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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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24 janvier 2020

Pierre Marie Étienne Henry (1870-1941)

Pierre Marie Etienne Henry

 

Pierre Marie Étienne Henry voit le jour le 14 septembre 1870 dans le petit village du Pailly, situé sur le canton de Longeau, dans le département de la Haute-Marne. Issu d’une famille nombreuse très catholique, Pierre est le 6e d’une fratrie composée de 12 enfants.

 

À sa naissance, son père, Joseph, est un instituteur âgé de 33 ans. Sa mère, Appoline Chaillot, approche de ses 31 ans.

 

Pierre est un enfant quelque peu turbulent. Des bêtises de gamin poussent ses parents à prendre une décision énergique. Ils l’envoient au séminaire sans se douter que ce choix aura un impact énorme sur son avenir.

 

Pierre accomplit ses obligations militaires aussitôt après avoir terminé ses études au petit et grand séminaire. Il fait ses apprentissages de soldat au 21e R.I. de Langres.

 

Le 10 novembre 1891, le jeune homme intègre une des compagnies du régiment installées à la caserne Turenne. Moins d’un an plus tard, il quitte son unité avec son certificat de bonne conduite accordé ; il a probablement été formé comme infirmier.

 

Le 23 septembre 1892, Pierre est mis en disponibilité en attendant son passage dans la réserve, passage devenu effectif à la date du 1er novembre 1894.

 

Il accomplit sa première période d’exercice au sein de la 7e section d’infirmiers militaires à Dôle entre le 27 août et le 23 septembre 1894.

 

Pierre accède à la prêtrise le 29 juin 1895. Un mois plus tard, il est envoyé comme vicaire à la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Chaumont.

 

L’année de ses 26 ans, il informe l’armée qu’il est maintenant pourvu d’un emploi rétribué. L’administration de la Haute-Marne le classe comme non disponible (administration des cultes). En théorie, ce statut le dispense d’effectuer ses prochaines périodes d’exercices.

 

L’abbé Henry occupe son poste de vicaire jusqu’en 1912. Cette année-là, il apprend qu’il vient d’être nommé professeur de morale au grand séminaire de Langres.

 

Un nouveau conflit armé contre l’Allemagne approche. L’ordre de mobilisation générale est décrété le 1er août 1914. Pierre Henry a 24 heures pour rejoindre son unité. Il est attendu à la 24e section territoriale d’infirmiers militaires, section à laquelle il est rattaché depuis le  1er novembre 1904.

 

Il apprend qu’il va devoir rester au fort de la Bonnelle. Cette situation ne lui convient pas. Il veut absolument partir avec la troupe. À force d’insistance, les autorités militaires finissent par lui donner satisfaction. Pierre a la possibilité de permuter avec un confrère bien moins motivé que lui et forcément content de ce changement.

 

Une décision prise par le général commandant de la place de Langres le fait nommé aumônier titulaire du groupe de brancardiers de la 43e D.I. à partir du 4 août.

 

La division est envoyée en couverture dans la région de Saint-Dié, de Fraize à Senones, avant d’être engagée dans le secteur de Saint-Blaize-la-Roche.

 

Le 20 d’août 1914, Pierre est fait prisonnier durant les combats qui eurent lieu autour de Bieberskirch. Ne voulant pas abandonner les blessés, il se laisse capturer par les Allemands.

 

Pierre Henry est rapidement envoyé à Dreibrunnen (Trois-fontaines en Moselle) puis à Strasbourg. Sa vie de captif est courte. Conformément aux articles 9 et 12 de la convention de Genève de 1906, il est rapidement libéré et renvoyé vers son armée.

 

Article 9 : Le personnel exclusivement affecté à l'enlèvement, au transport et au traitement des blessés et des malades, ainsi qu'à l'administration des formations et établissements sanitaires, les aumôniers attachés aux armées, seront respectés et protégés en toute circonstance ; s'ils tombent entre les mains de l'ennemi, ils ne seront pas traités comme prisonniers de guerre.

 

Article 12 : Les personnes désignées dans les articles 9, 10 et 11 continueront, après qu'elles seront tombées au pouvoir de l'ennemi, à remplir leurs fonctions sous sa direction. Lorsque leur concours ne sera plus indispensable, elles seront renvoyées à leur armée ou à leurs pays dans les délais et suivant l'itinéraire compatibles avec les nécessités militaires.

 

L’aumônier Henry est rapatrié en France le 30 août 1914.

 

Après bien des déboires, il retrouve ses anciennes fonctions au sein de la 43e D.I. qui combat dans le secteur de Souain, un petit village de la Marne.

 

En octobre 1914, la division participe à la 1ère bataille d’Artois. Le mois suivant, elle est en Belgique, d’abord au sud de Wytschaete, puis au sud de Saint-Éloi et pour finir au sud de Broodseinde.

 

De retour en France à la fin de l’année 1914, elle s’installe en Artois pour occuper des tranchées vers Ablain-Saint-Nazaire et Notre-Dame-de-Lorette.

 

La division reste dans le Pas-de-Calais pendant plus d’un an. Les pertes y sont considérables.

 

Pierre Henry se dépense sans compter. Il accompagne et réconforte les blessés tout en leur apportant un soutien moral et spirituel. Lorsque la division est au repos, il célèbre les offices religieux. L’abbé Henry procède également au ramassage et à l’enterrement des morts. Il est aussi chargé de l’organisation et de l’entretien des cimetières.

 

La 43e D.I. est engagée  à Verdun et dans la Somme en 1916.

 

La photographie suivante a été réalisée au cimetière du Casino. Ce lieu de sépultures se trouve à proximité des localités d’Estrées et de Deniécourt dans le département de la Somme. 

 

L'abbé Henry au cimetière du Casino dans la Somme

 

En 1917, la division occupe plusieurs secteurs au chemin des Dames. Le 27 juin 1917, Pierre Henry est blessé au pied droit par un éclat d’obus en se rendant, sous un violent tir d’artillerie, au poste de secours du groupe. Sa blessure ne nécessite pas une évacuation vers l’arrière.

 

Sa fonction d’aumônier divisionnaire lui pèse de plus en plus. Il aimerait bien être au plus près de la ligne de front, mais pour cela, il lui faudrait être nommé aumônier régimentaire.

 

L’occasion finit par se présenter. Une place est devenue vacante au 149e R.I suite au décès de l’aumônier Stanislas Galloudec, tué  le 23 octobre 1917 au cours de  la bataille de la Malmaison.

 

Pierre Henry rejoint le régiment spinalien le 5 février 1918. À cette époque, le 149e R.I. se trouve dans les Vosges, installé à la Cude et au Violu, dans un secteur plutôt calme. Ses vœux ont été exaucés, l’aumônier peut maintenant accompagner un régiment dans tous les coups durs, au plus près de la 1ère ligne.

 

En mai 1918, le régiment prend part à la 3e bataille de l’Aisne.

 

En septembre, il participe à la bataille de Somme-Py où les combats se poursuivent durant trois jours, Pierre Henry est encore aux premières loges.

 

La fin du conflit approche. L’armistice est signé le 11 novembre. Pendant ces quatre années de guerre, l’abbé Henry a consacré sa vie à porter secours aux blessés, à donner assistance aux mourants, à rechercher les cadavres des soldats en prenant d’énormes risques. Il est démobilisé 20 décembre 1918.

 

L’homme retrouve sa vie d’ecclésiastique comme professeur de morale jusqu’au 24 septembre 1922, date à laquelle il reprend le chemin de la paroisse de Saint-Jean-Baptiste en tant que curé-archiprêtre. Nommé chanoine titulaire, il fait ses adieux à cette paroisse le 21 septembre 1930.

 

Il clôture sa carrière pastorale en devenant chancelier de l’évêché en 1932. Cette fonction est mieux adaptée à son état de santé très affaibli par les années de guerre.

 

Il meurt à Langres le 28 août 1941 après une longue anémie consécutive à une intoxication au gaz de ville, un paradoxe pour lui qui avait échappé plusieurs fois aux gaz mortels durant le conflit. Il repose au cimetière du Pailly.

 

Decorations de l'abbe Henry

 

L’aumônier Pierre Henry a obtenu les citations suivantes.

 

Citation à l’ordre n° 118 de la 43e division en date du 8 avril 1916 :

 

«  A accompagné le médecin auxiliaire du bataillon dans toutes ses recherches, prodiguant ses soins auprès des blessés en toutes circonstances, avec le plus grand des mépris du danger. »

 

Citation à l’ordre n° 248 de la 43e division en date du 30 août 1917 :

 

« Modèle de courage et de fermeté, joignant une grande bonté à une extrême énergie. A été blessé le 27 juin 1917, en se rendant, sous un violent tir d’artillerie, au P.S. du groupe. »

 

Citation à l’ordre de l’armée en date du 15 juillet 1918 (J.O. du 12 décembre 1918) :

 

« D’un courage et d’un dévouement sans bornes, n’a cessé pendant sept jours de combat ininterrompu de parcourir les premières lignes, prodiguant ses soins aux blessés et apportant aux combattants le réconfort de sa présence sous les bombardements les plus violents et jusque sous les balles des mitrailleuses. »

 

Cité à l’ordre n° 232 du 21e C.A. en date du 4 novembre 1918 :

 

« Aumônier d’un dévouement et d’un zèle au-dessus de tout éloge. Exerce les devoirs de son ministère dans les circonstances les plus critiques du combat avec un courage particulier, un calme et un sang-froid admirables. Pendant les rudes combats du 26 septembre au 5 octobre 1918, a forcé l’admiration de tous, chefs et soldats, en se portant jusqu’aux premières lignes, malgré les bombardements les plus violents, pour prodiguer ses soins et réconforter les blessés et les mourants. »

 

Cité à l’ordre du régiment le 23 décembre 1918 :

 

« Aumônier d’une bravoure incomparable et d’un sang-froid superbe, a continué à montrer pendant les durs combats de Banogne, en octobre 1918, les plus beaux sentiments de courage et de dévouement dont il avait fait preuve depuis 1914. »

 

Chevalier de la Légion d’honneur le 19 avril 1919.

 

Pour consulter la généalogie de l’abbé Henri, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

 

Geneanet

 

Sources :

 

Fiche signalétique et des services consultée sur le site des archives départementales de la Haute-Marne.

 

Livre d’or « La preuve du sang, livre d’or du clergé et des congrégations, 1914-1922 » paru aux Éditions de la Bonne Presse en 1925.

 

La majorité des informations concernant la vie de l’abbé Henry ont été fournies par J.L. Poisot.

 

La photographie de l’aumônier Pierre Henry qui accompagne le montage présentant ses décorations a été réalisée par Raymond Bonnefous en septembre 1915. Elle provient de la collection personnelle de Nathalie Bauer.

 

La photographie du deuxième montage provient du fonds Gérard qui fait partie de la collection personnelle de D. Delavois.

 

La carte utilisée sur ce montage provient du J.M.O. du 112e R.I.T.. Elle peut se consulter sur le site « Mémoire des Hommes ». Référence du J.M.O. du 112e R.I.T. : 26 N 796/15.

 

Tous les autres clichés proviennent du fonds Henry, propriété de J.L. Poisot.

 

À lire également : « Des garçons d’avenir » roman écrit par Nathalie Bauer, aux Éditions Philippe Rey. Août 2011.

 

Un grand merci à N. Bauer, à M. Bordes, à S. Agosto, à J.C. Auriol, à É. Mansuy, à J.L. Poisot et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

17 janvier 2020

Un groupe de soldats anonymes du 149e R.I..

Photographie de soldats inconnus du 149e R

Voici une nouvelle photographie de groupe représentant des soldats du 149e R.I.. Une fois de plus, il  nous est impossible d’identifier l’homme qui a rédigé le texte inscrit au dos du cliché. Nous savons simplement que c’est un parisien et qu’il se prénomme Louis. Dans son courrier adressé à sa mère, trois prénoms féminins sont cités, Jeanne, Germaine et Geneviève. Ce sont probablement ses sœurs. Tout cela reste bien maigre pour entreprendre une recherche généalogique d’autant plus que la carte fut envoyée sous enveloppe. Elle ne donne donc pas de nom de famille.

Les courriers partis au moment de la mobilisation ne sont pas courants. Le sont encore moins ceux rédigés lors des préparatifs du départ des troupes de couverture avant la mobilisation.

Les régiments proches de la frontière durent partir avant les autres afin d’éviter une attaque allemande brusquée. Cette situation aurait pu compromettre les opérations de mobilisations et de concentration prévues par le plan XVII.

Dans la nuit du 31 juillet 1914, le 149e R.I. reçoit l’ordre de se préparer. Il doit être à pied d'oeuvre pour quitter le dépôt dès 7 h 00. Le régiment spinalien devient « réserve de couverture ». Les hommes doivent se tenir prêts à embarquer et à être transportés en chemin de fer pour rejoindre et renforcer les troupes qui ont déjà gagné leurs postes frontière.

Louis fait partie de ces nombreux hommes qui ne pourront pas embrasser leurs proches sur les quais de la gare d’Épinal au moment du départ.

Il prend le temps d’écrire à sa famille. Il n’a plus le droit de sortir de la caserne. Louis utilise une carte photo qu’il avait avec lui. Cette carte photo pourrait avoir été prise durant une pause lorsque le régiment était en chemin pour se rendre au camp du Valdahon ou bien pendant une des nombreuses marches auxquelles étaient astreints les conscrits d’avant-guerre.

La tenue des hommes sur le cliché ne diffère guère de celle dont ils furent équipés au moment où Louis écrit. Il s’agit simplement d’effets neufs, de képis recouverts du couvre-képi et de cartouchières pleines et du modèle porté par le 3e homme debout sur la droite.

Intéressons-nous maintenant à l’écrit de Louis.

 « Épinal, le 31 juillet 1914

Chère Maman,

Quelques mots pour te mettre au courant de la situation. En ce moment, nous sommes prêts à partir. Nous avons descendu nos effets au magasin et nous n’attendons plus que l’ordre de partir pour la frontière. Nous sommes mobilisés, le quartier consigné. Je ne sais si cela sera pour ce soir ou pour demain matin.

Nous sommes tous équipés, les sacs sont dans la cour ainsi que les faisceaux de fusils.

Maintenant, il ne faut pas te faire du mauvais sang pour cela, car rien ne dit que la guerre va être déclarée. Ce ne sont rien que des précautions que nous prenons pour prévenir l’Allemagne au cas où elle nous tomberait dessus.

Il peut très bien se faire que nous allions à la frontière pour surveiller. Et puis, d’ici là, peut-être que tout cela sera arrangé. Donc inutile de te faire du mauvais sang. Du reste, je te tiendrai au courant de ce que je ferai.

Tu embrasseras bien fort pour moi Jeanne, Germaine et Geneviève et reçois de nombreux baisers de ton fils.

Je t’envoie une photo qui a été faite pendant notre route pour le Valdahon. Écris-moi pour me tenir au courant de ce qui se passe à Paris.

Louis »

On note qu’il cherche à rassurer sa famille, probablement autant que lui-même, en précisant que ce n’est pas la guerre. Il répète même deux fois qu’il ne faut pas se faire de mauvais sang.

Le 31 juillet 1914, la 2e compagnie du 149e R.I. est la première à se mettre en route. À pied, elle prend la direction de Docelles.

Dans la nuit du 31 juillet au 1er août 1914, les trois compagnies restantes du 1er bataillon et le 3e bataillon rejoignent la gare d'Épinal pour s’installer dans les trains qui les conduiront à Bruyère et à  Laveline-devant-Bruyères. Le 2e bataillon rejoindra un peu plus tard.

Aucun des hommes photographiés ici n’imagine un seul instant que c’était le début d’un conflit mondial qui allait être responsable de la mort de millions d’hommes.

Combien d’entre eux sont rentrés au domicile à la fin des quatre années de guerre ? Nous n’aurons jamais de réponse à cette question !

Un grand merci à M. Bordes et à  A. Carobbi

10 janvier 2020

Lucien Louis Fradillon (1883-1916).

Lucien Louis Fradillon

Lucien Louis Fradillon est né le 23 novembre 1893 dans une ferme à Barberanges, un lieu-dit rattaché administrativement au petit village de Viplaix ; ce dernier est situé dans le département de l’Allier.

Sa mère, Madeleine André, est une femme de 21 ans qui exerce le métier de femme de ménage. Lucien est son premier enfant. Son père, François, travaille comme agriculteur. Il est âgé de 35 ans.

Le couple Fradillon vit sous le toit du grand-père paternel, métayer du domaine agricole.

Lucien est l’aîné d’une fratrie composée de 13 enfants nés entre 1893 et 1918.

Genealogie famille Fradillon

Le registre matricule de cet homme nous indique qu’il possède un degré d’instruction de niveau 3. Ce qui veut dire qu’il a intégré les bases de la lecture, de l’écriture et du calcul. Ces apprentissages scolaires n’ont probablement pas été faciles à acquérir. Outre l’enseignement obligatoire, Lucien fut probablement poussé et soutenu par la famille, pour qu’il puisse intégrer le savoir nécessaire qui lui permettra plus tard de prendre la succession paternelle dans de bonnes conditions.

Chaque matin d’école, il lui faut parcourir une longue distance pour aller s’installer devant son pupitre d’élève, la ferme étant très à l’écart du bourg. De plus, Lucien a dû forcément donner le coup de main pour les travaux agricoles dès que ses forces physiques furent jugées suffisantes. Ces conditions sont loin d’être bonnes pour apprendre correctement.

Une fois l’enseignement primaire terminé, il travaille à part entière dans l’exploitation familiale qui se trouve maintenant sous l’autorité du père. Le grand-père, fragilisé par le poids des ans, lui a cédé sa place de métayer. Les années d’adolescence de Lucien s’écoulent au fil des saisons. Devenu adulte, il sait que le temps des obligations militaires approche.

Conscrit de la classe 1913, ce jeune Viplaisien est inscrit sous le numéro 61 du canton d’Huriel. Sa condition physique n’est pas très bonne. Elle ne lui permet pas d’être déclaré « bon pour le service » par le médecin du conseil de révision. Il est ajourné pour faiblesse.

L’année suivante, Lucien doit repasser devant le conseil de révision avec les jeunes hommes de la classe 1914 et ceux qui ont été exemptés de la classe 1913.

Lorsqu’il passe devant ce conseil pour la seconde fois, il lui est notifié son aptitude à porter l’uniforme. Il doit désormais suivre le sort de la classe 1914.

Un conflit armé contre l’Allemagne débute en août 1914. Les premières semaines de combats sont particulièrement meurtrières. Les feuilles de route de la classe 1914 sont envoyées aux conscrits un peu plus tôt que prévu. En ouvrant la sienne, Lucien apprend qu’il est incorporé à partir du 6 septembre et qu’il doit rejoindre les rangs du 149e R.I., une unité dont il n’avait probablement jamais entendu parler.

Le 7 septembre 1914, Lucien Fradillon arrive à Langres par voie de chemin de fer. Il se rend ensuite à Jorquenay. C’est dans cette commune qu’a été implanté le dépôt du régiment depuis son départ d’Épinal.

Ce dépôt s’avère être trop étroit pour accueillir et former l’ensemble de la classe 14 du régiment. Le 21 septembre 1914, il déménage à Rolampont, un village avoisinant. La formation de Lucien est très rapide, quelques mois.

La date exacte de son arrivée sur le front n’est pas connue. Elle a peut-être eu lieu, comme pour la majorité de ses camarades de la classe 14, aux environs de décembre 1914. Nous savons simplement, de manière sûre, que Lucien devient soldat de 1ère classe le 6 juin 1915 avant d’être nommé caporal le 25 juin 1915.

Il n’y a pas d’indication supplémentaire sur sa fiche matricule qui permette d’en dire davantage.

A-t-il été blessé durant son parcours au 149e R.I.? A t’il pris part aux combats de la fin du mois de septembre 1915 ? Il est impossible de le dire.

Le caporal Fradillon sert à la 3e compagnie du régiment lorsqu’il meurt par suite de coups de feu au combat le 8 mars 1916. Il est tué au bois des Hospices. Son corps fut inhumé à proximité du fort de Souville près du tunnel.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Carte journees des 7, 8 et 9 mars 1916

L’acte de décès de Lucien est transcrit à la mairie de Viplaix le 30 octobre 1917.Il n’y a pas de tombe individuelle militaire qui porte le nom de cet homme.

Lucien Fradillon ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

Le nom de ce caporal âgé de 22 ans est gravé sur le monument aux morts de la commune de Viplaix.

Sources :

Fiche signalétique et des services lue sur le site des archives départementales de l’Allier.

Les sites« Mémoire des Hommes » et « MémorialGenWeb » ont également été consultés.

Des recherches ont été effectuées sur les registres de recensement des années 1896, 1901, 1906, 1911 et 1921 de la commune de Viplaix. Tous ces registres sont disponibles sur le site des archives départementales de l’Allier.

Le portrait de Lucien Fradillon provient du site « MémorialGenWeb ».

3 janvier 2020

Louis Jean Baptiste Guers (1894-1915)

Louis Jean Baptiste Guers

 

Louis Jean Baptiste Guers naît le 22 février 1894 au 67 cours Lafayette, une des principales artères de la rive gauche lyonnaise.

 

Le père, Jean Marie, alors âgé de 36 ans, travaille comme grainetier dans son propre magasin qu’il a ouvert après son mariage. La mère, Julie Augustine Gired, originaire de Mollon, a 31 ans. Elle n’exerce pas de profession.

 

C’est la troisième naissance pour le couple Guers. Julie Augustine a perdu son aîné qui n’a pas survécu à sa 1ère année. Elle se consacre à l’éducation de Charles, son second fils.

 

Le marchand de vin Louis Brialton et le charcutier Victor Monnet accompagnent le père à la mairie pour y faire enregistrer le nouveau-né.

 

Les trois hommes sont attendus par l’adjoint au maire de Lyon, Léon Fabre, officier de l’état civil délégué au 6e arrondissement.

 

La famille Guers à Lyon

 

Pour des raisons inconnues, les Guers quittent la ville aux deux collines pour venir s’installer à Oullins, au tout début du XXe siècle. Jean Marie devient propriétaire d’une nouvelle graineterie. C’est dans cette commune que le frère cadet de Charles et de Louis voit le jour en octobre 1902.

 

Un drame familial se produit l’année suivante. Jean Marie Guers décède le 31 décembre 1903 à l’âge de 46 ans. Louis n’a pas encore fêté son dixième anniversaire.

 

il ne fait pas de doute qu’il fût un bon élève à l’école communale, comme le laisse supposer la qualité des lettres envoyées à sa mère. Mais il n’était pas question de poursuivre de longues études après la mort de son père. Son degré d’instruction restera au niveau 3 comme il est stipulé sur sa fiche signalétique et des services.

 

Julie Augustine doit maintenant assurer la gestion de la graineterie tout en s’occupant du petit Marius.

 

Oullins (Rhone) la grande rue

 

Louis devient garçon épicier. En 1911, il est à Saint-Étienne. Le jeune homme décide de revenir sur les lieux de sa jeunesse quelque temps avant son incorporation. Il a trouvé un emploi à l’épicerie Pellerin, située au 77 de la grande rue d’Oullins. Ce commerce est placé à deux pas de la graineterie tenue par sa mère.

 

Louis Guers devant l'epicerie Pellerin d'Oullins

 

L’année des 20 ans de Louis, les instances officielles du conseil de révision réuni à la mairie de Saint-Genis-Laval, le déclarent « bon pour le service armé ».

 

Pour immortaliser l’évènement, un cliché de groupe de la classe 14 d’Oullins est réalisé par un professionnel peu de temps après. La pause est solennelle. Coiffé du béret de conscrit, il faut bomber le torse !

 

Oullins, la classe 1914

 

Le 1er août 1914, la France décrète la mobilisation générale. Un nouveau conflit contre l’Allemagne est sur le point d’éclater. Toutes les classes de réservistes en âge de reprendre les armes sont rappelées à leurs dépôts d’affectation. Les classes 1912 et 1913 sont déjà sous les drapeaux.

 

La classe 1914 n’a pas encore été appelée. Louis peut continuer son travail à l’épicerie. Mais pour combien de temps ? La France en danger attendra-t-elle octobre pour appeler la classe 1914 comme cela était prévu ?

 

Louis Guers photographie devant l'epicerie Pellegrin

 

Louis finit par recevoir sa feuille de route dans les tout derniers jours du mois d’août. La nouvelle tombe, il est versé dans un régiment d’infanterie frontalier. Tout du moins, c’est ce qu’il croit puisque le dépôt du 149e R.I. est censé être à Épinal.

 

Le jeune homme est incorporé le 5 septembre 1914. Après avoir fait ses adieux à la famille et aux amis, Louis Guers quitte Oullins pour se rendre à Langres. Le dépôt de son régiment est installé à Jorquenay depuis peu. Trop exigu, le dépôt déménage à Rolampont rapidement.

 

La formation de Louis s’accélère. Celle-ci est pénible. Elle est difficile et violente pour l’organisme, mais il faut vite s’aguerrir pour rejoindre rapidement la ligne de front. Cela passe par des marches de 35 kilomètres à peine un mois après l’incorporation.

 

Le 18 octobre 1914, le soldat Guers écrit à sa mère et son frère cadet.

 

« Bien chère Maman et cher petit Marius

 

J’ai reçu ta carte du 12 octobre qui m’a trouvé en bonne santé.

 

Nous bardons toujours fort à l’exercice. Nous faisons, 2 fois par semaine, des marches de 30 à 35 kilomètres avec le sac complet et le fusil. Bien entendu, quand nous rentrons le soir, nous sommes esquintés.

 

Nous faisons des marches de nuit de 2 heures ainsi que des attaques de nuit. À part ça, rien de nouveau.

 

Le froid commence à se faire sentir. Aussi, j’attends avec impatience le linge que tu dois m’envoyer. Je n’ai toujours pas reçu le mandat que je t’ai demandé.

 

Comme je ne sais pas quand j’irai au feu, je voudrais bien que tu m’envoies de l’argent à nouveau, car les blessés qui arrivent du feu nous disent que ceux qui n’ont pas d’argent sont malheureux, soit pour acheter du vin ou du pain. Ici, à Rolampont, tout est cher.

 

Il ne me reste pas grand-chose, une pièce de deux francs. Alors, en plus des dix francs, tu pourrais m’envoyer 30 ou 40 francs. Ça sera ma réserve en cas d’un départ brusqué.

 

Et maintenant quoi de nouveau à Oullins ? Marius travaille-t-il toujours bien à l’école pour te faire plaisir et te réconforter dans la triste période que nous traversons ? C’est mon vœu le plus cher et je pense qu’il le réalisera.

 

Au revoir chère petite maman et à bientôt le plaisir de te lire.

 

Envoie l’argent dans une lettre recommandée.

 

Sois tranquille, je l’économiserai, je sais combien tu as de la peine pour le gagner.

 

J’ai été vacciné hier contre la typhoïde. Je ne peux plus bouger le bras gauche. Il y en encore pour un jour. Ci-joint la citation à l’ordre du jour du 149e R.I..

 

Gros mimis à Marius.

 

J’ai été heureux d’apprendre la nomination de Charles. Il la mérite bien. J’ai même idée qu’il ne s’arrêtera pas là.

 

J’ai engraissé de cinq kilos depuis que je suis parti. Je pèse 68 kilos à l’heure actuelle.

 

Un bonjour à Madame Marie, à Madame Thévenon, à Monsieur Pellerin, à Madame Brunet et à tous les parents et connaissances. »

 

Les besoins en hommes valides pour remplacer les pertes du régiment sont conséquents. La guerre perdure. Elle sera bien plus longue que prévu !

 

Pour Louis, il ne lui reste plus que quelques semaines pour développer ses acquisitions militaires.

 

Plusieurs renforts sont déjà partis depuis qu'il est au dépôt. Il finit par quitter Rolampont avec l’un d’entre eux. Si la date exacte de son arrivée en Artois n’est pas connue, nous savons que la plupart des hommes de la classe 14 durent quitter le dépôt dès la fin de l'année 1914.

 

Louis Guers fut affecté à la 5e compagnie du 149e R.I., une unité qui est sous les ordres du capitaine Dastouet.

 

Grâce à la lecture d’un courrier adressé à sa mère et à son frère Marius, nous apprenons qu’il a participé à une attaque qui a eu lieu au début du mois de février 1915. 

 

« Le 8 février 1915

 

Chère maman et cher Marius,

 

Deux mots pour te donner de mes nouvelles. Je suis toujours en bonne santé et pense que ma lettre te trouvera de même.

 

La nuit du 1er au 2 février, nous avons fait une attaque la plus terrible depuis que je suis en campagne. Il s’agissait d’enlever une sape aux Allemands. Cette sape avait 100 mètres de long et se trouvait à 40 mètres de nos tranchées. À 2 h 30, ordre nous est donné d’enlever la sape aux Prussiens, mais le capitaine trouve le moment peu propice pour attaquer, car les obus allemands tombaient comme la grêle.

 

À 5 h 45, profitant d’une accalmie, nous mettons baïonnette au canon et nous nous élançons sur leurs tranchées. Auparavant, le capitaine nous avait dit : « Surtout, les gars, pas de pitié et pas de quartier. »

 

L’attaque fut terrible, mais le 149e tint bon. Juge de notre stupéfaction quand nous arrivâmes dans la sape, nous avions devant nous la garde impériale allemande. Le 1er régiment de France face à face avec le 1er régiment d’Allemagne.

 

Revenu à notre surprise, nous nous précipitons sur eux à la baïonnette et nous en tuons 30, tandis que nous, nous n’avions que 2 tués et 8 blessés, et la sape était à nous. Le colonel nous a félicité de notre belle conduite en nous disant qu’il n’aurait jamais cru que la classe 14 se conduirait aussi bien.

 

Tu regarderas d’ailleurs sur le journal, dans les citations à l’ordre du jour de ces jours derniers et des jours qui suivront, si tu ne vois pas la citation à l’ordre du jour du sergent Bergerie et ces soldats Demas et Maitre de la 5e compagnie du 149e R.I..

 

C’est ces trois qui nous ont menés à l’attaque et comme on ne pouvait citer tout le monde, on a cité les trois premiers qui sont arrivés à la sape. Tu me diras si tu les vois et tu m’enverras dans une lettre, le bout de journal où ce sera marqué.

 

Ce n’était pas tout le régiment qui a attaqué, c’est seulement la 5e compagnie.

 

C’est tout ce qu’il y a eu de nouveau ces derniers jours.

 

Tache de toujours te maintenir en bonne santé et d’avoir du courage et de l’espoir à l’avenir qui je l’espère te rendra tes deux enfants sains et saufs.

 

Ces jours derniers, le froid s’est moins fait sentir, mais, à la place, nous avons eu la pluie. Tu vois d’ici, dans les tranchées, la gabouille qu’il y a, mais que veux-tu, il faut s’y faire, car à la guerre comme à la guerre.

 

Gros mimis à Marius. Tu donneras bien le bonjour à la tante Louise, Madame Reure, la maison Pellerin, Madame Marie, Madame Thevenon, Madame Flachet, Madame Morand et à tous les amis et connaissances.

 

Ton fils et ton frère qui vous embrasse bien fort. »

 

Petites précisions sur l’attaque de la 5e compagnie du 2 février 1915 :

 

Louis écrit dans son courrier que sa compagnie est la seule à avoir participé à l’attaque. Il semblerait que non, d'autres compagnies du 2e bataillon du 149e R.I. furent concernées. L’état des pertes du régiment indique, pour cette journée, des tués et des blessés qui proviennent des 6e, 7e et 8e compagnies, mais pas de victimes à la 5e compagnie.

 

Le 24 mai 1915, le soldat Guers est nommé caporal.

 

Le 5 août 1915, Louis écrit de nouveau à sa mère. Dans sa correspondance, il dit sa fierté d’avoir été décoré suite à un évènement qui s’est déroulé au mois de mai.

 

Bien chère Maman,

 

Une nouvelle qui va te faire sûrement plaisir. Je suis décoré. Hier, le général de division m’a remis la croix de guerre ainsi qu’à plusieurs de mes camarades.

 

Cela a été émouvant. On nous a décoré une quarantaine. Nous étions tout d’abord 6 cités à l’ordre de la division, 10 à l’ordre de la brigade et 19 à l’ordre du régiment.

 

Quand c’est arrivé à mon tour, il m’a adressé quelques mots comme à chacun de mes camarades. Il m’a dit : « Quand avez-vous gagné cette croix que je vous remets aujourd’hui ? »  « Le 10 mai mon général», lui ai-je répondu. Alors, il m’a dit : «  Ah ! Mon cher 149e R.I. s’est distingué en effet en ces jours terribles, du 9 au 15 mai », puis, il m’a serré la main et donné l’accolade.

 

La remise de décorations terminée, le régiment, colonel en tête, a défilé devant nous, en présentant les armes, baïonnette au canon. Tandis que la musique, placée devant le drapeau jouait notre vieille et toujours vibrante Marseillaise.

 

Maintenant, j’aurai un grand service à te demander. J’ai, dans ma section, un caporal de mes amis qui est aussi de la classe 1914 qui est venu sur le front en même temps que moi, mais qui est hélas orphelin. C’est tout te dire. Je lui ai offert, donc du grand cœur dont tu me connais, de venir passer 3 ou 4 jours avec moi quand j’irai en permission. Les 2 ou 3 jours suivants, il les passera chez son ancien patron à Collonges.

 

Si tu acceptes, écris-moi de suite pour qu’on puisse s’arranger à partir au même détachement. Pour coucher, il prendra la place de Marius. C'est-à-dire, nous coucherons dans le grand lit en fer qui a place pour deux. Comme cela, tu n’auras pas de dérangement. Ton fils qui t’embrasse bien fort.

 

Ci-joint l’épreuve des photos que j’ai fait faire. Je les aurai dans une quinzaine.

 

Le caporal se nomme Joseph Longchamp .»

 

Il est impossible de savoir si Louis et son camarade purent obtenir la permission espérée.

 

Le 25 septembre 1915, la 5e compagnie du 149e R.I. est engagée dans une contre-attaque qui doit soutenir le 1er B.C.P.. Le caporal Guers est tué au cours de cette opération.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Compagnie de mitrailleuses 1915

 

Le 18 novembre 1915, le maire d’Oullins reçoit, du dépôt du 149e R.I., un document administratif signé du chef de bureau de comptabilité, qui lui apprend la mort du caporal Guers.

 

 

Son acte de décès fut transcrit à la mairie d’Oullins le 11 février 1916.

 

Le caporal Guers a obtenu les décorations suivantes :

 

Les decorations de Louis Guers

 

Citation à l’ordre de la division n° 56 en date du 25 mai 1915.

 

« Le 10 mai, étant en 2e ligne et entendant sonner la charge, est parti à l’assaut d’une position ennemie avec le 31e Bataillon de chasseurs. L’attaque terminée a rejoint sa compagnie en rapportant un blessé sous un feu intense d’artillerie. »

 

La Médaille militaire lui est attribuée à titre posthume (publication dans le J.O. du 7 juin 1921).

 

« Excellent caporal, s’est montré très courageux dans toutes les actions difficiles, particulièrement le 25 septembre 1915 aux combats d’Aix-Noulette, au cours desquels il a trouvé une mort glorieuse. »

 

Cette distinction lui permet d’obtenir une étoile de vermeil sur sa croix de guerre.

 

Le caporal Guers ne s’est pas marié. Il est mort à l’âge de 21 ans sans laisser de descendance. Son frère aîné a survécu à la guerre, il a fait une carrière militaire. Marius, le cadet de la fratrie, fut banquier avant de devenir agriculteur. Il est décédé à l’âge de 87 ans. Des trois frères, il est le seul avoir eu une descendance. Leur mère, Julie Augustine, ne s’est jamais remariée.

 

La généalogie de Louis Jean Baptiste Guers se trouve sur le site « Généanet ». Pour y avoir accès, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Geneanet

 

Le nom du caporal Guers est inscrit sur le monument aux morts de la commune d’Oullins. Son corps n’a jamais été retrouvé. Il repose peut-être dans un des ossuaires de la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services de Louis Jean-Baptiste Guers a été consultée sur le site des archives départementales du Doubs.

 

Les photographies et les documents présentés ici proviennent tous des collections de la famille descendante de Marius Guers.

 

Un grand merci à M. Bordes, à C. Lacoste, à A. Carobbi, aux archives départementales du Rhône et au Service Historique de la Défense de Vincennes

27 décembre 2019

Camille Marie Eugène Vernier (1883-1916).

Camille Marie Eugène Vernier

Camille Marie Eugène Vernier est né le 5 janvier 1883 à Ventron, une petite commune de moyenne montagne, située dans le département des Vosges.

Sa mère, Marie Ernestine Bompens est âgée de 27 ans. Elle n'exerce pas de profession, mais élève déjà une fille et deux garçons. Son père, Jean Baptiste, a 33 ans. Il est instituteur à la communale du village. Une petite fille prénommée Marie naît en 1885.

Camille poursuit ses études après sa scolarité obligatoire. Suivant les traces paternelles, ces études le mènent jusqu’à l’école normale de Mirecourt, où il commence sa formation d’enseignant en 1900. 

La fiche signalétique et des services de Camille Vernier est accessible sur le site des archives départementales des Vosges. Malheureusement pour nous, elle ne donne pas d’indication sur sa vie de soldat. Une fois de plus, cette fiche est à l’identique de la plupart de celles qui se trouvent dans les registres matricules vosgiens. Elle est quasiment vide d’informations !

Le régiment dans lequel Camille Vernier a effectué ses obligations militaires ne peut donc pas être identifié.

Excepté la mention « engagement décennal », rien de plus n’est inscrit dans la rubrique « détail des services et mutations diverses » sur la fiche matricule de cet homme.

Camille fut sans doute dispensé par l’article 23 (engagement décennal) qui lui impose l’exercice de sa profession au service de l’État durant 10 années. En contrepartie, cette obligation lui a certainement permis de ne porter l’uniforme qu’une seule année sur les trois qu’il aurait dû faire.

Une fois la conscription terminée, il retourne à ses fonctions d’enseignant.

Ecole communale de le Thiliot

En 1906, Camille travaille comme instituteur stagiaire à l’école communale des garçons du Thillot. Cette année-là, il épouse Clémentine Henriette Bégin, une enseignante âgée de 25 ans et qui est domiciliée à Lemmecourt.

Lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914, Camille Vernier rejoint le dépôt de son régiment en tant que réserviste. Là encore, nous ne saurons rien de son parcours de combattant.

Une seule certitude, c’est qu’il a servi comme sergent à la C.H.R. du 149e R.I..

Paul Remi, Camille Vernier et le vaguemestre Roy

Pendant la bataille de Verdun, le 8 mars 1916, Camille Vernier est mortellement blessé par un éclat d’obus. Dans l’impossibilité d’être ramené vers l’arrière, son corps est inhumé sur place, par ses camarades, dans le ravin situé entre le Decauville et la route qui conduit au fort de Tavannes.

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante. 

Carte journees des 7, 8 et 9 mars 1916

Jean Archenoul envoie une lettre à sa femme Julia dès qu’il apprend la mort de son ami. Il lui fait savoir qu’il ne sait vraiment pas comment annoncer la terrible nouvelle à son épouse. Il décide de rédiger une lettre à Monsieur Mathurin, directeur de l’école où enseignait le sergent Vernier, pour le charger de cette mission.

L’acte de décès de Camille Vernier est transcrit à la mairie du Thillot le 17 mai 1916.

Le sergent Vernier est inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire à titre posthume qui a été publié dans le J.O. du 9 juin 1920.  :

« Sous-officier courageux et dévoué. Tombé au champ d’honneur le 8 mars 1916 dans l’accomplissement de son devoir devant Verdun. »

Cette décoration lui donne également droit au port de la croix de guerre avec étoile de bronze.

Bien que son corps ait été inhumé correctement, les combats et les bombardements qui se déroulèrent dans le secteur durant les mois qui suivirent sont probablement l’explication à l’absence de sépulture pour ce sous-officier. Peut-être est-il alors à l’Ossuaire de Douaumont ?

La généalogie de Camille Vernier peut se consulter en cliquant une fois sur l’image suivante.

Geneanet

Clémentine Henriette Béguin s'est remariée avec Eugène Céleste Defrain le 23 janvier 1939.

Sources :

La fiche signalétique et des services de Camille a été lue sur le site des archives départementales des Vosges.

Le portrait du sergent-fourrier Vernier provient du fonds Archenoul.

La photographie représentant, de gauche à droite, Paul Remi, Camille Vernier et le vaguemestre Roy fait partie du fonds Remy. Ce fonds se trouve aux archives départementales des Vosges. Ce cliché provient initialement du fonds Archenoul puisqu’il a été réalisé par Jean Archenoul.

Un grand merci à M. Bordes, à J Breugnot, A. Carobbi à G. Guéry et aux archives départementales des Vosges.

20 décembre 2019

La liaison au sein du 149e R.I..

La liaison au 149e R

L’échange constant d’informations entre les différents éléments du régiment est absolument nécessaire au bon fonctionnement de l’unité lorsque celle-ci se trouve en manœuvre ou en campagne. Il faut éviter au maximum les mauvais désagréments tels que les débordements, les attaques-surprises et les dépassements d’objectifs.

Pour cela, le commandant du 149e R.I. dispose de plusieurs moyens pour communiquer avec ses subordonnés.

Son personnel

Agents de liaison et agents de transmission

a) Les agents de liaison sont destinés, en principe, à relier, soit pendant le combat, soit au cours d’une opération, le chef d’une unité au chef de l’unité supérieure, ou d’une troupe voisine. Ils sont aussi utilisés, dans l’accomplissement de leur mission, pour porter des ordres ou des comptes rendus.

b) Les agents de transmission sont exclusivement utilisés pour la transmission mécanique des ordres pendant le combat.

Estafettes et plantons

En outre, des estafettes et plantons à pied ou à bicyclette, du personnel de liaison et de transmission est employé, en toutes circonstances, pour porter les ordres et les communications de toute nature.

Agent de liaison en bicyclette

La liaison téléphonique

Avant le premier conflit mondial du XXe siècle, le système téléphonique à fil est encore peu développé dans un régiment d’infanterie. Il est vrai que l’utilisation du matériel d’époque reste complexe. La mise en place rapide d’une ligne pour une efficacité à fort pourcentage est difficile à mettre en œuvre durant une guerre de mouvement en pleine campagne ou en région montagneuse. L’installation des fils n’est pas toujours possible, il faut donc utiliser des moyens plus pratiques pour faire la liaison.

Le cliché suivant montre un poste téléphonique de campagne du 149e R.I. réalisé un jour de manœuvres.

Les téléphonistes du 149e R

La liaison par signaux

Les signaux constituent un moyen de correspondance à vue dont le régiment se sert quand il n’est pas possible d’employer d’autres procédés de communication ou quand il y a intérêt à les doubler.

Durant la journée, les signaux sont exécutés à bras, durant la nuit une lanterne est utilisée pour communiquer en Morse.

Le personnel prévu par les règlements pour la liaison et pour les transmissions d’ordres et de renseignements est également chargé de la correspondance par signaux.

Les hommes affectés à la téléphonie et à la télégraphie optique peuvent être également utilisés pour la transmission des signaux.

Le colonel dispose de trois officiers ou sous-officiers pour la liaison et deux ou trois cyclistes pour la transmission.

Un adjudant, un caporal clairon, un fourrier par compagnie pour la liaison et un cycliste pour la transmission, sont directement rattachés auprès du chef de bataillon.

Les signaleurs du 149e R

L’instruction

L’instruction technique relative à l’emploi des signaux est donnée dans les unités. Elle se règle de manière à ce que les hommes de la nouvelle classe, désignés pour le service de la transmission par signaux, soient aptes à remplir leurs fonctions dès le mois de juin. L’instruction technique des anciens soldats est entretenue suivant les prescriptions du chef de corps. Tous ces agents doivent également se familiariser à l’usage de la jumelle.

Matériel

Durant la journée, les signaux sont, en principe, faits avec les bras. Les képis, les bérets sont parfois utilisés pour rendre les signaux plus apparents. En cas de besoins, des fanions à double face peuvent également être employés pour en augmenter la portée.

Durant la nuit, les hommes ont recours à des lanternes. Celles-ci sont achetées et entretenues par la masse de chauffage et d’éclairage à raison d’une par compagnie.

Emploi

Les signaux sont surtout employés en pays montagneux ou difficile d’accès, dans le service des avant-postes et au combat, dans les zones trop violemment battues par le feu.

De manière générale, les groupes qui font usage de signaux se tiennent dans le voisinage immédiat des chefs auprès desquels ils sont détachés. Ils choisissent leur emplacement de manière à être vus des groupes avec lesquels ils doivent correspondre, en repérant avec soin la direction, et, le cas échéant, utiliser les observatoires naturels qui sont à leur portée.

Au cours des marches, les signaux facilitent la liaison avec les colonnes voisines, une colonne avec ses flancs-gardes ou ses détachements de sûreté.

Pendant les stationnements, ils peuvent être utilisés aux avant-postes, surtout pour relier les postes de surveillance avec les grand’ gardes. Les agents peuvent encore servir à faire la liaison avec les cantonnements voisins en l’absence de téléphone et pour ménager les hommes.

Au cours des combats, dès que les groupes de liaison ou de transmission se sont rendus auprès de leurs chefs respectifs, ceux-ci prennent toutes leurs dispositions pour pouvoir communiquer par signaux le plus rapidement possible.

Dans la mesure du possible, ces hommes restent masqués aux vues de l’ennemi, en utilisant le terrain ou les abris disponibles. Si c’est nécessaire, ils ne doivent pas hésiter à se montrer pour assurer la transmission d’une communication.

La nuit, la lanterne n’est utilisée qu’en cas d’extrême urgence lorsque le régiment se trouve à proximité de l’ennemi.

Source :

Instructions provisoires du 15 avril 1912 sur la liaison dans les corps de troupe (agents de liaison, de transmission, signaux) et sur les commandements par geste et au sifflet.

Un grand merci à M. Bordes et à A. Carrobi.

13 décembre 2019

Yves Charles Joseph Charvéron (1894-1915)

Yves Charles Joseph Charvéron

 

Yves Charles Joseph Charvéron est né le 19 janvier 1894, dans l’appartement de ses parents, situé au n° 2 de la rue Petit dans le 19e arrondissement de la capitale.

 

À sa naissance, son père, Charles Ernest, est un parisien âgé de 33 ans. Sa mère, originaire de l’Orne, Julie Honorine Chaignon, est âgée de 31 ans. 

 

Les parents se sont rencontrés en avril 1883, sur leur lieu de travail, lorsqu’ils enseignaient à l’école provisoire de la place de Bitche. Ils se marièrent l’année suivante.

 

Yves Charvéron est le benjamin d’une fratrie composée de trois garçons.

 

 

Julie Honorine Chaignon accouche d’un enfant sans vie en 1887.

 

Après avoir appris à lire, écrire et compter à l’école communale, Yves fait ses premières études au collège Chaptal. L’adolescent fréquente ensuite le lycée du même nom où il obtient son baccalauréat. Souhaitant devenir ingénieur, il tente et réussit le concours d’entrée de l’école de physique et de chimie industrielles de Paris en 1913. Cette année-là, il passe également devant le conseil de révision qui décide de l’ajourner à un an pour cause de faiblesse physique.

 

Cet ajournement est maintenu par la 1ère commission de réforme de la Seine qui se réunit le 17 juin 1914.

 

Yves Charvéron n’est pas concerné par la mobilisation générale en août 1914. Son frère Charles, plus âgé, instituteur à Aubervilliers, doit, dès les premiers jours d’août, rejoindre son régiment d’appartenance, le 146e R.I. qui est cantonné à Toul.

 

Vu son statut d’ajourné et l’éloignement de l’appel de sa classe, le futur ingénieur ne s’inquiète pas outre mesure pour son avenir. Il s’imagine pouvoir poursuivre ses études encore un moment. Avec de la chance, il pourra même les mener à terme. Mais c’est sans compter sur les terribles évènements qui sont en train de se dérouler sur le champ de bataille.

 

La guerre s’avère être particulièrement coûteuse en vies humaines dès les premiers mois du conflit. Il faut impérativement anticiper la formation des classes plus jeunes, en devançant leurs appels, pour ne pas risquer le manque d’effectifs à plus ou moins brève échéance.

 

Yves Charvéron apprend qu’il va devoir de nouveau se présenter devant la médecine militaire en novembre 1914. Cette fois-ci, il est directement classé dans la 1ère partie de la liste. Le voilà déclaré « bon pour le service armé ». 

 

Il obtient tout de même un sursis d’incorporation pour terminer ses études, mais celui-ci ne sera applicable qu’à la fin des hostilités !

 

La classe 1915 est appelée en décembre 1914. Yves Charvéron reçoit sa feuille de route. Comme bon nombre de ses camarades de promotion, il quitte l’école de physique et de chimie industrielles pour rejoindre son lieu d’affectation.

 

Le 20 décembre 1914, le jeune homme arrive au dépôt du 149e R.I. Ce dépôt, originellement caserné à Épinal, est venu s’installer à Rolampont dans les toutes premières semaines du conflit.

 

Les apprentissages militaires commencent. Les fêtes de fin d’années ne furent certainement pas celles qu’il avait imaginées.

 

Le soldat Charvéron suit une formation plutôt rapide comparée à celle qui est donnée durant le temps de paix.

 

Sa promotion est inattendue. Au regard de son niveau scolaire et de ses probables dispositions à suivre l’enseignement militaire, il obtient très rapidement les faveurs de ses chefs, ce qui va lui permettre de suivre la formation de chef de section.

 

Début avril 1915, il rejoint la zone des combats. Le 10 avril, il est directement nommé aspirant à titre temporaire. Yves Charvéron commande maintenant une section de la 11e compagnie du 149e R.I..

 

Le 24 avril, il est affecté au 170e R.I.. Une semaine plus tard, il réintègre le régiment qui l’a formé, confirmé dans son grade de sous-officier à titre définitif.

 

L’aspirant Chavéron est blessé deux fois en juin 1915. Sa seconde blessure le fait évacuer vers l’arrière. Il est soigné à Fougères. Guéri, Yves peut bénéficier de quelques semaines de congés avant de rejoindre le dépôt du 149e R.I. au début du mois d’août 1915.  Ne voulant pas attendre son tour de départ, il se fait inscrire comme volontaire pour repartir au plus vite sur le front.

 

Il souhaite reprendre le commandement de son ancienne section, sous les ordres du capitaine Prenez, ce qui lui est accordé.

 

Le 25 septembre 1915, le 149e R.I. participe à une vaste opération offensive qui doit permettre la prise du bois en Hache au sud-est d’Angres. L’intégralité des effectifs de la 43e D.I. est impliquée dans l’affaire durant plusieurs jours.

 

Le 26 septembre 1915, l’aspirant Charvéron est tué au cours d’une attaque menée par sa compagnie.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Carte 2 journée du 26 au 27 septembre 1915

 

Les circonstances de la mort de ce sous-officier sont évoquées dans le livre d’or de l’école de physique et chimie industrielle de la ville de Paris.

 

« C’est à la tête de sa section que, le 26 septembre 1915, il partit à l’assaut des lignes allemandes et fut blessé par un éclat d’obus. Malgré sa blessure, il n’en continua pas moins à avancer avec ses hommes, et c’est quelques heures après qu’il dut trouver la mort dans un long et meurtrier corps à corps. 

 

Le 2 décembre suivant, une patrouille le retrouva dans le bois en Hache, gisant auprès d’un officier allemand tué au cours de la même attaque. C’est grâce à son révolver que notre camarade put être reconnu. »

 

L’acte de décès de ce sous-officier a été transcrit le 9 mai 1916 à la mairie du 19e arrondissement de Paris.

 

Son frère Charles est tué quelques jours plus tard en Champagne.

 

L’aspirant Charvéron a obtenu la citation suivante :

 

Citation à l’ordre de la 43e division :

 

« Le 26 septembre 1915, devant Angres, a brillamment entraîné sa section à l’assaut, sous une canonnade violente et des feux de mitrailleuses ; blessé par un éclat d’obus au cours de l’assaut. Sous-officier possédant des qualités militaires remarquables, déjà blessé au cours de la campagne. »

 

La Médaille militaire lui a été attribuée à titre posthume (Publication dans le J.O. du 30 octobre 1919).

 

«Chef de section audacieux et plein d’entrain. Est tombé glorieusement pour la France le 26 septembre 1915 devant Angres. »

 

Cette décoration lui donne également droit au port d’une étoile de bronze sur sa croix de guerre.

 

Il n’y a pas de sépulture connue pour ce sous-officier. 

 

Le nom de cet homme est inscrit sur une des plaques commémoratives fixées sur le mur d’enceinte du cimetière du Père Lachaise, sur la plaque commémorative située dans les locaux de l’école supérieure de physique et de chimie industrielles au 10 rue Vauquelin, et sur la plaque commémorative placée dans le hall d’entrée du lycée Chaptal au 48 boulevard des Batignolles.

 

Yves et Charles Charvéron ne se sont pas mariés et n’ont pas eu de descendance. Le parcours de vie de leur frère aîné n’est pas connu.

 

La fiche de Charles Victor Ludovic Charvéron qui se trouve sur le site de « MémorialGenWeb » indique une sépulture familiale qui se trouverait dans le cimetière communal de Fontenay-Tressigny.

 

Le nom d’Yves Charles Joseph Charvéron ne figure pas dans l’état nominatif des officiers, sous-officiers, caporaux et soldats tués, blessés ou disparus durant les combats de Notre-Dame-de-Lorette en juin 1915. L’information qui évoque ses blessures provient du livre d’or de l’école supérieure de physique et de chimie industrielles de Paris.

 

Sources :

 

Livre d’or « La chimie et la physique au service de la patrie ». Poyet frères. Grav-Imp. 67 rue de la Victoire Paris 9e.

 

Le portrait d’Yves Charvéron provient du livre d’or cité précédemment.

 

Livre d’or de l’école normale de la Seine.

 

Les fiches signalétiques et des services des frères Charvéron ont été consultées sur le site des archives de Paris.

 

Un grand merci à M. Bordes, à N. Derome-Beugnon, à A. Carobbi et aux archives de Paris.

6 décembre 2019

Eugène Antoine Goudard (1891-1915)

Eugene Antoine Goudard

 

Originaire du département de l’Ain, Eugène Antoine Goudard voit le jour le 10 octobre 1891 à Arbère, un hameau rattaché à la commune de Divonne-les-Bains, aux portes de la frontière suisse.

 

Sa mère, Sylvie Eugénie Chevassu, est âgée de 31 ans. Elle a déjà donné la vie à un garçon prénommé Fernand, né en 1887. Son père, Jean Louis, a 38 ans.

 

Le lendemain, le tonnelier Marc François Dubout, ami et témoin de mariage du père, et le cordonnier Jean Trotta se rendent à la mairie de Divonne-les-Bains en compagnie de Jean Louis pour y signer le registre d’état civil. Les trois hommes officialisent ainsi la naissance du petit Eugène aux yeux de la République.

 

Les frères Goudard grandissent au cœur du pays de Gex, au pied du massif jurassien où leurs parents cultivent la terre. Ils ne quitteront leur région natale que pour aller effectuer leurs obligations militaires.

 

Eugène laisse les bancs de l’école communale après avoir appris à écrire, à lire et à compter comme il est précisé sur sa fiche matricule mentionnant un degré d’instruction de niveau 3.

 

Contrairement à Fernand qui a choisi de travailler à la ferme, il décide de s’éloigner un peu de la famille en se faisant employer aux bains de la ville thermale de Divonne-les-Bains.

 

On ne connaît pas la raison pour laquelle Eugène ne s’est pas présenté devant le conseil de révision. Il fut en tout cas déclaré « bon absent »

 

Incorporé au 149e R.I. à compter du 1er octobre 1912, le jeune homme doit rejoindre la ville d’Épinal par voie de chemin de fer.

 

Eugène Goudard arrive au corps le 2 octobre 1912. La vie de caserne semble convenir à ce soldat de la classe 1911. Il donne entière satisfaction à ses supérieurs. L’année qui suit son arrivée à la caserne Courcy, son capitaine le propose pour assister aux cours de l’école des caporaux du régiment. Eugène est nommé dans ce grade le 11 novembre 1913. Trois mois plus tard, jour pour jour, il est promu sergent.

 

Juillet 1914, les rapports avec l’Allemagne sont de plus en plus difficiles, à tel point que le travail des diplomates, très rapidement, devient caduc.

 

Début août 1914, la guerre est sur le point d’être déclarée. Eugène Goudard porte toujours l’uniforme. Il sert dans la 7e compagnie, sous les ordres du capitaine Coussaud-de-Massignac.

 

Son régiment est une unité de couverture. Le 149e R.I. doit envoyer son 1er échelon en direction de la frontière allemande, et ce, avant même que la déclaration de guerre ne soit officiellement annoncée. 

 

Dans la matinée du 1er août 1914, la 7e compagnie prend la direction de la gare d’Épinal. Elle est une des dernières compagnies du régiment à quitter la caserne Courcy. Le train est chargé d’acheminer les trois compagnies du 2e bataillon qui sont encore présentes dans la cité spinalienne ; il part à 10 h 10. Les hommes descendent sur les quais de la station de Bruyère deux heures plus tard.

 

Le reste du chemin qui mène à proximité de la frontière se fait progressivement par marches successives, pour l’ensemble du régiment.

 

Le 9 août 1914, c’est le baptême du feu. L’engagement débute à 12 h 30. Celui-ci a lieu du côté du Renclos-des-vaches, près du village de Wisembach. La 7e compagnie a été désignée pour défendre le drapeau. Elle constitue la réserve du régiment. Cinq heures après les premiers échanges de tirs, la compagnie du capitaine Coussaud-de-Massignac est envoyée sur les lieux des combats. Le sergent Goudard est blessé à ce moment-là. Il a la chance de pouvoir être évacué vers l’arrière.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

La Chaume de Lusse

 

Le sergent Goudard rejoint le front le 20 novembre 1914. Il retrouve son ancien régiment qui combat en Belgique depuis plusieurs semaines. Eugène est réintégré dans les effectifs de la 7e compagnie.

 

Le 149e R.I. est envoyé sur le front d’Artois, dans le secteur de Noulette. Nous sommes en décembre 1914.

 

Eugène Goudard est promu adjudant le 23 janvier 1915.

 

Début mars 1915, la 7e compagnie, sous les ordres du capitaine Guilleminot, est rappelée d’urgence de sa zone de repos. Elle doit rejoindre la 1ère ligne au plus vite pour soutenir les éléments du régiment qui sont en grand danger suite à une violente attaque allemande.

 

Eugène sort indemne de cette nouvelle expérience du feu. Plusieurs officiers ont été tués ou blessés au cours de l’offensive. Il faut les remplacer.

 

L’adjudant Goudard est nommé sous-lieutenant à titre temporaire pour la durée de la guerre, suite à une décision prise le 31 mars 1915 par le général commandant en chef.

 

Même si les  dates ne sont pas connues, il a forcément suivi un stage et un examen pour devenir chef de section. Ce sésame est indispensable pour devenir adjudant et sous-lieutenant. Certains sergents devenaient adjudants le temps de faire leurs preuves avant de devenir sous-lieutenant. C’est probablement le cas d’Eugène.

 

La section du sous-lieutenant Goudard participe aux combats des mois de mai et de juin. Il s’illustre au cours d’une attaque de nuit qui lui vaut une citation à l’ordre du corps d’armée.

 

Eugène Goudard est mortellement blessé durant une attaque menée par sa section au cours de la prise du bois en Hache le 26 septembre 1915. Il allait fêter ses 24 ans.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante. 

 

Carte 1 journee du 26 au 27 septembre 1915n(2e partie)

 

Les circonstances de sa mort et de ses dernières heures de vie sont connues. Elles sont évoquées dans une lettre rédigée par le sergent Monnet, conservée aux archives départementales du Pas-de-Calais.

 

« … Nous passâmes le restant de la nuit à la T.D.A. (tranchée de défense arrière), ligne de repli solide située à 200 mètres du chemin creux. Il n’y avait pas d’abri, et le lieutenant passa la nuit sur un banc de terre aux côtés du sous-lieutenant Nold et du sous-lieutenant Relu (le 1er est actuellement commandant de la 5e compagnie, le second fut tué dans les mêmes conditions et à la même heure que le lieutenant Goudard).

 

Je ne le revis que le 25 vers 7 h 00. Je suis resté près de lui jusqu’à 13 h 00, moment auquel nous allâmes renforcer les 1ère vagues. Le lieutenant Goudard était très fatigué, très pâle. Il ne prit dans la matinée qu’un peu de café chaud et d’alcool. Il m’en offrit même. Il ne cessa de plaisanter, avec son demi-sourire habituel, au sujet des mille embarras de notre situation.

 

Jamais il ne quitta sa douceur et sa gentillesse qui lui étaient coutumières. Mais il semblait, à ses yeux tristes, qu’il devinait que notre assaut lui serait fatal.

 

À 13 h 00 environ, une demi-heure après l’attaque des chasseurs, le fourrier de la compagnie vint nous appeler à la rescousse. Dans le même ordre que la veille, nous avançâmes par le boyau Defrasse sous un bombardement infernal. On n’entendait rien, on ne voyait rien. Nous étions comme ivres. Nous restâmes le restant de la journée et une partie de la nuit du 25 au 26 dans les abris du chemin creux où je ne vis pas le lieutenant.

 

Vers deux heures du matin, nous allâmes relever en première ligne, dans la parallèle de départ, entre les sapes 4 et 4 bis. Le lieutenant Goudard se tint presque constamment dans le P.C. du capitaine où il prit un peu de repos et quelques aliments. Chargé de plusieurs missions, je ne revis le lieutenant Goudard que quelques minutes avant l’attaque, de 13 h 00 à 13 h 10. Il chargeait son révolver, appuyé contre la tranchée. Il paraissait absolument sans aucune force, mais son visage avait toujours, dans son expression un peu féminine, le même éclat illuminé, comme irradié.

 

Il a fallu, au moment décisif, qu’il fasse un effort de volonté immense. Comme personne ne l’avait suivi, il revint en arrière, et se penchant au-dessus de la tranchée, il cria à ses hommes : « Oh les chameaux ! Allons, en avant ». Et tous les hommes qui restaient valides le suivirent.

 

Je ne pris pas part personnellement à l’attaque, ayant été blessé légèrement à la tête. Ce n’est que le lendemain que j’appris par des cuisiniers qu’il avait été touché. Personne ne savait exactement s’il avait été blessé ou tué. Enfin, le surlendemain, on apporta son corps dans la chapelle de l’ambulance à Sains-en-Gohelle. Lorsque je me rendis près de lui, il était déjà en bière.

 

C’est moi-même qui ai commandé le peloton d’honneur funèbre. Avec quelle émotion je criais à mes hommes, pour mon chef de section de plusieurs mois de souffrances et d’héroïsme, que j’aimais et vénérais infiniment : «  présenter armes ».

 

Son ami, l’abbé Chapeau, réussit à obtenir un laissez-passer pour aller annoncer la terrible nouvelle à la famille. Les parents d’Eugène étaient déjà dans l’inquiétude de ne plus recevoir de  nouvelles de leur fils aîné, Fernand.

 

Le 6 octobre 1915, le sergent-major François Louis Pierre Cliquet et le clairon Claude Amour, signent en tant que témoins l’acte de décès du sous-lieutenant Goudard rédigé par le sous-lieutenant Alexandre Mortemard de Boisse, qui assure les fonctions d’officier de l’état civil au 149e R.I..

 

Le 27 octobre 1915, le chef du 149e R.I., le lieutenant-colonel Gothié, rédige ceci dans le feuillet individuel de campagne : « Jeune officier plein d’allant et d’entrain, énergique, courageux, prêchant d’exemple en toute circonstance. Excellent chef de section, cité à l’ordre du C.A. pour sa belle conduite à l’attaque du 29 mai. Blessé mortellement le 26 septembre devant Angres en entraînant sa section à l’assaut »

 

L’acte de décès du sous-lieutenant Goudard est transcrit à la mairie de Divonne-les-Bains le 8 décembre 1915.

 

Fernand, qui a été considéré comme disparu jusqu’en 1921, est en fait « mort pour la France » le 11 mai 1915 à Sedd-Ul-Bahr, dans la péninsule de Gallipoli.

 

Une petite plaque en marbre, pourtant les noms des deux frères tués à la guerre, a été déposée sur une tombe qui se trouve dans le cimetière de Divonne-les-Bains.

 

Sepulture cimetiere Divonne-les-Bains

 

Eugène et Fernand ne se sont pas mariés et n’ont pas eu de descendance.

 

Sous-lieutenant Goudard

 

Le sous-lieutenant Eugène Goudard  a obtenu les citations suivantes :

 

Citation à l’ordre du 21e C.A. n° 49 du 18 juin 1915 :

 

« Officier d’une très grande valeur ayant toujours fait preuve de bravoure et de qualités militaires remarquables. À l’attaque de nuit du 39 mai 1915, a entraîné sa section sous une grêle de balles jusque dans la tranchée allemande, l’a fait organiser et s’y est maintenu sous les bombes. »

 

Citation à l’ordre de la 10e armée n°121 en date du 21 octobre 1915 :

 

« Le 26 septembre 1915, devant Angres, a été tué en entraînant brillamment sa section à l’attaque des tranchées allemandes, sous une fusillade et un bombardement des plus violents. Officier brave et plein d’entrain, déjà blessé et cité à l’ordre du corps d’armée. »

 

Le nom du sous-lieutenant Goudard est gravé sur le monument aux morts de la commune de Divonne-les-Bains.

 

Sources :

 

Dossier individuel provenant du Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Les sites des archives départementales de l’Ain et du Pas-de-Calais ont été consultés.

 

La photographie représentant la sépulture provient du site Généanet.

 

Le portrait qui se trouve sur le 1er montage est un envoi d’A. Décotte.

 

Le cliché représentant la plaque en marbre est un envoi de T. Cornet.

 

La photographie du bois en Hache qui se trouve sur le dernier montage a été réalisée par T. Cornet.

 

Pour connaître la généalogie de cet oficier, il suffit de cliquer une fois sur le lien suivant :

 

Geneanet

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet, à A. Décotte, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales du Pas-de-Calais.

29 novembre 2019

Gustave Henri Colazet (1882-1915)

Gustave_Henri_Colazet

 

Gustave Henri Colazet voit le jour le 14 août 1882 à Romeyer dans le département de la Drôme. Son père, qui se prénomme Jean Marie, exerce le métier de garde forestier. Sa mère, Marie Adélaïde Tholozan complète le revenu du couple avec son salaire de ménagère tout en élevant un premier enfant, né en 1878. Les parents sont respectivement âgés de 41 et de 28 ans à la naissance de Gustave.

 

 

La fiche signalétique et des services de Gustave Colazet, accessible sur le site des archives départementales de la Drôme, nous informe qu’il possède un degré d’instruction de niveau 3 et qu’il fut employé comme garçon pharmacien.

 

Il a probablement peu de considération pour cette profession qui ne lui offre pas un avenir intéressant. L’année de ses 19 ans, il va à la mairie de Die pour y signer un engagement volontaire de 4 ans, après avoir obtenu l’accord paternel.

 

Le jeune Romeyais choisit l’infanterie. Une fois descendu l’escalier de la gare de Bourgoin, il se rend directement à la caserne du 22e R.I. pour y prendre ses quartiers. Nous sommes le 30 septembre 1901. C’est dans ce régiment qu’il a souhaité être formé au métier des armes.

 

Camp_de_Sathonay

 

Indépendamment de son installation dans la petite ville de l’Isère, le 22e R.I. possède également des bâtiments qui hébergent deux de ses bataillons au camp de Sathonay, à quelque 53 kilomètres, au nord de Lyon.

 

Le capitaine responsable de la compagnie du soldat Colazet inscrit ce dernier au peloton des élèves caporaux l’année suivante. Gustave est autorisé à porter les galons de laine rouge à compter du 23 août 1902.

 

Le 24 février 1903, il est nommé sergent.

 

Ses conditions de vie de sous-officier lui conviennent parfaitement. Ne souhaitant pas retourner à la vie civile, il prend, quelques mois avant la fin de son contrat, la décision de poursuivre sa carrière militaire. Le 17 mars 1905, Gustave Colazet signe un nouvel engagement de trois ans qui doit prendre effet à compter du 28 septembre.

 

Un deuxième rengagement de durée équivalente est enregistré à la date du 18 août 1908. Un troisième contrat de 5 ans est ratifié le 4 août 1911.

 

Gustave fait la connaissance de Marie Augustine Jeanne Mercier, une jeune femme originaire de Mâcon. Le 20 janvier 1912, les futurs mariés célèbrent leur union dans la petite commune de Domarin, après avoir obtenu l’autorisation du conseil d’administration du 22e R.I..

 

Gustave Colazet est promu adjudant cinq mois plus tard. Cela fait maintenant presque douze ans qu’il a revêtu sa tenue de soldat pour la première fois.

 

Les Colazet donnent vie à un premier enfant. Paul Maurice naît le 16 mars 1913.

 

Les menaces de guerre contre l’Allemagne ne sont pas encore d’actualité et personne ne s’imagine qu’un évènement mondial, catastrophique pour l’humanité, va débuter l’année suivante.

 

Juillet 1914 : il faut se rendre à l’évidence, le conflit armé contre l’ancien ennemi de 1870 ne peut plus être évité. La France décrète la mobilisation générale le 1er août 1914. Les premiers réservistes du 22e R.I. affluent à la caserne dès le lendemain.

 

Les portions principales du régiment, installées au camp de Sathonay, prennent le train pour rejoindre Bourgoin le 2 août.

 

Six jours plus tard, le 22e R.I. est au complet. Il lui faut maintenant gagner ses cantonnements de concentration dans la vallée de la Moselle. Les hommes s’installent dans les villages de Jarménil et d’Eloyes en attendant de rejoindre la frontière alsacienne.

 

Gustave Colazet survit à toutes les épreuves subies par sa compagnie durant les semaines suivantes.

 

Septembre 1914 : son régiment est dans la Somme. Le 22e R.I. reçoit l’ordre de prendre le village de Foucaucourt. Les combats sont violents. Les pertes en officiers sont importantes. Gustave Colazet est nommé adjudant-chef le 30 septembre 1914. Il est maintenant responsable d’une section de compagnie.

 

Quelques semaines auparavant, l’adjudant Colazet est devenu père pour la seconde fois. Combien de temps cette nouvelle mit-elle pour lui parvenir dans cette période chaotique ?

 

Le 28 novembre, le 1er bataillon du régiment, commandé par le chef de bataillon Quinat, participe à une offensive qui doit permettre la prise des villages de Fay et de Dompierre. Gustave est blessé au cours de cette attaque.

 

Une double plaie par balle à la fesse gauche le fait évacuer vers l’arrière.

 

Une fois remis de ses blessures, il rejoint le dépôt du 22e R.I. où ses qualités furent reconnues suffisantes pour être nommé officier. Il est impossible de savoir à quel moment il passa l’examen de chef de section, avant-guerre ou pendant ce passage au dépôt. Gustave, nommé sous-lieutenant le 11 mai 1915, attend son affectation. Il finit par rejoindre le 149e R.I. le 26 juin 1915.

 

Le lieutenant-colonel Gothié l’envoie aussitôt à la 12e compagnie de son régiment. 

 

Le sous-lieutenant Colazet participe à toutes les opérations menées par sa compagnie jusqu’à la date du 26 septembre 1915.

 

Ce jour-là, son régiment, qui était en réserve de division, se retrouve engagé dans une offensive qui a débuté la veille. Toutes les unités de la 43e D.I. sont impliquées dans cette mission. Il faut absolument prendre le bois en Hache. Le sous-lieutenant Colazet ne verra pas grandir ses enfants, il est tué en cours d’attaque.  

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés le 26 septembre 1915, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte_2_journ_e_du_26_au_27_septembre_1915

 

Le 28 octobre 1915, le plus haut gradé du régiment, le lieutenant-colonel Gothié écrit ceci : «Excellent officier sous tous les rapports, venu des adjudants-chefs du 22e R.I.. Sérieux, calme et énergique, intelligent et dévoué, très courageux, vient d’être tué au combat du 26 septembre 1915 où il s’est signalé par sa belle conduite. »

 

L’acte de décès officiel de cet officier est envoyé à la mairie de Domarin le 24 mars 1916.

 

Le sous-lieutenant Colazet a obtenu sa croix de guerre avec palme à titre posthume. Il fut cité à l’ordre n°121 de la 10e armée le 21 octobre 1915 avec la mention suivante :

 

« Le 26 septembre 1915, devant Angres, a été tué en entraînant sa section à l’attaque d’une position ennemie, sous un feu violent de mitrailleuses. Officier d’une grande bravoure, blessé déjà grièvement au cours de la campagne.»

 

Gustave Colazet est actuellement inhumé dans le carré militaire du cimetière communal de Sains-en-Gohelle en Artois. Sa sépulture porte le n° 45.

 

 

Le nom de cet officier est gravé sur le monument aux morts de la commune de Domarin.

 

Le 25 septembre 1920, son épouse, Marie Augustine Jeanne Mercier, s’est remariée avec Louis Rigolet à Bourgoin. 

 

Dans l’état actuel des archives qui se trouvent en ligne, il est impossible de savoir ce que sont devenus les enfants nés du couple Colazet.

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Historique du 22e R.I.. Texte rédigé par le capitaine M. Albert. Lyon, Imprimeries réunies. 1920. B.D.I.C. de Nanterre. 

 

La fiche signalétique et des services de cet officier a été lue sur le site des archives du département de la Drôme.

 

Le portrait du sous-lieutenant Colazet provient de la revue « illustration » de 1915-1919.

 

La photographie de sa sépulture a été réalisée par T. Cornet.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

22 novembre 2019

De l’initiation au perfectionnement du tir au 149e R.I..

Le tir au 149e R

La lecture d’un petit carnet individuel qui appartenait à un soldat du 149e R.I. nous permet d’en apprendre davantage sur la pratique du tir durant les obligations militaires. Cette discipline était la plus importante de l’instruction du soldat dans un régiment d’infanterie.

Passer de l’initiation à la maîtrise parfaite du Lebel nécessitait souvent un travail de longue haleine.

La photographie suivante nous montre deux cibles et une silhouette qui ont été directement tracées sur le mur d’un des bâtiments de la caserne Courcy.

Cibles d'apprentissage au tir

Dans un premier temps, la jeune recrue devait apprendre à manipuler le fusil en utilisant des balles d’instruction en bois. Les cibles peintes permettaient de se familiariser avec les rudiments de la visée avant d’aller pratiquer sur le champ de tir.

La plupart du temps, les hommes devenaient des tireurs tout à fait honorables une fois leur passage sous les drapeaux terminé.

Au début, certains gauchers devaient probablement rencontrer quelques difficultés pour armer et tirer correctement avec une arme construite pour les droitiers. Ils étaient tenus de s’habituer au maniement de la culasse à droite et se mettre au diapason des camarades pour prendre la visée.

Des problèmes importants de myopie pouvaient également embarrasser quelques tireurs lorsque leur pathologie oculaire n’avait pas été signalée ou diagnostiquée lors du passage devant du conseil de révision. Le port de lunettes devenait plus que nécessaire !

Pour l’élite, plus rares encore étaient ceux qui perforaient le cœur de la cible en toute circonstance.

Le petit livret retrouvé date de l’année 1900. Il fut la propriété d’un certain soldat Emmonot. Cet homme faisait partie des effectifs de la 13e compagnie du 4e bataillon du 149e R.I., une unité rattachée au groupe de forteresse de la place d’Épinal.

Chaque appelé avait l’obligation d’apporter son carnet dès qu’il se rendait sur le champ de tir.

Champ de tir d'Epinal

Un supérieur marquait,sur le figuratif de la cible du carnet, la position du point d’impact après chaque coup effectué. De cette manière, chacun pouvait se rendre compte de la valeur de ses tirs, tout en suivant sa progression au fur et à mesure des difficultés techniques imposées par les objectifs fixés.

Extrait du règlement relatif à l’instruction sur le tir (ce texte figure dans le carnet de tir du soldat Emmonot)

Carnet individuel de tir du soldat Emonnot

1) Du tir d’instruction au tir d’application

Dans les tirs d’instruction, le point à viser est marqué sur une cible particulière par un cercle en papier noir. Avant de tirer, chaque soldat doit reporter à l’œil, sur la cible qui lui est affectée, et le plus exactement possible, la position du point marqué. C’est sur ce point, et non sur le centre de la cible, que le tireur doit diriger sa ligne de mire.

Carnet individuel de tir du soldat Emmonot 1

Les deux premiers tirs d’instruction sont des tirs préparatoires destinés à familiariser le soldat avec le tir à balles. Ces deux tirs ne comptent pas pour le classement des tireurs

Tout homme qui, dans les cinq tirs d’instruction, n’a pas obtenu au moins 25 points n’est pas admis aux tirs d’application. Il doit recommencer une série de tirs d’instruction fixée par le capitaine. Il ne passe aux tirs d’application qu’après constatation de ses progrès. Il prend la série des tirs d’application à la séance où il se trouve.

Carnet individuel de tir du soldat Emmonot 2

2) Classement des tireurs

Les sous-officiers, caporaux et soldats qui ont obtenu 36 points aux tirs d’application forment la 1ère classe ; ceux qui ont obtenu moins de 36 points forment la 2e classe ; ceux qui n’ont pas été admis aux tirs d’application forment la 3e classe.

3) Récompenses des tireurs

Par compagnie : une épinglette en argent, trois cors de chasse brodés en or et un cor de chasse en drap pour cinq hommes sont décernés aux meilleurs tireurs, caporaux et soldats.

Dans le régiment : 3 épinglettes et six cors de chasse brodés sont alloués aux sous-officiers armés du fusil, à la suite d’un concours réglé par le colonel.  

Recompenses de tir au 149e R

4) L’épingle et le cor de chasse sont la propriété de l’homme qui les porte pendant toute la durée de son service et dans la réserve.

Les militaires qui obtiennent,durant deux années consécutives, le cor de chasse brodé reçoivent en échange un cor de chasse surmonté d’une grenade brodée.

Les noms des tireurs qui ont été récompensés sont mis à l’ordre du régiment.

L’état nominatif de ces tireurs est également affiché à la salle des rapports et dans les chambres.

La mention des récompenses est portée au livret individuel. Les bons tireurs ont droit à des faveurs spéciales accordées par le colonel.

Il existait également une page consacrée au tir à la cible dans le livret militaire du fantassin. Voici celle, peu renseignée, qui est extraite de celui du soldat du 149e R.I., Joseph Ernst de la classe 1904.

Livret militaire du soldat Joseph Ernt

Fiers de leur réussite et de leur gratification, les hommes se rendaient assez régulièrement chez le photographe pour se faire « immortaliser » avec le cor de chasse cousu sur la manche gauche de leur uniforme.

Comme le laisse sous-entendre le montage suivant, les soldats représentés semblent avoir été photographiés avec la même vareuse, probablement prêtée par le professionnel.

Portraits de soldats du 149e R

Source :

Carnet individuel de tir du soldat Emmonot.

Pour en apprendre davantage sur l’instruction du tir dans l’infanterie, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Gallica

La fiche signalétique et des services du sergent Bazaine, gagnant de la montre offerte pour le 2e prix du concours de tir du 149e R.I. de 1895, visible sur les montages, ainsi que la fiche du soldat Emmonot, propriétaire du carnet individuel de tir, n’ont pas été retrouvées.

Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto, à A. Carrobi et à G. François. 

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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