tir avec le Lebel, deviennent son lot quotidien. Peu importe, la condition physique est là !

1914, l’Europe est en crise. Au fil des mois, la diplomatie internationale perd de son efficacité. L’attentat de Sarajevo du 28 juin sert de détonateur à l’embrasement de l’Europe. Cet évènement finit par déboucher sur une guerre mondiale. La mobilisation générale débute aux tout premiers jours du mois d’août 1914. Elle ne concerne pas Edmond Dubourg puisqu’il est toujours tributaire de ses obligations militaires. Selon le plan XVII, son régiment, qui est une unité frontalière, doit s’approcher le plus possible de l’Allemagne bien avant la fin de cette mobilisation générale.

Le soldat Dubourg est sous les ordres directs du capitaine Crepet, l’officier qui commande la 2e compagnie du 149e R.I.. Sa compagnie doit quitter la caserne Coursy en premier. Elle a été désignée pour assurer la garde de la voie ferrée qui s’étend du village d’Arches au pied du tunnel de Bruyères. C’est la seule compagnie du régiment qui ne prend pas le train pour s’approcher de la frontière allemande. Il faut user les godillots…

Edmond se bat ensuite au Renclos des Vaches près de Wisembach, puis au nord Abrechviller et dans la région de Ménil-sur-Belvitte.

Fin août 1914, son régiment quitte la région des Vosges pour aller combattre dans le secteur de Souain. C’est la bataille de la Marne. Octobre 1914, le 149e R.I. est envoyé en Artois du côté du bois de Bouvigny. En novembre et en décembre 1914, c’est la Belgique. Fin décembre, le régiment spinalien retrouve la terre française pour combattre de nouveau en Artois.

Le soldat Dubourg a la chance de sortir sans « accrocs » de tous ces combats.

Première blessure

Le 4 février 1915, il est blessé pour la première fois dans le secteur d’Aix-Noulette.

Edmond Dubourg est d’abord pris en charge par l’ambulance de Bruay avant d'être envoyé vers l’arrière. L’éclat de bombe qui s’est logé dans la région lombaire nécessite plusieurs semaines d’hospitalisation.

Il a été soigné dans une des structures de l’hôpital temporaire n° 40 de Sablé entre le 19 février et le 31 mars 1915. 

Sablé église et château

Le cliché suivant est réalisé dans cette commune. Edmond le poste la veille de son départ. Il est adressé à sa sœur Jeanne.

« Garde cette carte comme souvenir. Guerre 1914-1915. Photographié à Sablé le 15 mars. Blessé le 4 février 1915 à Aix-Noulette. »

Souvenir de guerre Sablé 1915

Le 16 mars 1915, Edmond transmet une carte postale à son ami Henri Cavoigne, un agriculteur de Vieilley également soldat :

« Cher copain,

Je suis forcé de partir cette semaine attendu que mon oncle est gravement malade. Alors, je ne pense pas te dire le jour où j’irai te rendre visite. En attendant, je te serre très affectueusement la main. Ton copain, Ed. Dubourg. »

Retour au 149e R.I.

Edmond rejoint la zone des armées le 7 avril ; il intègre les effectifs de la 1ère compagnie du 149e R.I.. Le régiment combat toujours dans le terrible secteur d’Aix-Noulette.

Le 16 juin 1915, Edmond Dubourg participe à une attaque qui se déroule dans le secteur du fond de Buval. Ce jour-là, il est blessé pour la seconde fois.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

16 juin 1916

L’éclat d’obus qui a pénétré dans son épaule droite l’envoie tout droit à l’hôpital maritime de Brest. Le soldat Dubourg est pris en charge par l’équipe médicale de cet établissement du 20 juin au 16 juillet 1915.

Durant cette période Edmond n’oublie pas de donner des nouvelles au copain du pays Henri.

Il lui envoie un premier courrier le 8 juillet 1915.

« Je t’écris ces quelques lignes pour te donner de mes nouvelles. Je vais très bien à présent. Je te dirai que je pensais déjà sortir ce matin. Je suis à moitié guéri. Cela a encore suppuré toute la nuit. Seulement, depuis, les débris de drap sont sortis de la plaie. Je sentais beaucoup d’amélioration chaque jour. L’éclat est toujours dedans, mais à présent, je ne le sens plus. S’il me faisait mal d’ici quelques jours, je me le ferai arracher au dépôt. A bientôt le plaisir de te revoir et de te la serrer. En attendant, je te quitte, mon cher vieux, en t’envoyant mes meilleures amitiés et un grand bonjour de Brest. J’ai eu des nouvelles de Julien, il a eu la croix de guerre. Martin est du côté d’Arras à présent et plus à Soissons. »

Trois jours plus tard, il lui écrit de nouveau.

« Cher Henri,

Je fais réponse à ta carte lettre du 11. En même temps, je te dis que je pars en permission demain. Je suis vidé. Je ne sais pas comment cela se fait, ça suppurait encore ce matin. Il y a du louche là-dedans. En permission, je n’ai pas peur. Si cela se remet à couler, je vais à Besançon, me faire panser dans un hôpital militaire. À bientôt le plaisir de te voir. En attendant, je te quitte par une cordiale et affectueuse poignée de main. Ton copain qui pense souvent à toi. Ed. Dubourg. Le bonjour à tes parents. »

Le 8 août 1915, Edmond est au dépôt d’Épinal. L’éclat d’obus qu’il a reçu en Artois n’a pas pu être extrait à l’hôpital de Brest. Il expédie un nouveau courrier à Henri Cavoigne qui évoque des travaux effectués par des hommes de sa compagnie de dépôt.

« Je fais réponse à ta carte lettre du 4. Je te disais qu’hier on m’a nommé pour partir pour aller en remplacer d’autres  qui font des retranchements aux cols de Schlucht et du Bonhomme pour travailler. Alors, sitôt nommé, j’ai dit au chef que je voulais la visite avant de partir.

Cela fait que nous avons passé hier à deux heures et, au lieu d’aller là-bas, travailler peut-être 15 jours, avant de partir sur la rame de plomb, je descends à l’hôpital mercredi matin, pour être opéré de cet éclat.

Quand tu recevras cette carte, je serai déjà à l’hosto. Il y en a qui partent. Il y a huit jours qu’ils sont là et des mecs atigés qui veulent se faire évacuer une fois arrivés.

Ce n’est pas l’heure à présent de passer dans les dépôts. On n’y reste pas longtemps. J’ai parlé mariage à une gonzesse là-bas, manière de rire. Elle l’a pris, je suis sûr au sérieux. Je rigole. Je te parlerai de la réponse. Je n’ai pas assez de place. Je te quitte, mon cher Henri par une affectueuse poignée de main et reçois de ton copain ses meilleures amitiés. Ed. Dubourg. Devine qui c’est la gonzesse ? »

La date exacte de son retour au front au 149e R.I. n’est pas connue. Il en est de même pour le numéro de sa compagnie d’appartenance.

Le 2 février 1916, le 149e R.I. quitte l’Artois. Il est envoyé au camp de Saint-Riquier dans le département de la Somme.

Le 21 février, les Allemands déclenchent une vaste offensive dans le secteur de Verdun. Le 149e R.I. doit rapidement rejoindre cette zone de combat avec l’ensemble de la 43e D.I..

Le 6 mars 1916, le régiment d’Edmond Dubourg monte en 1ère ligne. La route empruntée est longue et pénible. Le 149e R.I. bivouaque dans le bois des Hospices.

Le lendemain, Edmond Dubourg est touché au cuir chevelu par un éclat d’obus. 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant la journée du 7 mars 1916, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

De Regret au bois de l'hopital

Les premiers soins médicaux lui sont donnés à l’hôpital mixte de Bar-le-Duc du 8 au 10 mars 1916 avant son évacuation vers l’hôpital temporaire n° 86 de Vichy. Il reste dans cette ville de cure jusqu’au 19 avril. Une fois de plus, Edmond n’oublie pas l’ami Henri. Le 17 mars, il lui expédie le mot suivant :

« Je t’écris ces deux mots pour te dire que j’ai reçu ta gentille lettre. Je te dirai que je vais bien à présent. Je suis guéri, on ne me fait plus de pansements, mais tant que le major ne me dira pas de partir, je suis bien ici. J’ai entendu dire que quand on était ici, que l’on y restait un mois, une fois entré. Alors, cela colle, si c’est comme cela. Je pense y passer encore tout au moins 8 à 15 jours.

Je vais me promener tous les après-midi, de 11 h à 5 h du soir. J’ai déjà vu beaucoup de choses, les sources, les promenades le long de l’Allier ; c’est joli.

Fais ton possible pour venir. Je te ferai visiter et cela me fera grand plaisir, ça vaut le coup.

Je te quitte cher Henri par une amicale poignée de main ton copain de pays. Ed. Dubourg »

Le 31 mars il lui envoie une nouvelle carte postale.

« Mon cher Henri,

Je viens de recevoir ta lettre qui m’a fait bien plaisir. Je m’empresse d’y faire réponse. Je te dirai que j’espère partir d’ici le 8 ou le 10 avril. Je voudrais bien, moi aussi, que l’on puisse se retrouver ensemble en permission. Tu ne me dis pas ce que tu espères avoir comme jours de permissions. Merci, mon cher Henri, pour tes conseils que tu as bien voulu me donner. Je te promets que je les suivrai. J’ai fait la commission à mes parents, merci de leur part. Fais-en de même lorsque tu écriras chez vous. En attendant le grand plaisir de te lire ou de se voir. Je te quitte par une amicale poignée de main. Reçois de ton copain ses plus sincères amitiés. Ed. Dubourg »

Le soldat Dubourg rentre au dépôt du 149e R.I. le 29 avril 1916.

Une fin de conflit dans d'autres régiments

Il reçoit une nouvelle affectation qui prend effet le 26 juillet 1916. Edmond apprend qu’il est versé au 312e R.I..  L’ex-soldat du régiment spinalien rejoint,le 27 juillet à 10 h 00, le petit dépôt divisionnaire dont dépend ce régiment. Ce dépôt fait partie d’un petit renfort constitué de 6 sergents et de 44 hommes qui, sous l’autorité du sous-lieutenant René Bellanger, ont quitté Épinal la veille. Le 312e R.I. est à Saint-Dizier. Il s’apprête à retourner dans la région de Verdun, dans le secteur du Mort-Homme.

Ce régiment est dissous le 21 janvier 1917. Edmond est affecté au 414e R.I.. Il arrive dans cette unité le lendemain avec un renfort de 406 hommes sous les ordres d’un capitaine, d’un lieutenant et de 5 sous-lieutenants. Tous ces hommes proviennent de son ancien régiment. 

Edmond Dubourg est blessé au plateau de Craonne le 1er juillet 1917, durant une journée de relève. Cette fois-ci, ce sont des éclats obus qui viennent s’incruster dans son genou droit.  Le jeune homme est soigné à l’ambulance de Romain, dans l’Aisne, du 3 juillet au 20 juillet 1917.

De retour au 414e R.I. Edmond peut coudre son quatrième chevron de blessures sur la manche droite de sa veste de soldat. Il a maintenant trois années de guerre derrière lui.

Captivité

Le 29 avril 1918, le soldat Dubourg est fait prisonnier en Belgique, près du mont Kemmel, au cours d’une violente attaque allemande. Sa fiche du Comité International de la Croix-Rouge nous apprend qu’il servait à la 3e compagnie de mitrailleuses du 414e R.I. à cette période du conflit.

Fiche C

Edmond Dubourg est interné en Allemagne où il reste en captivité jusqu’à la fin du conflit en novembre 1918.

Les atrocités de la guerre prennent fin.  Libéré du camp de Stendal, il arrive au D.T.I. de la 7e région le 20 novembre 1918. Il sait qu’il n’en a pas pour autant terminé avec l’armée. Le 9 janvier 1919, le soldat Dubourg est rattaché au 60e R.I., puis au 13e B.C.P. mitrailleurs et enfin au 35e R.I.. Ce n’est que le 21 août 1919 qu’il est enfin mis en congé illimité de démobilisation. Il retrouve son village natal avec son certificat de bonne conduite accordé, espérant une existence bien meilleure.

La vie après la guerre

Le 18 mars 1920, il épouse Marguerite Angel, une jeune femme originaire de Bonnay, un village avoisinant. Le couple a eu 3 enfants.

Marguerite et Edmond

En avril 1927, Edmond Dubourg est classé service auxiliaire. Il passe plusieurs fois devant la commission spéciale de réforme de Besançon qui lui refuse une petite pension d’invalidité.

Une pension temporaire de 10 %, valable du 20 février 1935 au 19 février 1937, lui est enfin concédée le 22 février 1935 ; cette pension fait suite à une décision prise par la commission de réforme qui s’est réunie le 23 septembre 1934.

Edmond est rattaché au centre mobilisateur de chars de combat n° 506, le 25 janvier 1938, l’année de ses 46 ans.

La commission de réforme de Besançon du 25 novembre 1938 valide son maintien au service auxiliaire. Les médecins militaires ont constaté des séquelles de fracture du crâne imputables à un accident professionnel datant de 1930. Ce traumatisme avait nécessité une trépanation. Un syndrome subjectif allégué et une forte diminution de l’acuité auditive gauche accentuent cette prise de décision.

Rappelé à l’activité le 24 septembre de la même année en application de l’article 40 de la loi du 31 mars 1928, il est affecté au  D.A.T.. Edmond Dubourg arrive au corps le 25 septembre 1938. Il est de retour au village le 8 octobre 1938.

L’ancien soldat de la Grande Guerre est convoqué le 11 avril 1939 au C.M. Chars 506.

Le cliché suivant réalisé au camp du Valdahon le montre en présence de camarades du 506.

Camp du Valdahon

Edmond Dubourg est renvoyé dans ses foyers le 4 mai 1939. La 2e guerre mondiale est proche.

2e conflit mondial

Le 22 août 1939, Edmond est rappelé à l’activité, affecté à la compagnie de mitrailleuses 3/VII, une arme qu’il connaît bien. Il arrive au corps le jour même.

Passé au dépôt d’infanterie n° 73 le 26 septembre 1939, il a l’autorisation de retourner vivre à Vieilley le 28 octobre 1939. Il reste sans affectation à partir de cette date.

La France a perdu la guerre. Il faut maintenant vivre et subir l’occupation.

Edmond n’est pas très passionné par le travail à la ferme. C’est Marguerite, son épouse, qui fait tourner la petite exploitation agricole.

Les médecins lui ont conseillé beaucoup de calme et de tranquillité depuis sa trépanation. Edmond décide de ne plus se consacrer qu'à ses vergers et à sa vigne qui se trouvent dans les coteaux de Vieilley. Au rythme des saisons, il taille, pioche et greffe.

Un homme qui ne portait pas l’occupant dans son cœur

Edmond Dubourg ne fait pas « allégeance » au gouvernement du maréchal Pétain en 1940.

Lorsque le maquis s'installe dans les coteaux de Vieilley, il est sollicité. Les résistants savent que c'est un ancien « de la Grande Guerre » et qu’il n’a pas beaucoup de sympathie pour l’occupant.

Edmond intègre le réseau des F.F.I. du Doubs du 6 juin au 15 septembre 1944. Il sert de "facteur". Il doit également assurer l’approvisionnement du maquis en nourriture fraîche.

Au village, personne ne se soucie de lui. Lorsqu’il est aperçu, chacun se dit : « Ah, c’est Edmond qui monte à sa vigne.... »

Il ne fut inquiété qu’une fois. Le quinze août 1944, le village est encerclé par les Allemands, c'est l'ascension, la fête de la Vierge. Son épouse demande à leur fille d'aller chercher les vaches plus tôt que prévu afin d'être à l'heure à la messe.

Les vaches sont en pâture à l'extérieur du village, la jeune fille se fait arrêter par une patrouille allemande qui lui fait savoir qu’il y a : « interdiction absolue de quitter le village ».

Les Allemands viennent de commettre une erreur grossière. L’enfant court vite avertir Georges Molle qui a juste le temps de prendre tous les documents qui pourraient mettre en péril l’existence du réseau. Il parvient à se cacher dans un égout du village avec le « capitaine Émile » dont le véritablement nom est George Millar. Plusieurs vies sont sauvées.

Durant l’occupation, le couple Dubourg a accueilli un "petit parisien"  dont les parents étaient d’origine italienne. Le garçonnet leur demandait régulièrement.  « Vous me garderez, si mes parents sont morts ? "

L’épouse d’Edmond lui répondait : « Mais, bien sûr ! » Une fois, elle lui a même dit : « D'ailleurs, tu es déjà à moitié élevé ! " alors que l’enfant avait à peine une dizaine d'années.

Devenu adulte, il est venu leur rendre visite chaque année, jusqu'à la disparition de Marguerite Dubourg.

Le temps de paix revenu, Edmond retourne à sa vie de cultivateur rythmée par les saisons.

Le 29 septembre 1949, un certificat d’appartenance aux F.F.I. lui est attribué.

Certificat d'appartenance aux forces française de l'intérieur

Jusqu’à la fin de sa vie, Edmond Dubourg a pris soin de la vigne qu’il avait héritée de son père le 18 août 1918, alors qu’il était encore prisonnier en Allemagne.

Edmond et sa vigne

Edmond Dubourg décède le 2 janvier 1972 dans son village natal dans sa 80e année. Il repose actuellement dans le petit cimetière de Vieilley auprès de son épouse Marguerite.

Décorations obtenues :

Decorations Edmond Dubourg

Citation à l’ordre du régiment n° 365 du 1er avril 1917

« Excellent soldat, exemple de courage, blessé trois fois au cours de la campagne. A toujours donné entière satisfaction à ses chefs dans les circonstances les plus difficiles ».

Un décret du 10 octobre 1930 publié dans le J.O. du 17 octobre 1930 lui attribue la Médaille militaire.

La généalogie d’Edmond Dubourg est consultable sur le site de Généanet. Il  suffit de cliquer une fois sur l’image suivante pour y avoir accès.

Geneanet

Sources :

J.M.O. du 312e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 747/11.

J.M.O. du 414e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 770/9.

La fiche signalétique et des services d’Edmond Dubourg a été lue sur le site des archives départementales du Doubs.

Les photographies d’Edmond Dubourg présentées ici proviennent toutes des collections de la famille descendante de cet homme.

Pour en savoir plus sur le maquis de Vieilley, il faut lire le livre de Georges Millar « Un anglais dans le maquis » aux éditions Médicis Paris.

Un grand merci à M. Bordes, à B. Cretin, à A. Carrobi, aux archives départementales du Doubs et au Service Historique de la Défense de Vincennes.  

7 juin 2019

Antoine Benoît Allognet (1882-1915).

Antoine Benoit Allognet

Natif du département du Rhône, Antoine Benoît Allognet voit le jour le 9 avril 1882 au Petit-Saint-Bonnet, un lieu-dit dépendant de Saint-Pierre-la-Palud.

Le couple parental s’est marié le 2 février 1878 à Bibost, un petit village avoisinant.

La mère, Félicité Debourg, exerce le métier de ménagère et a déjà donné vie à un garçon. Elle a 30 ans à la naissance d’Antoine. Le père, Jean Marie Allognet, cultive la terre. Il est âgé de 39 ans.

Le 9 avril 1882, deux camarades de travail, Laurent Frédollière et Claude Blein, accompagnent Jean Marie à la mairie de Saint-Pierre-la-Palud. Ensemble, ils viennent signer le registre d’état civil. Les trois hommes sont reçus par l’adjoint Étienne Dubost.

Genealogie famille Allognet

Plus tard, la famille Allognet achète une ferme au lieu-dit « le Mollon » à Sourcieux-sur-l’Arbresle. Un 3e garçon naît en 1890.

Antoine suit une instruction primaire rendue obligatoire depuis la loi du 28 mars 1882 ; il va y acquérir les bases de la lecture, de l’écriture et du calcul. Ce n’est encore qu’un enfant lorsqu’il quitte l’école communale pour rejoindre le monde du travail. Il se met rapidement au service de l’agriculture, profession dans laquelle œuvrent déjà ses parents.

Sourcieux-sur-l'Arbresle

Devenu adulte, il est toujours employé à la ferme parentale. En 1903, Antoine Allognet doit se présenter devant le conseil de révision. Celui-ci prend la décision de l’ajourner pour faiblesse.

Un an plus tard, il comparaît à nouveau devant la médecine militaire qui, cette fois-ci, le déclare « bon pour le service armé ». 

Le jeune homme quitte sa région d’origine (certainement pour la première fois de son existence) pour effectuer ses obligations militaires dans un régiment d’infanterie vosgien. C’est par voie de chemin de fer qu’il gagne la ville d’Épinal le 15 novembre 1904. En franchissant le seuil de la caserne Courcy du 149e R.I., il ne sait pas encore qu’il n’ira pas au bout de ses deux ans de service actif.

En effet, la commission spéciale d’Épinal le réforme temporairement le 6 novembre 1905 pour des problèmes de tuberculose et de bronchites à répétition.

De retour à Sourcieux-sur-l’Arbresle avec son certificat de bonne conduite dans son bagage, Antoine peut reprendre le travail au vignoble.

Le 5 octobre 1906, il passe de nouveau devant une commission spéciale qui décide de le rappeler à l’activité militaire. Cette fois-ci, ses soucis de santé ont été jugés insuffisants pour le maintenir dans son statut de réformé. Il réintègre donc la cohorte des réservistes mobilisables.

Comme tout réserviste, il est soumis à l’obligation de faire deux périodes d’exercices à la caserne de son régiment d’affectation.

Antoine effectue sa première période entre le 23 novembre et le 20 décembre 1908. La seconde est réalisée entre le 9 et le 25 mai 1911.

Lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914, il est rappelé au régiment par ordre de mobilisation générale du 1er août. Son livret militaire lui rappelle qu’il a obligation de retrouver son dépôt quatre jours après la divulgation de cet ordre.

Antoine Allognet arrive à la caserne Courcy le 5 août. La veille, le 2e échelon du régiment, composé essentiellement de réservistes, a déjà rejoint le 1er échelon à Vanémont.

La date exacte d’arrivée sur le front du soldat Allognet n’est pas connue. Nous savons simplement qu’il fut affecté à la 12e compagnie lorsqu’il rejoignit, avec un groupe de renfort, le 149e R.I. dans la zone des armées.

Novembre 1914, le 149e R.I. est envoyé sur le front belge. Les conditions de vie sont rudes et la météo peu clémente. Le régiment est engagé dans plusieurs attaques importantes au sud d’Ypres.

Fin décembre 1914, les hommes du régiment spinalien laissent la Belgique derrière eux. Antoine Allognet sort indemne de cette épreuve.

Son régiment retrouve le sol français pour aller occuper une position dans un secteur d’Artois près d’Aix-Noulette.

Antoine trouve la mort le 30 mars 1915 au cours d’un combat qui a lieu du côté du bois de Bouvigny. Son acte de décès est transcrit à la mairie de Sourcieux-sur-l’Arbresle le 9 mai 1915.

Antoine Allognet repose actuellement dans le 8e rang du carré militaire n° 41 de la nécropole nationale de « Notre-Dame-de-Lorette » Cette dernière se trouve à Ablain-Saint-Nazaire. La sépulture porte le n° 9193.

Sepulture Antoine Allognet

Le soldat Allognet est décoré de la Médaille militaire à titre posthume (J.O. du 19 décembre 1919) :

«Très brave soldat. Tombé mortellement frappé le 30 mars 1915, au bois de Bouvigny (Notre-Dame-de-Lorette, Pas-de-Calais) »

Cette citation lui donne également droit à la Croix de guerre avec étoile de bronze.

Cet homme ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

Son nom et celui de son frère sont gravés sur le monument aux morts de la Sourcieux-sur-L’Arbresle. Cette commune change de nom dans les années 30 ; elle devient Sourcieux-les-Mines.

Sources :

La fiche signalétique et des services d’Antoine Benoît Allognet a été consultée sur le site des archives départementales du Rhône.

La photographie de la sépulture de ce soldat a été réalisée par J.M. Laurent.

Le portrait figurant sur le montage apartient à la famille descendante de cet homme.

Un grand merci à M.C. Allognet, à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.M. Laurent et aux archives départementales du Rhône.

24 mai 2019

Pierre Paul Joseph Meissert (1892-1971).

Paul_Meissert

Pierre Paul Joseph Meissert est né le 28 juin 1892 à Guebwiller, dans le département du Haut-Rhin. Ses parents, Louis Meissert et Marie Ackermann, se sont mariés dans cette commune le 3 septembre 1888. Quatre enfants sont nés de cette union. Paul est le troisième d’une fratrie composée de trois garçons et d’une fille.

Sa fiche signalétique et des services nous indique qu’il exerce la profession d'employé de banque et que son degré d’instruction est de niveau 4. Paul a fait ses études à l’école supérieure de Thaon- les-Vosges avant d’obtenir son brevet.

Inscrit sous le numéro 76 du canton de Xertigny, le jeune homme se présente devant le conseil de révision en excellente forme. L’année de ses 20 ans, il est classé dans la 1ère partie de la liste de 1912.

Incorporé au 149e R.I. à compter du 1er octobre 1913, Paul arrive au corps six jours plus tard.

Son niveau scolaire lui offre l'opportunité de suivre les cours de l’école des caporaux durant son passage sous les drapeaux. Le 11 février 1914, il peut arborer ses deux chevrons rouges qui matérialisent le premier grade proposé par l’armée.

La vie de caserne se poursuit au rythme des exercices et des marches jusqu’à ce que l’ordre de mobilisation générale soit placardé dans les rues d’Épinal et de la France entière.

À cette période de l’année, le caporal Meissert est inscrit dans les effectifs de la 12e compagnie du régiment spinalien dont la devise est « résiste et mord ». C’est sous les ordres du capitaine Cadeau qu’il quitte la caserne Coursy pour prendre la direction de la frontière franco-allemande.

Le caporal Meissert participe à tous les engagements qui eurent lieu durant le 1er mois du conflit. Il se bat au Renclos des Vaches près de Wisembach, au nord d’Abrechviller et dans la région de Ménil-sur-Belvitte.

Paul est nommé sergent le 18 août 1914. Il est ensuite nommé sergent fourrier. Son supérieur, lui confie la comptabilité de sa compagnie en toute confiance.

Fin août 1914, le 149e R.I. quitte la région des Vosges pour aller combattre dans le département de la Marne. C’est ici que le général Joffre choisit de lancer une vaste offensive après la retraite de son armée jusqu’aux limites de Paris. Le sergent fourrier Meissert est grièvement blessé à la jambe droite au cours d’une des attaques qui se déroulent dans le secteur du petit village de Souain. Cette commune a été prise, perdue et reprise plusieurs fois au cours de cette période.

Paul est interrogé plusieurs fois par des patrouilles allemandes, mais le jeune homme a réussi à cacher les documents qu’il a en charge.

Échappant de justesse à la captivité, il finit par rejoindre les lignes françaises au bout de cinq jours, en rampant, malgré les terribles souffrances engendrées par sa blessure.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de  cliquer une fois sur l’image suivante.

Carte_postale_Souain__1_

Le sous-officier Meissert est évacué vers le sud de la France pour être pris en charge dans un hôpital toulousain. Les soins sérieux et approfondis n’ont pas encore eu lieu, le voyage en train sanitaire est long. Toutes ces circonstances laissent présager des complications pour cette blessure par balle qui remonte maintenant à plusieurs jours.

Les médecins furent dans l’impossibilité de lui sauver sa jambe. Le 24 septembre 1914, c’est l’amputation.

Paul est proposé, le 15 juillet 1915, pour la réforme définitive avec gratification par la commission de réforme de Toulouse à 85 %. Le lendemain, il est renvoyé dans ses foyers, dégagé de toutes obligations militaires.

Le 20 novembre 1916, il épouse Jeanne Marie Élisabeth Grünfelder à Xertigny. Le couple a deux filles.

Son plus jeune frère, chasseur au 43e B.C.P., est moins chanceux que lui. Il décède des suites de ses blessures le 29 octobre 1918 en Belgique.

Paul Meissert obtient une pension permanente à 100 % lorsqu’il passe devant la commission de réforme de Nancy le 9 avril 1948.

En 1948, il s’installe au Maroc, à Casablanca-Beauséjour, pour y occuper un poste de direction à la banque nationale pour le commerce et l’industrie. Il est domicilié au n° 43 de la rue du capitaine Portalis.

Tous les étés, il revient passer quelques mois à Aillevillers dans la Haute-Saône.

Paul Meissert prend sa retraite en 1950 pour s’installer définitivement à Aillevillers. Il continue de faire des séjours réguliers au Maroc.

Il décède le 23 juin 1971 à Aix-en-Provence à l’âge de 78 ans.

Les_decorations_de_Paul_Meissert

Décorations obtenues :

Médaille militaire prenant rang du 6 juillet 1915.

Croix de guerre avec palme citation du G.Q.G. n° 1097 « D » du 6 juillet 1915 (J.O. du 1er août 1915) :

« Blessé grièvement à la cuisse le 14 septembre 1914 est resté cinq jours et six nuits sur un terrain battu par la mitraille. Porteur de la comptabilité de la compagnie, réussit à cacher ces documents aux patrouilles allemandes qui l’interrogèrent plusieurs fois. Rentra en rampant dans nos lignes, malgré son épuisement et ses souffrances. A été amputé de la jambe droite. »

Chevalier de la Légion d’honneur par décret du 31 mars 1954 (J.O. du 6 avril 1954) prenant rang du 21 juillet 1952.

Sources :

La fiche signalétique et des services du sergent Meissert a été consultée sur le site des archives départementales d’Épinal.

Pour consulter la généalogie de Pierre Paul Joseph Meissert, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

Geneanet

Cet homme possède un dossier sur le site de la base Léonore. Celui-ci peut se consulter sur le lien suivant :

Site base Leonore

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à P. Locher et aux archives départementales du département des Vosges. 

10 mai 2019

Paul Francis Marie Pineau (1874-1948).

Paul Francis Marie Pineau

Jeunesse

Les parents de Paul Francis Marie Pineau, François et Cézarine Caroline Goince se marient le 29 janvier 1873 à Sainte-Suzanne, une petite commune située dans le département de la Sarthe. Le père exerce le métier de ferblantier, il a 26 ans à la naissance de son fils. La mère, qui n’exerce pas de profession, a 29 ans lorsqu’elle donne vie à Paul le 13 janvier 1874 dans la maison familiale de Sablé-sur-Sarthe.

Après avoir suivi sa scolarité primaire obligatoire, Paul a la chance de pouvoir entreprendre des études supérieures. Il devient élève au lycée de Laval, un établissement qu’il quitte en 1890 après l’obtention de son baccalauréat ès lettres et ès sciences.

Souhaitant faire une carrière d’officier, le jeune homme doit préparer le concours d’entrée de l’école spéciale militaire.

Formations militaires

Reçu au concours saint-cyrien à la 30ème place sur 480 élèves, Paul Pineau se rend à la mairie du Mans le 27 octobre 1893 pour y signer un engagement volontaire d’une durée de trois ans. Trois jours plus tard, il commence sa formation en intégrant les effectifs de la promotion « Jeanne d’Arc ».

Nommé caporal le 25 août 1894, sergent le 3 novembre de la même année, il sort de l’école le 1er octobre 1895 avec le numéro 105 sur 465 élèves classés.

C’est comme sous-lieutenant qu’il est affecté au 129e R.I., une unité qui a ses casernes au Havre. Dans un premier temps, il est chargé de l’instruction des jeunes soldats. Paul prend ensuite le commandement d’un peloton de sa compagnie.

129e R

Durant cette période, le sous-lieutenant Pineau rend les meilleurs services dans chacun des emplois qui lui furent confiés, tout particulièrement dans l’aide qu’il apporta à son commandant de compagnie lors de la création du 4e bataillon du régiment. Très bien noté par son colonel, il est promu lieutenant le 31 octobre 1897. Son supérieur lui confie l’instruction des élèves caporaux.

Début 1898, il fait une demande pour intégrer la section des levés de précision de son régiment. Cette requête lui est accordée. Durant toute l’année, il prend part à tous les travaux de cette unité. Une fois de plus, il est très bien noté.

« Officier intelligent et actif, a des dispositions pour le service de topographie. Opère vite, avec soin, dessine très bien. A mérité la mention très bien »

Cette note est transmise par dépêche ministérielle du 7 décembre 1898 au service géographique de l’état-major de l’armée ; ce dernier le mandate pour effectuer une mission sur le continent africain.

Le lieutenant Pineau est envoyé en Tunisie du 28 décembre 1898 au 9 juin 1899 pour travailler sur la carte de ce pays.

Il réintègre le 129e R.I. au mois d’août. Restant très imprégné par son expérience maghrébine, il met beaucoup moins d’ardeur à effectuer ses tâches d’officier de section.

De retour au service géographe de l’armée, rue de Grenelle à Paris, il est envoyé en Algérie du 16 décembre 1899 au 14 juin 1900. Paul Pineau revient au Havre pour une courte période avant de repartir pour un second séjour en Algérie du 28 novembre 1900 au 7 juin 1901. Le 16 mars 1901, il est affecté au 109e R.I. de garnison à Chaumont, une unité qu’il rejoint dès sa rentrée sur l’hexagone.

Paul Pineau est noté comme étant un officier intelligent, zélé, sérieux, bien élevé, avec un caractère ouvert et énergique tout en étant animé du meilleur esprit, ce qui lui permet de remplir tous ses devoirs militaires avec entrain.

Le 26 juin 1901, il épouse une jeune femme âgée de 19 ans du nom de Suzanne Aglaé Marie Boland à Paris. L’oncle de Suzanne, Pierre Guignabaudet, est commandant dans le régiment de Paul. Après le mariage, le couple séjourne plusieurs années à Chaumont-sur-Marne au 12 rue Hautefeuille. Le 25 mai 1902, Suzanne Pineau met au monde une petite fille, Odette Marie, qui meurt le lendemain.

En 1903, le lieutenant Pineau suit les cours de l’école de tir de la Valbonne. À la fin de sa formation, le commandant de l’école lui donne l’appréciation suivante : « Intelligent et laborieux, très bon instructeur, apprécie assez bien les distances, très bon tireur. »

Cette année-là, il reçoit une médaille de 2e classe de la société de topographie de France qui le remercie pour son travail de cartographie effectué en Afrique.

Le 14 octobre 1904 naît un garçon que le couple Pineau prénomme Christian. Paul souhaite retourner au 4e corps, mais cette demande lui est refusée. Il s’inscrit comme candidat à l’école de guerre, mais renonce à se présenter au concours pour cette année.

Le lieutenant Pineau travaille énormément pour être admissible à l’école de guerre durant le 1er trimestre de l’année 1905, mais il échoue à l’examen d’entrée à sa 1ère tentative

Il réussit le concours l’année suivante. Négligeant ses fonctions d’officier de compagnie, il n’est pas bien noté par son capitaine et son chef de bataillon qui lui reprochent « une certaine confiance abusive dans ses propres lumières. »

Carrière d’officier supérieur

Paul Pineau fait un stage au 12e régiment de hussards avant d’entrer à l’école supérieure de guerre le 23 octobre 1906 avec le numéro 30.

Le 8 décembre 1906, la famille Pineau s’agrandit. Une petite fille voit le jour à Paris.

Le lieutenant Pineau dépend administrativement du 4e R.I. à partir du 24 novembre 1906 puis du 144e R.I. à compter du 24 juillet 1907. Promu capitaine le 24 septembre 1908, il est rattaché au 22e B.C.P..

Cet officier quitte l’école de guerre le 21 octobre 1908 avec son brevet d’état-major en poche. La mention « très bien » y est inscrite. Paul Pineau fait partie des vingt premiers élèves de la promotion 32.

Il obtient du ministre de la guerre un congé de trois mois, avec salaire de présence, qui lui permet d’effectuer un long voyage en Italie. Rattaché au 98e R.I., c’est cette unité qui lui verse sa solde durant cette période.

À son retour d’Italie, le capitaine Pineau est placé comme stagiaire au 4e bureau de l’état-major du 3e C.A. du 20 janvier au 20 avril 1909. Il effectue ensuite, au sein du 22e R.A.C. au camp de Chalons, son 2e stage pratique obligatoire prévu dans sa formation de cadre supérieur (un stage dans la cavalerie, un second dans l’artillerie).

Affecté à la section de chancellerie durant le 2e semestre de l’année 1910, Paul est en train d’acquérir une pratique du service d’état-major qui va le rendre apte à toute mission.

Le capitaine Pineau continue de se montrer du point de vue tactique un officier très complet. Il accomplit un dernier stage au 6e dragons durant les manœuvres d’automne.

Sa formation pratique d’officier supérieur s’achève à la fin du mois de septembre 1910. Muté au 119e R.I., il prend le commandement d’une des compagnies du régiment.

Les relations entre Suzanne et Paul se détériorent. Elles se dégradent tellement que le couple finit par se séparer. Suzanne rencontre l’écrivain Jean Giraudoux ; elle aura avec lui une longue histoire amoureuse et un enfant né en 1919, avant de l’épouser après son divorce avec Paul. Ce divorce est prononcé par un jugement du tribunal civil de la Seine le 20 mai 1920.

En 1911, Paul Pineau prend part aux manœuvres de cadres de la 6e D.I..

En 1912 le colonel du 119e R.I. écrit ceci à son sujet : « Le capitaine Pineau instruit très bien ses recrues. Il exerce une heureuse influence sur le régiment par ses connaissances étendues et le dévouement avec lesquels il aide les lieutenants qui étudient. Il y a là une démonstration évidente des exercices que peuvent rendre dans un régiment les officiers brevetés. »

Affecté à l’état-major de l’armée par décision ministérielle du 23 mars 1914, le capitaine Pineau est rayé des contrôles du 119e R.I. le 9 août 1914.

1er conflit mondial

Paul Pineau est au service des chemins de fer des armées au début de la mobilisation générale ; cet évènement à la fin du mois de juillet 1914 est annonciateur du premier grand fléau du 20e siècle. Dès les premiers mois du conflit, Paul fait une demande écrite pour rejoindre une unité combattante.

Nommé commandant à titre temporaire le 15 novembre 1914, il prend la tête du 2e bataillon du 28e R.I..

Le commandant Pineau s’occupe successivement d’un secteur de bataillon à la Neuville puis d’un secteur de deux bataillons à Berry-au-Bac. Il se distingue dans ces deux lieux par son esprit d’organisation, son entrain et son activité, en communiquant toute son ardeur à ses subordonnés ; ces derniers concourent, avec lui, à faire du village de Berry-au-Bac et des tranchées avoisinantes un secteur modèle.

Paul Pineau passe le Noël 1914 à Berry-au-Bac, son bataillon tient des tranchées creusées dans le village même avec le soutien de territoriaux du 78e R.I.T.. Il rédige un courrier à Henri Bordeaux, célèbre écrivain qui a rendu visite au 28e R.I. en décembre 1914.

Pour lire cette petite correspondance, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Site_du_28e_R

Paul montre un esprit très ingénieux qui ne laisse rien au hasard dans les affaires du 20 au 23 janvier 1915. Cet officier connaît parfaitement son personnel qu’il emploie à bon escient en lui communiquant sa flamme et sa ténacité.

Le commandant Pineau est proposé pour une citation à l’ordre de la Ve armée à la suite de l’affaire du 23 qu’il a su mener à bien.

Le 5 mai 1915, il est confirmé à titre définitif dans ses fonctions de commandant.

Cette titularisation lui permet de prendre le commandement du 3e B.C.P. dix jours plus tard. 

Avec ses chasseurs, il fait preuve, dans les combats très durs des mois de mai et de juin, de beaucoup de perspicacité, d’une très bonne aptitude au commandement et d’un grand courage personnel.

Le 11 juin 1915, son abri est écrasé sous des obus de 210. Il sort indemne de la situation avec une contusion grave du ménisque interne du genou droit. Il n’est pas évacué vers l’arrière.

Le 22 juin 1915, il est cité à l’ordre de la Xe armée.

D’un bataillon complètement détruit, recomposé à partir de renforts venus de plusieurs dépôts, il parvient à faire un corps très homogène. Paul Pineau conduit ses hommes de manière brillante dans l’offensive de septembre 1915. Il est décrit par le général Guillemot, responsable de la 85ème brigade, comme étant un chef de corps de 1ère valeur ayant une très haute conception de tous ses devoirs. De plus, cet homme est considéré comme étant un instructeur remarquable et un administrateur averti ayant un fort ascendant sur ses subordonnés.

Le commandant Pineau réorganise une nouvelle fois son bataillon, après les lourdes pertes subies dans les attaques de septembre, pour en faire un corps de troupe des plus solides et des plus brillants.

Il quitte le 3e B.C.P. le 2 février 1916 pour rejoindre le 3e bureau de l’état-major de la 2e armée.

À la tête du 149e R.I.

Chateau_de_Deniecourt_18_octobre_1916

Nommé lieutenant-colonel à titre temporaire, Paul Pineau reçoit le commandement du 149e R.I. le 10 septembre 1916. Ce régiment a été durement éprouvé au cours des combats qui eurent lieu les jours précédents dans le secteur de Soyécourt dans la Somme. Le 149e R.I. vient de perdre son chef de corps. Le lieutenant-colonel Gothié a été blessé avant d’être capturé par l’ennemi.

Le lieutenant-colonel Pineau, à la tête du régiment spinalien, prend part à la bataille de la Somme jusqu’en décembre 1916.

Poste_de_commandement_du_lieutenant_colonel_Pineau_en_octobre_1916

Le 21 décembre 1916, le général Guillemot note ceci dans le feuillet du personnel de son subordonné :

« Affecté au commandement du 149e R.I., au cours des opérations de septembre dans des circonstances particulièrement délicates, le lieutenant-colonel Pineau a su donner immédiatement la mesure des brillantes qualités de chef de corps dont il avait déjà fait preuve à la tête du 3e B.C.P. au cours des offensives en Artois. Appelé récemment à engager son régiment (novembre 1916) dans un secteur où il venait d’effectuer une relève en fin de combat, a eu l’heureuse initiative de réaliser des approches qui lui ont donné la possession de position ennemie et de s’y maintenir malgré de violentes contre-attaques précédées de jets de flammes. Chef de corps qui joint à une exceptionnelle valeur morale les plus précieuses qualités de commandement. Le lieutenant-colonel Pineau mérite au plus haut degré d’être titularisé dans le grade de lieutenant-colonel. »

À partir du 26 décembre 1916, le 149e R.I. se repose et s’instruit mi-partie au camp de Villersexel, mi-partie en deuxième ligne du secteur Seppois-Largitzen en Haute-Alsace.

Le_lieutenant_colonel_Pineau_devant_la_frontiere_alsacienne_en_fevrier_1917

Le 25 janvier 1917, le lieutenant-colonel Pineau est cité à l’ordre du 21e C.A..

Le_lieutenant_colonel_Pineau_devant_le_chateau_Belleau_le_13_mai_1917

Le 14 avril 1917, le 149e R.I. débarque à Montmirail.

Un mois plus tard, le lieutenant-colonel Pineau quitte le 149e R.I. en donnant son commandement au lieutenant-colonel Boigues. Il laisse à regret un régiment en parfait état sous tous les rapports : discipline, état moral, ordre, tenue, instruction.

L’après 149e R.I.

Il prend ses nouvelles fonctions comme sous-chef d’état-major au 10e C.A. après son départ du 149e R.I..

Le 1er octobre 1917, Paul Pineau est nommé lieutenant-colonel à titre définitif avant d’être désigné pour servir à la direction de l’arrière du grand quartier général.

Le 20 octobre, il est au service des chemins de fer occupant un poste de commissaire régulateur.

Le 5 mars 1918, il est détaché à l’armée américaine, avec la même charge professionnelle, sur la ligne de communication sud aux armées durant plus de sept mois.

Le 26 octobre le lieutenant-colonel Pineau devient chef du 3e bureau à l’état-major de l’armée française en Belgique. Durant quinze jours il assume les fonctions de sous-chef d’état-major de la 6e armée. C’est à ce poste qu’il apprend que l’armistice vient d’être prononcé.

Après l’armistice

Le lieutenant-colonel Pineau travaille à l’état-major de l’armée, aux armées, du 12 novembre au 10 décembre 1918 avant de devenir l’administrateur supérieur du district de Wiesbaden dans Hesse.

 Cet officier est remis à la disposition de son arme le 15 octobre 1919, à la suite d’une réduction d’effectif dans l’administration des territoires rhénans. Il est affecté pour ordre au 103e R.I..

Une semaine plus tard, Paul Pineau est sous l’autorité directe du ministre de la reconstitution industrielle. Affecté à la direction du service à Bruxelles, il est chargé de préparer l’organisation de la restitution des œuvres d’art et du mobilier artistique en accord avec le traité de Paix de Versailles

Il est ensuite détaché comme secrétaire général à la direction du service du charbon, une fonction qu’il occupe jusqu’en avril 1920.

Le lieutenant-colonel Pineau est mis en congé sans solde le 7 avril 1920 pour une durée d’un an. Ce congé est prolongé durant trois années.

Le 20 octobre 1921, il épouse, à la mairie du VIème arrondissement de Paris, Élisabeth Marie Machenschein, une femme âgée de 37 ans.

Le 15 novembre 1923, Paul Pineau est promu au grade de colonel de réserve. Ce jour-là, il est admis à la retraite et rayé des contrôles de l’armée active avant d’être affecté au gouvernement militaire de Paris.

Remis à la disposition de son arme par décision ministérielle 263-6/11 du 29 janvier 1930, il est adressé aux services militaires du territoire de la région de Paris par décision ministérielle du 10 février 1930.

Le colonel Pineau est rayé des cadres à partir du 14 janvier 1938. Il en a définitivement terminé avec sa carrière militaire.

Paul Pineau décède le 28 février 1948, chez lui, au 3 square Raynouard dans le XVIe de Paris.

Les_d_corations_du_lieutenant_colonel_Pineau

Décorations obtenues :

Croix de guerre avec 3 palmes et une étoile de vermeil.

Citation à l’ordre de la Ve armée du 5 février 1915 :

« Chargé de défendre un secteur délicat, l’a organisé avec une méthode remarquable et a préparé avec une grande habileté une contre-attaque qui a été couronnée de succès malgré un bombardement très violent. »

Citation à l’ordre de la Xe armée du 22 juin 1915 :

« A su par son ascendant personnel obtenir des débris de son bataillon dont il venait de prendre le commandement, un admirable effort, pour conquérir des tranchées énergiquement défendues et pour s’y maintenir malgré un violent bombardement et de nombreuses contre-attaques. »

Citation à l’ordre du 21e C.A. du 25 janvier 1917 :

« A pris dans des circonstances difficiles le commandement d’un régiment déjà éprouvé par la lutte et qui, sous sa vivifiante impulsion s’est de nouveau porté brillamment le 17 septembre 1916 à l’assaut des positions adverses. A pressenti les intentions du commandement et, sans attendre l’ordre, a talonné l’ennemi. A ainsi conquis une tranchée de près de 900 mètres, en a assuré l’organisation et y a maintenu ses unités jusqu’à la relève. »

Citation à l’ordre de la Xe armée du 20 février 1919 :

« Appelé à engager son régiment, le 149e R.I. dans un secteur où il venait d’effectuer une relève en fin de combat, a eu l’heureuse initiative de réaliser des approches qui lui ont donné la possession de positions importantes (14 octobre 1916) constituant une nouvelle parallèle de départ et permettant d’éviter de nombreuses pertes dans l’occupation du secteur. A pu, grâce à cette avance, enlever brillamment la position ennemie (7 novembre 1916) et s’y maintenir malgré de nombreuses contre-attaques précédées de jets de flammes. »

Chevalier de la Légion d’honneur le 16 juin 1915.

Officier de la Légion d’honneur arrêté du 13 août 1920 prenant rang à partir du 16 juin 1920.

Autres décorations :

Officier de l’instruction publique

Officier de l’ordre du Nicham Iftikar de Tunisie

Chevalier de l’ordre du mérite agricole

Médaille commémorative française de la Grande Guerre

Médaille interalliée de la victoire

Médaille japonaise : Officier de l’ordre du soleil levant

Médaille belge : Officier de l’ordre de Léopold

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Fiche signalétique et des services lue sur le site des archives départementales de la Sarthe.

Cahier Jean Giraudoux n° 31. Éditions Grasset & Fasquelle 2003.

Pour consulter la généalogie de Paul Pineau il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Geneanet

Le colonel Pineau possède un dossier sur le site de la base Léonore. Celui-ci peut se consulter sur le lien suivant.

Site_base_Leonore

Un grand merci à M. Bordes, à F. Amélineau, à A. Carobbi, à M. Porcher, à B. Sonneck et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

26 avril 2019

Henri Émile Jeannin (1895-1915)

Henri__mile_Jeannin

 

Originaire du petit village haut-marnais de Cirfontaines-en-Azois, Henri Émile Jeannin voit le jour le 17 mai 1895 au domicile familial. Il est le 3e enfant d’une fratrie composée de 8 frères et sœurs.

 

Sa mère, Marie Anastasie Legoux, est âgée de 26 ans. Elle travaille comme vigneronne dans une exploitation locale.

 

Son père, qui exerce la même profession, se prénomme Théophile René. Il a 34 ans.

 

Les rentrées d’argent apportées au foyer par le labeur parental ne sont pas suffisantes pour nourrir l’ensemble de cette grande famille. Très tôt, Henri est obligé d’aller travailler. Sa vie d’enfant et d’adolescent ne fut certainement pas facile tous les jours.

 

Genealogie_famille_Jeannin

 

La fiche signalétique et des services d’Henri Émile Jeannin nous fait savoir qu’il possède un degré d’instruction de niveau 0.

 

Henri n‘a donc pas suffisamment fréquenté l’école communale pour avoir appris à lire, écrire et compter.

 

Plus tard, le jeune homme s’installe dans la commune d’Orges. Les années de jeunesse s’écoulent jusqu’à l’arrivée d’un nouveau conflit armé contre l’Allemagne qui débute en août 1914.

 

Celui de 1870 est maintenant vieux de plus de quarante ans, mais il est encore très présent dans les esprits. Les premiers mois de guerre sont particulièrement meurtriers. Pour cette raison, la classe d’Henri Jeannin est vite appelée par la République, et cela, bien avant la date échéance d’incorporation du temps de paix.

 

La classe 1914 doit au plus tôt être formée au maniement du Lebel. Il va falloir aussi endurer les longues marches qui vont en grande partie conditionner la résistance physique des futurs combattants.

 

Robuste et en bonne santé, Henri est vite reconnu « bon pour le service armé » par le conseil de révision qui vient de se réunir à Châteauvillain.

 

Il est obligé d’abandonner son activité professionnelle de domestique de culture qu’il pratique depuis plusieurs années. Henri Jeannin rejoint le dépôt du 149e R.I. qui est installé à Rolampont, une commune située à 42 km de son lieu d’habitation.

 

Les aléas de la guerre ont entraîné le dépôt de ce régiment à se retirer de la ville d’Épinal dès le début du conflit, pour aller prendre place dans cette petite commune de Rolampont, dans le département de la Haute-Marne.

 

Commencée le 19 décembre 1914, la formation militaire d’Henri est achevée à la fin du mois de juillet 1915. Il est temps pour lui de rejoindre la zone des armées.

 

Le 28 juillet 1915, Henri intègre une section de la 6e compagnie qui se trouve sous l’autorité du lieutenant Damineau. À partir de cet instant, il est impossible de détailler son quotidien.

 

Le 9 septembre 1915, sa compagnie est en 1ère ligne à l’ouest du bois en Hache à proximité d’Aix-Noulette. À 16 h 00, Henri Jeannin est abattu d’une balle au cours d’une attaque menée par un peloton allemand.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte_1_journees_des_9_et_10_septembre_1915

 

Quatre jours plus tard, le caporal-fourrier Gabriel Chaussin et le soldat Pierre Belleu, deux hommes qui l’ont vu tomber, signent son acte de décès en présence de l'officier d’état civil du régiment, le sous-lieutenant Alexandre Mortemard de Boisse.

 

La mairie d’Orges reçoit la transcription de cet acte le 1er novembre 1915.

 

Le corps du soldat Jeannin est restitué à la famille dans les années 1920. À l’heure présente, il repose toujours dans le petit cimetière communal d’Orges, partageant sa sépulture avec son frère Jules.

 

Sepulture_Henri_Jeannin

 

La Médaille militaire lui a été remise à titre posthume (Publication dans le J.O. du 16 décembre 1920).

 

« Soldat dévoué, courageux. A toujours été d’un entrain admirable. Mortellement frappé le 9 septembre 1915 à Aix-Noulette. »

 

Cette décoration lui donne également droit au port de la croix de guerre avec étoile de bronze.

 

Pour honorer ses « morts pour la France », la paroisse d’Orges se démena pour trouver les financements nécessaires à la création d’un vitrail. Lorsque nous rentrons à l’intérieur de ce lieu de culte, il est impossible de ne pas remarquer l’espace imposant tout spécialement créé à leur intention. Plusieurs plaques commémoratives avec portraits ont été fixées sur un des murs de l’église. Parmi elles, figure celle d’Henry Jeannin.

 

Eglise_d_Orges

 

Le nom de cet homme est inscrit sur le monument aux morts de la commune d’Orges.

 

Henri Émile Jeannin ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services de ce soldat a été consultée sur le site des archives départementales de la Haute-Marne.

 

Toutes les photographies ont été réalisées par J.N. Deprez.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.N. Deprez, à V. le Calvez, aux archives départementales de la Haute-Marne et à la mairie d’Orges. 

12 avril 2019

Joseph Jean Lafont (1882-1915)

Joseph Jean Lafont

 

Joseph Jean Lafont est né le 11 décembre 1882 à Saint-Laurent-des-Arbres, dans le département du Gard. Il est le fils de Siméon Anselme et de Mathilde Valérie Drivet.

 

Contrairement aux registres d’état civil qui ne sont toujours pas en ligne, la fiche signalétique et des services de Joseph Lafond est heureusement accessible sur le site des archives départementales du Gard. Elle nous apprend  que Joseph possède un degré d’instruction de niveau 3 et qu’il exerce le métier de boucher à Pujaut.

 

Cette fiche nous informe également que son père vit dans la même petite localité occitane et que sa mère est décédée.

 

En l’état actuel des sources disponibles, il est donc difficile de pouvoir reconstruire de manière plus détaillée l’histoire familiale de cet homme.

 

L’année de ses vingt ans, le conseil de révision le classe dans la 1ère partie de la liste de recrutement du canton de Villeneuve-lès-Avignon.

 

Ce jeune gardois intègre les effectifs d’une compagnie du 3e R.I., le 16 novembre 1903. Ce jour-là, il reçoit le numéro 5983 au répertoire du corps. Sa formation de fantassin commence aussitôt après le passage chez le coiffeur, la réception du paquetage et l’installation dans le dortoir. Joseph sait qu’il va devoir passer trois ans de son existence à la caserne, mais ce n’est pas tout à fait ce qui va se produire.

 

Le 13 février 1906, la commission spéciale de réforme de Digne lui diagnostique une « adénite cervicale volumineuse ». Réformé n° 2, il est autorisé à retourner chez lui avant d’avoir terminé ses obligations militaires. De fait, cette exemption médicale forcée le dispense des futures périodes d’exercices obligatoires.

 

Lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914, Joseph peut encore rester au village. Mais il ne conservera pas cette « faveur » bien longtemps !

 

En effet, le 11 décembre 1914, il passe devant le conseil de révision pour la seconde fois de sa vie. Cette fois-ci, ses problèmes de santé ne sont pas jugés suffisamment invalidants pour qu’il puisse prétendre à la réforme définitive. Joseph Lafont est inévitablement classé « bon pour le service armé ».

 

Contraint de revêtir une nouvelle fois l’uniforme, il rejoint la ville de Lyon le 25 février 1915. Cette fois-ci, Joseph intègre le 99e R.I.. Il n’a droit qu’à une petite vingtaine de jours pour se reconditionner à la vie de soldat.

 

Joseph Lafont est ensuite envoyé dans la zone des armées, probablement pour achever son instruction dans un bataillon de marche.

 

Le 9 juin 1915, le soldat Lafont rallie les effectifs du 158e R.I., une unité qui détient également son dépôt dans la « capitale des Gaules ».

 

Il n’y reste que très peu de temps. Le 21 juin 1915, notre homme est versé à la 3e compagnie du 149e R.I..

 

Il ne portera le numéro de ce corps que durant quelques semaines.

 

Joseph Lafont trouve la mort le 9 septembre 1915 en Artois, au sud-ouest d’Angres. Son nom est inscrit dans l’état des pertes du régiment du 149e R.I..

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Les chefs de bataillons du 149e R

 

Les caporaux Fernand Bar et Octave Desrues signent l’acte de décès de Joseph Lafont. Ce document est transcrit à la mairie de Pujaut le 18 février 1916.

 

Le soldat Lafont repose actuellement dans le cimetière militaire franco-britannique d’Aix-Noulette. Sa sépulture individuelle, placée au rang 25, porte le numéro 434.

 

 

La Médaille militaire lui a été décernée à titre posthume (Publication dans le J.O. du 07/06/1921).

 

« Soldat dévoué et courageux. Tué à son poste le 9 septembre 1915, à Souchez, en faisant vaillamment son devoir »

 

Cette décoration lui donne également droit à la croix de guerre avec étoile de bronze.

 

Le nom de Joseph Jean Laffont est inscrit sur le monument aux morts de la commune de Pujaut.

 

L’absence des registres d’état civil du département du Gard sur internet n’a pas permis la reconstruction de la généalogie de la famille Lafont, même de façon partielle. Joseph a-t-il été marié ? A-t-il eu une descendance ? Il est actuellement impossible de répondre à ces questions.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services de Joseph Jean Lafont a été consultée sur le site des archives départementales du Gard.

 

La photographie de la sépulture a été réalisée par T. Cornet.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet et aux archives départementales du Gard. 

29 mars 2019

Albert Constant Noirot (1881-1922).

Albert Constant Noirot

Né de Louis Cyrille et de Jeanne Adélaïde Zoé Courbet, Albert Constant Noirot voit le jour le 8 décembre 1891, dans la commune de Port-Lesney. Il est le dernier d’une fratrie de 6 enfants. Deux d’entre eux n’ont pas survécu à leur première semaine de vie.

genealogie famille Noirot

Les parents ont toujours travaillé comme cultivateurs dans la région jurassienne.

Léon Clovis, le seul frère d’Albert, est interné à l’hospice de Saint-Ylie. En 1910, le conseil de révision le dispense de toutes obligations militaires pour « idiotie ». Il en est de même en 1914 au moment où tous les exemptés furent dans l’obligation de repasser devant la médecine militaire.

Albert Noirot quitte l’école communale de Port-Lesney en sachant lire, écrire et compter.

En 1901, il entre dans sa 20e année. Sans profession, il habite toujours chez son  père et sa mère qui sont respectivement âgés de 61 et 60 ans, dans la grande rue du Port. 

Le père meurt le 7 octobre 1902. Le 14 novembre, Albert se rend à Épinal pour effectuer ses obligations militaires.

C’est au 149e R.I. qu’il apprend le métier de soldat, après avoir bénéficié de l’article 22 durant un an pour soutien de famille.

Son passage au sein du régiment ne dure que 10 mois. Le jeune homme passe dans la disponibilité de l’armée active le 19 septembre 1903, avec l’obtention de son certificat de bonne conduite ; il retrouve la vie civile dans sa commune d’origine.

En 1906, Albert, qui s’est lancé dans le négoce de tissus, vit seul avec sa mère. Celle-ci décède le 15 juillet de l’année suivante.

Il accomplit sa 1ère période d’exercice au 152e R.I. du 22 août au 18 septembre 1909.

En 1911, Albert demeure toujours à Port-Lesney. Ce négociant a réussi à créer une petite société qui lui a permis d’embaucher deux salariés, Charles Maréchal et André Mourlevat, deux hommes qui sont logés chez lui et qui travaillent à la fois comme domestiques et comme commis voyageurs.

Albert Noirot retrouve képi et pantalons garance pour effectuer sa 2e période d’exercice du 24 août au 9 septembre 1912,  toujours au 152e R.I..

Ses affaires professionnelles périclitent petit à petit jusqu’à ne plus rien lui rapporter. Les dettes s’accumulent. Le tribunal de commerce de Salins le déclare en état de faillite le 1er mai 1914.

Trois mois plus tard, la guerre contre l’Allemagne est inéluctable. Le 3 août 1914, Albert est rappelé à l'activité militaire comme des centaines de milliers de réservistes.

Albert Noirot rejoint le dépôt du 349e R.I. d’Épinal avant d’être inscrit dans les effectifs du 149e R.I..

La date de son arrivée dans la zone des armées n’est pas connue. Il nous est donc impossible de valider sa présence dans les tout premiers combats du 149e R.I. en août 1914.

C’est au cours de l’attaque éclair, lancée par les Allemands le 3 mars 1915, qu’il est fait prisonnier dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette en même temps qu’un grand nombre de ses camarades de la 2e compagnie.

Une recherche effectuée sur le site du Comité International de la Croix Rouge permet de retrouver sa trace en Allemagne. Les deux références qui figurent sur sa fiche nous font savoir qu’il a été interné aux camps de Cellelager Hannover et d’Hamelm.

Fiche C

Sa fiche signalétique et des services nous apprend également qu’il a été à Soltau.

Tous ces camps sont situés à Hanovre ou à proximité de cette ville.

Les camps de prisonniers français en Allemagne où a été interné Alfred Constant Noirot

Rapatrié d’Allemagne le 19 janvier 1919, Albert est envoyé sur le D.T.I. de Dunkerque. Il est mis en congé illimité de démobilisation le 6 mars 1919 au dépôt du 28e R.I. à Courbevoie. Il se retire ensuite chez son beau-frère, à Colombes, au 4 rue des Lilas.

Ce changement de résidence entraîne son rattachement au dépôt du 44e R.I. pour être affecté dans les réserves du 147e R.I.T..

Ne parvenant pas à trouver sa place dans la région de Colombes, il retourne vivre à Port-Lesney.

Albert Noirot décède le 30 janvier 1922 à Salins à l’âge de 41 ans. Il ne s’est jamais marié.

Sources :

Les fiches signalétiques et des services des frères Noirot,  les actes de naissance, de mariage et de décès de la famille Noirot ont été trouvés sur les sites des archives départementales du Jura et des Hauts-de-Seine.

Les sites du Comité International de la Croix Rouge et de « Généanet » ont été consultés.

Le morceau de carte des camps de prisonniers français en Allemagne a été pris sur le site « Gallica ».

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi  et aux archives départementales du Jura et des Hauts-de-Seine. 

15 mars 2019

Marcel Georges Gillot (1895-1915).

Marcel_Georges_Gillot

Marcel Georges Gillot est né à Varennes-sur-Amance dans le département de la Haute-Marne. Sa mère, Reine Marie Michaux a 23 ans. Elle lui donne vie le 11 novembre 1895 dans la demeure des grands-parents maternels. Le père, Jean Charles Nicolas, travaille comme cultivateur. Il est âgé de trente-deux ans.

La famille est installée dans le village natal paternel de Montlandon, situé à quelques13 km de Langres.

Marcel est l'aîné d’une fratrie de trois enfants ; son frère cadet se prénomme Maurice Étienne, sa petite sœur Charlotte Madeleine.

Il partage son temps entre l’école communale du village et le travail aux champs. Très jeune, il abandonne sa scolarité pour aller exercer le métier de cultivateur, comme tous ses ancêtres qui pratiquent cette profession depuis de nombreuses générations.

Montlandon

Sa fiche signalétique et des services nous informe qu’il possède un degré d’instruction de niveau 2. Marcel a une maîtrise imparfaite de la lecture, de l’écriture et du calcul.

Le 1er août 1914, le gouvernement français ordonne la mobilisation générale. Toutes les classes de réservistes qui sont en âge de porter l’uniforme doivent rejoindre leurs dépôts d’affectation.

Marcel Gillot n’est pas touché par ces évènements, puisqu’il fait partie de la classe 14 qui ne fut mobilisée qu’au début du mois de septembre. Il n’est toutefois pas incorporé avec les hommes de sa classe, bien qu’ayant été classé « service armé » lors de son passage au conseil de révision qui s’est réuni à la mairie de Neuilly-l'Évêque.

Faut-il y voir une erreur dans la fiche matricule ou une autre raison à son incorporation avec la classe suivante, 1915, en décembre 1914 ? (Maladie ? Sursis lié à sa profession ?). Toutefois, il porte l’uniforme lors du conseil de révision de la classe 1915.

Incorporé à compter du 19 décembre, Marcel Gillot quitte le village où il a passé sa jeunesse et tracé ses premiers sillons d’homme de la terre. Il prend ses quartiers dans une des casernes situées à Épinal, au dépôt du 170e R.I..

Caserne Contades 2

Sa formation est accélérée. Dans les hauts lieux militaires, il est maintenant estimé que quelques mois suffisent pour intégrer les rudiments du métier de soldat. En cette fin d’année 1914, la France a besoin d’hommes pour remplacer les pertes des premiers mois du conflit.  Nous sommes bien loin des trois années de vie passées sous les drapeaux, années imposées par la loi votée en 1913 sous le gouvernement Barthou.

Le 29 mars 1915, le soldat Gillot est inscrit dans les effectifs de la 27e compagnie du dépôt du 170e R.I.. Ce jour-là, le jeune fantassin prend le temps d’écrire à la famille.

« J’ai vu Paul Jannel. Il est venu me voir samedi soir. Hier, j’ai été à la messe avec trois copains de la Haute-Marne, un de Langres, un de Voisey et un de Bourbonne. On a rapporté chacun une petite branche de buis. Après la messe, on a dîné tous les quatre en ville. Nous y retournerons encore dimanche, le jour de Pâques. Nous avons tous touché chacun une paire de souliers neufs, une chemise et un caleçon et nous allons encore toucher des effets cette semaine-ci. Vous ne m’enverrez rien du tout, je n’ai besoin de rien. Ce matin, j’ai été à la visite. J’ai un abcès au pied au bas de la cheville. J’ai été reconnu trois jours exempt d’exercices et si cela ne va pas mieux, j’y retournerai jeudi.

J’ai reçu avant-hier une lettre de Paris. Ils ont reçu ma photographie. Ils partent en vacances pour quinze jours à Château-Chinon.

Quand vous écrirez, vous me direz où le cordonnier et Pierre Laurent vont en garnison.

 Je suis en bonne santé et j’espère qu’il en est de même pour vous. G. Marcel. »

Une fois ses apprentissages militaires achevés, Marcel Gillot est affecté dans un autre régiment.

Le 1er mai 1915, il quitte la caserne Contades, traverse la Moselle, pour aller s’installer à la caserne Courcy, qui héberge le 149e R.I...

Quinze jours plus tard, Marcel quitte le dépôt pour rejoindre la zone des armées. Son régiment combat dans le Pas-de-Calais depuis la fin décembre 1914. Cette unité, sous les ordres du lieutenant-colonel Gothié, est au repos lorsque ce dernier est rejoint par le renfort venu d’Épinal. Le 149e R.I. vient de passer plusieurs jours en 1ère ligne du côté de Noulette. Les pertes ont été sévères. Il faut maintenant reconstituer les compagnies avec les hommes fraîchement arrivés du dépôt. Le soldat Gillot est affecté à la 9e.

Le 26 mai 1915, Marcel envoie sa première correspondance à sa famille depuis son arrivée dans le secteur du front.

« Cher parents,

Deux mots pour vous dire que je suis en bonne santé. Nous sommes toujours au repos pour le moment. L’autre jour, j’ai vu Edmond Cornaire à Bully-Grenay. J’ai reçu le mandat-carte de 5 francs de Varennes. Depuis que je suis parti d’Épinal, je n’ai encore reçu qu’une lettre. Celle que vous m’avez envoyée avec le mandat. Quand vous écrirez, vous me direz si vous recevez les lettres et vous direz ce que vous faites. Je ne vois pas grand-chose à vous dire pour le moment. Je termine en vous envoyant bien le bonjour. G. Marcel. »

Le 4 juin 1915, il rédige un nouveau courrier à ses parents.

« Chers parents,

Je vous ai écrit hier ainsi qu’à Paris et chez mon oncle. Je vous écris seulement deux mots pour vous dire que j’ai reçu votre lettre recommandée du 1/06. Je vous remercie beaucoup. J’ai reçu les 5 francs de Varennes et le mandat de chez mon oncle, je ne l’ai pas encore reçu. C’est encore le meilleur d’envoyer en lettre recommandée.

Il y en a un de Varenne qui est à notre compagnie, le sergent Lanne. Je suis en bonne santé et j’espère qu’il en est de même pour vous. G. Marcel »

Trois jours plus tard, le soldat Gillot écrit de nouveau aux siens.

« Chers parents,

Je vous écris ces quelques lignes pour vous dire que je suis en bonne santé et j’espère que ma lettre vous trouve de même. J’ai reçu votre lettre du 2 juin hier soir, mais le mandat-carte de 1 franc que vous m’envoyez, je ne l’ai pas encore reçu. J’ai bien reçu la lettre recommandée de 10 francs. Du reste, je vous l’ai dit. J’ai reçu le mandat-carte de 10 francs de mon oncle hier soir ainsi qu’une carte de Paul Jannel. Il me dit qu’il a été versé aux chasseurs à pied. Il est au 1er bataillon.

Hier dimanche, il y a eu une messe militaire dite en plein air dans un château, par l’aumônier du 149. Il est de Neuilly-l’Évêque. J’y ai été et le soir, il y a eu un concert.

Nous sommes toujours au repos. Nous faisons quatre heures d’exercice par jour. Deux heures le matin, deux heures le soir. Bonjour à tous. G. Marcel. »

La famille Gillot

Le 9 juin 1915, il leur adresse une quatrième lettre.

« Chers parents,

 Deux mots pour vous dire que je suis en bonne santé. J’ai reçu votre mandat de 10 francs, hier soir. Je vous remercie beaucoup. Nous sommes toujours au repos et je crois que nous allons y rester encore quinze jours. Nous faisons de l’exercice. Hier soir, je suis allé à la gare, voir des canons qui sont arrivés. C’est des grosses pièces de sièges, des 270 courts.C’est des sacrés morceaux, il faut 30 chevaux pour traîner une pièce. Je ne vois plus rien à vous dire pour le moment. Bien le bonjour. G. Marcel. »

Les quinze jours de repos supplémentaires espérés par Marcel n’ont pas eu lieu. Dans la nuit du 14 au 15 juin, les 1er et 3e bataillons du 149e R.I. remontent en 1ère ligne pour relever le 281e R.I. en vue d’une nouvelle attaque. Celle-ci débute le 16 juin 1915.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

16 juin 1916

Le jeune homme de 19 ans ne répond pas à l’appel après l’engagement de sa compagnie dans cet assaut. Personne ne sait ce qu’il est advenu de lui. Il n’y a pas eu de témoins pour constater son décès. Son nom est inscrit dans la liste des disparus de l’état nominatif des pertes du 149e R.I...

Ne recevant plus de correspondance, la famille manifeste son inquiétude. Le 7 juillet, le père expédie une lettre au régiment de son fils.

« Ne recevant plus de nouvelles de Gillot Marcel, soldat au 149e R.I., 3e bataillon, 9e compagnie de la classe 1915, depuis le 10 juin, et étant très inquiet, je viens vous prier d’avoir l’amabilité de me faire donner des renseignements à son sujet.

Veuillez agréer, Monsieur, avec tous mes remerciements, l’expression de mes sentiments les meilleurs. »

Adolphe Gillot, bibliothécaire à la faculté de pharmacie de Paris, l’oncle évoqué dans les courriers de Marcel, écrit à son frère Charles.

« Cher frère,

La mairie de Bourg-la-Reine m’a communiqué ce matin, les renseignements suivants : Marcel Gillot n’a pas encore été signalé comme disparu à son corps jusqu’à présent. Par conséquent, il ne faut pas encore désespérer. Il peut se faire qu’il soit dans une ambulance sur le front, où que ses lettres soient interceptées pendant un certain temps, pour raison militaire.

En tout cas, j’écris en même temps qu’à vous, au bureau des militaires, pour demander à ce que des recherches soient faites sur le front, dans sa compagnie. J’ai prescrit de t’adresser directement les résultats, ce qui demandera bien au moins une huitaine de jours en plus.

Je vais en vacances mardi prochain à Château-Chinon. Si vous avez des nouvelles, quelles qu’elles soient, vous nous les enverrez.

D’autre part, j’avais prié le vaguemestre de sa compagnie de vous transmettre toutes les lettres adressées à Marcel, y compris les miennes, en cas de disparition.

Si vous en recevez adressées par moi, vous les garderez, sans m’en parler et vous les décachetterez.

A-t-on des nouvelles de Paul Jannel ? Étant versé dans les chasseurs, il a dû être mêlé activement à la bataille.

Il faut toujours espérer jusque plus ample information, tant que vous n’aurez pas été avisé officiellement par la mairie du décès de Marcel. Nous vous souhaitons que vous et nous, receviez bientôt une lettre de lui nous annonçant qu’il est toujours de ce monde, blessé ou non.

En attendant, nous prenons une grande part à vos légitimes angoisses et nous vous embrassons bien affectueusement. »

Le courrier envoyé par le père au 149e R.I. est renvoyé à la famille. La réponse donnée par les militaires, directement inscrite sur la lettre, laisse quelques espoirs.

« Blessé aux combats du 16 juin 1915, évacué sur une ambulance de l’arrière. Depuis cette date, aucun nouveau renseignement n’est parvenu à la compagnie. »

correspondance famille Gillot

Les mois passent, toujours aucune nouvelle de Marcel.

La famille est plongée dans le désarroi. Elle adresse plusieurs courriers aux différentes instances qui seraient susceptibles de pouvoir l’aider. 

Le palais royal de Madrid, l’agence de prisonniers de guerre « les nouvelles du soldat » installée à Paris, le Comité International de la Croix Rouge, l’office provisoire pour les prisonniers à Rome sont sollicités.

Les reponses des differents organismes sollicites par la famille Guillot

L’agence des prisonniers de guerre parisienne l’encourage à écrire à l'aumônier du 149e R.I..  L’abbé Galloudec répond à la mère :

« Madame, Voici ce qu’il résulte de mon enquête sur votre fils Marcel Georges Gillot. Il a été blessé le 16 juin 1915. Au régiment, on n’en sait pas davantage. C’est tout ce que l’enquête a pu me fournir comme renseignement et je regrette infiniment de ne pas pouvoir y apporter plus de précision, d’autant plus que je sais très bien votre déception. Dans tous les cas, je pense que s’il y avait eu un dénouement fatal, vous auriez été avertie depuis longtemps. Avec mes regrets de ne pouvoir faire mieux. Veuillez agréer Madame, tous mes respects. »

Le décès de Marcel Gillot est officialisé le 13 mars 1921 par le tribunal de Langres qui valide la date de sa mort au 16 juin 1915. Le jugement est transmis à la mairie de Montlandon le 27 mai 1921.

Acte de deces Marcel Georges Gillot

Le soldat Gillot a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume (publication dans le J.O. du 11 août 1922) :

« Brave soldat, tombé glorieusement pour la France le 16 juin 1915 à Aix-Noulette»

Cette décoration lui donne également droit à la Croix de Guerre avec étoile de bronze.

Medaille militaire et croix de guerre de Marcel Georges Gillot

Pour prendre connaissance de la généalogie de ce jeune homme, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Geneanet

Le nom de Marcel Gillot, ainsi que celui de son cousin Paul Jannel, sont gravés sur le monument aux morts de la petite commune de Montlandon.

Il n’y a pas de sépulture connue pour Marcel. La famille conserve toujours les quelques lettres qu’il a rédigées ainsi que tous les documents le concernant. Cet homme ne s'est pas marié et n'a pas eu de descendance. Sa disparition fut une terrible perte pour la famille. Sa mère n’a jamais voulu croire à sa mort. Elle  a toujours dit qu’il était devenu amnésique.

Sources :

La fiche signalétique et des services de Marcel Georges Gillot a été consultée sur le site des archives départementales de la Haute-Marne.

Les photographies de la famille Gillot, la correspondance de Marcel et l'ensemble des documents utilisés ici proviennent de la collection familiale.

Les informations concernant le parcours militaire et l’histoire de la famille du soldat Gillot ont été fournies par R. Gillot.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à R. Gillot et sa famille, aux archives départementales de la Haute-Marne et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

1 mars 2019

Ambroise Antoine Suchet (1892-1915).

Ambroise_Antoine_Suchet

Pierre Marius et Marguerite Roche vivent à Lyon, lorsque leur fils Ambroise Antoine voit le jour le 3 octobre 1892. À la naissance de l’enfant, le père travaille comme employé. Il a 32 ans. La mère, âgée de 25 ans, n’exerce pas de profession.

Après avoir fréquenté l’école primaire et le collège, Ambroise poursuit sa scolarité au lycée Ampère où il obtient son baccalauréat.

Une fois ses études terminées, il se fait employer dans une des nombreuses soieries de la ville. Ses fonctions professionnelles ne sont pas connues.

Ambroise Suchet est incorporé au mois d’octobre 1913.

Ce jeune homme est dans l’obligation de rejoindre Montélimar pour intégrer une des compagnies du 52e R.I. à la caserne Saint-Martin, et ce, pour y être formé au métier de soldat.

Il porte toujours l’uniforme lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914.

Son registre matricule reste très lacunaire dans la rubrique « détail des services et mutations diverses". Nous y lisons la date où il fut désigné caporal, et nous y apprenons qu’il a servi au 149e R.I., c’est tout.

Il est donc très difficile de reconstruire le parcours de cet homme durant le 1er conflit mondial avec si peu d’éléments à notre disposition. Des zones d’ombre vont subsister.

Impossible de dire si Ambroise Suchet a été envoyé au front avec le 52e R.I. ou s’il est resté au dépôt, de même, s’il a connu la zone des armées. Difficile de savoir s’il a été évacué au cours des 1er mois du conflit.

Le 1er élément de chronologie figurant sur sa fiche signalétique et des services indique qu’il est caporal le 31 décembre 1914 et qu’à cette date, il sert dans une compagnie qui porte le numéro 26 ; cela correspond à une compagnie de dépôt.

La date de son arrivée dans les effectifs de la 9e compagnie du 149e R.I. et sa nomination au grade de sergent ne sont pas mentionnées sur sa fiche matricule.

Cependant, grâce à l’envoi par la famille d’une photographie datée, nous savons de manière sûre qu’Ambroise Suchet cantonne à Barlin le 20 mai 1915. Le jeune homme s’est fait photographier avec le numéro 149 et ses deux « sardines » de sergent distinctement visibles sur la manche gauche de son uniforme. Il porte des vêtements chauds et peu militaires pour certains.

Sergent_Ambroise_Antoine_Suchet

Le numéro matricule au corps du sergent Suchet qui est inscrit sur sa fiche « mémoire des hommes » est le n° 13038. Le numéro suivant, 13039, est également identifié : il s’agit de celui du soldat Joseph Louis Delort. En consultant la fiche matricule de cet homme, nous apprenons qu’il est arrivé au 149e R.I. le 24 mai 1915.

Ces informations semblent indiquer une arrivée au 149e R.I. en mai 1915, peut-être après les combats du début du mois.

Le 16 juin 1915, la 9e compagnie du 149e R.I. quitte sa position entre la sape T2 et T3 pour partir à l’attaque avec les autres compagnies du 3e bataillon et celles du 1er bataillon aux alentours de 12 h 15. Cette attaque échoue. Les hommes sont obligés de se replier. Le sergent Suchet est tué durant cette opération.

Le nom de notre homme ne figure pas dans l’état nominatif des officiers, sous-officiers, caporaux et soldats, tués, blessés ou disparus au combat de Notre-Dame-de-Lorette du 16 juin 1915.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

16_juin_1916

Les soldats Marius Laurent et Louis Leduc, qui ont survécu à l’attaque du 16 juin, témoignent de la mort du sergent Suchet et signent son acte de décès qui est transcrit à la mairie du 1er arrondissement de Lyon le 20 octobre 1915.

Ambroise Suchet est enterré dans un 1er temps au cimetière du bois 6, dans une sépulture individuelle portant le n° 10. Ce cimetière est supprimé dans les années 20. Les corps sont transférés à la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette ou restitués à la famille, ce qui semble être le cas du sergent Suchet. Sa famille reçoit une carte postale envoyée depuis Aix-Noulette en octobre 1922 avec le texte suivant.

« Chère Madame Suchet,

Vos désirs sont accomplis, quand votre carte est arrivée, tout est fait.

Monsieur le curé était présent quand on a ouvert le cercueil, à sa capote, on voyait trace du galon. L’officier a dit que l’on ne pouvait pas retourner le corps. Son pantalon est en drap d’officier. Mon mari lui en a pris un morceau, un écusson du 149e, un morceau de son gilet de chasse que j’ai passé au désinfectant et que j’aurais voulu vous envoyer mieux nettoyer. Je crois que le Monsieur et la Dame ne nous feront pas de reproches à notre sujet. Simon a mis des œillets dans un sac. Le soir en arrivant, le monsieur n’avait plus qu’à désinfecter le sac. Recevez, Madame Suchet, notre bon souvenir. »

Décorations obtenues :

 Croix de guerre avec une citation à l’ordre de l’armée.

« De hautes valeurs morales, sachant encourager ses hommes et leur donner l’exemple. Tué au combat à la tête de sa section qu’il entraînait courageusement à l’assaut des positions ennemies. »

Le sergent Suchet a également été décoré de la Médaille militaire à titre posthume ( J.O. du 20 janvier 1921) :

« Sous-officier de hautes valeurs morales, sachant encourager ses hommes et leur donner l’exemple. Tué glorieusement au combat du 16 juin 1915 sur les pentes de Notre-Dame-de-Lorette,  à la tête de sa section, qu’il entraînait courageusement à l’assaut des positions ennemies. A été cité »

Le nom de cet homme, décédé à l’âge de 22 ans, est inscrit sur le monument aux morts de la ville de Lyon. Il est également gravé sur la plaque commémorative 1914-1918 de l’église Saint-Polycarpe, située sur les pentes de la Croix-Rousse dans le 1er arrondissement de la 2e ville de France. Il figure aussi sur le monument commémoratif dans la cour d’honneur du lycée Ampère.

Monument_aux_morts_de_la_ville_de_Lyon

Ambroise Suchet est resté célibataire et n’a pas eu de descendance.

Sources :

Fiche individuelle vue sur le site « Mémoire des Hommes ».

L’acte de décès du sergent Suchet est lisible sur le site des archives municipales de la ville de Lyon.

La plupart des informations concernant le sergent Suchet sont extraites de sa fiche signalétique et des services et de son acte de naissance. Ces documents ont été consultés sur le site des archives départementales du Rhône.

La photographie représentant le sergent Suchet provient de la collection de F. Besch.

« A.E.L. Association des anciens élèves des lycées de Lyon ». Livre d’or de la Grande Guerre 1914-1918. Lyon imprimerie A. Rey. 1921.

Un grand merci à M. Bordes, à P. Baude, à F. Besch, à A. Carobbi, A. Chaupin, au Service Historique de la Défense de Vincennes, aux archives départementales du département du Rhône et aux archives municipales de Lyon.

 

15 février 2019

Pierre Joseph Guilleminot (1888-1918).

Pierre_Guilleminot

Pierre Joseph Auguste Guilleminot naquit au « hasard des garnisons », le 17 décembre 1888 à Besançon. Son père, Claude, est un capitaine âgé de 36 ans qui exerce ses fonctions d’officier au 10e bataillon d’artillerie de forteresse. Sa mère, Marie Eugénie Joséphine Guyotte, vient de donner vie à son premier enfant. Elle est âgée de 32 ans.

Pierre Guilleminot est l'aîné d’une fratrie composée d’une sœur et deux frères.

Genealogie_famille_Guilleminot

Après l’école primaire obligatoire, Pierre a la possibilité de poursuivre des études qui le mèneront jusqu’au baccalauréat « latin, sciences et mathématiques ».

L’année de ses 20 ans, il tente le concours d’entrée de l’école spéciale militaire qu’il réussit. Le 20 juillet 1909, il est reçu sous le numéro 25. Ce succès lui permet de contracter un engagement spécial, réservé aux grandes écoles. Le 8 octobre 1909, il appose sa signature sur ce contrat, promettant ainsi de servir avec « fidélité et honneur » la France pendant une durée de quatre ans.

Le lendemain, il est à Montbéliard, incorporé dans les effectifs d’une compagnie du 21e B.C.P.. Pierre entreprend sa formation de caporal qu’il termine le 10 avril 1910. À cette période, il sert à la 4e compagnie.

Le 15 octobre 1910, le jeune homme entre à l’école spéciale militaire avec le grade d'aspirant, intégrant ainsi la promotion de Fez.

Il fait ses deux années d’études obligatoires avant de quitter Saint-Cyr, obtenant le numéro 99 sur 211 élèves classés.

Son livret matricule nous apprend qu’il a eu, au total, 18 jours d’arrêts simples durant sa formation. Toutes ces punitions sont minimes, mais elles nous montrent la rigueur de la vie militaire.

Le 6 janvier 1910, son capitaine lui inflige 4 jours pour avoir fumé une cigarette en étude pendant le repos qui suit le repas de midi. Le 24 février, ce capitaine lui donne de nouveau 4 jours pour être encore couché dix minutes après le réveil. Le 22 juin, Pierre Guilleminot a un avertissement pour négligence de pliage réglementaire de fournitures de literie. Le 18 octobre 1911, il écope de 2 jours pour avoir laissé traîner sa vareuse sur le pupitre. Le 29 février 1912, l’aspirant prend 4 jours pour avoir présenté, lors de l’inspection par l'officier de semaine, une vareuse à laquelle il manquait un bouton. Le 16 juillet, le capitaine de service lui impose 4 jours pour avoir quitté, en étude, sa vareuse et sa veste.

Le 10 octobre 1912, le général responsable de l’école écrit ceci : « Manque encore un peu d’assurance et d’entrain. Très bien doué, cependant zélé, bon esprit, pourra avec quelques efforts faire un très bon officier. S’est bien présenté »

Affecté au 149e R.I., il rejoint les rangs de ce régiment cantonné à Épinal comme sous-lieutenant.

C’est au tour du colonel Menvielle de l’évaluer. Le 10 avril 1913, cet officier supérieur rédige le texte suivant dans le feuillet individuel de campagne  de son subordonné :

« Jeune officier en période de formation. S’annonce comme devant faire un bon officier. Instruit, intelligent, a beaucoup lu et continue de travailler. A fait l'instruction des élèves caporaux, s’en est occupé avec zèle. Très apte à faire campagne. »

Le 25 septembre 1913, il poursuit : « Officier vigoureux, ayant du calme et du sang-froid, sans beaucoup d’allant. Est animé du désir de bien faire et sert avec zèle, donnant toutes satisfactions à son capitaine. A bien fait les marches-reconnaissances dans les Vosges et les manœuvres d’automne. »

Pierre Guilleminot est nommé dans le grade supérieur le 1er octobre 1913.

La guerre le trouve à la tête d’une des sections de la 7e compagnie, sous les ordres directs du capitaine Coussaud de Massignac.

Le lieutenant Guilleminot prend part à l’affrontement du Renclos des Vaches près de Wisembach et à la retraite d’Abreschviller avant d’assurer le commandement de la 5e compagnie. Ce commandement a été laissé vacant à la suite du décès du capitaine Micard le 23 août 1914 ainsi que de l’absence du lieutenant Petin et du sous-lieutenant Camus ; cette absence faisait suite à leurs blessures du 9 août 1914.

Trois jours plus tard, le lieutenant Guilleminot est engagé du côté de Ménil-sur-Belvitte avec les sections de sa compagnie. Il participe ensuite aux attaques qui se déroulent à l’intérieur et autour du petit village de Souain, dans la Marne.

Le 27 septembre 1914, Le lieutenant Petin est de retour au 149e R.I.. Il prend le commandement de la 5e compagnie. Pierre Guilleminot retourne à la 7e compagnie pour en devenir le chef. Avec ses hommes, il combat en Artois en octobre 1914, puis en Belgique au mois de novembre et, de nouveau en Artois, une région où le régiment restera pratiquement dans le même secteur durant toute l’année 1915.

Au combat, c’est un homme courageux. Le lieutenant-colonel Gothié, chef du 149e R.I. inscrit ceci dans son feuillet de campagne :

« Commandant de compagnie très brillant au feu. (3 citations, décoré sur le champ de bataille) Plein d’allants et d’entrain, mais un peu jeune et manquant quelques fois de pondération. Avec plus d’expérience et de maturité d’esprit, il fera un officier de tout premier ordre. »

Une décision ministérielle du 3 juin 1915, publiée dans le J.O. du 7 juin,  lui permet de porter le titre de capitaine de façon temporaire. Cette nomination prend rang à compter du 22 mai 1915. Pierre Guilleminot est définitivement admis dans ce grade à partir du 3 septembre 1915. Il n’a pas encore fêté ses 27 ans.

Le 6 décembre 1915, il écope de 4 jours d’arrêts simples par ordre du lieutenant-colonel Gothié avec le motif suivant : « Commandant son bataillon en 1ère ligne en l'absence de son chef de bataillon en permission, n’a pas rendu compte à son chef de corps de faits graves intéressant le régiment et qu’il avait signalés au commandant de l’infanterie du secteur. »

Trois jours plus tard, le Journal Officiel annonce qu’il est fait chevalier de la Légion d’honneur.

Le 149e R.I. est  ensuite engagé durant un mois dans la bataille de Verdun durant un mois. Le régiment y perd beaucoup d’hommes.

Lorsqu’il laisse derrière lui le secteur meusien à la mi-avril 1916, Pierre Guilleminot reçoit l’ordre de quitter la 7e compagnie pour prendre le poste de capitaine adjudant-major au 2e bataillon. Il doit seconder le commandant Schalck à partir du18 avril. Il lui est nécessaire de se former.

Le capitaine suit les cours d’informations des adjudants-majors au centre de perfectionnement de Châlons-sur-Marne du 29 mai au 1er juin 1916.

Début septembre 1916, le régiment spinalien combat dans la Somme. Le lieutenant-colonel Gothié est fait prisonnier. Le lieutenant-colonel Pineau  est nommé à la tête du régiment.

Cet officier ne se fait pas une très bonne opinion de son subordonné. Le 23 décembre 1916,  il inscrit noir sur blanc : « Officier un peu jeune, ne montre pas toute l’énergie que l’on serait en droit d’attendre de lui. Un peu nonchalant a besoin d’être stimulé de temps à autre. A pris trop jeune les fonctions d’adjudant-major. Ne semble pas encore apte à prendre le commandement d’un bataillon. A été proposé comme stagiaire d’E.M. pendant l'absence du colonel. Cette proposition n’est pas du tout justifiée et le colonel ne l’aurait pas faite. Il espère qu’elle n’aura pas de suite. A besoin de beaucoup travailler. »

Le 23 mars 1917, Pierre Guilleminot est « rétrogradé ». Il quitte ses fonctions de second de bataillon pour prendre le commandement de la 1ère compagnie du régiment.

Cette situation ne dure pas. En mai 1917, le lieutenant-colonel Pineau est remplacé par le lieutenant-colonel Boigues.

Pierre Guilleminot retrouve ses fonctions de capitaine adjudant-major le 22 août 1917 ; cette fois-ci, il est affecté au 1er bataillon sous les ordres du commandant de Chomereau de Saint-André.

Le_capitaine_Guilleminot_et_son_ordonnance__aout_1917

Le 23 septembre 1917, le colonel Boigues note ceci sur le feuillet de campagne du capitaine : « Je ne partage pas l’avis de mon prédécesseur sur le capitaine Guilleminot, qui, à ce que j’ai cru comprendre, s’est trouvé comme adjudant-major, dans une situation délicate vis-à-vis de son chef de bataillon à raison d’une vieille intimité. Intelligent, courageux, je crois qu’il peut faire un bon adjudant-major. S’est, d’autre part fait noter très élogieusement comme commandant d’unité. »

Deux mois plus tard, le régiment est engagé dans la bataille de la Malmaison.

C’est à la tête de son bataillon, à proximité du commandant de Chomereau de Saint-André, qu’il quitte la tranchée pour se lancer à l’assaut de la 1ère ligne allemande au cours de la 1ère phase de l’attaque.

Pour en savoir plus sur les évènements de la journée du 23 octobre 1917, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Carte 1 emplacements des 3 bataillons du 149e R

Son attitude au feu lui vaut une citation à l’ordre de l’armée, confortant ainsi l'opinion que s’était fait de lui le colonel Boigues qui écrit ceci en février 1918 : «  Le capitaine Guilleminot fait un très bon adjudant-major. Il est au-dessus de tout éloge comme bravoure individuelle et comme dévouement. Doué d’une très bonne instruction générale, intelligent, il fera un bon chef de bataillon supérieur à la moyenne, s’améliorera encore certainement en face des responsabilités du commandement qui le stimuleront. »

Février 1918, le 149e R.I. occupe un secteur dans les Vosges. Le cliché suivant a été réalisé durant cette période.

La Cude Commandant Gaston de Chomereau de Saint-André

La photographie suivante n’est ni datée ni légendée. Grâce à la palme bien visible sur la croix de guerre du capitaine Guilleminot, nous pouvons affirmer qu'elle a été réalisée entre le 18 novembre 1917 et son départ du 149e R.I..

Capitaine Guilleminot photographie non datee

Début mai 1918, Pierre Guilleminot est muté au 4e B.C.P., il ne reste que quelques semaines dans cette unité. Au début du mois de juillet 1918, il est affecté au 70e R.I. pour y prendre le commandement du 3e bataillon.

Sorti indemne de toute blessure lorsqu’il était au 149e R.I., Pierre trouve la mort dans l’Aisne à la ferme la Grange au nord de la Vesle le 4 août 1918. Le J.M.O de ce régiment nous indique les circonstances de son décès. Les Allemands ont piégé la ferme avant de l’abandonner. La violence de la charge explosive est telle qu’elle ensevelit plusieurs hommes.

Le corps de cet officier n’est retrouvé que bien plus tard. Le capitaine Guilleminot est dans un premier temps enterré dans le cimetière communal de Braine, dans une fosse individuelle qui porte le numéro 156.

Pierre Joseph Guilleminot repose actuellement avec ses parents et l’intégralité de sa fratrie dans un caveau familial placé dans le cimetière des Chaprais à Besançon. Les trois frères et la sœur ne se sont jamais mariés. Il n’y a pas de descendance connue pour l’ensemble de cette fratrie.

Sepulture famille Guilleminot

Cet officier a obtenu les citations suivantes :

Citation à l’ordre du régiment  n° 46 du 22 avril 1915 :

« Chargé d’une reconnaissance délicate dans la nuit du 5 au 6 mars en avant de Noulette, s’en est acquitté parfaitement. A contribué dans une large mesure à la réussite de l’attaque du 6 mars par la précision et l’à propos de ses ordres. »

Citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 61 du 8 juin 1915 :

« Commandant de compagnie remarquable par son entrain, son mépris du danger, son calme sous le feu. En dernier lieu dans l’attaque du 29 mai, étant en 1ère ligne, a entraîné sa compagnie hors des tranchées ennemies dont il a conquis une cinquantaine de mètres »

Citation à l’ordre du 21e C.A. n° 11 en date du 23 septembre 1916 :

« Officier brillant, sur le front depuis le début de la campagne, s’est distingué dans tous les nombreux combats livrés par le régiment par son énergie, son sang-froid, son esprit de décision, ses remarquables qualités de commandement dans la part prise par le 2e bataillon, aux succès remportés par le 149e Régiment d’Infanterie, les 4, 5 et 6 septembre 1916 et le 17 septembre 1916, a secondé son chef de bataillon avec le dévouement le plus absolu. »

Citation à l’ordre de l’armée n° 539  en date du 18 novembre 1917 :

« Officier d’une haute valeur morale. Le 23 octobre 1917 a chargé en première vague, avec la même bravoure insouciante qu’à Sainte-Marie, Souain, Ypres, Lorette, Verdun et Soyécourt. A été là comme ailleurs le bras droit de son chef de bataillon »

Citation à l’ordre de la 11e D.I.  n° 229 du 18 juin 1918 :

« Officier de premier ordre d’un grand sang-froid, d’une belle bravoure, s’est dépensé sans compter au cours des combats du 10 et 11 juin 1918 pour assurer la liaison entre les différentes unités engagées et le chef de bataillon, auxiliaire le plus précieux pour son chef de corps. »

Sa croix de guerre est constituée d’une palme, d’une étoile de vermeil, de deux étoiles d’argent et d’une étoile de bronze.

Chevalier de la légion ordre n° 1743 en date du 9 octobre 1915. 

« Commandant de compagnie d’un calme, d’un entrain et d’un courage remarquables, le 26 septembre 1915 a maintenu sa compagnie sous un bombardement des plus violents.

A entraîné sa première vague d’attaque, a réussi à prendre pied avec elle dans la tranchée allemande » 

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Les fiches signalétiques et des services des frères Guilleminot et la plupart des actes de naissance, de mariage et de décès de la famille  ont été trouvés sur les sites des archives départementales du Doubs.

La photographie de la plaque mortuaire de Bernard et de Pierre Guilleminot a été trouvée sur le site « Généanet ».

Un grand merci à M. Bauer, à M. Bordes, à A. Carobbi, à J. Huret, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes, aux archives départementales du Doubs et aux mairies de Besançon et de Bainville-sur-Madon. 

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