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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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29 août 2014

14 août 1914.

Carte_photo_groupe_248

Le 149e R.I. qui stationnait à Colroy-le-Grande, Lubine et Lusse est venu, la veille au soir, s’installer dans les communes de Provenchère-sur-Fave et de Frapelle. Une fois de plus, le repos va être de courte durée.

L’intégralité du régiment se tient prêt à quitter ses cantonnements à partir de 3 h 30. Le 3e bataillon du commandant Didierjean prend la tête de la colonne, il est aussitôt suivi par le 1er bataillon du capitaine Lescure. Le 2e bataillon du capitaine François ferme la marche. Le 149e R.I. prend la direction du  col de Saales.

Les premiers hommes du 3e bataillon passent devant la gare de Saales, donnée comme P.I., à 5 h 15.

Arrivé à Bourg-Bruche, le 3e bataillon se sépare du reste du régiment. Accompagné d’un peloton du 4e Chasseurs, il prend la direction d’Haut-de-Steige. Les hommes du commandant Didierjean ont pour mission de tenir et de barrer le couloir de la Villé aux Allemands, tout en cherchant la liaison avec le 14e C.A.

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Une fois sa mission remplie, il rallie Saint-Blaise-la-Roche en passant par Ranrupt et Colroy-la-Roche après l’écoulement de la colonne.

Les 1er et 2e bataillons du régiment poursuivent leur marche en direction de Saulxures. Ils s’arrêtent au niveau du coude de la route à 400 m au sud de la halte de Saulxures.

Les hauteurs environnantes de Saulxures sont prises sous le feu de l’artillerie allemande. Des éléments de la 13e division, venant du 21e et du 109e R.I., apparaissent sur les lisières du bois qui se trouve sur les hauteurs de la rive ouest de la Bruche.

Aux environs de 8 h 30, une compagnie du 21e R.I. se replie sur les pentes Est de ce mouvement de terrain à hauteur du 149e R.I.. La tête du gros de la colonne du régiment attire sur ce point quelques coups de canon.

À 12 h 15, le 1er bataillon du 149e R.I. reçoit l’ordre de se porter par les bois sur la croupe 553, qui est située à 1 km à l’est de Saint-Blaise-la-Roche. Les compagnies du capitaine Lescure doivent se tenir prêtes à soutenir le 1er B.C.P. qui vient de lancer une attaque en direction de Saint-Blaise-la-Roche. L’artillerie française est en position au Haut-Charas et à la cote 653 située à 800 m de Colroy-la-Roche.

Vers 13 h 15,  le colonel Menvielle reçoit un compte-rendu du capitaine Lescure ; celui-ci lui fait savoir que son bataillon se trouve maintenant en position sur la croupe 553, en présence d’une compagnie du 1er B.C.P..

Dix minutes plus tard le commandant du 149e R.I. reçoit un second compte rendu. Celui-ci provient du 3e bataillon du commandant Didierjean. Il indique les dispositions prises par ses compagnies dans le secteur du Haut-de-Steige.

 La 11e compagnie vient de prendre position au lacet situé au nord-est de Steige pour battre la vallée vers Meissengott. La 12e compagnie va s’installer à la cote 678, à 1200 m au sud de Haut-de-Steige. Elle doit surveiller les chemins de Lalaye et de Meissengott. La 9e compagnie est près de la cote 796, à 1200 m au nord de Steige. La 10e compagnie reste en réserve sur la route avec la section de mitrailleuses. Les mouvements des 9e et 12e compagnies du bataillon doivent s’exécuter entre 7 h 00 et 9 h 00.

Carte__2_journee_du_14_aout_1914

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La 11e compagnie, qui avait reçu l’ordre de ne pas se déplacer tant que les éclaireurs des 9e et 12e compagnies n’avaient pas poussé jusqu’à leurs nouvelles positions, commence à avancer à partir de 10 h 00. Elle parvient à refouler quelques patrouilles allemandes. Mais, très rapidement, elle se heurte à des tirs nourris et bien ajustés provenant d’éléments ennemis qui sont fortement retranchés sur la croupe nord-est de Steige.

Le chef de bataillon Didierjean est tué, une fracture du crâne à raison de sa vie, son agent de liaison de la 11e compagnie trouve également la mort ainsi qu’un autre soldat de cette compagnie.

Deux sections de la 9e compagnie sont aussitôt poussées vers la cote 796 pour permettre à la 11e compagnie de se dégager. Le corps du commandant Didierjean peut aussi être relevé. Le mouvement est exécuté aux alentours de 11 h 00.

Le 3e bataillon passe sous l’autorité du capitaine Laure. À 12 h 15, il reçoit l’ordre de se maintenir sur les emplacements occupés en raison du retard apporté par le 14e C.A. dans son mouvement défensif. Pour pallier à toute éventualité d’attaque, il doit se retrancher vers le défilé du Haut-de-Steige jusqu’au lendemain 15 août.

La 9e compagnie se porte à la cote 761 avec une avancée à 771. Un peloton de la 12e compagnie  tient la cote 678. Le second peloton de cette compagnie organise et occupe, face à l’est, le carrefour les Bas. La section de mitrailleuses s’établit sur une pente entre la cote 678 et le Haut-de-Steige. Elle flanque la 11e compagnie. Ces compagnies sont soutenues par un bataillon du 158e R.I.. Une batterie du 59e R.A.C, qui est en position vers la Salcée,assure la sécurité.

Carte_3_journee_du_14_aout_1914

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Le 1er B.C.P. vient de pénétrer dans le village de Saint-Blaise-la-Roche à 16 h 00. L’état-major et le 2e bataillon du 149e R.I. reçoivent l’ordre de se porter sur ce village. 

Deux heures plus tard, les hommes du capitaine François atteignent Saint-Blaise-la-Roche. Le 1er B.C.P. est déployé sur les pentes au nord-ouest de Poutay. Le 1er bataillon du 149e R.I. occupe les hauteurs au nord-est de Saint-Blaise-la-Roche.

Des signaux blancs sont agités depuis certaines tranchées ennemies. À 18 h 30, les Allemands qui s’y trouvent sortent sans armes pour venir au-devant de nos lignes.

En début de soirée, 4 convois de prisonniers allemands d’environ 500 hommes partent en direction de Saales. Presque tous sont Alsaciens, ils appartiennent au 99e et au 15e Bavarois. Outre le fait qu’ils aient été abandonnés par leurs chefs, ces hommes déclarent n’avoir rien mangé depuis la veille.

Vers 20 h 30, deux bataillons du 109e R.I., qui ont été fortement éprouvés durant la journée dans l’attaque de Saint-Blaise-la-Roche, viennent également cantonner dans cette commune.

                                      Tableau des tués pour la journée du 14 aout 1914

                                    Tableau des blessés pour la journée du 14 août 1914

 Sources bibliographiques :

J.M.O. du 149e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 696/8.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/9.

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

La photographie de groupe a été réalisée avant le début du conflit.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

22 août 2014

13 août 1914.

Le_Climont

Le 1er bataillon du 149e R.I. est en mission de couverture dans le secteur de Lubine depuis la veille. Les 2e et 3e bataillons sont à Colroy-la-Grande.

Une action offensive doit être exécutée par les hommes du capitaine Lescure qui se trouvent toujours dans le secteur du col d’Urbeis. Le bataillon doit pousser deux de ses compagnies, une section d’artillerie et un peloton de cavalerie dans la direction des fermes du Climont. Ce groupe exécute un déplacement rapide pour pouvoir canonner le secteur à partir de 15 h 00. Il a reçu l’ordre de prendre sous son feu les fermes du Climont en poussant par le sud, que celles-ci soient occupées ou non par l’ennemi. Quelles que soient les circonstances, le groupement du capitaine Lescure doit impérativement faire taire le canon et le fusil avant 16 h 00. Des troupes françaises se trouvent dans le secteur.

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Un groupe composé de deux compagnies du 158e R.I. et d’un peloton de cavalerie, sous les ordres du commandant du Réau de la Gaignonnière, venu du Han, contourne le Climont par le sud. Ce détachement doit faire sa liaison avec celui du capitaine Lescure. Une fois cette mission achevée, les hommes du 1er bataillon du 149e R.I. qui ont été engagés dans cette action, et les éléments qui lui sont rattachés retournent à Lubine.

En début d’après-midi, Les 2e et 3e bataillons du 149e R.I.s’apprêtent à quitter Colroy-la-Grande. Le 3e bataillon se met en route à partir 14 h 30. À 15 h 45, c’est au tour du 2e bataillon de mettre le sac au dos. Ces deux bataillons ont reçu l’ordre de venir s’établir en cantonnement d’alerte dans les communes de Provenchères-sur-Fave et de Frapelle.

La 7e compagnie est partie de Lusse aux alentours de 14 h 15 pour rejoindre son bataillon d’origine.

carte_2_journee_du_13_aout_1914

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En début de soirée, le 1er bataillon du 149e R.I. rentre aux cantonnements. Les 3 bataillons du régiment sont maintenant réunis. La nuit sera très courte, le régiment va se remettre en route dès le lendemain à partir de 3 h 30.

Sources bibliographiques :

J.M.O. du 149e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 696/8.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/9.

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

15 août 2014

12 août 1914.

Colroy_la_Grande_

La veille, les 1er et 2e bataillons du 149e R.I. ont quitté le village de Wisembach pour venir s’installer à Bertrimoutier. Le 3e bataillon, lui, est resté au col de Sainte-Marie en prévision d’une attaque allemande.

Le colonel Menvielle commande un détachement composé des 1er et 2e bataillons du 149e R.I., d’un peloton de cavalerie et d’une batterie de l’A.D. 43. Il reste à la disposition du général de division.

La 85e Brigade est maintenant engagée dans les combats qui ont lieu un peu plus au nord dans le secteur de Voyémont et de Saales. Le gros du 149e R.I. assure la couverture de la Brigade.

Les 1er et 2e bataillons du régiment quittent Bertrimoutier à 3 h 15. Ils traversent les villages de Combrimont et de Lesseux. Les deux bataillons prennent une formation de rassemblement, derrière la partie ouest du parc du château de Lesseux, située près de la commune d’Herbaupaire. Le 2e bataillon commandé par le capitaine François se positionne à droite, le 1er bataillon sous l’autorité du capitaine Lescure prend place à gauche. Les formations sont établies à 4 h 00. Le bruit du canon se fait entendre du côté de Beauchimont-Menabois, l’artillerie française vient d’ouvrir le feu sur les positions ennemies qui se trouvent aux alentours de Voyemont du côté de la cote 803.

À 4 h 30, un ordre provenant de la 43e D.I. fait savoir au 2e bataillon du régiment qu’il doit se mettre en route. Le gros de sa 7e compagnie s’installe dans le petit village de la Pariée. Cette compagnie envoie également une de ses sections à la cote 608, une demi-section à Basse Merlusse, l’autre demi-section à Arpot. Un petit poste composé de 4 hommes est constitué dans le petit village des 3 Maisons. Les 5e, 6e et 8e compagnies du 2e bataillon se mettent en rassemblement articulé sur le versant sud de la croupe est de l’église de Lusse. Tous ces mouvements sont terminés à 5 h 30.

Le 1er bataillon, qui devait initialement s’installer sur les pentes nord de cette même croupe, est finalement maintenu à Lusse. Il reste à la disposition du colonel Menvielle.

Carte_1_journee_du_12_aout_1914

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Quelque temps plus tard, ce bataillon reçoit l’ordre de se rendre à la scierie de Lubine (il existe toujours une scierie à la sortie nord-est de Lubine, qui mène au hameau de la Bassotte). Au même moment, les 3 compagnies du 2e bataillon, modifient légèrement leurs positions, elles se portent sur le versant nord de la croupe est de l’église de Lusse.

Le colonel Menvielle est informé de l’arrivée imminente du 3e bataillon de son régiment. Le clocher de l’église de Lusse vient tout juste de marquer les 15 h 00. Le lieutenant-colonel Escallon, le commandant Didierjean et ses hommes sont arrivés à Bertrimoutier. Ce bataillon avait commencé à replier ses avant-postes dans la nuit du 11 au 12 août. Il a définitivement quitté le col de Sainte-Marie, après avoir été remplacé par un bataillon du 75e R.I. à 8 h 00.

Carte_2_journee_du_12_ao_t_1914

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L’état-major du régiment et le 2e bataillon quittent Lusse à 18 h 00 pour prendre la direction de Colroy-la-Grande. Une heure plus tard, ils arrivent dans cette commune. La 7e compagnie du bataillon quitte ses positions occupées depuis le matin pour aller s’installer à Lusse. Le lieutenant-colonel Escallon et le 3e bataillon du commandant Didierjean viennent de faire un long repos à Bertrimoutier. Ils prennent congé de cette localité à 19 h 30 pour prendre la direction de Colroy-la-Grande et rejoindre le gros du 2e bataillon à 21 h 30.

Carte 3 journee du 12 août 1914

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Les hommes du capitaine Lescure qui se trouvent toujours dans le secteur du col d’Urbeis prennent les dispositions suivantes :

Pour la couverture :

Celle-ci doit être assurée par un peloton d’infanterie qui prend position au sud du col, il est épaulé par un second peloton qui est installé au nord du col. Une section reste sur la route du col. Une autre section prend place plus au nord, face à la lisière ouest du village du Climont, à environ 300 m à l’ouest du village.    

Pour la réserve :

Une compagnie et demie ainsi qu’une section de mitrailleuses constituent une partie de la réserve. Celles-ci sont positionnées près de la scierie de Lubine. Des éléments du  bataillon sont également positionnés au col de Lubine (très vraisemblablement le col d’Urbeis).

Une autre compagnie encadre le T.C. et l’artillerie couvrant la direction de Fouillaupré et celle du col de la Hingrie.

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Le peloton de cavalerie se trouve au col, derrière la section d’infanterie avec vedettes fixées aux cols de la Hingrie et de Raleine.

Des cavaliers ennemis sont signalés à la Hingrie. Une compagnie allemande du 8e bataillon de chasseurs à pied se trouve à la lisière du col d’Urbeis. Le village de Climont est occupé par l’ennemi, mais il est impossible d’en apprécier le nombre.

Les fermes du Climont vont être la cible du groupement mixte du  capitaine Lescure. Une attaque est en préparation pour le lendemain. De nouveaux déplacements attendent les 2e et 3e bataillons du régiment. 

Sources bibliographiques :

J.M.O. du 149e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 696/8.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/9.

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

9 août 2014

9 août 1914... Baptême du feu du côté du Renclos-des-Vaches.

Ecritures

Les évènements évoqués par le capitaine de Chomereau-de-Saint-André qui vont pouvoir se lire ici, se sont déroulés il y a tout juste 100 ans !

Une nouvelle fois, un très chaleureux merci à son petit-fils qui m’autorise à publier ce témoignage laissé par son grand-père. Un autre grand merci au dessinateur B. Bordes.

Le descriptif, la précision et l’intensité de cet écrit vont nous permettre de mieux comprendre l’évolution et le changement rapide du comportement des hommes en condition de combat.

En l’espace de quelques heures, tout change ! L’expression « comme aux manœuvres » peut, à elle seule, résumer la situation.

Les hommes du 149e R.I. partent avec les souvenirs laissés par les exercices faits avec les instructeurs. Personne n’a vraiment idée de ce qui l’attend…

Comment pourrait-il en être autrement ! Le choc du baptême du feu est particulièrement brutal. La violence de ce premier combat déroute beaucoup les hommes. Très vite, les soldats de la 8e compagnie du 149e R.I. prennent conscience de la réalité de la guerre.

« Il doit être minuit passé. Magagnosc m’avertit que cela va mal vers Sainte-Marie ! Le 31e B.C.P. a échoué au Renclos-des-Vaches, perdant un capitaine (Méry) dont la compagnie a été décimée. Réveil, en effet, en pleine nuit (toujours ce système absurde d’empêcher les hommes de dormir !), puis c’est l’attente sur place dans la rosée des prés.

Au petit jour, arrivée à Wisembach : le 3e Bataillon (Didierjean) va au col, le 1er (Sury), flanc-garde de gauche, au nord du col, en direction du Renclos-des-Vaches et de la Chaume de Lusse, flanqué lui-même à gauche par la compagnie François (6e) du 2e Bataillon (le mien). Les 5e, 7e et 8e sont d’abord en réserve dans un ravin au nord de Wisembach.

Ma compagnie va en avant-garde de ce dernier groupe et nous gagnons notre emplacement en formation de marche… comme aux manœuvres, c’est-à-dire sans qu’on laisse, dans ce terrain montagneux rendant impossible la marche ra­pide, le temps de prendre les distances voulues ! Bien entendu, partout sur le pas de leur porte, les habitants nous regardent ; comprenne qui voudra ! Les chiens hurlent, décelant notre approche. C’est tellement agaçant que je menace d’en faire tuer un que le propriétaire oblige à rentrer.

Carte_1

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À part une reconnaissance (Dargent) pour vérifier notre iti­néraire jusqu’à la crête frontière, personne n’a été détaché à grande distance pour repérer les posi­tions ennemies. Nous savons que le Renclos-des-Vaches est tenu. Un point, c’est tout. Et le lendemain — trop tard — nous avons compris le pourquoi de notre échec glorieux, puisque l’en­nemi abîmé malgré sa supériorité numérique écrasante, n’a pas même esquissé une poursuite et a été arrêté à chaque attaque, mais échec quand même puisque nous n’avons pas pris le Renclos.

Pour l’instant, nous n’y pensons pas et nous écoutons le canon qui tonne vers le col et la fu­sillade sur les crêtes. Le ciel est très pur, des avions passent, avions allemands. Stationnement prolongé où je note mes impres­sions, bavarde, déjeune, etc.

Enfin nous montons vers la crête, et je rencontre le premier blessé vu par moi : un petit chasseur du 31e, la main abîmée : ma foi, je fais mettre l’arme sur l’épaule et la section de tête défile devant lui. Longue et dure montée dans les sapins, puis ras­semblement à la crête : devant nous l’Alsace ! À ma droite, au sud, la route du col descend en lacets vers Sainte-Marie et une batterie tire sur les pièces allemandes (il y a du lourd, je crois) placées en face, un peu en contrebas.

À ma gauche, le terrain, couvert de hêtres et de sapins, se relève et détache une arête perpendiculaire à celle où je suis. Nous voyons les pentes méri­dionales de celui-ci, assez boisées. Rien n’y bouge, mais une fusillade intermittente, pas bien nourrie, claque derrière l’arête en question. Menvielle, qui est là, est satisfait. Sury doit être maître du Renclos.

Il n’y avait évidemment là qu’un faible détachement. Or cela se passe à mille cinq cents mètres et il n’a même pas l’idée d’aller y voir ! Au lieu de cela, il s’amuse à ré­diger l’emplacement des sections du rassemble­ment, ceci à plusieurs reprises ! Quant à nous, nous sommes ravis. Il fait chaud, il fait bon, nous allons ren­trer en Alsace sans difficulté. Déjeuner tran­quille.

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Un lieutenant (lequel ?) survient, en­voyé par Sury : « Pas grand-chose devant nous, une ligne de tirailleurs très peu dense (parbleu, le reste était terré !), mais assez étendue ; pour enlever cela facilement, il fau­drait une compa­gnie de renfort et une section de mitrailleuses qui les prendraient de flanc, par notre droite». La 5e (Micard) part. Ça ne va pas traîner là-bas !

Menvielle est toujours bien tran­quille… et moi aussi ! Tout de même, la pres­sion a augmenté. Ça a l’air de chauffer un peu… Encore une attente…

Un homme ar­rive, cou­rant : brève conversation avec Menvielle, ac­compagnant la remise d’un billet.

« Une Compagnie de suite. Qui va marcher, Massignac ? » — « 8e ! » — « Allez, Chomereau ! Cet homme vous conduira. Faites vite, vous serez renseigné sur place. » — « Bien mon colo­nel ! » — « 8e ! Debout ! ». Massignac s’est précipité, ému, c’est visible !

Il me serre chaleu­reusement la main : « Bonne chance, mon vieux. » — « Merci ».

Mes hommes sont déjà en mouvement : je les pré­cède et les conduis sous les arbres de la futaie. J’arrive à griffonner un mot sur la lettre, en mar­chant. Il n’y a pas à dire, j’ai le gosier sec et cette sensa­tion pas très agréable qui m’attendait aux portes des salles d’examen. Mais je me sens calme… C’est tou­jours ça ! Mes hommes sont silencieux et atten­tifs.

Je place ma compagnie en ligne de demi-section par deux, maniable et souple et en avant ! Au bout de quelques cen­taines de mètres, des claquements bruyants : ce sont des balles qui tapent sur les arbres, en avant des nôtres. Arrêtant la 8e, je me porte avec mon agent de liaison vers la lisière entrevue, cherchant un défi­lement vite trouvé et je fais suivre…

Au pied d’un arbre, deux ou trois soldats sont couchés. Que diable font- ils là ? Aucun mouve­ment, rien… Est-ce que… oui, ils sont morts ! En même temps, un autre passe, marchant comme un automate… Il n’a plus de mâchoire inférieure : à la place pend une masse informe, rouge, d’où le sang coule… Brrr ! Puis un deuxième, la main broyée qui pleure nerveuse­ment et me parle : « Mon pauvre Capitaine, mon pauvre Capitaine… Ah ! Voyez-vous… mon pauvre Capitaine… »

Mes hommes sont affreusement impressionnés : il y a de quoi ! Et pas moyen de leur éviter, étant donné la configu­ration du terrain, ce spectacle démoralisant.

Paul_Monne

    Pour en savoir plus sur les évènements concernant la 4e compagnie il suffit de cliquer une fois sur cette image

Je vais, seul, un peu plus loin. Là, c’est en plein feu ! Les balles sifflent, ricochent, des bran­chettes s’éparpillent. Derrière des tas d’arbres, des isolés sont tapis, ras par terre. Beaucoup ont perdu insensiblement le contact de leur section faute de serre-files vigoureux et assez brutaux pour les maintenir de force.

Je m’informe auprès d’un groupe de quatre ou cinq d’entre eux. Un ca­poral surexcité, avec de grands gestes, me ré­pond : « C’est tout ce qui reste de la 4e com­pa­gnie ! » (Que de fois j’ai entendu des réponses analogues et presque toujours faites par des… timides !).

De fait, la 4e, la plus éprouvée du 149e, a perdu ce jour-là plus de quatre-vingts hommes sur deux cent cinquante. Un autre sur­vivant que j’interroge (il est aplati dans un re­coin du terrain) me dit : « La 4e peut se repo­ser, elle en a assez fait ».

Par contre, un autre en­core, accroupi au pied d’un tronc de sapin, im­mobile et que j’apostrophe, me regarde et d’une voix sourde : « Je n’ai plus de main », et il me montre un moignon déchiqueté. Des troupiers courent à moi, affolés : « Mon Capitaine, ils nous tournent par la droite. Il y a un mouve­ment ennemi dans les pentes, en dessous, sous les arbres». Et d’autres se replient. Ah ! mais, ah ! mais, quel désordre !

Et où est Sury ? Je trouve un lieutenant de réserve et me renseigne : « Heu, pas merveilleuse, la situation, pas du tout merveilleuse : nos attaques ont échoué et l’ennemi semble maintenant mordre à son tour». Sa section est déployée juste à la lisière dans de petites tranchées. Devant elle, pas très loin, les tranchées allemandes (elles étaient faites de­puis quinze jours, profondes, flanquées par des mitrailleuses)… et nous attaquions sans rien sa­voir, sans artillerie !

L’offensive à ou­trance, aveugle, prêchée par les théoriciens ignares de l’état-major ! S’il y a beaucoup trop d’embus­qués un peu en arrière de la ligne de feu, ceux des hommes en ligne sont crânes et leur chaîne dense paraît solide. Elle se prolonge plus loin, épousant la lisière, puis la domine per­pendicu­lairement.

Ah ! Voici Micard et Altairac qui me confirment les dire du lieutenant. Il fau­drait agir, mais comment ? Ils ont (et je vais l’avoir aussi !) l’impression d’être peu commandés. Je découvre enfin Sury, couché derrière un rocher, je m’étends auprès de lui, car il fait chaud dans ce bois et on ne peut circuler que par bonds rapides d’abri en abri. « Que faut-il faire ? »

J’ai dé­ployé ma section du côté où l’on signale « un mouvement tournant » (qui est pour le soldat français, nerveux à l’excès, la grande menace) : ceci pour tranquilliser les fusiliers de la ligne princi­pale. « Bien… Et bien vous pourriez, mon Dieu… oui… vous pourriez… tâchez donc de gagner du terrain par ma droite en prolongeant Micard… oui… vous pour­riez… enfin… avan­cez… essayez ».

Les pa­roles ne sont pas sans doute textuelles, mais c’est le sens, c’est-à-dire rien de précis, rien de net. Dans ces minutes-là, la perception de la si­tuation se fait terriblement limpide, et j’ai la certitude, lumineuse, que ma pauvre 8e dont je suis si fier va être sacrifiée.

Marius_Dubiez_1912

Micard est tout près de là et je l’avertis : « Aidez-moi, je vais avan­cer » — « Bien en­tendu, je vais coordonner mon mouvement avec le vôtre. Allons-y ! » Je retourne chercher mes hommes et les amène dé­filer sur les pentes, face à l’objectif. Mais aupa­ravant,  j’ai dit à mon caporal fourrier : « Allez trouver le colonel de ma part, dites-lui qu’il faut qu’il vienne, vite, et qu’il faut qu’il amène la compagnie Massignac, elle sera bientôt très utile ! » (Pendant ce temps, Menvielle est à mille cinq mètres de là, ignorant la situation !).

J’ai reconnu au préa­lable d’un coup d’œil le ter­rain. La 5e est couchée en tirailleurs au bord d’un ravinement planté de hêtres, de-ci de-là des rochers près des sapins. Par terre une herbe assez haute, de petits buissons : bref, forêt peu dense. La droite de la 5e est formée par une section dont les hommes sont largement espacés.

Il faut donc les pousser en avant, car ils sont cloués au sol. Mes trois sections (la 4e est plus bas couvrant ma droite) sont déployées dans un ordre parfait. Nous sommes à cent mètres en arrière de la droite de la 5e, encore abritée derrière un dernier pli de ter­rain.

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Un regard autour de moi : tout est prêt. « Hardi les gars ! En avant ! » Et nous fon­çons droit devant nous. Personne ne reste en ar­rière. En quelques secondes nous atteignons la section de la 5e qui, entraînée comme je le vou­lais, part aussi. Je hurle : « En avant ! » Le ravin est franchi et nous nous jetons par terre sur les pentes opposées, ouvrant de suite un feu violent. Devant moi, à moins de cent mètres, les Allemands sont terrés.

Notre mouvement a été si prompt qu’il y a eu juste quelques hommes abattus, mais aussitôt un déluge de projectiles nous inonde. Les balles passent tout près, faisant sauter des éclats de bois. Je suis casé derrière une souche et je regarde le mouve­ment de la 5e qui doit suivre le mien, car me voici à droite, en avant. Qu’attend-elle, mon Dieu ?

Les Allemands tirent par chargeur de cinq cartouches, puis font comme des rafales. Je ne vois aucun casque, mais je dis­tingue nettement la fumée bleuâtre, tranchant à peine sur les fonds environnants, que produit la poudre sans fumée par les temps secs et chauds. Certainement non, nous ne sommes pas à cent mètres.

Les Allemands sont à coup sûr enfoncés dans des tranchées très profondes avec masque de tir dissimulé avec soin, notre feu ne parait pas agir sur eux. Par contre, le leur devient terrible­ment efficace ! Des hommes roulent sur eux-mêmes. L’un d’eux à quelques pas de moi, tra­versé sans doute, lâche son fusil, se tient le ventre et hurle, hurle d’une voix épouvantable ! Un mouvement paraît s’effectuer vers la 5e à ma gauche. Ce n’est pas malheureux !

Le feu de l’ennemi ralentit. C’est le moment. Je me lève et entraîne la fraction placée devant moi. Nous faisons une quarantaine de mètres. Les fractions voisines nous rejoignent. Feu à répétition suivi. Le magasin vidé d’un feu à volonté des plus in­tenses. Celui de l’ennemi en devient effrayant, et nous arrive aussi d’écharpe. Laval est un peu au-dessus de moi, à ma gauche, très calme, très chic. Je lui demande par gestes, car il serait im­possible de s’entendre, s’il voit la compagnie Micard (de ma place je ne vois que ce qui est à une cinquantaine de mètres sur mes flancs). Il fait un mouvement d’ignorance. Voyons, c’est impossible ! C’est fou !

Au même moment quelqu’un me touche le bras et me dit dans l’oreille : « Mon Capitaine, le commandant Sury vous fait dire que la 5e ne peut pas vous aider, il y a du danger ailleurs » — « Alors ? » — « Alors, voilà… » Tout cela a été court, mais mes pertes sont considé­rables, et rien à faire. J’ai une malheureuse com­pagnie criblée par un adversaire supérieur en nombre qui, maintenant, me voyant isolé, fait un feu d’enfer. Un homme rampe jusqu’à moi : « À la droite, les hommes reculent ». Il faut les arrêter ! Par bonds rapides, de rocher en rocher, je vais de ce côté, aidé par la pente descendante, mais le mouvement se généralise et je n’y puis rien, rien ! Ah ! l’épouvantable minute.

Une minute auparavant, l’entrée en ligne de la 5e permettait l’assaut, mais arriverait-elle maintenant, il serait trop tard, la tension a été trop forte, les nerfs sont à bout. Sur les trois sections engagées (cent soixante-dix hommes) plus de quarante sont par terre en vingt minutes, le quart de l’ef­fectif !

L’attaque a si bien com­mencé. Genevoix, lieutenant, tué depuis, m’a ra­conté, par la suite : « En voyant la 8e atta­quer, j’ai pensé et dit à un camarade : “La 8e est joli­ment bien engagée” ». Si bien commencer, dis-je et échouer. Par paquets, les hommes se re­plient vers les crêtes d’où nous étions partis.

Je pleure de rage, ne pouvant, ne voulant pas croire à ce recul. Gaillot, mon brave sergent-ma­jor, les mâchoires contractées, est blessé et, lui aussi, ne peut admettre la réalité. Il m’aide à ral­lier mon monde, à reformer une chaîne de tirail­leurs, be­sogne peu commode, car l’ennemi tire violem­ment et doit certainement repérer les offi­ciers et gradés.

Les balles accompagnent nette­ment ceux-ci. Laval a disparu, tué, paraît-il, raide d’une balle au front. Dargent est indemne et commande avec énergie un groupe mêlé d’hommes des 8e, 4e, 5e compagnies (les sec­tions constituent un amalgame de toutes les compagnies engagées sur ce point). Mes hommes tiennent bon. Pauvres gens, ils ont fait bravement leur devoir, car c’est en allant de l’avant que tant sont tombés : Laval, le sergent Anxionnat, le petit Ligier, un caporal de Bourges, et tous les autres. Et le seul fait d’avoir attaqué si franchement, puis surtout de s’être cramponné un long moment, à découvert, à courte distance d’un ennemi fortement installé et enfin de s’être rallié ensuite est le meilleur témoignage de leur valeur.

J’ai pu, plus tard, en comparant avec d’autres troupes, m’en rendre compte. Seulement d’abord, il me semblait impossible que ma compagnie vide le terrain. Voir ce spectacle a été pour moi et d’autres un déchirement intérieur. Il est deux ou trois heures (je ne puis rien affirmer). Je vais toujours par bonds trouver Sury : « Ah ! mon commandant, pourquoi, pourquoi m’avoir laissé partir seul, seul ! ».

Sury a l’air préoccupé. Par sa faute (il faut le dire tout bas, car il est tombé en héros), une compagnie est abîmée et les Allemands prennent l’offensive partout, renforcés par des bataillons débarqués à Sainte-Marie et aussitôt dirigés vers le lieu du combat. J’ai rejoint la 8e. Tout près de moi, un homme agonise, la poitrine trouée, sa chemise blanche (il a arraché la capote) complè­tement rougie. Il a les traits tirés et râle faible­ment.

De-ci,de-là, des cadavres raidis des chas­seurs du 31e de la veille (leur capitaine, Méry, un peu plus loin, sa main crispée sur une touffe d’herbe, me disent les troupiers). Et la fusillade crépite toujours, sans qu’on distingue devant nous l’ennemi. Pourtant, à un moment donné, une ligne épaisse paraît brusquement,débouchant des tranchées. Sans ordre, sans attendre le signal, mes hommes foncent dessus !

La ligne regagne de suite son point de départ et nous tire dessus. Même jeu un instant après. Il me semble en­tendre également des clameurs à ma gauche. Pour la deuxième fois, nous avons repris posi­tion sur notre crête, poursuivis par des décharges violentes, mais sans trop de pertes. Accalmie. J’ai la sensation vague qu’il se prépare quelque chose encore.

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Je  remets un peu d’ordre, utilisant l’abri des arbres et des rochers, regroupant vaille que vaille les sections. Je vais à quelque distance en arrière et trouve Menvielle, le revolver à la main, très chic, debout. « Votre Compagnie est-elle un peu groupée ? » — « Relativement » — « Allez de suite for­mer repli en arrière, surveillez mon flanc droit, gardez le drapeau… Ah ! et il arrive une batterie alpine, servez-lui de soutien ».

J’ai environ cent hommes sous la main et évacue, en rampant, la crête où des unités fraîches arrivent : la 7e, puis la 11e avec Erhard et D… et un autre, je crois, de la 3e.

Je rallie quelques isolés de la 4e qui a perdu plus du tiers de son effectif et dont le chef Altairac a été magnifique. Mes hommes sont exténués et hors d’état de fournir un nouvel ef­fort après une première attaque sanglante et contre-attaque. Je me hâte vers l’endroit indiqué, c’est-à-dire là où étaient les 5e, 7e, 8e avant midi, tandis que derrière moi une nouvelle at­taque précédée de sonneries lugubres s’exécute.

À ce moment, s’est produit l’épisode de l’enlève­ment d’une pique de drapeau et d’un baudrier, je ne le sais pas, la nature du terrain rendant l’ob­serva­tion du terrain difficile autrement que de près. La batterie alpine est arrivée et je retrouve avec émotion ces hommes superbes plus grands que les cuirassiers. Impossible de mettre en bat­terie faute de vues. Pourtant, un 65 prendra posi­tion là où j’étais le matin et envoie des obus sur la crête que j’ai vainement attaquée. Utilisant le couvert des futaies, les Allemands progressent pourtant par là, sans guère les distinguer.

Quelques éclaireurs courent à la lisière. De ma place, je me rends compte, mieux que sur la ligne même, de l’acharnement déployé. La fusillade est terrible et l’on tire aussi, copieusement, sur nous. Des fractions se repliant passent près de nous et les balles arrivent de partout, tirées de l’éperon et de la crête que j’avais tenté d’enlever.

On me signale des éléments ennemis juste de­vant moi, dans le vallon à pentes raides qui aboutit à l’emplacement des pièces. Une attaque insoupçonnée peut sortir de partout. Tout autour il y a un vrai fourré, sombre, dense, praticable partout pour l’infanterie. Le capitaine d’artillerie me déclare : « Moi, je pars. Je risque d’être enlevé, et puis voyez : on nous tire dessus ». Comment n’y a-t-il pas de mulets tués, je me le demande. Heureusement, il fait déjà moins clair : il doit être sept heures passé.

Partout des élé­ments continuent à défiler derrière nous. L’ennemi épuisé, lui aussi, malgré son écrasante supériorité numérique (il y avait, paraît-il, ce sera à vérifier, le bataillon de Chasseurs à pied de Schlestadt et une brigade d’infanterie). Grâce à nos contre-attaques, il reste maître de ses tran­chées, sans plus, et nous allons de l’avant. Ceci, on devait le constater le lendemain.

Pour le moment, la nuit vient, tout est possible. Magagnosc passe, sanglant, soutenu par un ca­po­ral de ma compagnie, Descourvières, blessé lui-même. Il est à bout de force et pleure ner­veuse­ment. Je commande le « Présentez armes ». Lui, remercie d’un air faible et conti­nue, lente­ment, son chemin, appuyé sur un homme valide que j’ai de suite désigné. Un ins­tant auparavant Camus, le crâne percé d’une balle, était lui aussi passé. Tandis que la batte­rie, en une longue co­lonne, s’écoule, j’ai réparti du mieux que j’ai pu les hommes dont je dis­pose.

La section de flanc-garde du début m’a rejoint. Le drapeau est aux mains du lieutenant Gérard, entouré de sa garde que commande C…, vigoureux et brave ser­gent de ma com­pagnie, médaillé du Maroc. Autour d’eux les sa­peurs sont massés et j’encadre le tout d’une sec­tion baïonnette au canon. La nuit vient. Silencieusement nous partons. J’ai le revolver à la main et marche auprès du drapeau. Les hommes ont l’œil et l’oreille au guet. À courte distance, de petites patrouilles se faufilent, sans bruit, gardant mes flancs.

Groupe_de_sapeurs_149e_R

J’ai pris, derrière la batterie alpine, comme direc­tion le col même. Certainement nous avons en­core du monde par là, mais arriverons-nous in­demnes ? Quelques fausses alertes : on me si­gnale des mouvements suspects. Ce sont seule­ment des égarés, des blessés, qui se joignent à ceux que j’emmène déjà.

Il fait presque nuit maintenant et c’est le grand silence des nuits de montagne. Tout à coup, des patrouilleurs arrivent en courant, joyeux : « Mon capitaine, des alpins ! » C’est vrai : des bérets, des vareuses sombres se dessinent tout près. C’est un des bataillons qui devaient arriver à la rescousse à huit heures du matin (j’avais oublié de dire précédemment ce détail) et qui viennent de déboucher après une marche for­cée. Ah ! Si l’état-major avait été bien renseigné sur leur emplacement la veille ! Le drapeau est sauvé ! mais quelles angoisses nous avons eues pour lui !

J’apprends que des fractions assez im­portantes du 149e sont passées aux environs par d’autres itinéraires, allant sans doute directement sur Wisembach. Une fois derrière le rideau d’alpins, je n’ai plus d’inquiétude et aussitôt au col, quittant la batterie, je mets mon monde en ordre.

Escallon (lieutenant-colonel) est ici renseigné par moi sur la situation, c’est bien cela (le reste du 149e, n’ayant pas de batterie à suivre en descendant, au plus court, sur Wisembach) m’ordonne d’aller prendre position au fond du vallon sur l’autre versant du ruisseau de Wisembach, au nord du bois de Beulay, pour faire face à toute attaque ve­nant du nord.

Il y a sur la route du col un en­tassement de troupes : 31e B.C.P. (dont je salue le commandant Hennequin, vu au 13e, à Chambéry), un bataillon aussi (le 7e) qui fait la soupe, de l’artillerie.

Si les Allemands avaient attaqué là-dedans, quel désastre ! Mais, je l’ai dit, ils étaient épuisés et se contentaient de gar­der le terrain occupé d’avance. Au premier tour­nant, je trouve une ambulance (car le 9 août, il n’y a eu au combat ni médecins, ni brancardiers). Ceux-ci étaient à Wisembach avec l’inénarrable Porte, leur chef (chef de musique) dont le rôle se réduisit à demander de leurs nouvelles aux offi­ciers survivants, en ajoutant « Ah ! pôvre ». J’y laisse mes blessés les plus atteints. Et nous rencontrons une fontaine !

Depuis plusieurs heures, brûlés par la chaleur, enfiévrés, n’ayant pas eu d’eau fraîche depuis le matin, nous mour­rons de soif et l’eau glacée nous redonne des forces. Moi je n’en ai pas besoin, mais mes troupiers ! Pourtant, ils sont passés la tête haute devant les éléments qui les saluaient en les ad­mirant. Je les conduis à l’endroit indiqué dans une obscurité complète. Ils s’arrêtent, fourbus, et dorment, tandis que, laissant le commandement à Gérard, je pars à la découverte. Il faut les ali­menter et je me dirige sur Wisembach où j’arrive.

On se précipite sur moi. Il y a là des doc­teurs, quelques camarades qui m’ont précédé. M…, le lieutenant d’approvisionnement, fait des distributions. Je prends ce qu’il faut pour la 8e, aidé d’isolés. Il paraît que le régiment doit se re­former ici. Par la route débouchent des frac­tions qui sont utilisées. Ma compagnie sera bientôt là. Je l’ai envoyée chercher et quand elle sur­vient, je la conduis aux cantonnements qui lui sont affectés.

Après un repas sommaire avec des camarades dans une auberge, je retourne en­core sur la route, tâchant de « taper » les hommes qui arrivent toujours et dont certains re­joindront, égarés, perdus, le lendemain tard. Il y a en eux un mélange complet d’unités. Ainsi, mon ordonnance a rigoureusement disparu, je ne sais où, à la fin de la journée, et je le crois tué. Je le reverrai le 21 août seulement. Enfin, à minuit, fourbu moi aussi, je m’étends sur le sol battu d’une grange.

Le lendemain, je saurai les pertes subies au to­tal, la mort de Sury, un peu après que je l’ai quitté et qu’on l’ait transporté à Saint-Dié. Voilà ce qu’a été l’affaire du 9 août, ou de Sainte-Marie qui sera, je l’espère, inscrite sur le drapeau gardé par moi ce jour-là. Si le 149, mal employé, y a subi une saignée dont l’influence devait se faire sentir longtemps, il a montré quelle était sa valeur. Par la suite, combien de fois j’ai entendu, au moins jusqu’après Sarrebourg, des soldats d’autres régiments, dire en nous regardant avec un certain respect : « Ah oui ! ce sont ceux qui étaient à Sainte-Marie »

Sources :

Témoignage inédit du capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André.

Le plan donnant les positions successives de la 8e compagnie du 149e R.I. a été dessiné par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André.

Pour en savoir plus sur la capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

Gaston_de_Chomereau_de_Saint_Andr__1

La photographie représentant le groupe de soldats a été réalisée en 1912. Elle provient de la collection personnelle de P. Blateyron. Marius Dubiez se trouve au 1er rang  (2e à partir de la gauche)

Pour en savoir plus sur Marius Dubiez, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

Marius_Dubiez

La carte postale représentant le groupe de sapeurs du 149e R.I. est antérieure à 1914.

Les cartes détaillées des combats qui se sont déroulés dans le secteur du Renclos-des-Vaches, qui peuvent se voir ici, ont été réalisées simplement à partir des indications données par le J.M.O. du 149e  R.I.. La marge d’erreur indiquant les mouvements des bataillons et des compagnies risque d’être assez élevée. Ces cartes ne sont donc là que pour se faire une idée approximative des différents parcours qui ont pu être suivis par les éléments du 149e R.I. au cours de cette journée.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de la journée du 9 août 1914, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

Renclos_des_Vaches_2

Un grand merci à M. Bordes, à P. Blateyron, à B. Bordes, à A. Carobbi, à T. de Chomereau de Saint-André, à É. Mansuy.

28 juillet 2014

Capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André, début de campagne.

Photographie_groupe_149e_R

Je remercie très chaleureusement T. de Chomereau qui nous offre ici la possibilité de lire un témoignage inédit qui a été rédigé par son grand-père.

Le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André ouvre son récit à partir du moment où son régiment s’apprête à quitter la ville d’Épinal. C’est la mobilisation ! Le 149e R.I. doit se rendre près de la frontière, pour assurer sa mission de troupe de couverture, avec sa division d’appartenance.

La déclaration de guerre n’est pas encore officialisée…

Nuit du 30 au 31 juillet 1914

Mobilisation ; journée d’attente. Le soir, vers sept heures, récep­tion du télégramme de couverture.

1er août 1914

D_Epinal_a_Bruyeres

Départ dans la matinée. Les réser­vistes affluent et nous acclament. Enthousiasme indes­criptible. Arrivée par le train à Bruyères. Cantonnement. À quatre heures et demie, j’entends répéter au téléphone,par l’employée, l’ordre de mobilisation qui va être affiché ! Minute unique : je finissais une carte postale, j’en écris une autre : « Ça y est !… » et vais annoncer la nouvelle. Disposition de sûreté.

2 août 1914

Attente sur place.

3 août 1914

Parcours_approximatif_effectue_par_la_8e_compagnie_le_3_ao_t_1914

Départ par alerte vers neuf heures… et attente à l’entrée est du village. « L’ennemi pa­raît devoir attaquer sur notre droite ! » Étape vers La Houssière. Grand’halte au-delà. Puis cantonnement à La Houssière, arrivée assez tard.

4 août 1914

Revue très tôt (nuit noire). « L’ennemi, on le sait de source sûre (!), va at­taquer en force sur toute la frontière. » Je suis détaché en sou­tien de batterie (deux groupes du 59e). Journée occupée à surveiller les bois.

Le deuxième éche­lon rejoint avec Gaillot (sergent-major), Laval (lieutenant de réserve), Dargent (Saint-Maixantais). Cantonnement à La Houssière.

5 août 1914

Même chose : dans l’après-midi je suis amené à modifier mes emplacements. On s’attend à un départ qui n’a pas lieu. Cantonnement à La Houssière : le même que depuis le 4 au matin, postes, sentinelles, patrouilles, nuit et jour. Service très pénible.

6 août 1914

Parcours_approximatif_effectu__par_la_8e_compagnie_du_149e_R

Départ de grand matin (nuit noire). Interminable colonne d’artillerie que j’encadre. Pluie qui devient torrentielle, qui cesse vers midi. Ensuite j’ai rejoint le régiment. On marche vers la frontière ; il paraît que les 8e, 19e, 7e, 14e Corps sont avec nous. Arrivée à Saulcy-sur-Meurthe ; cantonnement près de la tannerie, au sud du village. L’état-major divisionnaire Lanquetot est au château. Service de garde aux issues pénible. Le 1er bataillon est aux avant-postes ; patrouilles ennemies signalées devant lui ; le 158e est au sud vers Mandray.

Tannerie_Saulcy_sur_Meurthe

7 août 1914

Stationnement. Prise de commande­ment de Joffre et de Dubail qui commande notre armée, la Ière. Vu l’équipement du premier Allemand tué par ici. Escarmouches de douaniers, chas­seurs du 158e (simple patrouille). On n’a entendu encore (moi du moins) ni le canon, ni le fusil du 149e.

8 août 1914

Stationnement le matin. Brusque dé­part vers midi : le 158e au sud doit enlever le Bonhomme ; le 31e B.C.P., au nord, le col de Sainte-Marie. Le 149e en réserve entre les deux vers Béhouille. Sury commande l’avant-garde. Je suis près de lui, le 2e étant en tête.

Installation avec de l’artillerie derrière la crête de Béhouille. Canon et fusil vers Sainte-Marie et au Bonhomme. Canon lointain violent très au nord. À la nuit, devant Ban-de-Laveline, je précède aux allures vives pour faire le canton­nement. Arrivée du 149e à la nuit noire. Postes partout, contrordre, etc. Le Bonhomme est en­levé, Sainte-Marie doit l’être. À onze heures, je suis encore debout...

Parcours_approximatif_effectu__par_la_8e_compagnie_du_1er_au_9_ao_t_1914

Sources :

Témoignage inédit du capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André.

La photographie représentant un groupe de soldats est antérieure à août 1914.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi,  à T. de Chomereau de Saint-André et à É. Mansuy.

21 juillet 2014

Une motorette Terrot n° 2.

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Cette carte photo représente un caporal du 149e R.I. tenant le guidon d’une Terrot n° 2.

Il s’agit probablement d’un bien personnel. Il ne faut surtout pas s’imaginer qu’il y avait un tel véhicule dans le régiment à cette époque !

Une observation attentive de la motorette permet de dire que celle-ci a été construite en 1910. Quels sont les indices techniques qui nous autorisent à faire une datation aussi précise ? Cette Terrot n° 2 est équipée d’une fourche dite pendulaire, à ressorts antagonistes. Ce style de fourche n’est apparu qu’à partir de l’année 1910 et il est resté utilisé jusqu’en 1913. C’est le modèle de guidon qui va venir valider définitivement l’année de construction. À partir de 1911, celui-ci est beaucoup plus long.

Le fait qu’il n’y ait pas de texte inscrit au dos de ce cliché rend impossible l’identification de l’homme photographié.

Les estafettes motocyclistes françaises de la 1ère guerre mondiale sont équipées avec du matériel qui reste très hétéroclite. En effet, la plupart des machines utilisées proviennent essentiellement de la réquisition. Cette manière de fonctionner fait entrevoir la problématique liée au stockage des pièces pour les réparations. Heureusement, pour ce qui concerne les Terrot, celles-ci étaient réputées pour être très fiables !

 Voici maintenant quelques données techniques concernant la Terrot n° 2 :

 Le moteur est un Zedel à soupapes automatiques. Il est incliné dans le cadre et présente un cylindre aux ailettes très carrées. L’allumage s’opère grâce à une magnéto Bosch qui est placée à droite, celle-ci est entraînée par un train de pignons. Le carburateur est un Zedel et la transmission s’effectue directement par courroie. Sa vitesse maximum est de 45 km/h.

Une motorette Terrot n° 3 voit le jour en 1913, elle est rapidement suivie d’un modèle n° 4  et d’un modèle n° 5 qui viendront compléter la gamme.

Pour écouter le bruit du moteur Zedel de la Terrot n° 2, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

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Sources :

La plupart des informations concernant la motorette Terrot n° 2 m’ont été fournies par un membre du Terrot club de Ballancourt.

Pour en savoir plus sur l’utilisation des motos durant la 1ère guerre mondiale il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.                                    

Motos

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à Dany 17 (intervenant sur le forum du site « pages 14-18 »),  à D. Loiseau, à E. Schaffner et au Terrot Club de Ballancourt.

14 juillet 2014

Joseph Febvay (1886-1915).

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Jules Febvay et Florine Maurice se marient le 1er août 1885 dans la petite commune de Fresse-sur-Moselle. Ce jeune couple d’agriculteurs vosgiens vit et travaille à Ramonchamp. De cette union naîtront trois enfants.

Le 26 décembre 1886, ils donnent naissance à un garçon, qu’ils prénomment Joseph. Celui-ci aura deux frères, Émile et Auguste, et une sœur, Marie.

Élevé au rythme des saisons et en fonction des durs travaux effectués à la ferme par ses parents, Joseph apprend, à l’école communale, la lecture, l’écriture et le calcul.

En 1907, c’est l’âge de l’incorporation pour ce jeune homme qui est inscrit sous le numéro 167 de la liste du canton du Thillot. Au cours du conseil de révision, le passage obligé sous la toise indique une taille d’1 m 72. Reconnu en bonne santé, il est déclaré « bon pour le service ». Joseph se retrouve classé dans la 1ère catégorie de la liste de l’année de ses vingt ans. Comme la plupart de ses camarades vosgiens, ce ramoncenais intègrera les rangs de l’infanterie.

Lorsqu’il est l’heure de rejoindre son régiment d’affectation, Joseph Febvay doit se rendre à Épinal pour intégrer le 149e R.I.. Une fois les formalités administratives réglées et le paquetage touché, le soldat Febvay vient s’installer dans la partie du bâtiment de la caserne qui héberge la 12e compagnie.

Les apprentissages de la vie militaire commencent… Cette formation va lui offrir l’opportunité de devenir caporal. Une photographie prise au cours de son service le montre posant fièrement, mais la veste semble être un prêt du photographe. Difficile alors de dire s’il était bon tireur avec son lebel ou s’il ne s’agissait que d’un accessoire fourni par l’artisan.

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À la fin de son enseignement militaire, le caporal Febvay obtient son certificat de bonne conduite le 1er septembre 1909.

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C’est le retour à la vie civile.

Trois années plus tard, le 30 octobre 1912, Joseph épouse Maria Victorine Mathieu,une jeune femme qu’il conduit à l’autel de la petite église Saint-Jean-Baptiste puis à la mairie du Thillot. Ils auront un petit garçon, Raymond, qui deviendra orphelin dès l’âge de cinq ans.

Quelque temps avant le début du conflit, Joseph Febvay travaille comme employé de bureau.

Mobilisé en tant que caporal au 149e R.I., cet homme fait partie d’une des compagnies de mitrailleuses du 149e R.I. lorsqu’il est porté disparu le 29 mai 1915. Durant cette période de la guerre, son régiment combat dans le secteur d’Aix-Noulette en Artois.

Son décès ne sera confirmé que le 6 janvier 1921,par une décision de justice du tribunal civil de première instance de Remiremont.

Il n’y a pas de sépulture connue pour Joseph Febvay. Il y a de fortes probabilités pour qu’il repose dans un des ossuaires du cimetière national français de Notre-Dame-de-Lorette.

Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune du Thillot.

Le caporal Joseph Febvay a été décoré de la Médaille militaire et de la croix de guerre à titre posthume. L’attribution de ces décorations est publiée dans le J.O. du 5 octobre 1920 :

« Caporal plein de courage et d’entrain. A trouvé une mort glorieuse devant Noulette, le 29 mai 1915.

Croix de guerre avec étoile de bronze. »

Sources :

Le certificat de bonne conduite et les photographies qui accompagnent ce travail proviennent tous de la collection personnelle de la famille descendante de Joseph Febvay.

La coloration de la photographie a été réalisée par A. D’Amato. Les quatre personnes représentées sur ce cliché sont toutes originaires du petit village du Thillot. Celui-ci a été réalisé à Rolampont, une petite commune située dans la Haute-Marne.

Pour en savoir plus sur le travail réalisé par A. D'Amato, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante :

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Le texte attribuant les décorations obtenues par Joseph Febray a été trouvé sur le site de la bibliothèque numérique Gallica.

La carte utilisée pour le montage photo est extraite du J.M.O. du 25e R.I.T., sous-série 26 N 778/5.

 Pour en savoir plus sur la journée du 29 mai 1915 il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante :

Journee_du_29_mai_1915

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à A. D’Amato, à C. et M. Febvay, à J. Huret et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

7 juillet 2014

Commune de Béziers (34).

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Quatre soldats du 149e R.I. sont inscrits sur les plaques commémoratives de la guerre 1914-1918 qui sont fixées dans la cour de la mairie de Béziers. Tous ces hommes ont été ajournés au cours de leur visite médicale d’incorporation.

Trois d’entre eux ont été par la suite, affectés au même régiment pour faire leur formation de soldat, avant de rejoindre le 149e R.I..Étant donné leurs origines communes et leurs parcours militaires identiques, il y a de fortes probabilités pour que ces hommes aient eu le temps de tisser des liens d’amitié très forts.

Un autre soldat du 149e R.I. est décédé à l’hôpital mixte de Béziers.

Lucien Jean Robert Chaintron (1895-1916).

Lucien Chaintron voit le jour le 7 juin 1895, dans la petite maison familiale située au n° 47 de l’avenue des casernes de la ville de Béziers. Ce biterrois est le fils de Jacques et de Marguerite Robert. À sa naissance, son père, qui est originaire du Loir-et-Cher, est un homme âgé de 41 ans remplissant les fonctions de comptable dans une compagnie de chemin de fer. Sa mère, une femme native de Villefranche de-Louragais, est une femme au foyer qui est âgée de 34 ans.

Devenu adulte, Lucien exerce la profession d’employé de commerce. Soldat de la classe 1915, il se retrouve, au moment de la visite médicale d’incorporation, ajourné pour faiblesse. Le nom de ce jeune homme est s’inscrit dans la 5e partie de la liste. Après un bref retour à la vie civile, Lucien Chaintron se voit classé dans la 1ère partie de la liste après un nouveau passage devant la médecine militaire, en juin 1915. Il est intégré au 40e R.I. comme simple soldat de 2e classe. Lucien Chaintron arrive au corps le 10 septembre 1915. Après quelques mois de formation, il est, le 18 mars 1916, incorporé au 149e R.I.. Ce régiment vient tout juste de s’installer dans ses lieux de repos, à la caserne Bevaux, après avoir passé plusieurs jours en première ligne, dans le secteur des forts de Vaux et de Souville. Fin août 1916, le 149e R.I. se trouve dans la Somme, il occupe un terrain près du village de Soyécourt. Lucien Chaintron fait partie de la 6e compagnie. Le 31 août 1916, il décède rapidement à la suite des blessures reçues à la tête qui sont dues à des éclats d’obus. Il travaillait à l’aménagement d’une tranchée.

Le sergent Jean Laffitte et le soldat Léon Daurel confirment son décès.

Citation à  l’ordre de la brigade n°61 en date du 14 septembre 1916 :

« A été tué le 31 août 1916, alors que sous un fort bombardement il travaillait à l’aménagement des parallèles de départ, en vue de l’attaque du 4 septembre 1916. »

Pas de sépulture connue.

Pierre Antoine Cros (1894-1916).

Pierre Cros naquit dans la cité biterroise le 4 décembre 1894. Lorsqu’il vient au monde, son père Pierre, également natif de Béziers, est un marchand de bétail âgé de 30 ans. Sa mère, Germaine Antoinette Ricard, exerce la profession de couturière. Elle est âgée de 23 ans.

Avant son incorporation, Pierre Antoine Cros est un commissionnaire en bestiaux qui habite au numéro 3 de la rampe des moulins,à Béziers.

Le conseil de révision l’ajourne pour faiblesse en octobre 1914. Il est classé dans la 5e partie de la liste. En juin 1915, Pierre se retrouve dans la 1ère partie de la liste. Il est dans l’obligation d’accomplir ses devoirs de soldat. Le 10 septembre 1915, ce jeune homme arrive au dépôt du 40e R.I.. Le 18 mars 1916, il est muté au 149e R.I.. Quelques jours après son arrivée dans la région de Verdun, la compagnie du soldat Cros est engagée dans le secteur de Vaux-devant-Damloup. Le 2 avril 1916, il sera inscrit dans la colonne des disparus sur la liste des pertes du régiment. Il faudra attendre 10 ans pour que le jugement déclaratif de son décès soit officialisé par la première chambre du tribunal de première instance de Béziers, le 31 mars 1926.

Pas de sépulture connue.

Léon Denis Daurel (1895-1915).

Léon Daurel est né dans la ville de Béziers le 1er avril 1895. Il est le fils d’Antoine, un tailleur de pierre âgé de 37 ans et de Denise Blanca, une couturière âgée de 33 ans. Ses parents demeurent au 25 de la rue Malpas.

Devenu adulte, Léon exerce la profession d’employé de commerce. L’incorporation de la classe 1915 est devancée pour raison de guerre. Inscrit sous le n° 95 de la liste du canton de Béziers, il va être ajourné par le conseil de révision pour faiblesse.Il est, tout comme Pierre Cros et Lucien Chaintron, classé dans la 5e partie de cette liste. En juin 1915, Léon est porté dans la 1ère partie de la liste. Il arrive au corps le 10 septembre 1915 pour rallier le dépôt du 40e R.I.. Le 18 mars 1916, il est muté au 149e R.I..

Le 1er juin 1917 Léon Daurel est grièvement blessé près des carrières du mont des Roches situées à proximité du village de Jouys, dans le département de l’Aisne. Il meurt à 17 h 00, des suites de plaies reçues à la tête qui sont dues à des éclats d’obus. Il est, dans un premier temps, inhumé par un groupe de brancardiers dans ce secteur.

Le sergent Étienne Huguenin et le caporal Fernand Levêque de la 6e compagnie du 149e R.I. confirment son décès.

Pas de sépulture connue.

Médaille militaire (J.O. du 10 mai 1920) :

« Très bon soldat, intelligent, énergique, très dévoué. S’est toujours montré, de bonne humeur, dans les moments difficiles. Tué à son poste de combat, le 1er juin 1917. A été cité. »

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Antoine Gaston Delord (1894-1916).

Antoine Delord est né le 6 janvier 1894 à Béziers. Il est le fils d’Auguste et de Louise Rieux.

À sa naissance,son père est un tout jeune boulanger âgé de 20 ans, sa mère est une couturière âgée de 25 ans. Tous deux demeurent au numéro 3 de la rue de Murviel.

 En 1914, Antoine est un jeune peintre en bâtiment qui vit au 14 de la rue Débès. Inscrit sous le numéro 89 de la liste de Béziers, il se retrouve classé dans la 5e catégorie de celle-ci pour faiblesse respiratoire.

Arrivé au corps le 19 décembre 1914, il se rend au dépôt du 17e R.I. pour suivre sa formation de soldat, il est ensuite muté au 158e R.I. le 10 juin 1915, puis au 149e R.I., onze jours plus tard. Grièvement blessé dans le secteur de Fleury-devant-Douaumont, le 10 mars 1916, il décède quinze jours plus tard, dans la petite commune de Jean d’heurs qui se trouve dans la Meuse.

Antoine Delord repose dans le cimetière national militaire de « Douaumont » à Fleury-devant-Douaumont. Sa sépulture porte le numéro 13276.

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Lucien Grand Humbert (1893-1915).

Lucien Grand Humbert est né le 4 mai 1893 dans le petit village jurassien de Moirans. Il est le fils de Jean Claude et de Marthe Gand. Le 7 avril 1915, ce jeune soldat âgé de 22 ans décède dans l’un des 160 lits de l’hôpital mixte de Béziers, des suites de la fièvre typhoïde, une maladie qu’il a contractée en service.

Ce soldat servait dans la 8e compagnie du 149e R.I. avant d’être contaminé par cette affection.

Il repose actuellement dans le carré militaire du cimetière de la ville de Béziers.

Sa sépulture n’est pas numérotée.

S_pulture_soldat_Lucien_Grand_Humbert

Références bibliographiques :

Les fiches signalétiques et des services et les actes de naissance de Lucien Chaintron, de Pierre Cros, de Léon Daurel et d’Antoine Delord ont été consultés sur le site des archives départementales de l’Hérault.

La photographie du monument aux morts de la ville de Béziers a été réalisée par S. Michel.

La photographie de la sépulture de Lucien Grand Humbert et la photographie des plaques commémoratives qui se trouvent dans la cour de la mairie de Béziers ont été réalisées par J.F. Passarella.

La photographie de la sépulture d’Antoine Delord a été réalisée par A. Cesarini.

Un grand merci à M. Bordes, à P. Baude, à A. Cesarini, à S. Michel, à J.F. Passarella et à la mairie de Béziers.

30 juin 2014

Quelques livres d'or (3).

Livre d’or de la ville de Béziers

Livre_d_or_Beziers

 Lucien Chaintron : né le 7 juin 1885 à Béziers (Hérault), soldat au 149e R.I. mort pour la France le 31 août 1916 dans le secteur de Soyécourt (Somme).           

Pierre Cross : né le 4 décembre 1994 à Béziers (Hérault), soldat au 149e R.I. mort pour la France le 2 avril 1916. Disparu dans le secteur de Vaux-devant- Damloup (Meuse).  

Léon Daurel : né le 1er avril 1895 à Béziers (Hérault), soldat au 149e R.I. mort pour la France le 1er juin 1917 dans le secteur de Jouy (Aisne).

 

 

Livre_d_or_canton_de_TournusLivre d’or du canton de la ville de Tournus

 Louis Coule: né le 23 mai 1892 à Chalon-sur-Saône, soldat au 149e R.I. mort pour la France le 8 octobre 1918 à l’hôtel Dieu à Lyon. Avant le conflit, il exerçait la profession de coiffeur.       

 Références bibliographiques :

 « Les morts et les combattants de la Grande Guerre 1914-1918, Livre d’or du canton de Tournus » ouvrage publié sous le patronage de la société des amis des arts et des sciences de Tournus par Charles Dard. Éditions Macon Protat frères imprimeurs. 1920.

 « Ville de Béziers livre d’or ».

 Un grand merci à P. Baude.

23 juin 2014

Carnets de Raymond Bonnefous... Les combats dans le secteur d'Arcy-Sainte-Restitue.

Raymond_Bonnefous__Arcy_Sainte_Restitue_

Une fois de plus, un très grand merci à N. Bauer, pour son autorisation de publier ici un nouveau passage du carnet laissé par son grand-père Raymond Bonnefous.

27 mai 1918

Ordre subit et inattendu à 9 h 00 à la suite duquel, après une série d’ordres et contre-ordres, nous embarquons en camion à 20 h 00. Roulons toute la nuit.

28 mai 1918

Arrivons à 9 h 00 à Arcy-Sainte-Restitue, où nous apprenons que les Allemands sont à 4 kilomètres d’ici. Le bataillon se déplace aussitôt en direction de Cuiry-House et de Tannières et progresse jusqu’au chemin de Cuiry-House et de Branges où il se maintient jusqu’à la tombée de la nuit. Alors vive attaque allemande qui nous force à nous replier jusqu’en arrière du chemin de Branges à la route de Braine.

29 mai 1918

Nous passons la nuit dans des trous. À 4 h 00, vive attaque allemande. Nappes de balles, nombreux blessés, sommes obligés de reculer jusqu’en bas de la crête où nous tenons avec une trentaine d’hommes jusqu’à 10 h 00. Batterie. Rentrons à Arcy-Sainte-Restitue à 11 h 00. Déjeuner copieux. Nous replions à 1 h 00 sur Servenay ; bataillon éreinté. En tirailleurs jusqu’à 23 h 00 du côté de Servenay.

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30 mai 1918

Rentrons fourbus par Beugneux et Oulchy-le-Château à la Croix, nous cherchons de 4 h 00 à 7 h 00 pour repartir rejoindre dans les bois le T.C. où nous passons une heure. À midi, on prend position dans le village « le Charme », où nous sommes en réserve du 158. Nous passons la soirée dans une immense ferme, où on égorge volailles et lapins, où on vide les caves et les poulaillers.

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31 mai 1918

À 3 h 00, le bataillon se porte en position à quelques centaines de mètres en avant du village, en lisière du bois, et le commandant installe son P.C. dans un hangar au milieu d’un champ, et j’y reste avec lui. On y dort jusqu’à 10 h 00. À 11 h 00, alerte, nous sommes menacés d’encerclement et nous nous replions rapidement par les bois, descendons au Tartre pour remonter de l’autre côté en position. Sur la côte d’en face, on voit les Allemands avancer en colonne par quatre : nous ne tardons pas à nous replier jusqu’à Belleau, où nous faisons grand-halte. À 21 h 00, on mange et on se replie sur Bussiares, où on cantonne avec le régiment à 4 h 00.

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1er juin 1918

On en repart à 13 h 00 pour se diriger sur Marigny-en-Orxois. On y passe une heure et on revient sur nos pas pour se mettre en position à l’est du calvaire de Bussiares. P.C. dans un petit bois où on se creuse des trous, dans lesquels on passe une nuit tranquille.

2 juin 1918

Journée calme et ensoleillée. Mais à 17 h 00, violent tir d’artillerie sur toute la ligne, qui se replie vers 18 h 00 à 300 m en arrière. Je quitte le P.C. le dernier avec mon équipe et nous ramassons un blessé de la 2e que nous transportons à Champillon, que M. Richard a déjà abandonné. Il meurt en arrivant. Nous le laissons là et revenons sur nos pas. Le P.C. est installé dans une large haie où nous passons la nuit.

3 juin 1918

Au petit jour, on le recule de quelques mètres dans la même haie ; à 10 h 00, marmitage de la ligne. Derrière nous, une forte ligne américaine. À 11 h 00, on se replie de nouveau sous un violent marmitage pour se placer sous bois en avant de Champillon. Le marmitage, de plus en plus violent, nous force à abandonner la position et on se replie dans les bois en arrière de la ligne américaine. À la tombée de la nuit, on prend des positions de repli à la lisière du bois. À minuit, on apprend, enfin, que c’est la relève bienheureuse.

 4 juin 1918

À 3 h 00, le 4, on se replie par Marigny, qui vient d’être très marmité et au petit jour, on vient bivouaquer dans les bois au nord de la ferme Heurtebise. On y passe la journée et de nouveau la nuit.

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5 juin 1918

Rassemblement du bataillon. Capitaine Pougny : Légion d’honneur. Sergent Cazin : médaille militaire. Pendant le reste de la journée, on contemple les feuilles à l’envers, et à la tombée de la nuit, on descend par Dhuisy pour cantonner à Ocquerre.

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Sources :

Toutes les informations présentées dans cette petite notice m’ont été données par Nathalie Bauer, la petite-fille de Raymond Bonnefous.

Pour en savoir plus sur Raymond Bonnefous il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

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L’histoire de Raymond Bonnefous durant la Grande Guerre peut se lire dans le roman de N. Bauer « Des garçons d’avenir » publié en 2011 aux Éditions Philippe Rey.

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Un grand merci à N. Bauer à M. Bordes et à A. Carobbi.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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