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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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23 octobre 2015

Constant Ranger (1878-1914).

Constant_RANGER

Constant Ranger voit le jour le 29 août 1878 dans la petite commune de Néré, en Charente Maritime, département anciennement nommé Charente Inférieure. Son père, Constant, 37 ans, est  agriculteur. Sa mère, âgée de 27 ans, n'exerce pas d'activité professionnelle. Les années d’enfance se terminent dans la campagne charentaise. Constant obtient son certificat d’études primaires.

Jeune appelé de la classe 1898, il entre en service à compter du 16 novembre 1899. C’est comme simple soldat qu’il franchit les portes de la caserne paloise du 18e R.I.. Tout au long des années suivantes, il va gravir les grades successifs de sous-officier en renouvelant régulièrement ses contrats avec l’armée.  Nommé caporal en septembre 1900, il est sergent-fourrier en juillet 1901.

Le jour de la Toussaint de cette même année, il appose sa signature sur un nouveau contrat de deux ans.

Il quitte la ville de Pau pour rejoindre le 149e R.I. à Épinal. D’abord sergent, il occupe à nouveau les fonctions de sergent fourrier à partir du 10 juillet 1902 avant de retrouver sa place de sergent le 1er mai 1903.

En 1904, il souscrit un nouvel engagement de trois ans. Pour la troisième fois, il est employé comme sergent fourrier avant d’être nommé sergent-major le 9 mai 1905.

Constant Ranger est muté à la 14e compagnie du régiment du 1er octobre 1906 au 30 septembre 1907. Cette compagnie se trouve au fort d’Arches.

Un autre contrat de deux ans est signé au cours de cette période.

Le 7 août 1908, il épouse une Vosgienne, Marie Hortense Pierrat, originaire de Clefcy, sur la commune de Fraize. De cette union naîtra une petite fille.

En 1909, iI s’engage encore pour une durée de trois ans. Il retrouve son poste de sous-officier au fort d’Arches du 1er octobre 1909 au 30 septembre 1910.

Il signe un nouveau contrat d’un an en 1912. Le 1er juillet, il peut poser sur sa tête le képi d’adjudant. Une nouvelle affectation lui est proposée ; il ne quitte pas pour autant la cité spinalienne, il change simplement de régiment.

L’adjudant Ranger est rattaché administrativement au 170e R.I. le 15 avril 1913, pour être nommé, trois jours plus tard, adjudant de bataillon.

Il devient adjudant-chef le 15 octobre 1913.

Entre septembre 1912 et janvier 1914, cet homme a été détaché du 149e R.I. et du 170e R.I. pour être employé comme sous-officier à l’état-major de la subdivision d’Épinal.

Le 23 janvier 1914, l’ancien sous-officier peut être fier de pouvoir arborer ses galons de sous-lieutenant sur son nouvel uniforme. Il retourne au 149e R.I..

Au début du conflit, Constant Ranger est responsable d’une section de la 9e compagnie qui est sous le commandement du capitaine Souchard.

Porté disparu durant les combats qui eurent lieu dans le secteur de Bazien, le sous-lieutenant Ranger est, en fait, grièvement blessé le 25 août 1914. Il est soigné dans un hôpital de Baccarat, une ville française occupée par les Allemands à ce moment-là. Malgré les soins prodigués, il meurt trois jours plus tard des suites de ses blessures. Pourtant, son décès ne sera rendu officiel qu’à partir de la date du 11 février 1920, cela après une décision prise par le tribunal d’Épinal qui le déclare officiellement « mort pour la France ».

En avril 1921, il est inhumé dans le carré militaire du cimetière communal de « Glonville » à Baccarat. Sa sépulture porte le n° 78. En août 1924, il est exhumé de ce carré militaire pour être enterré définitivement dans le cimetière national de Badonviller. Sa nouvelle tombe porte le numéro 998.

Constant Ranger est fait chevalier de la Légion d'honneur à titre posthume :

« Officier très brave, très énergique, esclave du devoir. A combattu héroïquement jusqu'à la limite de ses forces, le 25 août 1914, malgré une blessure très grave. Épuisé, est tombé aux mains de l'ennemi et est mort des suites de ses blessures. Croix de guerre avec étoile de vermeil.»

En juillet 1922, sa veuve, Marie Hortense Pierrat, exerce son métier d’institutrice dans l’école communale vosgienne de Dounoux.

Son nom figure sur le monument aux morts de la commune de Néré et sur celui de la ville d’Épinal.

Le sous-lieutenant Ranger est évoqué dans le témoignage du  lieutenant Michelin.Pour en savoir plus, il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant :

Dessin_S

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

La photographie de la sépulture de Constant Ranger a été réalisée par B. Pierre.

Journal « Le télégramme des Vosges » du 28 janvier 1920.

Un grand merci à M. Bordes, à C. Minjollet, à S. Agosto, à A. Carobbi, à B. Pierre, à M. Porcher, au musée national de la Légion d’honneur et des Ordres de la chevalerie et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

16 octobre 2015

Charles Drouët (1887-1914).

Charles_Drouet

Charles François est un Haut-Marnais qui est né dans la commune de Wassy le 5 mai 1887. À cette date, son père, Charles Victor, est chef de poste des contributions indirectes. Sa mère, Marie Adèle Deray, est une femme âgée de 27 ans qui n’exerce pas de profession.

Tout juste âgé de 19 ans, le jeune homme décide de faire une carrière de soldat. Souhaitant devenir officier, il tente et réussit le concours d’entrée de l’école spéciale militaire.

Charles François Drouët doit maintenant signer un engagement volontaire spécifique aux jeunes gens qui ont été reçus à Saint-Cyr. Pour cela, il se rend à la mairie de Chalon-sur-Saône avec un certificat délivré par le ministère de la guerre. Ce document confirme son succès au concours d’entrée de l’école saint-cyrienne. Il présente aussi un certificat délivré par le chef de bataillon Martin qui commande le recrutement de Chalon-sur-Saône.

Un acte de naissance et un certificat de bonnes vie et mœurs viennent compléter son dossier. Charles François, qui n’a pas encore atteint l’âge de la majorité, doit également apporter le consentement écrit et signé de la main de son père.

Le 6 octobre 1906, le jeune homme débute sa carrière militaire au 75e R.I.comme simple soldat. Ce régiment est installé dans la ville de Romans.

Charles François est nommé caporal en mars 1907, puis sergent en septembre 1907.

Le 17 octobre 1907, il débute sa carrière d’officier. Le sergent Drouët intègre la 92e promotion de l’école spéciale militaire dite promotion du Maroc. Sorti 110e sur 261, avec le grade de sous-lieutenant, le 1er octobre 1908, il doit rejoindre la ville d’Épinal pour intégrer le 149e R.I.. Deux ans plus tard, il devient lieutenant.

Ses supérieurs le considèrent comme étant un très bon officier. En avril 1913, le colonel Menvielle rédige à son sujet la note suivante :

«  Officier très doué physiquement et intellectuellement. Le lieutenant Drouët augmente tous les jours son bagage professionnel et s’affirme comme un officier de choix. C’est un instructeur intelligent, qui obtient de bons résultats. Il est régulièrement employé par le chef de bataillon pour le perfectionnement des élèves caporaux. Il est toujours un chef de section de mitrailleuses très à la hauteur. C’est un officier qui a de l’avenir et qui mérite d’être poussé. »

Ce jeune officier est âgé de 27 ans lorsque la campagne contre l’Allemagne est sur le point de commencer.

Faisant partie des troupes de couverture, son régiment quitte la caserne Courcy le 1er août 1914. Charles François Drouët est responsable de la section de mitrailleuses du 3e bataillon.

Hélas pour lui, il n’aura pu montrer toutes ses compétences d’officier que durant très peu de temps.

Le lieutenant Drouët trouve la mort le 25 août 1914 au cours des combats qui se sont déroulés dans le secteur de Ménil-sur-Belvitte, tout près du petit village de Bazien.

Le lieutenant Drouët est dans un premier temps inhumé à Nossoncourt. Il repose dans le cimetière national français de Ménil-sur-Belvitte depuis le mois de septembre 1919. Sa tombe porte le numéro 14.

Sepulture_Charles_Drouet

Décorations obtenues :

Croix de guerre avec palme

Citation à l’ordre de la 10e Armée n° 44 en date du 11 janvier 1915 :

«  Est tombé mortellement blessé, le 25 août au combat de Ménil- Bazien en prenant part avec sa section de mitrailleuses à un combat d’arrière-garde des plus violents et après avoir pris toutes les mesures pour assurer la sauvegarde de son matériel. »

Le lieutenant Droüet est inscrit au tableau spécial de la Légion d’honneur à titre posthume. Parution dans le J.O. du 25 janvier 1920.

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Le portrait du lieutenant Droüet provient du tableau d’honneur de la guerre 14-18 publié par la revue « l’illustration ».

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Demange, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

9 octobre 2015

Octave Louis Henri Cadeau (1877-1914).

Henri_Cadeau

Octave Louis Henri Cadeau naît le 16 octobre 1877 à Château-Chinon, la capitale du Haut-Morvan. Le jour même, son père, procureur de la République, se rend à la mairie de cette sous-préfecture nivernaise, faire enregistrer la naissance du fils qu’il vient d’avoir avec son épouse, Jeanne Félicité Léontine Louise Gadoin.

Henri commence sa scolarité à l’Institution Saint-Joseph de Montluçon à l’âge de 10 ans. Il va faire toutes ses études dans cette école jusqu’à l’obtention de son baccalauréat lettres-mathématiques.

Attiré par une carrière militaire, il souhaite entrer à l’école spéciale militaire. Pour mettre toutes les chances de son côté, il sollicite le soutien des Jésuites lyonnais qui vont l’aider à préparer le concours d’entrée.

Henri Cadeau est admis à suivre les cours de l’école de Saint-Cyr à partir du 29 octobre 1898. Le jeune homme intègre la 83e promotion dite promotion Marchand.

Deux années plus tard, il en sort avec un bon rang, ce qui va lui donner la possibilité de choisir sa future garnison. Cent quatrième sur 552 élèves, Henri Cadeau accorde ses préférences à la ville de Châteauroux, certainement pour se rapprocher de ses parents qui ne sont pas très loin.

C’est comme sous-lieutenant qu’il intègre le 90e R.I., un régiment qui va devenir pour une longue période sa seconde famille. En effet, il va y demeurer pendant plus de 13 ans.

Ses supérieurs lui rédigeront des rapports extrêmement positifs tout au long de sa présence au sein de ce régiment. L’homme est décrit comme étant un officier intelligent, vigoureux, plein de bonne volonté et d’entrain. C’est également un cavalier de tout premier ordre qui s’acquitte des fonctions d’officier chargé des exercices physiques avec beaucoup de zèle.

Henri Cadeau est un instructeur qui a su obtenir de bons résultats avec les « signaleurs ». Il est parfois sollicité en dehors de sa compagnie avec des résultats très satisfaisants en raison de son sérieux et de son intelligence.

Ses chefs lui reprochent simplement de manquer parfois de réflexion. Il aura tout le temps de corriger ce défaut en prenant de la maturité !

12e_compagnie_du_90e_R

Le 1er octobre 1902, il peut ajouter une deuxième ficelle à son képi d’officier.

Cet officier va effectuer plusieurs stages qui vont lui permettre de se perfectionner dans son métier de soldat.

Dans un premier temps, Henri Cadeau suit les cours de l’école de gymnastique de Joinville-le-Pont du 1er février au 1er mai 1904.

En 1904, le lieutenant Cadeau souhaite épouser Renée Marie Joseph Briand, la fille unique d’Armand Briand et de Zoé Drouet. Mais pour cela, il lui faut obtenir l’autorisation du général commandant le 9e C.A..

Une fois cet accord obtenu, il peut conduire, le 3 août 1904, la jeune femme à la mairie et à l’église de Châteauneuf-sur-Sarthe, une petite commune du Maine-et-Loire.

De cette union naîtront 3 enfants, Louise, Pierre et Solange.

Henri Cadeau retourne en formation du 25 février au 30 mars 1907 pour suivre les cours de l’école régionale de tir du Ruchard.

H

Le 15 mai 1909, le lieutenant Cadeau écope de deux jours d’arrêts simples ! C’est le colonel du régiment qui lui inflige lui-même cette punition en lui portant le motif suivant :

« Ayant adressé une demande de stage dans une autre arme à son commandant de compagnie, n’ayant pas cru devoir lui communiquer son avis, s’est procuré ce renseignement d’une façon indiscrète au bureau de colonel. »

L’impatience ne paye pas ! Cette punition légère vient rappeler que la voie hiérarchique militaire, c’est vraiment du sérieux ! Ce sera le seul et unique manquement à la discipline de toute la carrière de cet officier.

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Souhaitant affiner ses connaissances théoriques, il suit les cours de l’école des travaux de campagne du 24 avril au 13 mai 1911.

De retour à la caserne Bertrand pour quelques mois, il quitte à nouveau la ville de Châteauroux du 1er janvier au 31 juillet 1912, pour effectuer un stage de longue durée au 20e R.A.C.. Il se rend à Poitiers.

Le lieutenant Cadeau est nommé capitaine le 9 janvier 1914. Il faut se préparer à quitter Châteauroux. L’officier vient d’être muté au 149e R.I., une unité qui se trouve à Épinal. Il arrive dans son nouveau régiment le 22 janvier 1914.

Le régiment participe à des manœuvres au camp du Valdahon à la fin du mois de juillet 1914.

Mess_des_officiers_le_Valdahon

Le capitaine Cadeau profite d’un petit moment de répit pour rédiger la lettre suivante à son épouse.

Valdahon dimanche 26 juillet 1914.

«  Ma chère Renée,

Tu as sans doute été surprise de ne pas recevoir de lettre de moi, mais nous avons été tellement pris qu’il ne m’a pas été possible d’écrire hier. Nous sommes installés au Valdahon (Doubs) depuis hier et nous avons déjà fait un tir sous la pluie torrentielle. Il fait horriblement froid. J’ai heureusement deux manteaux, de plus, j’ai déniché dans une chambre un poêle que j’ai fait monter dans la mienne et Margas m’a ramassé un petit fagot de bois mort bien humide avec lequel je tente de faire un peu sécher mes effets. Enfin, il n’y a personne sous la tente, sans cela, cela me rappellerait complètement mon séjour de l’année dernière au Ruchard.  

J’ai reçu les deux lettres dans lesquelles tu me parlais de la santé de tes parents et de celle des enfants. Comment va ton père ? Il n’y a que son état souffrant qui pourrait empêcher un voyage de tes parents à Épinal et certes à n’importe quelle période de l’hiver, ils y seraient aussi bien qu’en ce moment. Je ne sais pas s’il fait une température analogue en Maine-et-Loire, mais je ne me rappelle pas avoir vu un temps pareil à la fin de juillet. Quant aux enfants j’espère qu’ils sont remis maintenant de leurs fatigues.

On doit voir à ma lettre que le réveil est à 4 h 00 et qu’il en est 16 actuellement. Je n’ai pas fait la sieste cependant et les mots, sous ma plume, arrivent peu aisément.

Mika est arrivée au Valdahon sans boîter. Elle va voir demain un vétérinaire. Hier, elle a vu un bibi de 2e classe vétérinaire qui lui a mis une compresse. Dans quinze jours, je pense qu’elle sera retapée. Pourvu qu’elle n’en attrape pas autant quand nous reviendrons à Épinal.

En ce moment, toutes les permissions sont supprimées en raison de la tension politique. Les peuples des Balkans sont vraiment bien ennuyeux de créer toujours des causes de guerre à l’Europe ! Ils devraient cependant en avoir assez et avoir besoin d’un peu de repos pour se remettre de la guerre Turco-Balkanique ! Je sais bien que l’Autriche veut profiter du bon moment, mais c’est bien désagréable pour ceux qui y sont mêlés malgré eux.

Je penserai demain aux enfants, aujourd’hui, il est trop tard, j’ai une revue à passer et il faut que j’y aille de suite. S’il ne pleut pas, je leur achèterai des vues de campagnes. Je leur enverrai demain.

Ma chère Renée, je t’embrasse de tout cœur ainsi que toute la famille.  

Ton mari qui t’aime bien,

Henri Cadeau »

Les menaces de guerre contre l’Allemagne se confirment. Les manœuvres qui se déroulent au camp du Valdahon ont été interrompues. Le capitaine Cadeau qui vient tout juste de rentrer à Épinal doit maintenant tenir sa 12e compagnie prête à partir.

Tôt dans la nuit du samedi 1er août 1914, les 1er et 3e bataillons du 149e R.I. abandonnent les bâtiments de la caserne Courcy pour se rendre à la gare d’Épinal. Cette fois-ci, ce sera pour aller vers la frontière et pour une durée indéterminée !

Les quais sont déjà en pleine activité alors que le jour n’est pas encore levé. Les hommes les plus chanceux peuvent faire leurs adieux à la famille. Ce n’est pas le cas pour le capitaine Cadeau. Sa femme et ses enfants sont partis pour l’Anjou avant son retour des manœuvres du Valdahon. C’est donc sans une parole affectueuse qu’il s’apprête à monter dans le train. Des voisins racontent qu’il s’est approché de trois enfants inconnus pour les embrasser de tout son cœur. Sa pensée devait certainement se diriger vers ceux qu’il aimait…

Il est 4 h 30, le train qui a embarqué la 12e compagnie quitte la gare spinalienne à 4 h 30. Il prend la direction de Bruyère où les hommes du capitaine Cadeau arrivent à 6 h 30.

Dès son arrivée à Bruyère, l’officier accomplit ses devoirs religieux. Il se prépare à la mort… Henri Cadeau écrit à sa femme : « La mobilisation vient d’être déclarée, prie bien pour moi… Depuis que nous sommes partis du Valdahon, j’ai un vague pressentiment qui m’étreint… Dans tous les cas, je ferai mon devoir… Je ne sais si je t’écrirai encore ! Adieu ! Pardon pour les ennuis que j’aurai pu te causer… Je n’écris pas à maman… C’est trop triste… Si tu apprends…, tu lui feras mes adieux. »

Quelques jours plus tard, il rédige un petit mot qui sera posté à Corcieux : « Je t’envoie un mot pour l’anniversaire de notre mariage… Rien de nouveau. Je me suis confessé. J’ai ma médaille du scapulaire. Si je tombe, j’espère que Dieu me prendra et que vous me rejoindrez plus tard. Je pense toujours beaucoup à toi, aux enfants, à nos parents. Priez bien pour nous. L’année dernière, à pareille époque, nous ne prévoyions guère l’éloignement qui nous sépare en ce moment ! »

La dernière lettre du capitaine Cadeau est datée du 20 août 1914. Quand celle-ci parvient à destination, cela fait déjà 10 jours qu’il a perdu la vie.

La famille va rester sans nouvelles pendant plusieurs semaines. Ce n’est qu’à la fin du mois de septembre 1914 que madame Cadeau reçoit une lettre rédigée de la main du capitaine Laure, le commandant du 3e bataillon du 149e R.I..

« Votre mari, après mon départ pour cause de blessure, a tenu sur la ligne jusqu’au dernier moment. Il a reçu une balle à l’aine à droite et s’est affaissé. Son sergent-major et un homme l’ont relevé et transporté d’une trentaine de mètres en arrière. Il avait toute sa connaissance. À ce moment, notre ligne a été bousculée, les Allemands se sont précipités à la charge. Le sergent-major est tombé à côté de Cadeau qui a donné l’ordre au soldat de l’abandonner pour éviter d’être fait prisonnier. Cet homme a obéi… »

Henri_Cadeau

Pendant des mois, toutes les recherches qui auraient pu permettre d’obtenir une certitude sur le sort du capitaine n’aboutissent qu’à des espoirs suivis de déception. La famille passe par de bien cruelles alternatives.

En janvier 1915, l’officier qui avait annoncé la blessure de son mari, écrit à madame Cadeau une nouvelle lettre dont voici les principales lignes :

« Madame,

… Malheureusement, je ne puis rien vous dire de plus sur les circonstances où notre ami Cadeau a eu l’héroïsme de renvoyer à sa compagnie l’homme qui l’accompagnait, pour rester seul avec son sergent-major, tous deux grièvement blessés sur le champ de bataille qui allait être occupé par l’ennemi quelques instants après.

Tout au moins, j’aurai le plaisir d’insister sur le mot héroïsme, en vous assurant que notre ami l’a justifié dans son intégralité, depuis le début de la campagne, se signalant par l’intelligence de la situation… Cela n’était pas qu’un mince mérite, à un moment où nous étions presque tous ignorants des méthodes de combat que devait nous imposer cette étrange guerre… Le 20 et le 21 août, la 12e compagnie a été placée en soutien d’artillerie au bois de Worfer. C’est la date où ont commencé nos épreuves, et je ne me rappelle pas sans émotion le courage avec lequel Cadeau a pris son rôle périlleux, retenant sa compagnie, sous un bombardement des plus violents ; réussissant à conserver ses positions dans le bois jusqu'à une heure très avancée de la matinée du 21, alors que tout le reste de la ligne avait déjà cédé. Il conduit ensuite, avec un merveilleux sang-froid, la retraite de sa compagnie dont les rangs ordonnés se grossissaient par l’appoint de nombre d’isolés, attirés par sa bonne tenue, tant et si bien que c’est lui qui a ramené à Saint-Quirin une bonne partie de la retraite du régiment.

Du 21 au 25, se sont encore affirmées, chez lui, les mêmes qualités de sang froid et d’énergie. Le 25 au matin, alors que nous nous portions sur Bazien, au moment où les premières compagnies du bataillon menaçaient de fléchir, c’est la 12e qui a mis baïonnette au canon, entrainée par le capitaine Cadeau, qui a permis à notre ligne d’attaque de recevoir les Allemands. Quelques instants après, votre mari, resté parmi les derniers de ceux qui résistaient, a reçu sa blessure. Vous savez le reste…

Veuillez, Madame, agréer les vœux que je forme pour que vous receviez enfin des nouvelles de votre mari…, et aussi pour que, si Dieu a décidé de sa vie, vous puissiez avoir le noble courage d’accepter un aussi cruel sacrifice pour la France, avec cette fierté de porter et de voir porter par vos enfants un nom magnifiquement héroïque…»

Cet officier n’est pas le seul à faire son éloge. Un soldat écrit : « Il fut beaucoup regretté, car c’était un brave et il savait commander.» Un autre raconte « Blessé le 25 août, au début de l’action, j’ai voulu, avant de quitter le champ de bataille, regarder où était mon capitaine. Je l’ai vu, sur la ligne, révolver au poing, au milieu de la mitraille, encourager les hommes comme d’habitude. Je n’ai pas pu lui dire adieu. Je l’aimais et je le respectais comme nul autre.»

Le matin du 25 août 1914, le capitaine Cadeau a conscience des forces supérieures contre lesquelles le 149e R.I. va devoir se heurter. Il dit à son lieutenant « Nous marchons au sacrifice certain, mais c’est le devoir ! »  Il donne son dernier ordre à ce même lieutenant : « Prenez l’arrière, je prends l’avant.» Paroles de chef dont les conséquences ont certainement été pesées par celui qui les prononçait.

En mai 1915, Renée Cadeau, l’épouse du capitaine, trouve la force de faire elle-même des recherches sur le terrain où est tombé son mari.

Elle retourne à Épinal pour tenter d’en apprendre le plus possible sur les circonstances de la disparition de son époux.

Moins d’un an après les évènements, cette femme réussit à obtenir un laissez-passer auprès des autorités militaires. Avec ce précieux document en main, elle peut maintenant se rendre sur les lieux où le capitaine Cadeau a trouvé la mort le 25 août 1914.

Le décès de cet officier n’a pas encore été officialisé. Renée Cadeau a encore de minces espoirs avant de commencer son périple, mais, très vite, il va lui falloir accepter l’évidence…

Elle fait tout son possible pour rencontrer le lieutenant Jeannin, un officier qui a été un des tout derniers à avoir vu son époux vivant.

À la suite de son voyage, elle rédige une longue et très émouvante lettre à l’attention de sa belle-mère.  Elle lui raconte toutes les rencontres faites sur le terrain et tous les lieux sur lesquels elle a pu se rendre.

Renee_Cadeau

Jeudi 13 mai 1915

Chère mère,

Je vous écris de Paris en ce jour de l’ascension. Mon voyage n’a apporté aucune preuve matérielle. Mais nous ne devons pas pour cela conserver un espoir qui, hélas, ne ferait que d’engourdir notre douleur. Bien souvent, vous avez pensé que le grand sacrifice nous avait été demandé, j’en ai la conviction absolue. Dieu a pris votre fils comme un holocauste et il nous demande de participer au sacrifice.

Voici tout ce que je sais…

En arrivant à  Épinal, Margas, l’ordonnance, me dit que le lieutenant Jeannin, lieutenant à la 12e compagnie lors du départ, avait demandé mon adresse et qu’il était actuellement en traitement à Bourbonne.

 J’écris à cet officier, en lui donnant mon adresse à Épinal et en lui demandant de me communiquer par retour de courrier ce qu’il pourrait savoir. La réponse demande quelques jours. Nous allons au dépôt où le capitaine me dit : « J’ai la conviction que votre mari est mort, mais la certitude me manque. ».

Nous nous rendons à Bazien, par une journée de pluie affreuse. Nous voyons les gens du pays, visiblement énervés par leurs souffrances. Le résultat de notre voyage est que nous emportons la preuve de la mort de Populus, que nous assistons à sa mise dans un cercueil, que pour nous, cette tombe semble marquer l’endroit de la blessure d’Henri, mais que là n’est point la tombe de votre cher enfant.

Nous partons donc à la nuit. Adrienne à la même impression que moi. Il est trop douloureux pour moi de me débattre là, dans l’incertitude, au milieu de gens énervés. Nous couchons à Rambervillers.

Nous reprenons un train du matin, en entendant le son du canon. Adrienne, tout en dissimulant de son mieux, a ses impressions qui m’apportent une lueur d’espoir.

Nous sommes rentrées à Épinal où nous reprenons le déménagement. À quatorze heures arrive une lettre de Jeannin, lettre que je vous adresserai dans un prochain courrier.

« À 8 h 30, le capitaine donne à son lieutenant son dernier ordre, il faut se replier. La 12e compagnie tient encore environ 3/4 heure. Le lieutenant Drouët meurt dans les bras de Souchard et dans ceux de Jeannin. Un soldat vient dire à celui-ci que le capitaine Cadeau est blessé. Populus et trois soldats le rapportent. Il perd beaucoup de sang. J’ai voulu aller chercher le capitaine avec quelques hommes. J’ai poussé de l’avant jusqu’à ce que nous nous trouvions face à face avec les Allemands, force fut de nous retirer, il était 9 h 30 environ.

À 14 h 00, Jeannin apprend que Populus a été blessé en portant le capitaine et qu’Henri a dit à l’homme de se replier. »

Jeannin ajoute :

« Depuis que je suis rentré à l’hôpital il y a quinze jours, j’ai pu obtenir le renseignement suivant : Sage, soldat au 149e R.I. aujourd’hui sergent au même régiment a trouvé monsieur Cadeau mort (combien ce mot me coûte à écrire) ;  aidés de Jean Michel, ils l’ont transporté aussi loin que possible et l’ont déposé à côté du lieutenant Drouët dont je vous ai parlé précédemment ».

Après ces nouvelles indications, j’ai voulu repartir à Bazien. Avant, j’ai fait venir monsieur l’abbé Ecker, vicaire de monsieur le curé Lœuillet. Celui-ci est arrivé immédiatement. Il ne savait rien sur la tombe du lieutenant Drouët, ni sur son emplacement présent. Cet abbé me dit : « j’ai une motocyclette, je vais passer mon service à un camarade. Dans trois heures, je serai ici ».

Il est donc revenu dimanche soir à 8 h 30. Le lieutenant Drouët est inhumé à Nossoncourt. Une équipe a retrouvé son corps et la famille l’a fait mettre dans le cimetière. Il me détermine exactement l’endroit de la première sépulture du lieutenant Drouët.

Il  me dit : « Autour, il y a des tombes inconnues. Si vous voulez retourner, il faudra y passer de deux à trois jours et faire ouvrir dix tombes au moins ;monsieur le maire le fera sans vous, si vous le désirez »

Notre permis était expiré. Adrienne me dit qu’elle veut bien y retourner seule, mais je m’y oppose. J’hésite, j’hésite ; enfin voyant la possibilité de faire l’identification sans moi, nous partons mardi matin, mais je dis à Adrienne : « Il me faut absolument voir Jeannin à Bourbonne. »

Nous partons d’Épinal à 8 h 50 pour arriver à Bourbonne à 16 h 00. La providence permet que Jeannin, non prévenu de notre passage, soit sur le quai. Je parle une heure avec lui.

Gare_de_Bourbonne_les_Bains

Il me précise exactement sur la carte la place de la sépulture de Drouët. Elle correspond à l’endroit indiqué par l’abbé Ecker. Il résulte de là qu’Henri a été porté un kilomètre au moins par les soldats, mort d’après eux. Mais comment n’ont-ils rien pris… ou ont-ils tout pris ? Henri avait 3000 francs sur lui. Deux mille à la compagnie, 1000 au moins, si ce n’est plus, à lui.

Les soldats ont mis le corps près de celui de Drouët. L’équipe a identifié l’un, pas l’autre qui devait avoir sur lui bien des preuves. Mais peut-être que ces équipes n’ont même pas ouvert le sol que recouvrait un pauvre corps.

Sage a dit : « Il y avait tellement de sang sur les pantalons que je n’ai pas pu me rendre compte de l’endroit de la blessure, l’artère à dû être coupée. Henri a dû mourir rapidement et tranquillement.

Il a bien dû se sentir touché lorsqu’il a dit qu’il fallait le laisser.

Mais espérons qu’il s’est endormi avant la mort. Dieu ne lui aura pas refusé une grâce suprême.

Pardonnez-moi de vous parler avec une telle brutalité. J’ai été moi-même si malmenée. J’ai dû si souvent m’entendre dire « Votre mari est mort » que je finis par avoir une certaine rudesse dans les sentiments.

J’ai fait parler un peu Jeannin sur les impressions d’Henri pendant sa campagne. Il m’a dit qu’Henri avait bien dit à Bruyère qu’avec Souchard et un autre,certainement, ils ne survivraient pas à la campagne. Tous les trois sont morts. Après, quand la campagne a été sérieusement commencée, Henri n’a plus pensé qu’à son devoir. Le 25 août au matin, il a dit à Jeannin : « Aujourd’hui, c’est mon tour. Il n’y a eu que moi d’indemne à la compagnie. Je ne puis y échapper. » Il a ajouté : « Nous allons boire notre dernière bouteille de champagne. » Au ton de Jeannin, j’ai senti que celui d’Henri n’était pas triste.

Le 149e était, le 24,  arrivé vers minuit à Ménil. Jeannin et Henri se sont endormis, l’un près de l’autre, sur la paille. Jeannin a vu, au cou de son capitaine, une médaille en or. Ce qui certainement était sa plaque d’identité que j’avais vue autrefois, mais qui était en cuivre.

À 5 h 00, les deux officiers se réveillent en se disant : «  Bonne journée, nous allons toucher du tabac, recevoir des lettres. »

Dix minutes après, l’ordre d’attaquer arrive.  Henri et Laure en comprennent tout le danger. Mais il faut marcher.

Parfois Jeannin dit à Henri de se coucher. Lui qui est très bon tireur au révolver lui dit « Je ne crains rien »

Margas m’a dit l’avoir vu couché, mais dit que les balles sifflaient un peu moins. Il était à genoux, son révolver d’une main, ses lorgnettes dans l’autre. Le combat fut des plus horribles et ne dura pas une heure. Nos fantassins avaient des canons allemands de gros calibres devant eux. Ces pièces qui étaient sur une crête balayaient tout. Nous, nous n’avions pas d’artillerie. Celle-ci n’est arrivée que vers 16 h 00.

Le combat fut donc une de ces déplorables journées où tomba le meilleur sang de France, sans raison, sinon de servir de sacrifice à Dieu. Cinq officiers du 149e furent tués ce jour-là. Cinq régiments furent anéantis et dans chaque régiment, beaucoup d’officiers tombèrent. Deux seulement ne sont pas encore identifiés. Un du 139 et Henri.  Le capitaine mort sur la route n’est pas Henri, qui n’est jamais allé jusqu’à ce point. Aurais-je souffert, mon Dieu, par ce renseignement.

Henri a dû être déposé au milieu des prairies, non en lisière de chemin. J’ai bien vu à peu près l’endroit, mais je ne cherchais pas là.

Renee_et_Henri_Cadeau

Dans la nuit qui a suivi mon voyage, j’ai rêvé à Henri. Je lui montrai la carte d’état-major, en lui disant avec orgueil : « Vois comme je connais bien le champ de bataille. »

J’hésite à faire partir cette lettre. Pourtant, vous devez l’attendre…

Je sais que votre force morale résistera, mais votre force physique…Dieu ne permettra peut-être pas que vous en deveniez malade.

Moi, je résiste, mais tous les membres, toutes les articulations sont douloureuses.

Je pars dès demain vendredi à Châteauneuf pour retrouver ma petite Louise qui avait tant confiance dans la vie de son papa.

Avec imprudence, je vous ai demandé de venir, à ce moment-là, malgré ma douleur, j’avais encore une lueur d’espoir. Sans doute qu’un voyage serait trop douloureux pour vous, restez avec mon beau-père. Envoyez-moi un long questionnaire sur ce que vous désirez savoir. J’y répondrai en conscience. Je puis vous dire que je suis allée aussi loin et aussi péniblement que possible rechercher votre fils. Et ces régions sont d’un réel danger.

Nous devons à Adrienne une bien réelle reconnaissance, et là, à Paris, c’est dans sa famille que je trouve encore le plus d’apaisement à ma douleur. Il y a 11 ans, j’étais à Paris aussi. Henri m’avait offert un bouquet. Je me souviens fort bien que dans le grand nœud blanc, il y avait une grande tache de sang, résultant sans doute d’une piqûre de l’ouvrière. Cette tâche m’avait cependant frappée. Dites à Marie Louise et à Élisabeth que je ne leur écrirai pas d’ici quelque temps. Je vais suivre tous les exercices de la retraite de mes petits enfants qui commencent dimanche.

Ma tante Dubois me demande d’aller à une messe pour mon cousin, dont l’avis de décès m’est parvenu il y a quelques jours déjà.

Mon mobilier est prêt. Je vais essayer de louer ma maison à Angers et de l’y mettre. Combien de fois j’avais pensé qu’il devait être horrible de toucher aux objets d’un pauvre disparu. J’ai connu aussi cette souffrance, toutes les lettres adressées à Henri depuis notre arrivée à Épinal venaient toutes d’officiers actuellement morts. Ceux-ci qui sont partis jouissent de la gloire éternelle. Notre souffrance à nous est plus vive. Elle sera plus longue que la leur. Dites-moi que vous résistez à votre souffrance. Surtout que mon beau-père pense à son petit fils, cet enfant qui fut, je crois, la joie suprême de son fils. Qu’il se dise aussi qu’Henri fut heureux. Je n’ai pas eu, en 10 ans de mariage, une pensée que je ne lui ai dite. Je n’ai écrit aucune ligne qu’il n’ait lue ou pu lire. Mon ménage fut des plus réussis. Voilà ceux qui nous ont désunis.

Dieu me donnera la grâce pour nous faire vivre, sans cela je ne pourrai rien faire. Je vous embrasse avec ma douleur et ma tendresse.

 Renée

Le corps de l’officier ne sera retrouvé qu’au mois de mars 1916, à la place même où les soldats l’avaient déposé.

L’abbé Collé, curé de la paroisse de Ménil-sur-Belvitte, rédige un courrier à la famille. Il leur fait savoir que la dépouille du capitaine était dans un parfait état de conservation, mais que son alliance et sa médaille du scapulaire avaient disparu.

Le numéro de régiment, les galons de capitaine et des lettres encore lisibles ont permis de l’identifier à coup sûr.

Le capitaine Cadeau est enseveli dans un cimetière qui va porter son nom.

Cimetiere_militaire_capitaine_Cadeau

Le 20 janvier 1915, Henri cadeau obtient la citation à l’ordre de l’armée suivante :

« Est tombé très grièvement blessé, le 25 août, en entraînant sa compagnie à l’assaut et en la maintenant sous le feu d’une ligne de tirailleurs et de mitrailleuses ennemies, très supérieurs numériquement. Transporté de quelques mètres en arrière par son sergent-major et un autre homme, a eu son sergent-major grièvement blessé à ses côtés, a exigé que l’homme valide se repliât en même temps que la ligne de tirailleurs contrainte à un recul momentané et est ainsi resté, de son plein gré, avec une blessure presque certainement mortelle, sur un terrain cédé à l’ennemi. »

Diplome_hommage_de_la_nation_capitaine_Cadeau

Le corps du capitaine Cadeau a été restitué à la famille en 1924. Il repose actuellement dans le cimetière communal de la petite ville de Chateauneuf-sur-Sarthe.

Sepulture_capitaine_Cadeau

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de la journée du 25 août 1914, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

149e_groupe

Sources :

L’intégralité des documents et des photographies qui illustrent la notice biographique du capitaine Cadeau  provient de la collection personnelle de sa petite fille.

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Livre d’or « Pour la patrie, Institution Saint-Joseph Montluçon, « Nos morts de la Grande Guerre » notices biographiques. Saint-Amand. Imprimerie Clerc Daniel. 1921.

Le dessin a été réalisé par B. Bordes.

La photographie de la sépulture du capitaine Henri Cadeau a été réalisée par A. Carobbi.

La photographie de groupe représentant les officiers du 90e R.I. est extraite de l’album du régiment de l’année 1904. Elle provient de la collection de J. Charreau.

Un grand merci à M. Bordes, à B. Dattin, à B. Bordes, à A. Carrobi, à J. Charreau, à É Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

2 octobre 2015

25 août 1914.

149e_groupe

Le 149e R.I. à dû abandonner une position fortement retranchée du côté de Neuf-Maisons dans l’après-midi du 24 août, en raison de l’avancée allemande.

Le 1er bataillon du 149e R.I. a pris position au sud-ouest de Thiaville.

Les 2e et 3e bataillons du 149e R.I. ont effectué un mouvement de retraite jusqu’à Ménil-sur-Belvitte.

Pour mieux comprendre les évènements qui vont se dérouler pour le 149e R.I. durant cette journée du 25, il va falloir les séparer en deux parties distinctes. Une première partie sera consacrée au 1er bataillon, la seconde aux 2e et 3e bataillons du régiment.

Du côté du 1er bataillon du 149e R.I.

Ce bataillon constitue avec le 3e bataillon du 109e R.I., le 1er bataillon du 158e R.I. et le 61e B.C.P., un groupement qui se trouve directement sous l’autorité du général Pillot, l’officier responsable de la 85e brigade.

Toutes ces troupes occupent, depuis la veille au soir, une position autour et dans la commune de Fagnoux.

Fagnoux

Les compagnies du capitaine Lescure tiennent les extrémités des mamelons qui limitent la vallée du ruisseau des Grands Faings. Quelques-unes des sections se sont installées dans les premières maisons du petit village.

Le gros du 3e bataillon du 109e R.I. est positionné sur les pentes orientales du mamelon au sud de la Chapelle. Certaines de ses compagnies sont tenues en réserve et en soutien d’artillerie sur les pentes sud de la crête cotée 323.

Le 61e B.C.P. occupe un secteur autour de la ferme Rot-à-Mocelle et le 1er bataillon du 158e R.I. est en place à Fagnoux.

Carte_1_journe_du_25_aout_1914

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Ce groupement est attaqué par l’ennemi à 4 h 30.

Au petit jour, le bataillon du 149e R.I. abandonne ses positions pour se retirer vers la cote 323.

Les compagnies du 158e R.I. quittent Fagnoux après avoir subi un tir de batterie ennemi.

Mais il n’est pas question de se replier davantage ! Les hommes du capitaine Lescure se préparent à lancer une attaque depuis leur nouvelle position. Celle-ci se déclenche à la droite du bataillon du 109e R.I..

Des fantassins allemands viennent de pénétrer dans le petit village de Fagnoux. Les échanges de tirs sont très virulents. L’attaque française est malmenée et le 61e B.C.P. ne peut plus intervenir pour leur venir en aide. Il a quitté sa position pour  aller s’installer au nord de Ménil-sur-Belvitte. Heureusement, des éléments du 3e B.C.P. arrivent à la rescousse.

Des compagnies du 109e R.I. se sont mélangées avec celles du 1er bataillon du 149e R.I. pour grossir l’attaque qui vient d’être lancée. Hélas pour les hommes, ceux-ci vont être violemment ramenés vers l’arrière. En effet, leur flanc gauche vient d’être pris sous un violent feu d’infanterie allemande qui s’est déclenché depuis la lisière des bois et il est difficile de se protéger.

Des pièces de 75 qui se trouvent à proximité ouvrent le feu sur les Allemands. Ce soutien inattendu donne aux fantassins français la possibilité de reprendre leur avancée. Mais rien ne va comme il faut ! Les Allemands se sont infiltrés en masse à travers le bois de Saint-Pierre et la fusillade devient de plus en plus nourrie de ce côté-là. Malgré l’aide apportées par 2 compagnies du 3e B.C.P, la situation devient critique pour les hommes du capitaine Lescure et pour le 3e bataillon du 109e R.I..

Les dernières compagnies de réserve du 3e B.C.P. sont utilisées, mais il est impossible d’endiguer plus longtemps l’attaque allemande, il faut penser à se replier…

La position de Fagnoux à pu contenir l’assaut ennemi jusque vers 9 h 00. 

Toutes les unités engagées dans ce secteur effectuent maintenant un mouvement de retraite.

Les hommes du 149e R.I. passent à travers bois pour venir se rallier à l’est de Sainte-Barbe.

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Le 3e bataillon du 109e R.I. et le 1er bataillon du 149e R.I. se rassemblent autour de la cote 376 vers 14 h 00.

Un barrage des routes qui mènent à Thiaville doit être organisé. Pour répondre à cette demande, les compagnies du capitaine Lescure doivent rester sur place à la cote 376 tandis que celles du 3e bataillon  du 109e R.I. iront s’installer à la cote 423.

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Du côté des 2e et 3e bataillons

Les réservistes arrivés la veille sont répartis dans les compagnies dès 6 h 00.

Une heure plus tard, le général de la 43e D.I. demande au colonel Menvielle de quitter Ménil-sur-Belvitte. Les 2e et 3e bataillons, qui doivent se diriger sur Bazien, abandonnent aussitôt leurs cantonnements.

Le 2e bataillon se rassemble dans les vergers à l’est de Bazien face au nord en se couvrant vers la cote 374. Le 3e bataillon occupe le petit bois qui se trouve à 500 m à l’est de Bazien. Il se couvre au nord du chemin Bazien-cote 371 et à l’est vers la cote 366.

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Les fractions chargées de couvrir le rassemblement arrivent à la crête à 7 h 30. Elles sont accueillies par une vive fusillade partant de la lisière sud du bois de Glonville.

Le colonel est aussitôt appelé à la cote 371 par le général qui commande la 43e division. Il laisse le commandement de ses 2 bataillons au capitaine François qui est le plus ancien des deux commandants de bataillon.

Le colonel du 149e R.I. reçoit ses ordres du général Lanquetot qui lui demande de prendre le commandement d’un groupement composé de ses 2 bataillons et de 2 bataillons du 158e R.I. qui viennent d’être rappelés à la cote 371.

Ces quatre bataillons ont pour mission de tenir tête à des forces ennemies qui viennent d’être signalées du côté d’Azerailles et de Baccarat. Ces troupes ennemies marchent en direction de Bazien et de la cote 371.

L’engagement se poursuit à la lisière du bois de Glonville et sur la crête de la cote 366 à 8 h 00.

Un bataillon du 139e R.I., en provenance du sud-ouest, vient se mêler en travers aux 2e et 3e bataillons du 149e R.I.. Celui-ci se trouve ainsi engagé avec eux.

Un bataillon du 158e R.I. arrive à la cote 371. Le colonel lui donne pour mission de venir défendre les lisières nord du bois de la Pêche. Ce bataillon doit se relier à gauche avec le 149e R.I. vers la cote 366.

Le P.C. du colonel Menvielle est installé à la lisière sud du bois de la Pêche.

La cote 371 est attaquée par des forces ennemies arrivant par la route de Baccarat à 8 h 30.

Le bataillon du 158e R.I. qui vient à peine d’arriver dans ce secteur leur fait face. Pour l’instant, il n’y a pas de nouvelles du 2e bataillon du 158e R.I. !

Une demi-heure plus tard, le colonel Menvielle rend compte au général de la 43e D.I. que l’attaque sur la cote 371 est très énergique. Il lui fait également savoir que le bataillon du 158e R.I. ne pourra pas résister bien longtemps.

Il y a lieu d’envoyer des renforts…

Le bataillon du 139e R.I., qui avait dépassé les éléments avancés du 149e R.I., au nord de la route de Bazien, cote 371, se replie en désordre à 9 h 15, entraînant derrière lui les 2e et 3e bataillons du colonel Menvielle. Ceux-ci sont vite ralliés par leurs chefs. S’arrêtant à Nossoncourt et sur les pentes sud de la cote 376, les bataillons continuent le combat jusque vers 10 h 00 avant de se replier au sud de Ménil-sur-Belvitte.

Le responsable du 149e R.I. est toujours à son poste de commandement à 10 h 30. Le bataillon du 158e R.I. vient d’évacuer en partie le bois de la Pêche pour se replier vers Sainte-Barbe.

Le colonel Menvielle réunit à l’angle de la route au sud du bois de la Pêche, une poignée de soldats énergiques de tous les régiments. Avec l’appui d’une section de mitrailleuses du 86e R.I., ces hommes empêchent les Allemands de déboucher entre la cote 366 et le bois de la Pêche.

Une contre-attaque générale exécutée par la réserve du C.A., avec des éléments des 86e R.I. et 38e R.I., marchent sur Baccarat. Le colonel Menvielle se joint à cette contre-attaque. Mais celle-ci ne dépassera pas les pentes sud et est de la cote 366.

Cette contre-attaque reflue à travers le bois de la Pêche en direction de Sainte-Barbe.

Le colonel réunit à nouveau quelques hommes résolus à la pointe sud du bois de la Pêche. Avec ce groupe, il recommence un tir ajusté en direction du glacis qui descend de la cote 366. Il a avec lui une section du 149e R.I. qui se trouve sous les ordres de l’adjudant Chauffenne. Le caporal clairon Lambert et le capitaine Schalck, adjoint au colonel, sont aussi parmi eux.

Ces soldats parviennent à stopper la progression allemande, mais les hommes ont brûlé toutes leurs cartouches vers 11 h 30 ! Il est impossible de rester sur place. Ce petit groupe est dans l’obligation de se replier en direction de Ménil-sur-Belvitte. Le capitaine Schalck est grièvement blessé au cours de cette retraite.

Une fois arrivé à Ménil-sur-Belvitte, le colonel Menvielle s’informe de la situation des 2e et 3e bataillons.

Il rejoint les éléments alliés de ces bataillons au sud du village pour les conduire à Brû.

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La vigilance doit rester de rigueur. L’ennemi n’est pas loin… Mais les hommes espèrent avoir enfin quelques heures de répit après cette dure journée de combat.

Bien que divisé en deux fractions, le régiment combat une grande partie de la journée pour faire face à la poussée allemande, alternant posture défensive, posture offensive et repli. Le soir, le 149e R.I. est pratiquement reconstitué, les deux fractions n’étant distantes que d’une petite dizaine de kilomètres. Le régiment va malgré tout continuer d’évoluer de manière fractionnée le lendemain.

Sources bibliographiques :

J.M.O. du 109e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N /.

J.M.O. du 149e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 696/8.

J.M.O. du 158e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N /.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/9.

« Opérations du 21e Corps d’Armée » général Legrand-Girarde, aux éditions Plon Nourrit Cie.

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

La photographie de groupe de soldats du 149e R.I. est antérieure à août 1914.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.  

25 septembre 2015

24 août 1914.

149e_R

Le 149e R.I. est installé depuis la veille dans le secteur de Neuf-Maisons pour construire une position fortement retranchée qui est censée stopper l’avancée ennemie.

Dès 5 h 00, le colonel Menvielle reçoit l’ordre d’opération générale pour la journée.

Il apprend que toutes les unités du 21e C.A. doivent rester sur place pour consolider les emplacements occupés. Dans la mesure du possible, les avant-postes devront être aussi maintenus en position.

Le soleil n’est pas encore levé… Peu importe, les « terrassiers » du 149 R.I. se remettent à l’ouvrage, il faut poursuivre le travail commencé la veille en continuant de creuser des tranchées.

Le responsable du 149e R.I. est également informé que son régiment pourrait relever le 158e R.I. pour que celui-ci puisse passer à la réserve générale si le général de division commandant le secteur en fait la demande.

La 2e partie de l’ordre général d’opération, relatif au ravitaillement en vivres et en munitions et aux évacuations, arrive entre les mains du colonel Menvielle vers 6 h 50. Il sait maintenant ce qu’il doit faire pour la journée… Mais rien ne va se passer comme prévu !

Neuf_Maisons

À 7 h 30 le capitaine Lescure reçoit l’ordre d’envoyer une de ses compagnies à la croisée des chemins se dirigeant l’un sur Pexonne, l’autre sur Fenneviller à 800 m au nord de la Pille ferme.

C’est la 2e compagnie qui est désignée pour accomplir cette mission. Une fois sur place, cette unité devra se mettre en liaison avec l’adjudant-chef Pinard, qui occupe, avec une section de la 11e compagnie, un poste établi sur la route de Pexonne vers le carrefour précité.

La 2e compagnie qui se retranche sur place doit également établir des liaisons très assurées avec le colonel du régiment.

Le général commandant la 85e brigade fait savoir au colonel Menvielle que le village de Pexonne vient d’être attaqué.

 À 8 h 35, une forte attaque allemande débouche également de la lisière sud du bois des Haies.

L’ennemi arrive à proximité de la voie ferrée. Cette information, qui vient d’être fournie par un officier d’état-major de la 86e brigade, a été envoyée au colonel par le général Pillot.

Une heure plus tard, le colonel informe le général commandant la 43e division que la position retranchée occupée par son régiment n’a pas encore été attaquée par l’infanterie. Par contre, celle-ci essuie les tirs de l’artillerie allemande qui cherche surtout à toucher les batteries françaises. Le colonel Menvielle communique au commandant du groupe d’artillerie tous les renseignements qui lui parviennent, pour qu’il puisse améliorer les tirs de ses 75.

Vers 9 h 45, le commandant du 1er bataillon du 149e R.I. informe son supérieur hiérarchique qu’il vient de recevoir l’ordre du général commandant la 85e brigade de porter son bataillon en réserve au sud de Neuf-Maisons, sur la route de Raon-l’Etape.

Une heure plus tard, le général de brigade demande par téléphone que le mouvement de ce bataillon soit stoppé au plus vite.

Le message est transmis au capitaine Lescure. Ses compagnies viennent reprendre leur emplacement premier.

À 12 h 10, le général de brigade fait savoir qu’il a fait stopper le mouvement du 1er bataillon et qu’il le conserve sous son commandement vers la maison forestière.

L’adjudant-chef Pinard et sa section ont quitté le carrefour situé à 2 km au sud de Pexonne à 10 h 45. Carrefour où ils étaient installés depuis la veille. Ces hommes ont été relevés par des éléments de la 2e compagnie. Le sous-officier Pinard fait savoir au colonel Menvielle que deux colonnes d’infanterie ennemie fortes chacune de 2 bataillons ont été signalées marchant depuis la vallée de la Plaine, en direction de la Pierre-Percée. C’est un cavalier du 4e Chasseur qui lui a fourni ces renseignements une demi-heure plus tôt.

Aux dires du même cavalier, Celles-sur-Plaine et la Pierre-Percée ne seraient plus tenues par les Français. Un escadron de uhlans a été signalé du côté de la Pierre-Percée. En outre vers 10 h 30, un maréchal des logis du 4e Chasseurs a dit à l’adjudant-chef Pinard que Badonviller n’était plus entre les mains des fantassins français et que les batteries de 75, qui étaient installées au sud de Badonviller, avaient dû se retirer.

Le sous-officier Pinard a, du reste, vu plusieurs batteries avec des échelons qui se sont repliés par le chemin de crête qui aboutit à 2500 m au sud-est de Neuf-Maisons. Les canons d’une batterie sont restés sur place.

L’adjudant-chef Pinard a aussi aperçu des petits groupes du 21e B.C.P. en provenance de Pierre-Percée, qui battaient en retraite à travers les petits bois où il se trouvait.

Le colonel Menvielle rédige un compte-rendu à partir de toutes ces informations pour les adresser au général de brigade. Il est 12 h 55.

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Un ordre est donné au lieutenant Petijean à 13 h 00. Cet officier qui commande la 1ère section de mitrailleuses doit se tenir prêt, si nécessaire, pour contenir une attaque d’infanterie et de cavalerie qui pourrait déboucher de Vacqueville et de ses environs sur Veney et Neuf-Maisons. Le lieutenant Petijean fait savoir à ses supérieurs que le 109e R.I. a complètement abandonné ses tranchées.

Le commandant François reçoit l’ordre d’envoyer la section de la 6e compagnie,qui est actuellement placée en renfort, faute de place, dans les tranchées. Cette section vient s’installer à la gauche de la 1ère ligne, dans  la 1ère tranchée qui a été évacuée par le 109e R.I..

Le général Pillot donne l’ordre de retraite à 13 h 45. Le colonel Menvielle doit prendre le commandement d’un détachement composé des 2e et 3e bataillons du 149e et du 4e groupe d’artillerie de campagne du 21e C.A..

Un quart d’heure plus tard, le chef du 149e R.I.envoie à ses 3 chefs de bataillon et au commandant du 4e groupe d’artillerie de campagne du 21e C.A., l’ordre de repli concernant la marche du 109e R.I. et des 2 bataillons du 149e R.I..Ce groupe doit partir de la maison forestière puis passer par Clairupt. La retraite s’effectue par Thiaville. Le mouvement de repli commencera sur ordre du colonel en 2 échelons.

Carte_2_journee_du_24_aout_1914

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Le régiment se rassemble dans le petit village de Fagnoux, à 1200 m au sud-ouest de l’église de Thiaville à 18 h 30.

Dix minutes plus tard, le colonel Menvielle se dirige avec ses 2e et 3e bataillons sur Ménil.

Le lieutenant-colonel Escallon et le 1er bataillon du régiment sont désignés pour faire partie d’un groupement directement sous l’autorité du général Pillot. Les hommes du capitaine Lescure ont pour mission de défendre le passage de la Meurthe par le pont de Thiaville.

Les 1ère, 2e, 3e et 4e compagnies bivouaquent en arrière des tranchées au nord de Fagnoux.

Les 2e et 3e bataillons du 149e R.I. arrivent à Menil-sur-Belvitte vers 20 h 00. Ils sont attendus par un détachement de réservistes en provenance du dépôt de Langres. Ces 250 hommes, qui sont sous les ordres du capitaine Ravon, vont servir à combler les pertes d’Abreschviller.

Le bivouac du 1er bataillon est canonné pendant la nuit par les Allemands.

Sources bibliographiques :

J.M.O. du 149e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 696/8.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/9.

J.M.O. de la 86e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/13.

« Opérations du 21e Corps d’Armée » général Legrand-Girarde, aux éditions Plon Nourrit Cie.

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

La photographie de groupe de soldats du 149e R.I. est antérieure à août 1914.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

18 septembre 2015

23 août 1914.

8e_compagnie

Le 149e R.I. cantonne à Badonviller depuis la veille. La dernière des compagnies qui manquait encore à l’appel a rejoint le régiment vers 2 h 00. Il n’y aura pas de sommeil réparateur pour ces hommes ! En effet, le 149e R.I. maintenant au complet, doit se tenir prêt à partir dès 6 h 00 !

Un quart d’heure plus tard, les trois bataillons du colonel Menvielle s’apprêtent à quitter Badonviller pour prendre la direction de Neuf-Maisons. C’est le 1er bataillon qui ouvre la marche. Le 3e bataillon est le dernier des bataillons à quitter les lieux de cantonnement. Ce sont des hommes épuisés par les évènements des journées précédentes qui traversent les villages de Fenneviller et de Pexonne.

Mais il n’est pas encore l’heure de penser au repos !

Le régiment prend une formation de rassemblement articulé à 500 m au nord-est de la cote 326, à cheval sur la route Pexonne-Neuf-Maisons à 7 h 30. Le 1er bataillon se place à l’est de la route. Le 2e bataillon et le 3e bataillon se positionnent à l’ouest en seconde ligne.

carte_1_journee_du_23_aout_1914

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À peine arrivés, les hommes du colonel Menvielle sont aussitôt mis sous les ordres du général Pillot. Le 149e R.I. va devoir former un groupe autonome avec le 109e R.I., le 61e B.C.P. et deux groupes d’artillerie de campagne du 21e C.A..

Cet ensemble de soldats reçoit l’ordre de construire une position fortement retranchée aux alentours de Neuf-Maisons. Il faut absolument que le 21e C.A. puisse stopper l’avance ennemie.  

Mais pour se mettre à l’ouvrage, il faut de l’outillage et celui-ci manque !

La 6e compagnie du lieutenant Pretet est désignée pour retourner au village de Pexonne. Elle va devoir réquisitionner toutes les pelles, pioches et haches qui vont être trouvées.

Pexonne

Le colonel Menvielle accompagne le général de brigade pour effectuer une reconnaissance de la zone qui vient de lui être attribuée. Le secteur du détachement du général Pillot est divisé en deux parties.

Le 149e R.I. reçoit pour mission d’organiser le secteur n° 1 qui se trouve à droite. Celui-ci s’étend de la lisière ouest de la forêt du Grand Renclos à la route Neuf-Maisons-Pexonne incluse.

Vers 10 h 30, le colonel emmène ses chefs de bataillon et ses commandants de compagnies sur les lieux pour faire la répartition entre les 12 compagnies.

Le 3e bataillon prend place à droite pour couvrir un groupe du 59e R.A.C.. Le 2e bataillon s’installe au centre et le 1er bataillon se positionne à gauche à cheval sur la route.

Carte_2_journee_du_23_aout_1914

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Les compagnies commencent le travail une heure plus tard.

À 14 h 30, le responsable du 149e R.I. reçoit un ordre du général de brigade, qui lui demande d’organiser la position.

Vers 15 h 15, le colonel Menvielle est informé de l’arrivée imminente du 109e R.I. Ce régiment, en provenance de Celles, se dirige vers Neuf-Maisons. Il doit passer par le Lourre et la Forge.

Le poste de secours du 149e R.I. est installé au sud de la cote 385, sur la route de Neuf-Maisons-Raon-l’Étape.

Les hommes cessent le travail vers 16 h 00.

L’ordre de bivouac pour la nuit est communiqué aux compagnies un quart d’heure plus tard.

Après les marches, les travaux et le manque de sommeil, la fin de cette journée peut enfin permettre un peu de repos aux soldats du régiment. Repos qui sera de courte durée. Mais ça, les hommes ne le savaient pas encore !

Sources bibliographiques :

J.M.O. du 149e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 696/8.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/9.

J.M.O. de la 86e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/13.

« Opérations du 21e Corps d’Armée » général Legrand-Girarde, aux éditions Plon Nourrit Cie.

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

La photographie de groupe de soldats du 149e R.I. est antérieure à août 1914.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

11 septembre 2015

22 août 1914.

149e_R

La veille, de violents combats se sont déroulés au nord d’Abreschviller, à l’intérieur et à proximité du bois de Voyer.

Plusieurs compagnies du 149e R.I. ont été engagées. Les 2e et 3e bataillons du régiment n’ont pas réussi à se maintenir sur leurs positions. Ils ont dû se replier en hâte, sous la protection de la 10e compagnie.

Dans la soirée du 21 août, une grande partie du régiment cantonne à Val-et-Châtillon.

Peu avant 5 h 00, le 1er bataillon reçoit l’ordre de porter ses compagnies aux avant-postes de Saussenrupt. Trois heures plus tard, les hommes du capitaine Lescure se mettent en route après avoir fait le plein en vivres et en munitions.

Carte_1_journee_du_22_aout_1914

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La 1ère compagnie s’installe sur le mamelon qui se trouve à 500 m au nord du château de Saussenrupt, face au nord-nord-est. La 2e compagnie prend position sur le mamelon à 600 m à l’est de Saussenrupt, face à l’est. La 3e compagnie s’établit vers la-Belle-Charmille face à l’est et au sud-est. La 4e compagnie et les sections de mitrailleuses sont en réserve à Saussenrupt, à cheval sur la route de Cirey-sur-Vezouze, au débouché ouest de la localité.

Le reste du régiment qui occupe la partie sud du village de Val-et-Châtillon est protégé par un bataillon du 158e R.I. au nord et au nord-est.

Val_e_Chatillon

Des reconnaissances signalent une colonne ennemie en provenance de Bertrambois. Le colonel Menvielle est informé de la situation par l’état-major de la brigade.

Les unités du régiment doivent se tenir prêtes à reprendre les armes dès le premier signal.

À 14 h 10, les 2e et 3e bataillons du régiment reçoivent l’ordre de défaire les fusils pour se diriger vers le ravin est de Val-et-Châtillon.

Les hommes du colonel Menvielle partent de l’église du village. Ils prennent une formation de rassemblement, face au nord.

Les compagnies doivent se couvrir mutuellement, tout particulièrement à l’est du côté des bois. Elles doivent également pousser des reconnaissances pour reconnaître le chemin qui les porteront en direction de la rive gauche de la Vezouse.

Vingt minutes plus tard, les compagnies des 2 bataillons reçoivent l’ordre de se porter sur la rive gauche de la Vezouse, à cheval, sur la route de Bréménil.

Les 9e et 10e compagnies sont en 1ère ligne. La 10e occupe le nord de la route face au nord-est. La 9e est au sud.

Les 11e et 12e compagnies sont en 2e ligne. La 11e s’installe près du carrefour 364 et la 12e au sud de la route.

Les 5e, 6e et 7e compagnies sont en formation de rassemblement articulé à la corne nord-ouest du bois de Quimont. La 8e compagnie s’installe le long du chemin qui longe le bois de Quimont au sud. Une section de cette compagnie est désignée pour aller protéger le pont qui se trouve près de la scierie de Noroy. Ce pont doit être emprunté par deux bataillons du 158e R.I. qui viennent de quitter les pentes sud-est de Val-et-Châtillon.

Vers 19 h 00, le colonel Menvielle reçoit un compte-rendu rédigé de la main du capitaine Lescure. Celui-ci lui fait savoir qu’il a été attaqué par des forces ennemies supérieures en nombre, qu’il a estimé à environ un régiment. Les compagnies du 1er bataillon ont dû retraiter par Belle-Charmille et le ravin de la maison forestière.

Cinq minutes plus tard, le responsable du 149e R.I. reçoit un nouvel ordre émanant de la 85e brigade qui lui demande de se porter avec l’artillerie de campagne vers les Chamois, à 800 m au nord de Badonviller, afin de constituer la réserve de C.A..

Les nouvelles consignes sont communiquées aux responsables des compagnies qui doivent rallier le commandement des bataillons à 20 h 00. Ils se mettent aussitôt en marche en suivant un itinéraire qui passe par le bois Quimont et Bréménil.

Les 2 bataillons arrivent aux Chamois vers 21 h 15 où de nouveaux ordres les attendent. Ils doivent venir cantonner dans la partie est de Badonviller. Il faut prévoir également un poste de section au coude de chemin de fer à 2500 m au nord-est du village.

Carte_2_journee_du_22_aout_1914

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Le 1er bataillon qui vient de se reconstituer a subi quelques pertes. Les 1ère, 2e et 4e compagnies du capitaine Lescure rallient le régiment à l’entrée de Badonviller vers 22 h 00. La 3e compagnie n’arrivera que le lendemain à 2 h 00.

Les hommes s’installent dans leurs nouveaux cantonnements à partir de 23 h 00. Le ravitaillement en viande fraîche n’a pas pu se faire. Il faut se contenter de la nourriture en conserve.

                                       Tableau des tués pour la journée du 22 août 1914

                       Tableau des blessés et des disparus pour la journée du 22 août 1914

   Sources bibliographiques :

J.M.O. du 149e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 696/8.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/9.

J.M.O. de la 86e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/13.

«  Opérations du 21e Corps d’Armée » Général Legrand-Girarde, aux éditions Plon Nourrit Cie.

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

La photographie de groupe de soldats du 149e R.I. est antérieure à août 1914.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

4 septembre 2015

Témoignage du commandant Charles Pierret lors de son passage au 149e R.I..

Charles_Pierret

Un très chaleureux merci à Alain Pierret pour son autorisation de publier ici le passage évoquant le 149e R.I. extrait des carnets laissés par son grand-père.

Une vie consacrée à une longue carrière militaire

Charles Arsène Pierret est né le 22 mars 1869 à Mascara, une petite ville algérienne située en Oranie. L’homme appartient à une famille de militaires depuis que son grand-père, Gilles, un cultivateur lorrain, a été enrôlé dans l’armée napoléonienne, au 4e régiment d’infanterie de ligne. Officier au régiment étranger, son père se prénomme également Charles ; sa mère, Suzanne Nicolas, était de Marville dans la Meuse. Cinq Pierret figurent sur le monument aux morts de ce petit village.

Devenu adulte, Charles Pierret signe un contrat de cinq ans avec l’armée, avant de commencer sa formation d’officier à l’École militaire de Saint-Cyr. Sorti 46e de la promotion du Dahomey, il est nommé sous-lieutenant au 79e R.I. le 1er octobre 1891. Deux ans plus tard, le jeune officier obtient ses galons de lieutenant avant de devenir capitaine le 16 mars 1901. Entre temps, cet homme qui souhaite progresser dans sa carrière militaire a été détaché à l’École de guerre à compter du 1er novembre 1900. Une fois ses études achevées, il obtient son brevet d’état-major à la fin du mois d’octobre 1902.

Charles Pierret travaille à l’état-major du 11e C.A. entre le mois de novembre 1902 et la mi-juin 1904.

Il est mis hors cadre à compter du 21 novembre 1904. Le capitaine Pierret vient être nommé officier d’ordonnance du général Boëlle, commandant la 13e brigade d’infanterie, futur inventeur de la croix de guerre. Nommé chef de bataillon le 3 juin 1913, il doit se rendre à Nancy pour prendre le commandement du 1er bataillon du 37e R.I..

Charles Pierret quitte le quartier Landremont à la tête de ses quatre compagnies le 1er août à 0 h 15, son bataillon est sous les ordres du colonel de Lobit. Le conflit contre l’Allemagne est sur le point d’éclater. Le 14 août 1914, il est blessé au Signal allemand près d’Arracourt. Une balle de shrapnell vient de lui fracasser l’astragale gauche. Déjà inscrit au tableau de concours de la Légion d’honneur, Charles Pierret reçoit la croix le 18 septembre 1914.

Les soins qui lui sont prodigués traînent en longueur. Le commandant Pierret craint même de se voir écarter de la vie militaire active, à tel point qu’il vient de faire une demande écrite qui lui permettrait d’être affecté à la direction militaire des chemins de fer.

En décembre, il effectue un essai infructueux de reprise d’activité, au service régulateur de la gare de Chaumont, dans le département de la Haute-Marne.

De nouveau, il faut se soigner. L’homme est évacué sur Dijon puis sur l’hôpital du Val-de-Grâce à Paris.

Le capitaine Pierret obtient, au début de l’année 1915, un terme à son congé de convalescence. Il réussit à se faire nommer, à la fin du mois de février, à la tête du 3e bureau de l’état-major du gouvernement militaire de Paris, que Gallieni est sur le point de quitter.

 Le 16 août, il rejoint le grand quartier général sous l’autorité du général Joffre qui est installé à Chantilly. Pendant quinze mois il y est chargé, en second, auprès du lieutenant-colonel Bel, des questions de personnel au 1er bureau. Un travail aussi absorbant qu'ingrat. À côté de la préparation classique des tableaux d'avancement, il s'agit, pour l'essentiel, de promouvoir par milliers des commandants d'unités afin de combler les vides provoqués par l'hémorragie du carnage permanent.

Le commandant Pierret est promu lieutenant-colonel le 26 décembre 1915.

En juillet 1916, un projet d’affectation au 39e corps d’armée auprès et à la demande du général Deligny n’aboutit pas.

Le 11 novembre, tout en restant attaché au G.Q.G. qui va déménager de Chantilly à Beauvais, il retrouve le général Boëlle, inspecteur général de la zone des armées qu’il accompagne dans plusieurs de ses missions d’inspection des formations territoriales.

Au cours de ces visites, le lieutenant-colonel Pierret découvre la réalité des combats et les horreurs de la guerre.

Nommé sous-chef d’état-major du 37e corps d’armée en mars 1917, il est chargé de la protection de Soissons, sous les ordres du général Taufflieb. Sa situation change radicalement. Le 16 avril, Charles Pierret suit sur place les dramatiques événements qui accompagnent l’offensive Nivelle au Chemin des Dames. Il est confronté à la douloureuse question des mutineries dont il fait état dans ses écrits à la soirée du 25 mai. En juillet, cet officier est toujours dans ce secteur, il arrive à l’état-major de la 6e Armée commandée par le général Maistre qui a succédé, début mai, à Mangin, victime avec Nivelle de l'échec de l'offensive. Fin octobre, Charles Pierret suit, heure par heure, l’attaque et la prise du fort de la Malmaison, qui contraint les Allemands à évacuer le Chemin des Dames avant qu’ils ne le reprennent quelques mois plus tard. La citation à l’ordre de l’armée qu’il reçoit le 10 novembre est signée par le général Pétain. En revanche, proposé pour la rosette de la Légion d’honneur par le général Maistre, il ne l’obtiendra qu’en 1920.

Début 1918, il cherche à nouveau à reprendre du service sur le terrain. Sa demande est entendue. Le lieutenant-colonel Pierret doit rejoindre le 149e R.I. pour y effectuer un stage. Il espère succéder au colonel Boigues sur le point de quitter son unité.

Mais un évènement va contrarier ses projets. Charles Pierret est rappelé d’urgence au G.Q.G. dix jours après son arrivée au 149e R.I.. Il va devoir remplacer le commandant Mathis qui vient d’être tué au cours d’un bombardement.

Quelque temps plus tard, le général Estienne, le « père des chars », le fait venir auprès de lui. C’est une brillante carrière dans l’arme blindée qui va commencer…

Le 1er mai 1918, Charles Pierret est appelé à la tête du 508e régiment de l’A.S., régiment d'instruction des bataillons de chars légers, qui se trouve sous l'autorité directe du général Estienne.

En septembre, il est nommé colonel à titre temporaire, juste avant de prendre le commandement de la 3e brigade d’A.S. qui est composée de trois régiments. Deux mois plus tard, il est confirmé dans son grade de manière définitive.

Situation assez exceptionnelle, cet officier va commander cette grande unité de chars durant dix ans et demi, en Rhénanie occupée puis à Metz, avant de s’installer au Camp-de-Châlons à Mourmelon-le-Grand.

Charles Pierret est nommé général de brigade le 9 mars 1927 puis promu commandeur de la Légion d’honneur le 28 décembre 1928. Atteint par la limite d’âge de son grade le 22 mars 1929, il est temps pour lui de se retirer de l’activité militaire, d’abord à Reims puis à Paris durant l’hiver 1939-1940. Il décède le 19 juin 1944 à l’hôpital du Val-de-Grâce, où il avait été soigné pour sa blessure en 1914.

Cet officier a laissé à la postérité 19 carnets qui ont été rédigés au jour le jour du 25.07.1914 au 21.12.1919. Tous ces carnets ont été retranscrits par son petit-fils Alain Pierret.

Les carnets de guerre de Charles Pierret se trouvent actuellement au musée de Gravelotte en Moselle.

Passages du carnet du commandant Charles Pierret concernant le 149e R.I.

Vendredi 18 janvier 1918

Le lieutenant-colonel Philippot, en liaison au G.Q.G. aujourd’hui, a vu le lieutenant-colonel Bouchez qui a déclaré qu’il me donnerait ce que je demandais, c’est-à-dire qu’il m’enverrait dans un centre d’instruction et que mon affectation serait faite à la fin de la semaine.

Mercredi 23 janvier

J’ai eu aujourd’hui un coup de téléphone du lieutenant-colonel Bouchez me disant qu’il allait me faire envoyer la liste des régiments commandés par un colonel et où, par la suite, on pouvait m’envoyer en stage et qu’il me donnerait celui que je demanderai.

Les bulletins de renseignements que j’ai vus aujourd’hui signalent des déclarations disant que l’offensive allemande visera Paris dont la possession aurait une importance capitale pour la décision de la guerre, attaques en Flandre, de Reims à Soissons avec objectif Paris, et en Alsace.

Des journaux allemands auraient laissé entendre d’autre part que si Ludendorff avait offert sa démission, c’est qu’il était opposé à une offensive sur notre front. Toujours pas de précisions, mais des renseignements sur des agglomérations de troupes en arrière.

Jeudi 24 janvier

À table ce matin, longue théorie du général sur le rôle de l’officier d’E.M. Il émet des idées très justes sur la nécessité de la connaissance réciproque du chef et de l’officier d’E.M. et sur la confiance réciproque qui doit exister entre eux. Incidemment, il nous a déclaré que la bienveillance n’était pas une qualité militaire.

Une déclaration de prisonnier, fait dans une autre armée, dit qu’une offensive allemande sera déclenchée, fin janvier ou commencement février, en Haute-Alsace et au nord-ouest de Reims, à la jonction des armées britannique et française en direction de Paris. Jusqu’à présent, il n’y a pas d’indices sur notre front.

Coup de téléphone du lieutenant-colonel Bouchez. Il m’indique les régiments commandés par des colonels et où je pourrais aller faire un stage. Il n’y en a pas du 20e C.A., mais il y en a un du 21e C.A. qui ferait mon affaire. Le 149e R.I. qui est un bon régiment ayant d’ailleurs la fourragère est commandé par un colonel qui le quittera peut-être prochainement. Le 21e C.A. est en Alsace, je crois, ce qui ne me déplairait pas non plus.

Vendredi 25 janvier

… J’ai téléphoné ce matin au lieutenant-colonel Bouchez à qui je demandais mon envoi au 149e R.I.

Lundi 28 janvier

Ma mutation officielle « placé en stage de commandement au 149e » est arrivée.

Mardi 29 janvier

… J’ai appris que le 149e R.I. était en secteur actuellement dans les Vosges, secteur sud de Saint-Dié, entre la Fave et le nord du col du Bonhomme, dans une région où le front suit à peu près la frontière.

Dimanche 3 à mardi 5 février

Je suis parti ce matin mardi 5 de Mirebeau par Dijon où j’ai rejoint l’express de Nancy qui m’a déposé

ce soir à Épinal ; dîner et coucher ici d’où je filerai demain matin sur Gérardmer, Q.G. du 21e C.A.

Mercredi 6 février 1918

Départ d’Épinal par un train partant théoriquement à 7 h 30 mais dont l’horaire, comme celui de tous les trains actuellement, n’est qu’approximatif.

Quoi qu’il en soit, je suis parti d’Épinal avec 40 minutes de retard. Le train avait rattrapé 30 minutes en arrivant à Bruyères où il a pris un nouveau retard de 15 minutes. À Laveline, un train de permissionnaires, en gare, m’amène à Gérardmer à l’heure à laquelle je devais normalement arriver.

Accueil très cordial de la part du général Degoutte qui m’a invité à déjeuner. J’ai revu le lieutenant-colonel Marty, sous-chef du 21e C.A. qui part demain prendre le commandement du 2e mixte zouaves-tirailleurs. Le nouveau chef d’E.M., le lieutenant-colonel Paquin, de la promotion du colonel Bel, est arrivé il y a huit jours après un retour de Salonique où il était chef d’E.M. du général Lebouc, puis le commandant Bontemps, chef du 3e bataillon.

Ensuite, je suis allé voir le colonel Bauby qui a succédé au général Barbier dans le commandement de l’artillerie du C.A., ce dernier ayant quitté les fonctions de chef d’E.M. du C.A..

Après déjeuner, je profite de la voiture d’un capitaine d’artillerie qui allait à Saint-Dié pour y faire une conférence sur les obus toxiques. J’arrive à 15 h 00 à Saint-Dié. Le soir, je suis attendu pour me présenter au général Michel qui commande la 43e division et qui assistait l’après-midi à une réunion à Gérardmer.

Demain, on me conduira au 149e R.I.. Son P.C. qui se trouve à 1 800 m environ à vol d’oiseau de la Tête du Violu est, paraît-il, installé en village suisse dans une belle forêt vosgienne.

J’ai entendu parler du nouveau masque A.R.S. contre les gaz, qui permet de se remuer, même de courir et qui a une durée plus longue que le masque M2. On en a déjà expédié 400 000 aux armées et il paraît que dans un mois environ, on aura pu en donner 1 200 milles aux armées ; on en dote d’abord l’artillerie.

J’ai droit à un accueil excessivement cordial du général Michel, à son retour de Gérardmer. Je l’avais attendu pour me présenter à lui, ce qui me fait coucher à Saint-Dié. Les officiers de l’E.M. de la division ont été d’ailleurs des plus aimables lorsque je suis arrivé cet après-midi. Le général m’a retenu à dîner ainsi que le capitaine Nebout, qui m’avait amené en auto cet après-midi. Le temps est très doux, le ciel est couvert aujourd’hui, ce qui amène de la pluie dans la soirée. Probablement qu’il y a de la neige sur la hauteur.

Partout j’entends dire, par les officiers que je vois, que le 149e R.I. est un très beau régiment et que le colonel Boigues est un excellent homme et un chef de corps remarquable.

Le général Michel voudrait bien l’avoir comme commandant de l’infanterie divisionnaire. Le titulaire de ce commandement, qui est absent en ce moment, a une moins bonne presse que le colonel du 149e R.I.; d’ailleurs, je l’ai vu à l’œuvre, dans une question de personnel, à la 6e armée, où il m’avait donné une impression fâcheuse.

Jeudi 7 février

Départ de Saint-Dié en auto ce matin vers 9 h 1/4 pour arriver une heure plus tard au P.C. Brial, le P.C. du colonel commandant le 149e R.I. et le sous-secteur A du secteur sud de Saint-Dié.

Le P.C. est situé sur les pentes ouest de la cote 905 à 1 500 m. à vol d’oiseau de la Tête du Violu où passent nos tranchées de première ligne. Le P.C. comprend une série de cagnas organisées dans le talus est de la route.

La cagna que j’habite a environ deux mètres de largeur sur 3 m 50 de longueur et 2 m 50 de hauteur de plafond. Une petite fenêtre, en face d’une embrasure dans le talus, éclaire la chambre. Le soir, elle est éclairée par une bonne ampoule électrique. Un poêle enfume la cagna où la surchauffe est organisée à l’intérieur, et consomme du bois à discrétion. Dans le fond, il y a une couchette à fond de grillage métallique, une petite table de toilette, une table pour écrire, une étagère pour les livres, une autre pour poser ses affaires et un rayon formant porte-manteau. Tout cela constitue l’ameublement de la pièce.

En contrebas de la route, quelques baraques de la troupe et une petite chapelle constituent,avec les cagnas, le « village suisse » qui est situé en pleine forêt de sapins dans ce coin des Vosges.

Le secteur tenu par le régiment va du col des Bagenelles au nord du col du Bonhomme jusqu’aux abords sud du col de Sainte-Marie-aux-Mines avec deux points délicats de friction, la Tête du Violu et le Bernhardstein au nord du précédent. Dans la partie sud du secteur, la ligne est très éloignée. Le secteur est actuellement calme. Le temps est couvert, avec un vent assez violent qui est très doux pour la saison. On aperçoit quelques taches de neige sur les versants exposés au nord.

Je n’ai pas encore de nouvelles de mon ordonnance et de mes chevaux qui ont dû être mis en route dimanche de Belleu.

Vendredi 8 février

L’après-midi, je suis allé voir le commandant de Chomereau du 1er bataillon, à son P.C. de la Cude.

La_Cude_Commandant_Gaston_de_Chomereau_de_Saint_Andr_

De là, je suis d’abord monté à l’observatoire Pacchiodo, puis à celui de R 88 au sud du précédent. Le temps est superbe et la visibilité excellente sur les lignes, toutes proches, du Bernhardstein, sur le col de Sainte-Marie, le château de Fête, dont les mitrailleuses battent tout le ravin de la Cude, entre le Bernhardstein et les observatoires où j’étais.

J’ai vu également la vallée de la Liepvrette avec le Hoh Koenigsburg éclairé par le soleil, sur les hauteurs sud et les châteaux de Frankenburg et Ortenburg sur les hauteurs nord. Ce dernier domine immédiatement la plaine d’Alsace.

La majeure partie de notre promenade a pu se faire à cheval par route et sentier dans les forêts superbes de sapins.

Le commandant de Chomereau, un ancien du 149e R.I., a un éclat d’obus dans l’épaule droite qui le gêne encore beaucoup. Il a l’aspect très militaire et a un beau bataillon.

Pour en savoir plus sur le commandant Gaston de Chomereau de Saint-André, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Gaston_de_chomereau_de_Saint_Andr_

 Le commandant Fournier, très jeune, est au régiment depuis deux mois. C’est un ancien capitaine du 4e B.C.P. avant la guerre. Il a l’air très bien. Il a été victime d’un accident d’auto avec le général Foch, en 1916, près du Plessis-Belleville, en allant à une réunion de grands chefs à Châlons-sur-Marne où il accompagnait son beau-père. Il produit une bonne impression de chef jeune et vigoureux, énergique. Il porte encore son ancienne tenue de chasseur à pied avec le n° 149.

Pour en savoir plus sur le commandant Alexandre Fournier, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Alexandre Henry Fournier

Samedi 9 février

Ce matin, nous nous sommes réveillés dans le brouillard, ou plutôt dans les nuages qui forment une légère bruine. Malgré cela, je suis parti après déjeuner à cheval, accompagné du lieutenant Husson, porte-drapeau (hier, j’étais accompagné par le capitaine Gérard, adjoint du colonel) pour aller voir le commandant Schalk du 2e bataillon, au P.C. Grande Goutte.

Après le Mézé, on rejoint, par un chemin, l’ancienne frontière pour arriver sur les pentes sud de la cote 1007 où est situé le P.C..

Le brouillard nous empêche de nous rendre à l’observatoire de Clésio d’où on voit fort bien la partie sud du secteur. Nous revenons sur notre route d’où nous descendons par un chemin raide et rocailleux sur Lauterupt, pour aller passer à Honville et Québrux avant de remonter au P.C. Brial.

Le temps se dégage pendant que nous descendons et la vue superbe que nous avons sur la vallée de Ban-de-Laveline nous fait regretter que cette éclaircie ne se soit pas produite en temps voulu pour nous permettre d’aller à notre observatoire.

Dimanche 10 février

J’ai assisté ce matin à la messe dans la petite chapelle en bois et carton bitumé, construite au Mézé par l’un des régiments qui ont tenu ce secteur en 1916. L’aumônier, l’abbé Henry, qui vient d’arriver du G.B.D., vit avec le 149e R.I..Il est à notre popote, ily disait la messe pour la première fois. Il a prononcé quelques paroles très simples pour saluer ceux du 149e R.I. tombés au champ d’honneur dans les derniers combats notamment, en rappelant que les premiers qui ont versé leur sang pour la France sont tombés non loin d’ici au col de Sainte-Marie, en août 1914. Pendant la messe, quelques hommes ont chanté des cantiques, le credo et divers hymnes, sans accompagnement bien entendu, car il n’y avait pas d’orgues.

Pour en savoir plus sur l’aumônier Pierre Henry il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Abbe Henry

Après avoir déjeuné, je fais la  tournée en secteur avec le colonel, par le Collet, au sud du Mézé, la tranchée de première ligne et les divers postes jusqu’à l’observatoire du Clésio d’où on a une très belle vue sur la vallée de la Liepvrette, Sainte-Marie-aux-Mines et Sainte-Croix.

Nous avons eu encore du beau temps aujourd’hui J’ai circulé sans manteau, ce qui est extraordinaire, ici, surtoutà cette saison-ci.

Lundi 11 février

J’ai enfin reçu ce soir des nouvelles de Mirebeau, expédiées mercredi, soit cinq jours de trajet.

Hier, les Allemands, contrairement à leurs habitudes, ont tiré pas mal dans le secteur alors que le dimanche était, jusqu’à présent, un jour très calme. Aujourd’hui, ils ont réagi également vigoureusement, par un fort marmitage et une concentration de six batteries, sur le Violu, dès que notre artillerie de tranchée a commencé ses tirs à midi. Ils semblent avoir montré quelque nervosité par la façon dont ils ont organisé cette riposte à nos tirs.

J’ai parcouru ce matin, avec le colonel, l’autre partie du secteur du 2e bataillon du commandant Schalk, depuis le col de Numa où nous sommes allés en passant par le Pré de Raves, jusqu’aux rochers du Coq de Bruyère et du Diable qui surplombent la haute vallée de la Liepvrette et dont le premier commande le col de Bagenelles, dans les lignes allemandes, accès de cette vallée sur le village du Bonhomme, à l’est du col du même nom.

Pour en savoir plus sur le colonel Boignes, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Colonel_Boignes_2

Le sentier suivi pour aller du P.C. du commandant Schalk à celui de la compagnie de droite est en plein dégel. Il est encore couvert en grande partie d’une couche épaisse de glace qui le rendait dangereux pour nos chevaux.

L’après-midi, je suis resté dans ma cagna pour reposer mon pied qui a fort travaillé depuis deux jours.

Le général Michel, commandant la division, est venu prendre le colonel qu’il a emmené au même point que ce matin. Il est aimablement venu me dire bonjour à son retour, avant de regagner son Q.G..

Le temps, qui avait paru vouloir tourner à la pluie ce matin, s’est encore maintenu. Il fait beaucoup d’air ce soir, mais le ciel s’est dégagé et il ne fait toujours pas froid.

Mardi 12 février

Hier, les Allemands ont mis devant nos tranchées un écriteau annonçant la signature de la paix avec l’Ukraine, que les journaux laissaient d’ailleurs pressentir la veille et qu’ils annoncent aujourd’hui, tout en déclarant que la Rada ukrainienne ne serait pas maîtresse entière du pays, les Bolcheviks ayant eu le dessus dans le nord de l’Ukraine.

J’ai parcouru ce matin, avec le commandant Fournier qui commande le 3e bataillon et le secteur du Violu,  tout le Violu nord et le Violu centre où ce n’est qu’un fouillis de réseaux de fils de fer entre les tranchées françaises et les tranchées allemandes. Sur le terrain qui est complètement bouleversé par les obus, il reste encore quelques troncs des arbres qui couvraient autrefois ce sommet où on s’est fortement battu en 1915, lorsque nous l’avons repris.

Le_Violu

En contrebas du Violu est, il y a la côte du Chipiant que nous dominons, mais dont la crête sudbat, avec des mitrailleuses, toute la partie de notre ligne au sud du Violu. Les Allemands y sont établis.

On pourrait les en déloger, mais cela ne nous avancerait pas à grand-chose, car le Chipiant est sous les feux du château de Fête, immédiatement au nord du col de Sainte-Marie, d’où les Allemands battent toutes les pentes et le vallon de la Grande Cude au sud du col.

Je suis rentré un peu fatigué de ma tournée.

Ce soir, on nous communique que, demain matin à 5 h 30, sera exécuté le coup de main du 158e R.I. vers 607, c’est-à-dire à notre gauche. Nous appuierons par une démonstration d’artillerie sur les tranchées allemandes du Chipiant et du Bernhardstein.

Aujourd’hui, c’est Mardi gras. La seule distraction possible serait de mettre son masque, mais cela tient trop chaud et sent trop l’huile de ricin.

Mercredi 13 février

Le coup de main de ce matin n’a rien donné, les Allemands s’étant retirés de leurs premières lignes sur lesquelles notre préparation se faisait depuis quatre jours.

Le temps assez menaçant ce matin s’est transformé en une bonne pluie à partir de midi, température plus froide.  Il se pourrait qu’il tombe de la neige sur les hauteurs.

Je n’ai pas pu aller, après-midi, voir le secteur de la Cude, comme j’en avais l’intention.

Les journaux d’aujourd’hui annoncent que Trotski, sans signer la paix avec les puissances centrales, avait déclaré l’état de guerre terminé. On se demande ce qui se passe en Russie, c’est un gâchis invraisemblable.

Le mauvais temps continue et je crains fort de ne pouvoir demain matin aller faire la reconnaissance des batteries que je me proposais de faire avec le commandant Saucelme, commandant l’artillerie du sous-secteur.

En rentrant dans ma cagna après dîner, je constate que mon ordonnance a fait un tel feu que l’un des morceaux de bois empilés près du poêle est en train de flamber. Vite, je le jette dehors, sans quoi, quelques instants plus tard, la cagna aurait flambé.

Jeudi 14 février

La pluie a cessé ce matin, mais elle tombait encore suffisamment à 6 h 00.

Le colonel Guy, commandant l’infanterie divisionnaire de la 43e division, est venu ce matin voir le secteur, rentrant d’un cours du génie à Châlons. Je me suis présenté à lui. Il est de mes anciens de Saint-Cyr et j’avais eu l’occasion de le voir au G.Q.G. où il avait été quelque temps à Chantilly avant d’être sous-chef du G.A.N.. Il a circulé matin et soir en secteur et a déjeuné avec nous. Il semble avoir des idées très arrêtées et très personnelles, non seulement au point de vue militaire, mais surtout au point de vue général. D’après ce que j’ai entendu dire, il semble qu’il ne s’entendrait pas énormément avec le général commandant la division.

L’après-midi, je suis allé à cheval au P.C. la Cude voir le commandant de Chomereau, mais je n’ai rien pu aller voir dans le secteur, en raison des nuages au milieu desquels on se trouvait.

Vendredi 15 février

Les journaux d’aujourd’hui publient toute une série de restrictions au sujet de la nourriture dans les hôtels, restaurants, cercles, etc.

Le 158e qui est à notre gauche et qui avait fait un coup de main sans résultats avant-hier, a recommencé ce matin une opération analogue, non seulement sans succès, mais qui lui a coûté deux tués, dont un officier et plusieurs blessés.

Le terrain, dans cette région, est tout ce qu’il y a de plus défavorable aux opérations de ce genre tant par la nature même du terrain que par l’accumulation d’obstacles faite dans ce secteur depuis trois ans, secteur qui était très calme et que, paraît-il, notre division agite fortement depuis qu’elle est ici.

Le secteur tenu par le 149e R.I. s’étend du col de Numa, improprement appelé col des Bas Genelles. Ce dernier col est parallèle au front et est situé entre les lignes, jusqu’aux abords sud du col de Sainte-Marie-aux-Mines.

Il y a deux points de friction avec l’ennemi, à la Tête du Violu et au Regnault où les Allemands occupent, à quelques mètres, le Chipiant et le Bernhardstein, points où l’on s’est battu par tous les moyens et où le terrain bouleversé est enchevêtré de boyaux, de tranchées et de troncs d’arbres coupés par les obus.

 Ces secteurs sont tenus par notre bataillon du centre (commandant Fournier, 3e bataillon) et notre bataillon de gauche (commandant de Chomereau, 1er bataillon).

La partie tenue par le bataillon de droite (commandant Schalk, 2e bataillon) n’a aucunement cet aspect désolé de la Tête du Violu. Le paysage y a conservé son aspect ordinaire, très pittoresque, les Allemands étant assez éloignés de l’autre côté de la vallée.

Je suis allé cet après-midi, pour régler une question de service, au P.C. du commandant de la compagnie de gauche du 174e R.I., régiment qui est à notre droite.

Pour en savoir plus sur le commandant Louis Schalk, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Louis_Schalck

À cheval jusqu’aux abords de Pré de Raves, j’ai trouvé, dans la seconde partie du chemin parcouru, une route mauvaise en raison de la neige et de la glace qui la recouvrait. Au Pré de Raves, où j’ai mis pied-à-terre, je me suis trouvé dans la neige avec un air vif qui me constituait des glaçons plein la moustache.

Carte_1_carnets_C

Je suis monté à la Tête de Chat où le P.C. du commandant de compagnie est orné de trois têtes de chats peintes l’une en bleu, l’autre en blanc, la troisième en rouge. Je suis revenu par le Coq de Bruyère et le Rocher du Diable, deux rochers ou nous avons des groupes de combat avec mitrailleuses sous roc au premier. Au second, on est en train de percer la galerie nécessaire. Ensuite je  prends par le chemin frontière et le P.C. du chef de bataillon avant de regagner la route où m’attendaient mes chevaux.

J’ai eu quelques difficultés de marche, tant sur le chemin couvert de glace montant à la Tête de Chat, que sur les autres chemins ou les fondrières de boue de ces jours derniers, durcies par la gelée, constituaient pour mon pied une gymnastique parfois douloureuse.

Ce soir, le ciel est clair, étoilé. Le premier quartier de lune est très brillant, promettant une bonne gelée pour la nuit.

Samedi 16 février 1918

Je suis descendu cet après-midi à Verpellière où sont installés le T.R. et le T.C. de l’E.M. du régiment. Le froid est un peu moins vif que dans la vallée, mais encore suffisant d’après la glace que l’on trouve au bord de tous les ruisseaux, fontaines, etc..

Le colonel, à la réunion des chefs de corps à Saint-Dié, a appris que les Allemands, sur le front du C.A., avaient réussi à enlever en trois points différents trois sentinelles distantes d’une trentaine de mètres de leur poste. Il se pourrait que ce soit des éléments de l’Alpenkorps qui aient fait le coup puisqu’il paraît que ce corps est actuellement en Alsace, à notre hauteur. Il paraît que l’Alpenkorps a fait des prouesses remarquables au moment de la campagne contre la Roumanie, dans les Carpates.

Dimanche 17 février

Ce matin, avant la messe, au Mézé, le colonel a remis la Médaille militaire à deux sous-officiers à qui elle avait été attribuée par la promotion de janvier.

À peine redescendu de là-haut, je travaillais tranquillement dans ma chambre, lorsque le capitaine Gérard, l’adjoint au colonel, est venu m’annoncer que j’étais remis à la disposition du G.Q.G. et que l’armée demandait quand je pouvais être mis en route.

Pour en savoir plus sur le capitaine Gabriel Gérard il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Capitaine_Gabriel_Gerard

J’ai répondu que je partirais dès que j’en recevrais l’ordre. Quelques instants plus tard, on était avisé de me diriger sur le G.Q.G. à Compiègne où je serai maintenu jusqu’au 10 mars.

Que me veut-on ? En tout cas, je suis désolé de quitter le 149e dont j’espérais un jour, si mon activité physique était suffisante, pouvoir prendre le commandement si on se décidait à nommer le colonel Boigues à un commandement d’I.D..

Lundi 18 février 1918

J’ai terminé ce matin mes préparatifs de départ. Mon ordonnance, mes chevaux et mes bagages sont descendus à Verpellière avec les voitures de ravitaillement revenant à vide.

Un peu avant le déjeuner, le général Degoutte, qui est en reconnaissance du secteur, est passé au P.C.. J’ai pu le saluer, très aimable comme toujours. Il paraît qu’il a dit au colonel Boigues qu’il aimerait bien me voir revenir, ce que j’espère, puisque l’ordre de ma mise en route dit que je serai détaché jusqu’au 10 mars au G.Q.G..

Sources

Carnets de guerre inédits du commandant Charles Pierret.

Les informations concernant la biographie du commandant Charles Pierret ont été, pour la plupart, fournies par son petit-fils A. Pierret.

Le commandant Pierret possède un dossier sur le site de la base Léonore. Celui-ci peut se consulter sur le lien suivant.

Site_base_Leonore

Un grand merci à N. Bauer, à M. Bordes, à A. Carobbi et à A. Pierret.

 

28 août 2015

Témoignage de Louis Cretin : dans le secteur du Violu en 1918...

Lauterupt

Tous mes remerciements à D. Browarsky et à T. Cornet qui me permettent de retranscrire sur ce blog le passage suivant du témoignage de Louis Cretin qui a été à la C.H.R. du 149e R.I. du début à la fin du conflit.

Après un repas excellent dans le Doubs à Hérimoncourt et Seloncourt, nous allons cantonner à Corcieux, dans les Vosges, le 18 janvier 1918, après notre arrivée par le train à Laveline-devant-Bruyère. Le 19, nous sommes en repos. Le 20, nous partons à pied. Nous traversons le col du « plafond » près d’Arnould pour venir cantonner à Fraize où nous demeurons jusqu’au 23.

Le 24 février, c’est à nouveau le départ. Nous faisons une marche sous bois avant d’arriver en ligne au « Violu », près du P.C. Brial. Nous sommes à quelques kilomètres du lieu, où, tout au début de la guerre, nous avions reçu le baptême du feu.

Les blessés sont peu nombreux, cela permet à la musique de travailler à l’aménagement et à la réfection des pistes, ainsi qu’à des travaux divers.

Le 2 février, nous descendons dans un baraquement à Lauterupt. Nous allons chaque jour au travail.

Toutes les maisons de ce hameau étaient habitées par la population civile, malgré la proximité des lignes. Chaque maison était connue et désignée d’après le nombre doublé des personnes du sexe féminin qui les occupaient. C’est ainsi que la maison voisine de notre baraquement s’appelait chez « les six fesses ». Trois jeunes filles s’y trouvaient. Pour une autre à côté, c’était « les dix fesses », car il y en avait cinq ! Ces petites vosgiennes s’entendaient à merveille pour satisfaire leurs nombreux amoureux.

Le 10 février, une messe est dite au « Méze » dans une chapelle qui se trouve tout près des lignes et que nous avons réparée.

Le 19 février, nous descendons à Verpellières où nous restons le reste du mois.

Le 1er mars, nous remontons à Lauterupt. Le 5, je pars en permission…

Je rentre le 20 et je retrouve les « musicos » où je les avais laissés.

Le 25, je monte au P.C. Brial. Ce jour-là, un coup de main allemand nous vaut un violent bombardement une bonne partie de la journée.

Le 4 avril, le 174e R.I. vient nous relever et nous partons cantonner au Chipal, près de la Croix-aux-Mines. La moitié de ce petit village avait été incendié par les Allemands en 1914.

Le 6 avril, à deux heures du matin, nous mettons le sac au dos pour traverser le col des « Journaux » et celui du « plafond » avant d’aller cantonner à nouveau à Corcieux.

Le 15 avril, nous y embarquons. Après avoir traversé Épinal, Neufchâteau, Gondrecourt, Joinville, Saint-Dizier, Vitry-le-François, Châlons, Épernay, Château-Thierry, la Ferté-sous-Jouare, Mareuil-sur-Ourq, Ornay, et Villers, nous descendons le 16 au soir à Verberie pour aller cantonner 10 km plus loin à Villeneuve-sur-Verberie.

Référence bibliographique :

Témoignage de Louis Cretin.

Un grand merci à M. Bordes,  à D. Browarsky, à A. Chaupin et à T. Cornet.

21 août 2015

Les premiers mois de l'année 1918 sur le front des Vosges (6e partie)

Violu_13

 

Le séjour vosgien du 149e R.I. touche à sa fin. Inéluctablement, les hommes du colonel Boigues s’attendent à quitter leurs positions dans les jours à venir. Ils occupent cette région vosgienne depuis maintenant deux mois et demi.

 

Des mutations viennent modifier le tableau du personnel encadrant. Le colonel Boigues s’apprête à quitter ses fonctions de responsable du régiment. Il va devoir laisser sa place au lieutenant-colonel Vivier. Deux chefs de bataillon vont également faire leurs adieux au 149e R.I..

 

Les commandants de Chomereau de Saint-André et Fournier sont remplacés par les commandants Hassler et Marassé.

 

1er avril 1918

 

Une patrouille ennemie composée d’une dizaine d’hommes profite d’un brouillard très épais pour s’infiltrer dans les lignes françaises devant Coq de Bruyère  (B 355-57).

 

Éventées par une sentinelle, les mitrailleuses déclenchent un feu nourri dans leur direction. Cette patrouille n’a pas d’autre choix que de se replier.

 

Coq_de_Bruyere

 

Elle est aussitôt poursuivie par une poignée de soldats du 149e R.I. qui ne réussissent pas à la rejoindre. Les Français ne peuvent que constater les nombreux cisaillements effectués dans le réseau de défense.

 

La patrouille française ramène, deux calots, deux fusils et quelques grenades à manche. L’examen des calots, avec banderoles rouges et la cocarde nationale, confirme la présence d’éléments de la 2e bavaroise landwehr brigade dans cette région.

 

Il est temps pour le 149e R.I. de se préparer à être définitivement relevé dans le secteur vosgien, une zone qu’il occupe depuis la dernière décade du mois de janvier.

 

Le 2e bataillon du 149e R.I. qui se trouve au C.R. Grande Goutte est relayé par le 2e bataillon du 80e R.I.T.. Les hommes du commandant Schalck doivent se mettre en mouvement pour aller occuper le petit village de Mandray dès le lendemain.

 

Le 3e bataillon du 149e R.I. qui vient d’être relevé par le 3e bataillon du 174e R.I., lui, se rend à Laveline.

 

2 avril 1918

 

La 2e compagnie du 149e R.I. fait un passage dans la chambre à gaz.

 

Le 3e bataillon du 149e R.I. quitte Laveline pour venir cantonner à Clefcy.

 

Carte_1_journee_du_2_avril_1918

 

3 avril 1918

Le 2e bataillon du 149e R.I. fait mouvement depuis Mandray pour venir bivouaquer à Thiriville-Vieuville.

 

Le 3e bataillon du 149e R.I. laisse Clefcy pour venir cantonner à Corcieux-Ruxurieux.

 

4 avril 1918

 

Dans la nuit du 4 au 5 avril, le 2e bataillon du 174e R.I. relève le 1er bataillon du 149e R.I. qui se trouve dans le centre de résistance la Cude.

 

5 avril 1918

 

La C.H.R. du 174e R.I. remplace celle du 149e R.I. au P.C. Brial et à Lauterupt.

 

Le lieutenant-colonel Delacroix du 174e R.I. prend le commandement du sous-secteur A, en lieu et place du lieutenant-colonel Vivier.

 

Nouvelle répartition du sous-secteur A après le départ complet du 149e R.I. :

 

C.R. Grande Goutte : 2e bataillon du 80e R.I.T.

 

C.R. Violu : 3e bataillon du 174e R.I.

 

C.R. La Cude : 2e bataillon du 174e R.I.

 

6 avril 1918

 

Le 1er bataillon du 149e R.I. est installé à Clefcy.

 

7 avril 1918

 

Les derniers mouvements de relève de la 43e D.I. doivent se terminer dans la journée.

 

Le 1er bataillon du 149e R.I. quitte Clefcy pour venir loger quelque temps dans les baraquements du camp de Corcieux-Ruxurieux.

 

Camp_de_Courcieux_Ruxurieux

 

Le 149e R.I. occupe maintenant les lieux suivants :

 

L’état-major est à Corcieux,

 

La C.H.R. et les 1er et 3e bataillons sont au camp de Corcieux,

 

L’état-major du 2e bataillon, la 7e compagnie, et la  2e C.M. sont installés à Neune,

 

La  5e compagnie est à Saint-Jacques et la 6e compagnie à Thiriville.

 

Carte_2_journee_du_7_avril_1918

 

10 avril 1918

 

Le stationnement de la 43e D.I. doit être légèrement modifié pour être conforme aux ordres de l’armée. Le 149e R.I. n’est pas concerné, il conserve ses positions.

 

Une compagnie du 2e bataillon du régiment et une section du génie, qui cantonnent à Thiriville depuis la veille, sont mises à la disposition du service routier de la VIIe l’armée pour la réfection de la route Corcieux-la Chapelle.

 

13 avril 1918

 

Le 149e R.I., tout comme les autres unités de la division, doit se préparer à quitter la zone de Bruyères. Les premiers éléments de la D.I. commencent à embarquer. Le régiment du colonel Vivier doit attendre le lendemain pour embarquer dans les quatre trains qui lui seront nécessaires pour être transporté dans la région de Bethisy-Saint-Pierre.

 

Sources :

 

J.M.O. du 174e R.I. S.H.D. de Vincennes Réf : 26 N 710/7

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes Réf : 26 N 344/7 et 26 N 344/8

 

Historique du 149e Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

 

« La 43e Division pendant la campagne de 1918 » Mayence grande imprimerie moderne. 1922.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à É. Mansuy, et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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