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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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19 mars 2021

Les adjudants-chefs et les adjudants du 149e R.I. de 1911 au baptême du feu

Les adjudants du 149e R

 

Il est souvent difficile de distinguer sur une photographie en noir et blanc un sous-lieutenant d'un adjudant. L'adjudant fut le grade le plus élevé parmi les sous-officiers jusqu'à la création de celui d’adjudant-chef en 1912. Le sous-lieutenant est le premier grade des officiers. Les différences d’uniformes entre ces deux fonctions d’encadrement ne sont pas toujours évidentes à discerner.

 

Retrouver les adjudants sur les photographies du 149e R.I. d’avant-guerre

 

S'ils sont compliqués à reconnaître sur des images, il est toutefois possible d'en retrouver la trace dans les albums régimentaires d'avant-guerre et de suivre le parcours de certains à partir de la mobilisation. C’est l’album régimentaire du 149e R.I. de l’année 1911 qui va nous servir de base pour cette recherche.

 

En dehors des officiers supérieurs qui sont tout en haut de la pyramide hiérarchique, il n’est pas rare de voir des hommes bien plus âgés que d’autres sur les photographies qui figurent dans cet album. Certains ont même les bacchantes un peu grisonnantes ! Nous sommes en présence des  adjudants.

 

Les adjudants du 149e R

 

Les douze portraits représentés sur les deux montages précédents sont extraits de la photographie de groupe des sous-officiers de cet album.

 

Photographie des sous-officiers du 149e R

 

En dehors de la silhouette caractéristique du sous-chef de musique Drouot, il n’a pas toujours été simple de retrouver la compagnie d’appartenance pour plusieurs de ces sous-officiers, d’autant plus que certains d’entre eux sont des adjudants de bataillon.

 

Les liens « portraits/compagnies » ont également été compliqués à faire en raison du flou lié à un agrandissement important, d’un changement de posture, d’une modification dans la tenue vestimentaire, ou encore d’une tête tournée, tantôt à droite, tantôt à gauche.

 

Les adjudants du 149e R

 

Les portraits suivants proviennent tous des clichés des compagnies du 149e R.I. réalisés la même année. Ces visages complètent en grande partie le nombre d’adjudants qui se trouvaient au sein du régiment moins de trois ans avant le début des hostilités contre l’Allemagne en août 1914.

 

Les adjudants du 149e R

 

Mis à part les nominations au grade d’adjudant-chef (grade qui fut créé en 1912), l’avancement de quelques sergents rengagés à la fonction d’adjudants et la fin d’un contrat non renouvelé pour certains, il y a fort à parier qu’il n’y a pas eu beaucoup de changement dans l’équipe des adjudants depuis leur passage devant l’objectif en 1911 jusqu'à l’orée du conflit. Ce ne fut pas le cas pour les officiers.

 

Les mutations à ce niveau de grade étaient fort rares, voire inexistantes. Ces hommes devaient connaître tous les rouages de la caserne pour mener à bien leur tâche. Ce qui était chose facile lorsqu’ils avaient fait la presque totalité de leur carrière dans le même régiment.

 

Les adjudants s’occupaient essentiellement de l’administratif, du matériel et de la surveillance des hommes. Malgré le nombre d’années conséquent à porter l’uniforme, ces « vieux » soldats n’eurent jamais la possibilité d’être promus officiers. Leur niveau scolaire ne leur permettait pas de tenter le concours d’entrée de l’école de Saint-Maixent.

 

Si ces sous-officiers s’étaient à nouveau fait photographier dans le but de figurer dans les albums des années 1912 et 1913, à quelques exceptions près, la configuration du cliché aurait été à peu près identique à celle de l’année 1911.

 

Les tableaux suivants indiquent les noms de quelques sous-officiers rattachés à leurs compagnies, juste avant l’ordre de mobilisation générale en août 1914.

 

 

La place des adjudants-chefs et des adjudants dans l'encadrement en 1914

Les effectifs du régiment à la mobilisation

 

Les compagnies ont un effectif de temps de paix lorsque le 149e R.I. reçoit l’ordre de se diriger vers la frontière le 1er août 1914. Ce jour-là, ce 1er échelon composé de soldats de la classe 1911, 1912 et 1913 quitte la caserne Courcy. Le 149e R.I. fait partie des troupes de couverture. Trois sous-lieutenants de réserve sont arrivés à temps pour être incorporés à l’équipe des cadres. À cette date, un grand nombre de sections reste toujours sous l’autorité des sous-officiers. 

 

 

Les effectifs sur pied de mobilisation

 

Les réservistes commencent à affluer au dépôt d’Épinal pour être équipés. Ces hommes, qui constituent le 2e échelon, rejoignent le 1er échelon le 4 août à Vanémont. Celui-ci est encadré par une quinzaine d’officiers. 

 

 

Les effectifs de guerre

 

Le régiment est maintenant au complet. Les officiers réservistes et ceux qui étaient restés au dépôt prennent le commandement d’une section. Ils se substituent ainsi aux sous-officiers qui passent maintenant sous leurs ordres. Trois Saint-Cyriens et deux Saint-Maixantais, arrivés dans la soirée, viennent compléter l’équipe des cadres.

 

Treize sections, voire quatorze, sont toujours sous l’autorité de sous-officiers. Elles le resteront jusqu’au 1er engagement du régiment qui aura lieu au Renclos des vaches, près de Wisembach, le 9 août 1914.

 

 

Il y a de fortes probabilités pour que les noms inscrits dans les cases grises soient bien ceux des sous-officiers qui ont commandé une section à la veille du baptême du feu reçu le 9 août 1914, mais ce n’est pas une certitude. Les fiches matricules et les citations obtenues par ces hommes, qui ont été pour la plupart retrouvées, ne sont pas assez précises pour l’affirmer complètement.

 

Destin de quelques adjudants

 

Adjudant Jean Cerclier

 

Une lettre rédigée le 13 août 1915 par le sous-lieutenant Louis Joseph Demangeon nous éclaire un peu plus sur le devenir de certains d’entre eux.

 

Cette correspondance est adressée à son camarade de régiment, l’adjudant Cerclier. Ce sous-officier d’active est en captivité depuis bientôt un an. Il  n’a pas eu de nouvelles du régiment depuis qu’il a été fait prisonnier.

 

Épinal, 13 août 1915

 

Mon cher Jean,

 

Je viens de rencontrer ta belle sœur qui m’a fait part de ton désir et je m’empresse de le satisfaire.

 

Je savais que tu avais été changé de camp et ne connaissant pas ta nouvelle adresse, je ne pouvais correspondre avec toi.

 

Je suis revenu au dépôt depuis un mois et je m’attends tous les jours à retourner au front. J’ai été blessé deux fois déjà, mais il n’y paraît plus guère.

 

De l’ancienne 6e, Populus seul est mort, on a retrouvé son cadavre à Ménil. Le fils est au régiment de réserve avec Rigolley. Galliot blessé en octobre au pied gauche, revenu au dépôt en juillet, est de nouveau hospitalisé à Montpellier. J’ai revu « le Pott », il est dans un régiment de territoriaux. Il est devenu très vieux et comme toi, ne savait plus rien du régiment.

 

Les vieux ne sont plus guère en vie. Brayet disparu, Hardy, Poirine, Veuchey, Dodin aussi. Guillaume amputé du bras droit est réformé. Damideau, Georgy, Prenez, Chauffenne sont sous-lieutenants et toujours là. Christ tué, Delhotal, Fix, prisonniers, Marchand encore à l’hôpital ainsi que Sibille.

 

Guenot, aspirant, toujours là et toujours le même. Doridant aspirant, Pelletier sous-lieutenant, Maire au dépôt. Richard et Kolb, sous-lieutenants.

 

Dudillieu tué, ainsi que Pasquier, Rémy et Léandri. Romaire, Marey, Thomas, Bruley sont toujours au régiment de réserve. Chapuis, de ta compagnie, est sous-lieutenant. Ferrand est sous-lieutenant et Lebeau adjudant-chef. Le vieil adjudant-chef Noël, blessé le 18 août, est décoré de la Légion d’honneur et présent ici, mais incapable de faire campagne.

 

Rouganne, officier d’approvisionnement. Baranger, Bienfait, tués tous les deux.

 

Ledrappier au dépôt momentanément et Motel au 170e R.I., sous-lieutenants tous les deux. Prétet, Gérardin, Guilleminot n’ont encore pas été touchés et sont les seuls qui restent du début sans une blessure. Schalk, chef de bataillon ainsi que Roman et Reithinger. Des quantités de jeunes sous-officiers ont été promues sous-lieutenants. Je ne les connais pas tous, tellement cela change vite.

 

Ici, tout est calme et la vie aussi régulière qu’avant la guerre.

 

Fourneret, que j’oubliais, est au front pour remplacer l’officier payeur.

 

Je pense que ta blessure est complètement guérie et que tu es en bonne santé, que tu ne t’ennuies pas trop à attendre ta délivrance, garde l’espérance de nous revoir, comme nous avons l’espoir de vaincre.

 

Dans cette espérance, mon cher vieux camarade, encore une fois patience et courage.

 

Je t’embrasse fraternellement,

 

Je joins à cette lettre ma binette.

 

La consultation des listes des pertes du 149e R.I., pour les premiers mois du conflit, a permis de retrouver quelques prénoms d'hommes nommés dans cette correspondance. Beaucoup n’ont pas pu être identifiés complètement. Leurs fiches signalétiques et des services sont restées introuvables. Plusieurs portaient les galons de sergent-major en août 1914.

 

Il est bien évident qu’il était irréaliste d’associer une identité à chaque visage pour chaque adjudant-chef et pour chaque adjudant figurant sur l’album régimentaire de l’année 1911 simplement à partir de cette lettre.

 

En combinant toutes les sources possibles (lettre du sous-lieutenant Demengeon, registres matricules, citations publiées dans les J.O., dossiers individuels du S.H.D. de Vincennes, fiches des prisonniers du C.I.C.R., J.M.O. du 149e R.I. et album régimentaire de l'année 1911), cette association n'a pu se faire que pour 9 d'entre eux.

 

Les adjudants-chefs et les adjudants connus à la veille de la mobilisation générale

 

N’oublions pas les « vieux de la vieille » du 149e R.I. qui sont directement passés au 349e R.I. lorsque celui-ci s’est constitué le jour de la mobilisation générale.

 

Voici ceux qui ont été mentionnés dans le courrier du sous-lieutenant Demengeon pour qui l’identité complète a été retrouvée.

 

 

L’identification de l’auteur de la lettre a été rendue possible en comparant la signature avec celle qui se trouve sur son acte de mariage.

 

L’espoir du sous-lieutenant Demangeon de revoir son camarade après la guerre est resté vain. Cet officier est mort des suites de ses blessures le 6 septembre 1916, à Soyécourt.

 

Pour en savoir plus sur le sous-lieutenant Demangeon, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Louis Joseph Demengeon

 

Les adjudants-chefs et les adjudants payèrent un lourd tribut durant tout le conflit. Un gros pourcentage des hommes évoqués ici n’est pas rentré au pays.

 

Beaucoup sont devenus officiers avant de trouver la mort. Quelques-uns sont allés jusqu’au grade de capitaine. En raison des pertes en cadres (il y a eu plus d’une centaine de tués pour le 149e R.I.), la guerre fut l’occasion d’une accélération inouïe de l’avancement pour les sous-officiers de carrière, ce qui aurait été inenvisageable avant août 1914.

 

Sources :

 

« Distinguer et soumettre, une histoire sociale de l’armée française (1872-1914) de Mathieu Marly » Éditions Presses Universitaires de Rennes. 2019

 

Album régimentaire du 149R.I. de l’année 1911

 

Lettre du sous-lieutenant Demengeon. Fonds Cerclier (collection personnelle)

 

Copie de l’acte de mariage du sous-lieutenant Demengeon envoyée par la mairie du Tholy

 

Registres matricules trouvés sur différents sites des archives départementales. 

 

Site du Comité International de la Croix Rouge

 

Jounal officiel lu sur "Gallica"

 

J.M.O. du 149e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 696/8

 

Dossiers individuels de sous-officiers devenus officiers consultés au S.H.D. de Vincennes.

 

Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto,  à A. Carrobi, à J. Huret, à M. Lozano, à M. Porcher, à la mairie du Tholy et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

19 mars 2021

Paul Louis Émile Courtois (1897-1958)

Paul Louis Emile Courtois

 

Paul Louis Émile Courtois voit le jour le 9 avril 1897 à Varogne, une petite commune peuplée de moins de 200 habitants, située au nord-est de Vesoul, dans le département de la Haute-Saône. En 1894, son père, Émile Étienne, a épousé en secondes noces Marie Françoise Richard, la mère de Paul. Il est âgé de 36 ans à la naissance de son fils.

 

Sa première femme, Marie Augustine Lépagney, avec qui il a eu 6 enfants, est décédée l’année précédant l’arrivée de Paul. Seules deux filles ont survécu.

 

Marie Françoise Richard est âgée de 27 ans lorsqu’elle donne la vie à Paul. C’est son 3e accouchement. Elle a déjà perdu deux enfants morts-nés.

 

Les Courtois travaillent comme cultivateurs.

 

Marie Françoise meurt en couches en 1902 après avoir eu un garçon, né en 1898 et une fille née en 1900. Son dernier né ne survit pas à la naissance. Paul vient tout juste de fêter son cinquième anniversaire. Le père se retrouve seul avec une adolescente de 16 ans, une fille de 11 ans et trois enfants en bas âge.

 

Varogne

 

Émile Étienne se remarie une troisième fois, en 1904, avec Joséphine Émilie Aline Bretagne. Le couple aura une quinzaine d’enfants. L’année suivante, la famille Courtois déménage pour aller s’installer à la section des Rêpes, qui était, à ce moment-là, une zone agricole de la commune de Vesoul.

 

Paul Courtois quitte l’école communale en sachant correctement lire, écrire et compter, pour aller travailler aux champs.

 

Il a 17 ans lorsque l’ordre de mobilisation générale est affiché dans toutes les communes de France. Paul est bien trop jeune pour être concerné par ces évènements. Il sait qu’il a encore de longs mois devant lui avant d’être appelé sous les drapeaux. Peut-être même échappera-t-il à la guerre. Certains pensent sincèrement que les hostilités seront terminées en quelques semaines. La suite des évènements ne leur donnera pas raison. Le conflit finit par s’enliser dans une guerre de tranchées interminable.

 

La classe 1917, à laquelle Paul est rattaché, fut appelée bien avant l’heure de la conscription du temps de paix. Dès 1915, il doit se présenter devant le conseil de révision qui s’est réuni à la mairie de Vesoul. Paul étant en bonne forme physique, ce conseil le déclare bon pour les obligations militaires.

 

Peu de temps après, le futur soldat reçoit sa feuille de route qui lui ordonne de gagner Épinal. Il doit être au dépôt du 149e R.I. pour le 8 janvier 1916. Affecté à la 25e compagnie, sa formation militaire commence immédiatement.

 

Le 19 juillet, son chef d’escouade, le caporal Joly, le consigne au quartier pour une durée de deux jours. Le capitaine Delmaz transforme cette sanction en 4 jours d’arrêt de rigueur. Celle-ci est encore majorée par le chef de bataillon qui la fait passer à 8 jours. Le motif de la punition infligée est le suivant : « Au cours de l’inspection des hommes de son escouade, ce caporal, sous-pesant un sac, fit, à son détenteur, observer que le chargement était incomplet. Le soldat Courtois, présent, répondit,  faisant un geste obscène : "Sous-pèse voir celui-là". » 

 

Pour une jeune recrue, l'insolence de la réplique est énorme ! Elle dénote un caractère bien trempé.

 

Cet écart n'en fit pas un mauvais soldat : il n'y eut plus de punitions au dépôt et Paul se révéla être un excellent tireur.

 

À la mi-septembre, Paul quitte la caserne Courcy pour rejoindre le bataillon de marche du régiment qui cantonne à Fleury, dans le département de l’Oise. Il n’est pas encore tout à fait prêt pour être envoyé sur la ligne de front. Le soldat Courtois doit poursuivre son entraînement pour s’endurcir. Il doit devenir plus résistant à la marche en se déplaçant vite, sous n’importe quelle condition météorologique.

 

Le 20 novembre 1916, il est envoyé à Saint-Soupplets, en Seine-et-Marne, pour suivre une formation de signaleur-téléphoniste. Les cours dureront un mois. 

 

Paul poursuit ensuite ses apprentissages militaires au 1er groupe du bataillon d’instruction qui est installé à Rouvres.

 

Il obtient sa première permission à la fin du mois de janvier 1917. Traînant un peu trop pour revenir au bataillon, sa lenteur lui vaut 8 jours d’arrêt de rigueur.

 

Son lieutenant de compagnie lui a inscrit le motif suivant : « Titulaire d’une permission de détente de 7 jours pour Pusy-et-Épenoux (Haute-Saône), a mis 7 jours pour rejoindre la compagnie, alors qu’un de ses camarades, pour faire le même trajet, n’a mis que 4 jours. » Le chef de bataillon fait passer la punition à 15 jours. Sa formation militaire est sur le point de s’achever.

 

 

Le 16 février, le soldat Courtois part avec un renfort en direction du dépôt de la 43e D.I. qui est à Méziré, dans le département du Haut-Rhin. Ce dépôt divisionnaire change plusieurs fois d’emplacement avant que Paul ne soit envoyé dans la zone des combats.

 

Le 25 juillet 1917, il quitte la 4e compagnie du 149e R.I. du dépôt divisionnaire pour rejoindre le régiment actif.

 

Depuis plusieurs semaines, le 149e R.I. occupe un secteur du Chemin des Dames, à l’ouest du fort de la Malmaison, où il alterne périodes de repos et passages en première ligne, sans participer à de véritables combats.

 

Paul a probablement été versé à la 2e compagnie de mitrailleuses. Le jeune homme qui tient un petit carnet depuis son arrivée à la caserne Courcy, note, à la date du 9 août 1918 qu’il laisse derrière lui la 2e C.M. pour être affecté dans une autre compagnie du régiment.

 

Ce petit carnet ne contient que des dates et des lieux. Très rarement, l’auteur y mentionne un détail important de sa vie de soldat. Ce petit carnet reste tout de même un document d’un grand intérêt. Il ne faut pas oublier que le J.M.O. du 149e R.I. n’existe plus à partir de la date du 29 août 1914. Cette absence rend donc impossible le suivi à la loupe du régiment jusqu’à la fin du conflit. Grâce à des carnets tels que celui de Paul Courtois, il est tout à fait réaliste de pouvoir reconstruire de longues séquences de déplacements du régiment durant les quatre années de guerre.

 

Le soldat Courtois participe à la bataille de la Malmaison qui a lieu le 23 octobre 1917. Pour lui, c’est le baptême du feu. Il sort indemne de cette première expérience du combat.

 

Pour en apprendre davantage sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

Le 149e R.I. est envoyé en cantonnement de repos, dans la région ouest de Montmirail, après les combats de la Malmaison. Il s’installe ensuite près de Montbéliard, avant de repartir dans les Vosges, occuper un secteur autour du Violu. Le 15 janvier 1918, Paul obtient une permission de 15 jours. Il est de retour à la compagnie le 6 février. 

 

En avril, le 149e R.I. s’établit au nord-ouest de la forêt de Compiègne.

 

Fin mai 1918, le régiment spinalien est envoyé en hâte dans le secteur d’Arcy-Sainte-Restitue au sud-est de Soissons. Les Allemands viennent de faire une percée. Il faut vite stopper leur progression. Paul Courtois est blessé le 29.

 

Pour en savoir plus sur la journée du 29 mai 1918, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

La plupart du temps, il est quasiment impossible de retracer le parcours de soins d’un soldat blessé à partir des seules informations fournies par la fiche matricule.

 

Cette fois-ci, ce n’est pas le cas. La lecture du carnet de Paul permet une reconstitution complète de son itinéraire à partir de sa blessure jusqu’au moment où il se retrouve confortablement installé dans un lit d’hôpital.

 

Touché par une balle reçue dans la région sous nasale, la plaie nécessite une évacuation vers l’arrière, mais Paul n’a pas le droit à une ambulance. Il doit se rendre à pied jusqu’au dépôt des éclopés qui se trouve à la Ferté-Milon. Une longue marche de plusieurs kilomètres l’attend.

 

Les 30 et 31 mai 1918, il est à la gare régulatrice du Bourget.

 

Paray-le-Monial

 

Le 1er juin, Paul occupe un des 350 lits de l’hôpital principal n° 34 du service santé militaire ; cet hôpital est installé à l’intérieur de l’école Saint-Hugue à Paray-le-Monial.

 

Le 28 juin, Paul se rend à Pusey. Le jeune homme vient de bénéficier d’une permission de 17 jours. La famille Courtois est installée dans cette commune depuis 1917. Elle y loue ferme et terre pour mener son train de culture et élever, vaches, cochons, et basse-cour.  

 

Complètement rétabli, Paul Courtois gagne la gare régulatrice du Bourget depuis Pusey.

 

Début août, il est au camp de la Noblette. Le 9, Paul est muté à la 6e compagnie du 149e R.I.. Cette compagnie a été sérieusement éprouvée par une attaque au gaz le 30 juillet. Il faut reconstituer une partie de ses effectifs.

 

Le 26 septembre 1918, le 149e R.I. est de nouveau engagé dans une grande offensive au dessus de Perthe-lès-Hurlus, en Champagne. Paul Courtois, devenu voltigeur, sert toujours à la 6e. Cette compagnie est sous les ordres du capitaine Kolb.

 

Pour en savoir plus sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

Le 11 novembre 1918, Paul Courtois entend la sonnerie du clairon qui annonce l’armistice, à Remaucourt dans les Ardennes.

 

Il est mis en congé illimité de démobilisation le 1er octobre 1919 depuis le dépôt du 35e R.I., à Belfort. Paul se retire quelque temps à Pusey avec l’obtention de son certificat de bonne conduite.

 

Il se fait embaucher à la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques (future Alsthom), véritable aimant pour la main-d'œuvre de la région. Le livre n° 6 des entrées et des sorties du personnel de l’entreprise du 1er août 1914 au 10 décembre 1920 nous apprend que Paul Courtois s’est fait engager comme manœuvre, le 29 septembre 1920, à l'âge de 23 ans.

 

Paul s’installe à la cité du Salbert n°4 à Belfort. Il est affecté pour la mobilisation au 60e R.I.. Le 1er avril 1923, il dépend militairement du 146e R.I..

 

Paul Courtois épouse Marthe Marie Rosine Dravigney, à Chalonvillars, le 25 octobre 1923. Le couple vit dans cette commune jusqu’en avril 1928. Paul travaille toujours à la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques. Formé à l’intérieur de l’entreprise, il finira par devenir fraiseur-outilleur.

 

Marthe et son époux déménagent à Belfort pour emménager au n° 62 faubourg de Lyon, avec leurs deux filles, Paulette et Andrée.

 

Le 9 octobre 1935, la famille Courtois s’installe au n° 18 faubourg de Lyon.

 

Paul décède le 7 avril 1958 à Belfort, deux jours avant de fêter son 61e anniversaire. 

 

Décoration Paul Courtois

 

Paul Courtois a été décoré de la croix de guerre avec la citation suivante :

 

Citation à l’ordre du régiment n° 66 en date du 5 décembre 1918.

 

« Brave soldat qui a toujours eu une conduite parfaite en toutes circonstances et n’a cessé de faire son devoir pendant le long temps de service qu’il a accompli au front ».

 

La généalogie de Paul Louis Émile Courtois est consultable sur le site « Généanet ». Pour y avoir accès, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Geneanet

 

Sources :

 

Carnet de route et de cantonnements rédigé par Paul Louis Émile Courtois.

 

Les photographies, les documents et le carnet qui ont servi de support à la rédaction de cette biographie proviennent tous de la collection Gerber, famille descendante de Paul Louis Émile Courtois.

 

La fiche signalétique et des services du soldat Courtois a été consultée sur le site des archives départementales de la Haute-Saône.

 

Un grand merci à M. Bordes, à M. A. Mercerat, à  A. Carobbi, à J.L. Gerber, aux archives départementales de la Haute-Saône et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

12 mars 2021

27 septembre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

27 septembre 1918 l'abbe Henry temoigne

 

Tout comme pour la journée précédente, l’aumônier Henry évoque longuement ce qu’il a vécu durant le 27 septembre 1918. Cette fois-ci, il nous apprend que l’ennemi oppose une sévère résistance au 149e R.I.. Le 1er bataillon du régiment mêne toujours l'attaque. Face à lui, il a maintenant des éléments de la 3e division de la garde prussienne fraîchement arrivés dans le secteur.

 

La bataille est rude, l’ennemi est plus mordant, plus solide que les troupes affrontées la veille. Il finit par lancer une contre-attaque qui stoppe net l’avance du bataillon Hassler.

 

Dans son témoignage, l’abbé Henry évoque également l’épisode irrespectueux des droits de la Haye signalé par le commandant Fontaine, dans son article « Tactique appliquée d’infanterie » ; cet épisode concerne l’exécution de prisonniers du 149e R.I. par les Allemands.

 

Témoignage de l’abbé Henry : de la Tranchée de Postdam à la tranchée de Gratreuil

 

Pas de messe.

 

Ordre au 3e bataillon de se porter en avant. Je reste bientôt seul à la tranchée de Postdam avec la capitaine Bourgeois du 21e. La pluie commence à tomber. J’attends que le temps s’éclaircisse pour me porter en avant, moi aussi, dans la direction de la tranchée de Gratreuil.

 

On se bat en avant ; je voudrais savoir ce qui se passe. Les tanks semblent vouloir aller de l’avant ; ils passent à proximité de la tranchée, toujours accompagnés par le 21e R.I. dont un bataillon doit faire une escorte.

 

Des prisonniers ! Il en passe une soixantaine. Ils sont de la 3e division de la garde.

 

Tranchee de Posdam

 

Peu à peu, la solitude se fait au P.C. Postdam. On voit de-ci, de-là des isolés, des égarés à la recherche de leur compagnie. Ils ont de bonnes raisons ; ils ont accompagné des prisonniers, ils se sont perdus au retour…N’approfondissons pas !

 

Vers la tranchée de Gratreuil

 

9 h 00 : Il n’y a qu’à traverser la route et à s’en aller droit sur la rangée d’arbres qui est en face.

 

À gauche, Somme-Py est toujours aux mains des Boches qui ont l’air de se défendre là avec la dernière énergie. Les obus tombent un peu partout, les balles de mitrailleuses balaient la plaine.

 

Bois de la Fouine

 

Il est désert en ce moment. Pourtant, M. Richard y a son P.S.. M. Rouquier a dû s’y transporter également. Je ne les trouve pas et à vrai dire, je ne m’attarde pas bien longuement à les chercher. Un grand cimetière boche ; je passe rapidement. En face de moi, déployés en tirailleurs, couchés à même sur le sol, à peine masqués à gauche par une plantation de sapins, j’aperçois des nôtres.

 

De la tranchee de Posdam à la tranche de Grateuil

 

D’un trou, on m’appelle, c’est le lieutenant Ferry avec sa liaison. Je descends avec eux. Le lieutenant m’explique : les 1er et 2e bataillons sont en avant, le 3e a fait placer la 10e et la 11e Cie dans la tranchée de Gratreuil. La 9e est disposée en flanc-garde et surveille du côté de Somme-Py. Nous continuons en effet à être très en pointe et la situation pourrait devenir tragique si jamais les Boches étaient en mesure de contre-attaquer.

 

Je reste une heure avec la 9e, assez pour me rendre compte que les Boches ne sont pas loin à gauche ; car ils ont là une mitrailleuse qui tape sans arrêt et nous empoisonne.

 

Tranchée de Gratreuil - P.S. de M. Ruffin

 

L’installation n’est pas mauvaise ; les abris sont bons, quoique mal orientés ; on ne peut se garer efficacement d’un marmitage même soigné. Tout à l’heure, une cinquantaine de prisonniers sont passés, capturés sans doute par les chasseurs.

 

Au P.S. de M. Ruffin arrivent tous les blessés du 2e bataillon et du 1er. Je suis donc bien à ma place ici pour les voir au passage. Il en vient quelques-uns de 10 h 00 à 15 h 00. Faut-il prendre au sérieux les renseignements qu’ils donnent ? C’est plutôt vague.

 

M. Beloux a installé son P.S. sous la voie de chemin de fer qui est à 100 mètres devant nous. Il paraît qu’il y a là de bons abris. Décidément, les Boches en avaient partout. Sur le bord de la tranchée de Gratreuil, quatre pièces de 77 ont été abandonnées par les Boches qui n’ont pas eu le temps de les enlever.

 

C’est une bonne prise ; quel malheur que le coup de filet n’ait pas été plus fructueux ! Et dire qu’il aurait pu l’être ! Que Somme-Py lui-même semble avoir été abandonné un instant par les Boches dans la journée d’hier ! Ils n’ont pas été longs à y revenir et combien en force !

 

Le 1er bataillon est aux prises avec la tranchée de Nassau qui est à deux bons kilomètres en avant. Il y a, paraît-il, grande résistance.

 

15 h 00 : l’artillerie boche redouble d’intensité. Quelque chose se prépare. Le Boche n’est point du tout prêt à filer, il réagit et même violemment. Les obus doivent chercher notre artillerie qui elle aussi est obligée de se déplacer, d’avancer sans cesse. Et puis, il faut ravitailler les pièces ; cela doit offrir une grande difficulté.

 

Le colonel est blessé, mais légèrement. Voila la nouvelle apportée au P.S.. Le colonel à 15 h 00 se déplaçait pour s’établir tranchée de Gratreuil. On a vu des obus tomber dans son voisinage ; on l’a vu courir au P.S. de M. Rouquier. Mais non ! la nouvelle est inexacte, le colonel n’est pas blessé, il a reçu simplement une pierre sur la chaussure.

 

Que se passe-t-il en avant ? Le combat semble redoubler de violence. Voici des nouvelles ; elles sont mauvaises, très mauvaises. Le 1er bataillon a été cette fois vraiment contre-attaqué par la 3e division de la garde prussienne que j’ai signalée à tort dès hier. C’est aujourd’hui seulement qu’elle entre en scène.

 

La 1ère et la 2e compagnie, en flèche avancée, ont été enveloppées par les Boches. Le lieutenant Cazain de la 2e a été tué ou pris. On dit que les Boches furieux d’avoir été battus ont massacré leurs prisonniers. J’aime mieux croire que c’est faux.

 

La nouvelle de ce petit désastre produit une fâcheuse impression. Il semble que ce malheur aurait pu être évité et qu’on s’est trop pressé de nous pousser en avant, sous prétexte qu’il n’y a personne en face. Ce qui est vrai un moment cesse de l’être le moment suivant. Le sous-lieutenant Cazain, disparu, tué peut-être, c’est une très grosse perte. Voilà Robinet avec ses deux lieutenants tués ! Heureusement pour Saintot qu’il est en permission.

 

Je m’attendais à voir affluer les blessés de l’attaque. Il en vient peu ; donc les Boches ont réussi leur coup ; ils nous ont fait reculer et nos blessés sont restés entre leurs mains. Il n’y a pas à en douter, voilà le 1er bataillon bien abîmé. David, me dit-on, est malade à évacuer, sinon évacué.

 

Hélas ! Cela ne va plus ! Les heures dures commencent. Inutile de songer à la relève ; elle n’aura lieu que quand le régiment sera tout entier par terre !

 

Rocmort est rentré de permission et a rejoint son P.S. sous la voie ferrée. Tant mieux ! Je pourrai m’occuper plus spécialement du 3e bataillon.

 

La soirée s’achève tristement. Le médecin-major Ruffin me donne l’hospitalité pour la nuit. Le colonel n’est guère qu’à 300 mètres, mais la tranchée est pleine de boue.

 

Ce matin, j’ai salué au passage le corps de ce pauvre Lepaux rapporté à l’arrière et qui sera enterré à Somme-Suippe.

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Les deux morceaux de cartes utilisés sont extraits de l’article « Tactique appliquée d’infanterie » rédigé par Ulysse Fontaine publié dans la revue d’infanterie n° 350 du 15 novembre 1921.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, et à J.L. Poisot.

26 février 2021

Jean Marius Montagnon (1894-1917)

Jean Marius Montagnon

 

Le 4 avril 1894, Jean Marius Montagnon voit le jour dans le 3e arrondissement lyonnais, au 27 de la rue de Marseille.

 

Sa mère, Agathe Marie Neyton, est âgée de 21 ans. Elle exerce la profession de femme de ménage. Son père, Rémy, natif du département de l’Ain, est épicier. Il a 28 ans.

 

Une sœur naît le 28 avril 1900. Le couple Matignon n’aura pas d’autres enfants.

 

 

La fiche matricule de Marius mentionne un degré d’instruction de niveau 3. Il sait lire écrire et compter correctement lorsqu’il quitte l’école communale.

 

La profession indiquée sur cette fiche laisse supposer que Marius a travaillé dans la même épicerie que son père avant de faire ses obligations militaires. Cependant, le terme « employé de commerce » reste bien trop vague pour que cette hypothèse puisse être véritablement confirmée.

 

La guerre contre l’Allemagne est inéluctable en août 1914. Pour Marius, ce n’est pas encore tout à fait l’heure de revêtir l’uniforme. Il n’est pas concerné par l’ordre de mobilisation générale puisque c’est l’année de sa conscription.

 

Le jeune homme sait simplement qu’il va bientôt devoir se rendre dans une caserne de l’Hexagone pour être initié au métier des armes. Il a été déclaré « bon pour le service armé » par la médecine militaire du conseil de révision ; ce conseil s’est réuni à la mairie du 7e arrondissement lyonnais quelques mois avant le début du conflit.

 

La classe 1914 est appelée par anticipation. Deux mois avant la date prévue, Marius Montagnon est dans l’obligation de rejoindre le dépôt du 149e R.I..

 

Dès le 4 août 1914, ce dépôt, initialement implanté à Épinal, a dû déménager à Jorquenay, un petit village haut-marnais situé au nord de Langres. La caserne Courcy n’était pas assez spacieuse pour accueillir l’ensemble des réservistes du 149e, du 349e R.I. et du 43e R.I.T..

 

Marius gagne Jorquenay le 7 septembre. Une fois de plus, les cantonnements occupés sont trop exigus pour accueillir les nouveaux arrivants de la classe 14. Il faut prévoir un second déplacement du dépôt. Celui-ci a lieu le 21 septembre. Les jeunes conscrits s’installent à Rolampont, une commune située au nord-ouest de Jorquenay.

 

Les conditions de vie sont rudes, il faut aller vite dans les apprentissages militaires. Les hommes seront envoyés sur la ligne de front avec une base minimum de connaissances.

 

Marius a probablement suivi le peloton des élèves caporaux pendant son instruction, ce qui expliquerait ses promotions rapides. Il passe de soldat de 2e classe à sergent en à peine plus de deux mois. Il devient soldat de 1ère classe en mai 1915, caporal en  juin puis sergent en juillet.

 

La date éventuelle de son passage au 9e bataillon n’est pas connue, pas plus que celle où il a été versé dans une des compagnies du régiment actif qui se trouve en Artois, dans le secteur Aix-Noulette.

 

Fin septembre 1915, le sergent Montagnon participe à une attaque qui doit déboucher sur la prise du bois en Hache, au sud d’Angres. Il est blessé au cours d’un des engagements qui a lieu durant la journée du 26. Les brancardiers parviennent à le transporter jusqu’au poste de secours. C’est l’évacuation vers l’arrière.

 

Pour en apprendre davantage sur cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte journee du 26 septembre 1915

 

Le sergent Montagnon est de retour au dépôt du 149e R.I. le 30 novembre 1915. Le jour de Noël, il passe à la 25e compagnie. Le 14 janvier 1916, il est affecté à la 26e compagnie. Six jours plus tard, le sous-officier est envoyé avec un renfort au régiment actif. Marius est à Verdun en mars et avril 1916, puis dans la Somme en septembre où son régiment participe à la reprise des villages de Soyécourt et de Déniécourt.

 

Le 27 septembre 1916, il rejoint le dépôt de la 43e D.I.. Le motif et la durée de son séjour au dépôt divisionnaire ne sont pas indiqués sur sa fiche matricule.

 

Une photographie réalisée le 10 avril 1917 confirme la présence de Marius au sein de l’équipe des sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R.I..

 

Les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R

 

L’identification de cet homme a été rendue possible grâce au livre de Francis Barbe « Et le temps, à nous, est compté ».

 

Un tirage identique figure à la page 179 de son ouvrage. Les noms de chacun des sous-officiers sont inscrits à la droite de la photographie.

 

Quelques semaines plus tard, la 10e compagnie est en 1ère ligne du côté d’Aizy-Jouy. La zone est dangereuse. Elle est régulièrement bombardée.

 

Le 21 juin 1917, le sergent Montagnon est grièvement blessé par un obus de 88. Il est impossible de le maintenir en vie, les lésions sont trop importantes.  Il meurt au poste de secours à l’âge de 23 ans. Les circonstances de son décès sont évoquées dans une des lettres rédigées par le sergent Marquand ; ces lettres figurent dans le livre de Francis Barbes.

 

« … Je vous ai écrit que j’étais à un poste d’observation. Nous étions 2 sergents et nous nous relevions toutes les 6 heures. Il était 3 heures, je venais de quitter le poste pour aller roupiller lorsque 10 minutes après, un obus de 88 arrive dans le créneau et blesse grièvement l’autre sergent qui, par bonheur, était seul. J’ai bondi avec un homme pour le retirer des décombres. Il avait le bras gauche arraché, touché dans les reins et une jambe fracassée. On l’a traîné comme on a pu jusqu’à un abri où je lui ai fait un garrot en attendant les brancardiers. Mais il est mort au poste de secours. Que ceux qui ont déchaîné la guerre assistent à de tels spectacles !!! »

 

Un autre fait marquant a eu lieu au cours de cette journée au 149e R.I.. Un obus a explosé à l’intérieur du P.C. Constantine, faisant plusieurs victimes à la liaison du 3e bataillon du régiment.

 

Pour en apprendre davantage sur cet évènement, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

PC Constantine

 

Marius Montagnon a été inhumé par les soins du groupe de brancardiers de la 43e D.I..

 

Il n’existe pas de sépulture militaire individuelle à son nom. Son corps fut probablement rendu à la famille dans les années 20.

 

Le sergent Montagnon a été décoré de la croix de guerre avec une étoile d’argent et une étoile de bronze.

 

Citation à l’ordre du régiment en date du 17 octobre 1915 :

 

« Le 27 septembre 1915, devant Angres, aux cours de travaux périlleux qu’il dirigeait pour l’établissement d’une sape en avant d’une position nouvellement conquise, a été blessé. »

 

Citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 5 en date du 28 juin 1917 :

 

« Sous-officier de liaison ayant fait preuve en maintes circonstances d’un mépris absolu du danger. Déjà cité une fois à l’ordre. Tombé glorieusement à son poste de combat le 22 juin 1917. »

 

La Médaille militaire lui a été attribuée à titre posthume avec le même énoncé que sa citation à l’ordre de la division (publication dans le J.O. du 8 novembre 1920).

 

L’acte de décès de ce sous-officier fut transcrit à la mairie du 7e arrondissement de la ville de Lyon le 24 mars 1918.

 

Marius ne s'est pas marié et n'a pas eu de descendance.

 

Sources :

 

La Fiche signalétique et des services du sergent Montagnon, les actes d’états civils concernant sa famille, les registres de recensements des années 1896, 1906 et 1911 de la ville de Lyon ont été consultés sur le site des archives départementales du Rhône.

 

L’acte de décès du sergent Montagnon officialise sa mort au 21 juin 1917 contrairement à sa fiche « mémoire des hommes » et à son registre matricule qui la datent au jour suivant.

 

La photographie de groupe est extraite du fonds Gérard (collection personnelle).

 

« Et le temps, à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à F. Barbe, à A. Carobbi, aux archives départementales du Rhône et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

19 février 2021

Joseph Marie Pierre Guillaume Léauté (1890-1918)

Joseph Marie Pierre Guillaume léauté

 

Originaire du département de la Côte-du-Nord, Joseph Marie Pierre Guillaume Léauté naît le 7 décembre 1890 à Uzel, une petite commune située au sud de Saint-Brieuc.

 

Sa mère, Marie Joseph Jeanne Marie Moisan, est âgée de 20 ans. Son père, Joseph Mathurin Marie, a 32 ans lorsque son fils voit le jour. Il exerce la profession de commerçant.

 

Joseph est l’unique enfant du couple Léauté.

 

La fiche matricule de ce jeune breton indique un degré d’instruction de niveau 3. Il sait donc lire, écrire et compter, mais ses acquisitions scolaires sont bien plus élevées que celles de la plupart des hommes qui possèdent le même niveau de connaissance.

 

Joseph a fréquenté l’école marianiste Saint-Charles de Saint-Brieuc entre 1900 et 1903. Instruit et enthousiaste pour tout ce qui concerne la Bretagne, il suit, avec grand intérêt, les séances de diverses associations bretonnes, particulièrement celles qui se déroulent à l’Association Régionaliste Bretonne où son père a longtemps présidé la section économique.

 

Le chef de famille est devenu fabricant de toile. Patron de son entreprise de textile, il propose un poste à son fils qui accepte de travailler avec lui. L’avenir professionnel semble assuré. Les années passent, il est maintenant l’heure de penser aux obligations militaires.

 

En parfaite santé, Joseph est inscrit dans la 1ère partie de la liste de la classe 1911 par le conseil de révision qui s’est réuni à la mairie d’Uzel.

 

Le jeune homme effectuera son temps de conscription à la 10e section des secrétaires d'état-major et de recrutement à Rennes. Il échappe ainsi aux longues marches et au maniement du Lebel qui sont le lot quotidien du fantassin.

 

Le soldat Léauté passe dans la réserve de l’armée active le 1er octobre 1913.

 

L’administration militaire n’a plus de secret pour lui. L’article 33 de la loi du 21 mars 1905 le maintient encore quelque temps au régiment. Joseph n’est renvoyé dans ses foyers que le 8 novembre.

 

De retour à Uzel, son certificat de bonne conduire en poche, il retrouve sa place au sein de l’entreprise paternelle. Cette période sera de courte durée. L’année suivante, les relations avec l’Allemagne se dégradent. La paix est menacée. L’ordre de mobilisation générale est décrété le 2 août 1914. Le monde est à l’aube d’un conflit sans précédent.

 

Joseph doit rendosser son uniforme au plus tôt. Il ne s’y attendait probablement pas. Il a ordre de réintégrer la 10section de secrétaires d'état-major et de recrutement le 3 août 1914. Le soldat Léauté sait qu’il a de la chance, en comparaison avec bien d’autres !

 

Secrétaire d'état-major veut tout simplement dire qu'il a été affecté soit à une direction des étapes et des services, soit à un corps d’armée, soit à une division, mais nous n'en saurons pas davantage, sa fiche matricule reste muette sur le sujet.

 

Une question tout de même ! Pourquoi a-t-il occupé ces fonctions si longtemps alors que ce type de poste aurait normalement dû le faire tomber sous le coup de la loi Dalbiez dès la fin de l'année 1915 ? Ce qui aurait entraîné son affectation dans une unité combattante.

 

Joseph est donc resté très en retrait de la ligne de front jusqu’à ce qu’un avis signé par le général Guérin, datant du 3 mars 1917, le fasse affecter au 123e R.I..

 

Que s’est-il passé pour lui à partir de cet instant ? A-t-il été dirigé sur le dépôt du régiment à La Rochelle ? A-t-il été envoyé directement au 9e bataillon, dans la zone des armées, à proximité de son ancienne unité d'affectation ? A-t-il exercé un temps de nouvelles fonctions administratives ou non ? Mystère !

 

Le 25 octobre 1917, Joseph Léauté est muté au 149e R.I.. À cette période du conflit, ce régiment termine une période d’engagements dans le secteur de La Malmaison, à proximité du chemin des Dames.

 

La date d’arrivée de Joseph dans la zone des combats reste ignorée, mais, cette fois-ci, nous savons avec certitude qu’il n’est plus derrière un bureau. Une de ses citations nous apprend qu’il est devenu agent de liaison.

 

Fin mai 1918, le 149e R.I. est envoyé d’urgence en camions dans le secteur d’Arcy-Sainte-Restitue. Les Allemands ont déclenché une attaque qui risque de percer le front français. Il faut à tout prix les stopper.

 

Le 29 mai, Joseph assure la liaison. Il court sous de violents tirs de mitrailleuses pour acheminer les ordres.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant la journée du 29 mai 1918, il suffit de cliquer une fois sur la carte postale suivante.

 

Arcy-Sainte Restitue 2

 

Le 26 septembre 1918, le 149e R.I. est engagé dans une grande offensive au dessus de Perthe-lès-Hurlus, en Champagne. Joseph Léauté sert à la 3e compagnie sous l’autorité du lieutenant Bihr.

 

Ce jour-là, il est touché par une balle reçue à l’abdomen. Celle-ci reste fixée du côté des reins. Il est près de 16 h 00. Pris en charge par les brancardiers, il est transbahuté à travers un long dédale de tranchées. Les souffrances sont terribles. Le caporal Léauté arrive à l’hôpital de Bussy-le-Château à 21 h 00. Le médecin qui l’examine constate qu’il n’y a plus rien à faire. Aucun espoir de le sauver, la blessure est mortelle. L’infirmier-prêtre breton Le Bras, ancien vicaire à Saint-Saglien, lui donne l’absolution.

 

Joseph décède le lendemain à 5 h 30.

 

Pour en savoir plus sur la journée du 26 septembre 1918, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

Joseph Léauté a porté le double galon rouge de caporal, mais la date de sa nomination dans ce grade n’est pas inscrite sur sa fiche matricule.

 

La page qui lui rend hommage dans le livre d’or « aux anciens élèves de l’école Saint-Charles morts pour la France » évoque deux citations à l’ordre du corps d’armée.

 

Sa fiche matricule lui attribue une citation unique à l’ordre du régiment.

 

Cité à l’ordre du régiment n° 34 en date du 21 juin 1918 (fiche matricule à l’ordre du régiment - livre d’or à l’ordre du C.A.).

 

« Agent de liaison très dévoué, s’est toujours acquitté des missions qui lui étaient confiées, particulièrement le 29 mai 1918 où, sous un violent feu de mitrailleuses, il a assuré une liaison parfaite au plus grand mépris du danger. »

 

Citation à l’ordre du C.A. (livre d’or).

 

« Mort pour la France, le 27 septembre 1918, des suites de ses glorieuses blessures reçues en se portant à l’assaut des positions ennemies. S’était déjà fait remarquer par sa belle conduite au feu. »

 

Il n’a pas été retrouvé trace d’une décoration de la Médaille militaire dans les J.O. qui sont consacrés à cette distinction.

 

Le nom de cet homme est inscrit sur le monument aux morts de sa commune de naissance.

 

Le caporal Léauté ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Il n’existe pas de sépulture militaire à son nom. Son corps fut probablement rendu à la famille dans les années 20.

 

Sources :

 

La fiche matricule de Joseph Léauté et les registres de recensement de la commune d’Uzel pour les années 1896, 1901, 1906 et 1911 ont été consultés sur  le site des archives départementales des Côtes-d'Armor.

 

Livre d’Or « aux anciens élèves de l’école Saint-Charles morts pour la France »

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Julien, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales des Côtes-d’Armor.

12 février 2021

Charles Joseph Beauvalot (1885-1958)

Charles Joseph Beauvalot

 

Anne Marie Célestine Grey met au monde Charles Joseph le 20 mars 1885. Deux jours plus tard, son époux, François, se rend à la mairie de Selongey pour faire enregistrer l’enfant sur le registre d’état civil. Il est accompagné des témoins Jean Baptiste Bernard Veillot, clerc de notaire, et Jean Ernest Bony-Lécuret, propriétaire rentier. Anne Marie Célestine, qui a déjà donné la vie à deux filles et un garçon, est âgée de 28 ans. François a 35 ans. Il travaille comme charpentier.

 

Charles perd son père à l’âge de trois ans. La mère élève ses enfants seule. Elle ne se remariera pas.

 

Selongey

 

Charles Joseph Beauvalot effectue sa scolarité primaire à l’école de Selongey.

 

Sa fiche signalétique et de services indique un degré d’instruction de niveau 3, ce qui veut dire qu’il possède de bonnes bases en écriture, en lecture et en calcul. Cette fiche nous apprend également qu’il a exercé le métier de boulanger durant une partie sa jeunesse. Cette profession, barrée par la suite, a été remplacée par celle de représentant.

 

En 1906, Charles est classé dans la 1ère partie de la liste par le conseil de révision. Incorporé au 27e R.I. de Dijon, il intègre la caserne Vaillant le 7 octobre 1906.

 

Caserne Vaillant 27e R

 

Charles Beauvalot passe dans la disponibilité de l’armée active le 25 septembre 1908, sans avoir fait la formation de chef d’escouade. Il ne sera donc pas caporal. L’ancien conscrit termine ses obligations militaires avec l’obtention de son certificat de bonne conduite.

 

Durant les années suivantes, le jeune homme ne parvient pas à se fixer bien longtemps dans une ville. La vie lui impose un changement régulier de domicile, une situation probablement liée à sa profession. En effet, le métier de représentant exige d’incessants déplacements. Plusieurs questions se posent. A-t-il eu plusieurs employeurs ? Avait-il un caractère plutôt « bohème » ? Quelques difficultés financières ? Pour l’instant, les raisons qui pourraient être évoquées pour tenter d’expliquer cette mobilité ne sont pas connues.

 

En octobre 1909, Henry Beauvalot vit à Chailly-en-Bière, en Seine-et-Marne. En décembre 1910, il réside à Châteaurenard, dans le département du Loiret où il séjourne seulement quelques semaines. Henry habite ensuite au 35 rue Ernest Renan à Issy dans le département de la Seine.

 

De retour à la caserne Vaillant pour effectuer sa 1ère période d’exercice, il réendosse l’uniforme de fantassin entre le 20 août et le 13 septembre 1911.

 

Il change encore de lieu de résidence en février 1912 pour aller s’installer au 30 avenue de Paris à La-Plaine-Saint-Denis.

 

Ce déménagement entraîne son rattachement à une nouvelle unité militaire pour tout ce qui concerne « l’impôt de sang ». Le 15 avril 1913, l’ancien soldat du 27e R.I. est enregistré sur les registres du 149e R.I.. Il devra se rendre à Épinal et non plus à Dijon pour effectuer sa 2e période d’exercice ; celle-ci a lieu du 14 au 30 mai 1913.

 

L’année suivante, les relations diplomatiques avec l’Allemagne s’enveniment à tel point que l’ordre de mobilisation générale est prononcé au cours de l’été 1914. 

 

Charles jette un rapide coup d’œil sur son livret militaire. Il faut se remettre en mémoire la date où il doit rejoindre le dépôt de son régiment d’affectation lorsqu’une telle situation se présente. Il ne dispose que de quelques heures. Charles doit impérativement être à Épinal le 3 août 1914.

 

Caserne Courcy

 

La fiche matricule de Charles Beauvalot ne donne pas de détails sur son parcours de combattant, mais l’on peut quasiment affirmer qu’il a participé à la presque totalité des combats effectués par le 149e R.I. entre le 9 août 1914 et  la date de sa première blessure.

 

Le soldat Beauvalot est nommé caporal le 24 mai 1915. Il est évacué malade à l’ambulance n° 8 du 21e C.A. du 16 juin au 5 juillet 1915. À cette période du conflit, il est chef d’escouade à la 10e compagnie. Le fait d’être alité durant quelques jours ne l’empêche pas d’être promu sergent dès le 23 juillet.

 

Le sous-officier Beauvalot participe ensuite aux attaques de septembre 1915. Sa compagnie est sous les ordres du capitaine Canaux.

 

En mars et avril 1916, le 149e régiment est engagé dans le secteur de Verdun. La 10e compagnie est maintenant sous l’autorité du capitaine Gérard. Charles y gagne sa croix de guerre en obtenant une citation à l’ordre de la brigade. En septembre, il combat dans la Somme. Cette fois-ci, il obtient une palme qu’il peut porter avec fierté sur sa récente décoration acquise à Verdun.

 

Contrairement à bon nombre de ses camarades sous-officiers, le sergent Beauvalot traverse ces trois dernières épreuves sans aucune égratignure, ce qui est assez rare pour être souligné.

 

Le 10 avril 1917, les sous-officiers de la 10e compagnie profitent d’une période d’accalmie pour se faire « tirer le portrait », loin de la zone des combats.

 

Les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R

 

Il a été possible d’associer un visage au nom du sergent Beauvalot grâce au livre de Francis Barbe « Et le temps, à nous, est compté ».

 

Une photographie identique figure à la page 179 de son ouvrage. Les noms de chacun de ces sous-officiers sont inscrits à la droite du cliché.

 

Le régiment, qui a pour devise « Résiste et mord », occupe plusieurs secteurs à proximité du chemin des Dames. Le 149e R.I. ne sera pas engagé dans une grande offensive avant le mois d’octobre 1917.

 

La bataille de la Malmaison commence le 23. La 10e compagnie est envoyée en tête d’attaque avec le reste du 3e bataillon dans la 2e phase de l’opération, après avoir été soutien d’offensive durant la 1ère phase.

 

Le sergent Beauvalot est touché par un éclat d’obus qui le blesse dans la région lombaire. Évacué vers l’arrière, il est soigné à l’hôpital n° 3 de Provins. Charles quitte cet établissement le 22 décembre.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de la bataille de la Malmaison, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

1er objectif secteur d'attaque du 149e R

 

Le sergent Beauvalot est nommé adjudant trois jours après la bataille de la Malmaison. Il obtient également une nouvelle citation à l’ordre de l’armée pour ses actions d’éclat au cours de l’offensive du 23 octobre.

 

Après une convalescence, une permission et un passage obligé au dépôt du 149e R.I., Charles est de retour dans la zone des armées le 25 janvier 1918. En l’état des informations qui ont été retrouvées, il est impossible de dire s’il a réintégré les rangs de la 10e ou s’il a été affecté à une autre compagnie du régiment.

 

Fin mai 1918, la 43e D.I. est envoyée en urgence dans le secteur d’Arcy-Sainte-Restitue. Il faut à tout prix contenir une virulente offensive allemande. 

 

Le 28 mai, l’adjudant conduit sa section au feu. Il est de nouveau blessé. Une balle lui  traverse le bras gauche dans le sens longitudinal. Cette blessure en séton est très sérieuse. Une nouvelle prise en charge médicale s’impose. Charles est évacué par train sanitaire à l’hôpital n° 50 de Vichy où il reste du 29 mai au 30 mai. Le 1er juillet il occupe un lit  à l’hôpital n° 12 de Vichy.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant la journée du 28 mai 1918, il suffit de cliquer une fois sur la photographie suivante.

 

Cuiry-House

 

S'il est renvoyé au front, la date de son retour n’est pas connue. En effet, le texte qui accompagne l’attribution de la Médaille militaire qu’il a obtenue en 1919, atteste un retour au front en octobre 1918. La citation confirme que l’adjudant Beauvalot a été blessé pour la troisième fois, au cours de la bataille de la Hunting Stellung, le 27 octobre 1918. Mais dans le même temps, sa fiche matricule ne porte aucune mention de cette blessure ni même d'un retour au front ; en effet, cette fiche le place à "l'intérieur" suite à sa blessure de guerre, jusqu'à sa démobilisation, et après avoir été hospitalisé à l’hôpital n° 12 de Vichy jusqu’au 27 octobre 1918. Une troisième source manque pour clarifier ce qui pourrait être une erreur au niveau de la citation ou un oubli sur la fiche matricule.

 

Le Dépôt démobilisateur du 1er Zouave l’envoie en congé illimité le 1er avril 1919. Charles se retire à Plaine Saint-Denis, au 22 avenue de Paris. Le 13 juillet 1921, il demeure 60 rue Philippe de Girard, dans le 18e arrondissement de Paris.

 

La commission de réforme du 3e bureau de la Seine du 2 juillet 1926 le maintient au service armé avec une pension temporaire de 10 % ; cette pension se justifie par une perte de substance musculaire au niveau de faisceau antérieur du deltoïde droit et pour une cicatrice, légèrement adhérente, au niveau d’un cal de fracture du radius gauche au 1/3 moyen ; s’ajoute à cela un séton superficiel du dos.

 

Le 1er avril 1927, l’ancien adjudant est classé « sans affectation ».

 

Le 26 octobre 1928,  Charles Beauvalot occupe un logement au 15 avenue Sadi-Carnot à Crépy-en-Valois.

 

La commission de réforme du 4e bureau de la Seine, qui s’est réunie le 26 décembre 1928, lui accorde une pension temporaire pour un taux d’invalidité de 10 % concernant une main gauche "bote" ; ceci est dû à sa fracture du radius par balle, ce qui a engendré un raccourcissement de cet os de 1, 2 cm et une cicatrice de 8 cm à la région deltoïdienne. Ce faible taux d’invalidité le maintient au service armé.

 

Le 27 juillet 1929, Charles vit au Vert Galant, avenue de la Gare, dans la ville de Villepinte.

 

Sa pension temporaire de 10 % est transformée en pension définitive par la commission de réforme du 4e bureau de la Seine du 11 juin 1930.

 

Le 31 octobre 1930, Charles Beauvalot épouse Marie Eugénie Lombard à Crépy-en-Valois. Il a 45 ans.

 

Le sergent Beauvalot  a obtenu les citations suivantes :

 

Citation à l’ordre de la brigade n° 39 du 26 mars 1916 :

 

« Excellent sous-officier dévoué et énergique. Au cours des combats du 10 au 15 mars 1916, n’a cessé un seul instant de donner le plus bel exemple de calme, de courage et d’entrain. »

 

Citation à l’ordre du corps d’armée n° 106 du 15 septembre 1916 : 

 

« Sous-officier d’une énergie et d’une bravoure admirable. Le 9 septembre 1916, a su entraîner ses hommes à l’attaque d’un poste ennemi sous un bombardement violent avec un allant et une autorité remarquable. A ensuite déployé la plus fructueuse activité dans l’organisation de la tranchée conquise. »

 

Citation à l’ordre du corps d’armée n° 175 du 8 novembre 1917 :

 

« Gradé d’une énergie allant jusqu’à la témérité, a entraîné très brillamment sa section à l’assaut des lignes ennemies, blessé très grièvement au cours des opérations, n’a quitté son commandement qu’après avoir donné tous les renseignements nécessaires à l’attaque. »  

 

La citation suivante ne figure pas sur sa fiche matricule.

 

Citation à l’ordre du corps d’armée (publication dans le J.O. du 14 juillet 1918) :

 

« Très belle conduite au feu. S’est dépensé sans compter dans les situations  les plus difficiles dans les durs combats de …, donnant à ses hommes le plus bel exemple de dévouement. A été blessé au cours de l’action. »

 

Médaille militaire (publication J.O. du 8 avril 1919. Cette décoration prend rang à compter du 25 décembre 1918).

 

« Excellent sous-officier, a déjà fait preuve en maintes circonstances, s’est distingué une fois de plus le 25 octobre 1918 par la maîtrise de son calme, le courage avec lesquels il a conduit sa section sous les feux nourris de mitrailleuses ennemies, donnant à tous le plus bel exemple de mépris absolu du danger. A été blessé le 27 octobre. Deux blessures antérieures. Quatre citations. »

 

La fiche signalétique et des services de l’adjudant Beauvalot donne une autre version concernant l’attribution de cette décoration. Elle indique qu’il a été décoré de la Médaille militaire suite à la décision ministérielle 12885K en date du 8 août 1918. 

 

Pour prendre connaissance de la généalogie de l’ancien sous-officier du 149e R.I., il suffit de cliquer sur l’image suivante :

 

log geneanet

 

Charles Joseph Beauvalot est décédé le 2 décembre 1958 à l’âge de 73 ans.

 

Sa descendance n’est pas connue.

 

Sources :

 

La fiche matricule de l’adjudant Beauvalot, les registres d’états civils et de recensement de la commune de Selongey ont été consultés sur le site des archives départementales de la Côte-d’Or.

 

« Et le temps, à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

 

La photographie de groupe représentant les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R.I. provient du fonds Gérard (collection personnelle).

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à F. Barbe, à J. Buttet, à A. Carobbi, aux archives départementales de la Côte-d’Or et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

5 février 2021

27 septembre 1918

Fusil-mitrailleur Chauchat 149e R

 

Le 26 septembre 1918, le 149e R.I. se lance à l’attaque des positions allemandes dans le secteur du trou Bricot, en Champagne. Par vagues successives, les hommes du lieutenant-colonel Vivier font une percée de 6 km dans une région particulièrement fortifiée et défendue. Ils font de nombreux prisonniers tout en récupérant un matériel conséquent. Dans un premier temps, la progression est assez aisée. L’ennemi offre peu de résistance. La situation va s’aggraver au fur et à mesure de l’avancée. Les Allemands, d’abord submergés, finissent par se ressaisir en utilisant des troupes fraîchement arrivées dans la zone des combats.

 

Ils s’opposent farouchement à l’attaque de la 3e vague effectuée par le bataillon Hassler.

 

Carte 1 journee du 27 septembre 1918

 

Journée du 27 septembre.

 

Le 1er bataillon du 149e R.I., sous les ordres du commandant Hassler, s’apprête à reprendre l’offensive stoppée la veille à la tombée de la nuit.

 

Le lieutenant-colonel Vivier réceptionne l’ordre d’attaque de la 43e D.I. à 2 h 30. Celui-ci prescrit la reprise du mouvement en avant à partir de 5 h 15. Il y est également stipulé que les troupes seront appuyées par une batterie de chars Schneider et par deux sections de chars Renault appartenant à la compagnie 307 du 3e B.C.L. En outre, la préparation d’artillerie devra commencer à 5 h 00.

 

Le chef du 1er bataillon reçoit cet ordre à 3 h 20. Il rassemble immédiatement ses commandants de compagnie pour les informer de la situation et pour leur donner les instructions de détail.

 

Durant la nuit, l’ennemi bombarde la tranchée de Gratreuil avec des obus toxiques.

 

L’officier qui commande la compagnie de chars mise à la disposition du 1er bataillon du 149e R.I. vient reconnaître son itinéraire vers 4 h 00. Il indique que ses chars ne pourront pas être là avant 5 h 30 ou 6 h 00.

 

Le commandant Hassler attire l’attention de ses commandants de compagnie et de ses chefs de section sur ce fait. Les chars ne pourront probablement pas coopérer. Il faudra être particulièrement vigilant aux mouvements de manœuvre.

 

 

À 5 h 15, le 1er bataillon part à l’assaut de la croupe de la Pince. Le 2e bataillon du régiment, sous les ordres du capitaine Chauffenne, marche dans ses traces.

 

Les premiers éléments du 1er bataillon du régiment arrivent dans la tranchée de Gratreuil.

 

À 6 h 30, le bataillon Hassler progresse au-delà de la croupe de la Pince. Il s’approche la tranchée de Nassau.

 

La résistance allemande est forte. Le bataillon est copieusement arrosé par des tirs de mitrailleuses qui proviennent de la gauche et de la droite. Pris en tenaille, il est obligé de se replier momentanément sur la Pince.

 

Une demi-section de la compagnie de tête de gauche se porte rapidement vers la gauche. Elle capture trois mitrailleuses, une pièce de 88 et fait 43 prisonniers après une manœuvre bien exécutée.

 

La marche en avant du bataillon Hassler reprend immédiatement. Sur la droite, le terrain présente de nombreux couverts qui masquent plusieurs mitrailleuses. 

 

Les abris d’artillerie situés dans la zone de marche des compagnies du 1er bataillon sont presque tous pourvus de tourelles bétonnées, armées de mitrailleuses.

 

Lentement, mais de façon continue, le bataillon poursuit son avancée. Les chars de combat sont derrière l’infanterie. Ils n’interviennent pas.

 

Toutes les résistances successives tombent grâce aux manœuvres effectuées par des unités réduites au maximum. Deux sections travaillent en liaison l'une avec l'autre. Elles progressent de couvert en couvert, dépassant les îlots de résistance avant de se rabattre sur eux. Les compagnies de 1ère ligne atteignent le bois de la Chèvre.

 

Un agent de liaison capture un officier et plusieurs de ses hommes, installés dans l’abri 2069. N’ayant pour toute arme qu’un fusil lance-fusée, ce soldat énergique couche en joue l’officier, ce qui oblige ce dernier à se rendre.

 

Un sous-officier fait prisonniers une vingtaine d’ennemis qui se rendaient à leurs pièces à l’abri 2275. Baïonnette au canon, il se précipite sur eux avec sa demi-section. D’autres abris sont également pris. De nombreux Allemands sont capturés avant qu’ils aient eu le temps de se rendre à leurs pièces en batterie situées à la corne sud-ouest du bois de la Chèvre.

 

Une batterie de 105 est en position à 100 mètres plus au nord. Une pièce tire encore sur la croupe de la Pince. Elle est réduite au silence par une patrouille. Les artilleurs allemands réussissent à s’enfuir.

 

Les éléments avancés du bataillon Hassler nettoient les abris de la batterie 2278. Ils cueillent quelques prisonniers et quatre mitrailleuses. Ils trouvent deux « minenwerfer » et deux mitrailleuses abandonnées lorsqu’ils prennent pied dans la tranchée Nassau.

 

Quelques ennemis sont aperçus dans le bois V 95 : une petite patrouille va au-devant d’eux. Ils sont tous ramenés dans les lignes françaises.

 

La compagnie de droite est tout entière dans la tranchée de Nassau vers 10 h 00. La compagnie de gauche progresse plus lentement en raison des nombreux tirs de mitrailleuse qui proviennent du bois des Épines, de V 84 et des lisières nord-ouest du Kirch-Walden. La compagnie finit par prendre pied dans la tranchée de Nassau. Elle est obligée de l’évacuer peu après, car elle est prise sous un feu d’écharpe de mitrailleuse en position dans la région de V 86.

 

La situation du 1er bataillon devient délicate à partir de cet instant. Il a  subi des pertes sérieuses depuis le début de l’attaque. Les chasseurs, à droite, ne sont pas encore là à 11h 00. Ils n’arrivent à sa hauteur que vers 16 h 30. En attendant, le bataillon Hassler s’organise aussi solidement que possible sur sa position.

 

L’aviation allemande est particulièrement active. Elle fait de nombreuses reconnaissances dans l’après-midi.

 

Ses pilotes mitraillent, en volant très bas, les éléments du 149e R.I. qui occupent la tranchée de Nassau.

 

Les chars de combat ont été mis à couvert à la lisière sud du bois de la Chèvre.

 

La présence ennemie se manifeste un peu partout. Une contre-attaque est pressentie. En prévision de cet évènement, le commandant Hassler demande au chef du 2e bataillon de rapprocher ses deux compagnies de tête.

 

Des groupes ennemis importants s’infiltrent par le boyau d’Arménie et dans le bois de l’Agneau. D’autres progressent par le bois du Bouc et par le bois des Épines jusqu’à la tranchée de Nassau. Des fusées sont lancées par des avions ennemis au-dessus des éléments du bataillon.

 

À 16 h 00, le commandant Hassler demande le tir de barrage. Il n’obtient pas de réponse.

 

Un quart d’heure plus tard, une violente contre-attaque allemande se déclenche de tous les côtés à la fois. L’ennemi est contenu devant la tranchée de Nassau. Il a tout de même réussi sa progression à l’est, par le bois du Bouc, la route de Manre, et à l’ouest par le bois de l’Agneau.

 

Les compagnies de 1ère ligne sont obligées de se replier sur le chemin de Manre. 

 

Les éléments qui ne sont pas parvenus à décrocher se battent jusqu’au bout. Personne ne veut être fait prisonnier. Accablés par le nombre, quelques-uns finissent par être enlevés. Les autres, tous blessés, sont achevés sur place (cet épisode irrespectueux des droits de la Haye est signalé par le commandant Fontaine dans son article « Tactique appliquée d’infanterie »).

 

Le commandant Hassler donne l’ordre aux chars de combat d’intervenir. Il faut absolument enrayer la contre-attaque ennemie. Les deux compagnies de tête du 2e bataillon du 149e R.I. commandé par le capitaine Chauffenne avancent rapidement. La situation est rétablie en quelques minutes.

 

Char Renault FT dans le secteur du 149e R

 

La contre-attaque française se paye au prix fort. Les éléments du 149e R.I. parviennent tout de même à se maintenir sur des positions en flèche avec une liberté d’action au sud de la tranchée Nassau.

 

La capture d'un prisonnier révèle l'entrée en ligne d'une nouvelle division allemande, la 3e division de la Garde.

 

Le 3e bataillon du 149e R.I., plus en arrière, sous les ordres du commandant Fontaine,n’est pas resté inactif.

 

Ses compagnies occupent la tranchée de Grateuil. Elles surveillent les flancs des bataillons de tête qui sont en flèche.

 

Une occasion se présente pour le bataillon Fontaine d'aider ses voisins de droite. Un important point d’appui allemand s’est révélé à l’est de la zone d’action du 149e R.I., à proximité de la voie ferrée, en direction du tunnel de Manre.

 

Les feux ennemis sont violents. Ils empêchent la progression des chasseurs, tout en constituant un sérieux danger pour les bataillons Chauffenne et Hassler qui continuent leur avancée. L’adjudant de la compagnie de mitrailleuses du bataillon Fontaine découvre des mitrailleuses gênantes. Il fait ouvrir sur elles un feu très nourri. L’ennemi, découvert, se terre.

 

Les troupes amies de droite se rendent compte de l’aide efficace qui vient de leur être donnée. Les chasseurs s’emparent, sans pertes, du nid de mitrailleuses allemandes en faisant une centaine de prisonniers.

 

La situation est la suivante en fin de journée :

 

Première ligne : des fractions du bataillon Hassler et deux compagnies du bataillon Chauffenne sont en échelon en arrière et à gauche vers Feld holz,à hauteur du chemin de Manre.

 

Le bataillon Fontaine est échelonné sur deux lignes, au sud du chemin de la Sente.

 

Carte 3 journee du 27 septembre 1918

 

Toutes les dispositions sont prises pour parer à une contre-attaque qui pourrait se produire sur le flanc gauche.

 

La liaison existe à droite avec le 31e B.C.P.. Elle n’a pas encore été établie avec le 170e R.I.. Elle ne le sera qu’au cours de la nuit, vers 1 h 00. Une compagnie de ce régiment installe une partie de ses éléments au croisement du chemin de Manre et du boyau d’Arménie.

 

Le poste de commandement du 149e R.I. est installé à l’ouvrage T 25,à la corne nord-ouest du bois de la Fouine.

 

La nuit est calme, sans incident notable.

 

                                            Tableau des tués pour la journée du 27 septembre 1918

 

Sources :

 

Historique du 501e Régiment d’Artillerie d’Assaut consulté sur le site « chars-français. Net ».

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 334/14.

 

« Tactique appliquée d’infanterie » article écrit par Ulysse Fontaine publié dans la revue d’infanterie n° 350 du 15 novembre 1921.

 

« Exemple d’emploi des chars dans la guerre 1914-1918 (volume III) - offensive de la IVe armée en Champagne - 26 septembre 1918 ». Centre d’études des chars de combat. Éditions Versailles. 1922.

 

Le dessin a été réalisé par I. Holgado.

 

La photographie représentant les chars provient du fonds Rémy consultable aux archives départementales des Vosges. Cote 141 J n° 99.

 

Concernant les cartes, elles ont toutes été réalisées à partir de plusieurs plans. Aucune échelle n’est indiquée sur ces plans. Ces cartes n’ont donc qu’une valeur indicative.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à I. Holgado, à J. Huret, à M. Souquet, au S.H.D. de Vincennes et aux archives départementales des Vosges.

29 janvier 2021

Paul Marie Abel Kolb (1883-1918)

Paul Marie Abel Kolb

 

Paul Marie Abel Kolb naît le 6 août 1883 à Saint-Germain, une petite commune située au nord-est de Lure, dans le département de la Haute-Saône.

 

Son père, Fernand Auguste, est âgé de 26 ans. Sa mère, Marie Ferdinande Simonin, a 21 ans. Ses parents gagnent tous les deux leur vie en travaillant la terre. Le couple Kolb a eu un second enfant, né le 2 avril 1887.

 

Un drame endeuille la famille en 1888. Abel n’a pas fêté ses cinq ans lorsque son père décède.

 

Le registre de recensement de l’année 1896 de la commune de Saint-Germain nous apprend que Marie Ferdinande Kolb élève seule ses deux enfants. Elle se remarie en 1898.

 

 

Abel quitte l’école communale après avoir obtenu son certificat d’études primaires, ce qui veut dire qu’il sait parfaitement bien lire, écrire et compter.

 

À 18 ans, il choisit de faire une carrière militaire. Sa mère lui donne son accord. Elle appose sa signature sur un document indispensable : celui-ci autorise toute personne mineure qui le souhaite à rejoindre les rangs de l’armée en tant que volontaire.

 

Ce 1er engagement est enregistré pour une durée de trois ans. Abel Kolb a choisi le 149e R.I., un régiment d’infanterie dont le dépôt se trouve à Épinal. Sa formation de soldat débute le 15 octobre 1901.

Le jeune homme est affecté à la 12e compagnie dès son arrivée à la caserne Courcy. Abel est admis au peloton d’instruction de la compagnie le 15 décembre, avec 47 autres personnes, pour devenir caporal. Obtenant le n° 20 au classement intermédiaire de mai 1902, il termine avec le n° 14 au classement final au mois d’août.

 

 

Le soldat Kolb est nommé caporal le 25 septembre 1902, puis sergent le 6 novembre 1903.

 

Il signe à nouveau pour un an le 7 juin 1904. Ce contrat prend effet le 14 octobre 1904 à la date anniversaire du 1er contrat. Quatorze jours plus tard, Abel  valide un nouvel engagement pour deux ans, ce qui l’oblige à porter l’uniforme jusqu’en octobre 1907.

 

Les débuts sont un peu difficiles. Trop proche des hommes, probablement chahuté, il a du mal à imposer ses galons. Son capitaine écrit ceci : « le sergent Kolb, rengagé pour un an, à titre d’essai le 7 juin, a fait des progrès sensibles depuis cette date. Il a pris de l’aplomb et de l’autorité. Il y a lieu de croire que n’étant plus gêné par les familiarités de ses anciens camarades, aujourd’hui libérés, il fera un bon sergent. Peut aussi faire un comptable. »

 

 

Le 10 novembre 1904, le sergent Kolb déplace ses effets militaires dans un autre bâtiment de la caserne Courcy. Il vient d'être affecté à la 1ère compagnie du régiment.

 

Abel entre dans la catégorie des sous-officiers rengagés avec prime à partir du  27 mai 1905, ce qui va lui permettre d’améliorer son ordinaire.

 

Il doit quitter le dépôt du 149e R.I. quelque temps pour accomplir un stage au 7e escadron du train des équipages militaires ; ce stage va durer du 1er juin au 11 juillet 1905.

 

 

Le 17 janvier 1906, Abel est muté à la S.H.R. comme sergent garde-magasin.

 

Le 26 septembre 1907, il signe un engagement de 4 ans qui sera renouvelé le 11 septembre 1911 pour cinq années supplémentaires.

 

Après presque dix ans d’armée, son capitaine rédige la note suivante : « Le sergent rengagé Kolb remplit au corps les fonctions de sergent garde-magasin. Dans cet emploi, qu’il connaît à fond et dont on se met au courant qu’à la longue, il rend les plus signalés services. Sous-officier dévoué, intelligent, de tenue et de conduite parfaite, dont l’éloge n’est plus à faire. »

 

Nous sommes très loin des débuts un peu difficiles du jeune sous-officier !

 

Abel Kolb est nommé sergent major le 19 avril 1913 puis adjudant garde-magasin à partir du 10 novembre 1913.

 

Il travaille comme secrétaire auprès du capitaine chargé du matériel lorsque l’ordre de mobilisation générale est placardé sur les murs de la ville d’Épinal en août 1914. Quelques mois plus tard, cette tâche de secrétaire semble lui peser. Il demande à partir pour le front.

 

Le 1er avril, il débute une formation au centre d’instruction de Chaumont comme mitrailleur. Celle-ci se termine le 25 avril 1915.

 

Abel intègre le bataillon de marche du 149e R.I. le 2 mai 1915.

 

L’adjudant Kolb rejoint l’unité combattante du régiment spinalien le 14 mai. Le lieutenant-colonel Gothié l’affecte à sa compagnie de mitrailleuses qui est rattachée à la 85e brigade. Huit jours plus tard, Abel est nommé sous-lieutenant à titre temporaire.

 

Sa section de mitrailleuse est engagée dans les différents combats qui eurent lieu en Artois en mai, en juin et en septembre 1915.

 

Le sous-lieutenant Kolb repart en stage au centre de mitrailleuses de Bourges entre le 19 novembre et le 18 décembre 1915. La Saint-Étienne, la Hotchkiss, la Maxim et la Vickers n’ont plus aucun secret pour lui.

 

Le 18 avril 1916, il est sous-lieutenant à la 2e compagnie de mitrailleuses du 149e R.I.. Peu de temps avant qu’il ne soit titularisé dans son grade d’officier à titre définitif, son régiment est engagé dans la bataille de la Somme au début du mois de septembre. 

 

Les combats sont rudes. Le 7 novembre 1916, le sous-lieutenant Kolb quitte sa compagnie de mitrailleuses pour être affecté à la tête de la 6e compagnie, ceci une heure avant qu’elle ne se lance dans une nouvelle attaque. La compagnie n'avait plus d'officiers !

 

Abel Kolb s’acquitte honorablement de sa tâche en s’emparant d’une zone de 1ère ligne ennemie après un violent combat au corps à corps, sans connaître ses subordonnés.

 

Confirmé à ce nouveau poste, ses chefs le font nommer lieutenant à titre temporaire, le 21 novembre 1916.

 

L’année suivante, le 149e R.I. occupe plusieurs secteurs proches du chemin des Dames. Les lieux occupés sont relativement calmes, mais particulièrement dangereux. Régulièrement il y a des pertes liées aux bombardements, mais il n’y a pas de grande attaque en perspective.

 

Le lieutenant Kolb profite de cette période de relative accalmie pour retourner en formation. N’ayant pas les connaissances théoriques suffisantes pour assumer la charge de chef de compagnie, il doit suivre la 3e série des cours de commandant de compagnie du 25 février au 18 mars 1917.

 

Les mois suivants, il bénéficie de deux permissions. La 1ère a lieu entre le 12 et le 22 mai, la seconde entre le 19 et le 29 août.

 

La photographie suivante a été réalisée le 30 septembre 1917 à Troësnes, un petit village situé dans le département de l’Aisne. Le lieutenant Kolb figure parmi ce groupe d’officiers responsable des différentes unités du 2e bataillon du 149e R.I.. 

 

Officiers du 2e bataillon du 149e R

 

Fin octobre 1917, le régiment vosgien est engagé dans la bataille de la Malmaison. Abel Kolb y gagne une citation à l’ordre de la division en menant ses hommes au combat.

 

Il est nommé lieutenant à titre définitif à la date du 22 mai, suite à un décret qui fut publié le 16 novembre 1917.

 

Abel bénéficie d’une nouvelle permission entre le 27 décembre 1917 et le 9 janvier 1918.

 

En février 1918, le colonel Boigues rédige la petite note suivante dans le feuillet du personnel du lieutenant Kolb : « Continue à commander très bien son unité, pondéré et réfléchi, donne toute satisfaction. »

 

Sa promotion dans le grade supérieur ne se fait pas attendre. Abel est nommé capitaine à titre temporaire le 17 mai 1918 (publication dans le J.O. du 2 juin 1918).

 

La guerre de mouvement reprend du service. Fin mai 1918, le capitaine Kolb participe aux combats d’Arcy-Restitue puis à ceux qui eurent lieu en juillet du côté du trou Bricot en Champagne. Les offensives allemandes sont stoppées.

 

Le 30 juillet 1918, Paul Kolb est au C.R. Vauclerc au sud-ouest de Perthe-lèz-Hurlus. Ce jour là, sa compagnie subit une attaque au gaz.

 

L’abbé Henry évoque cet évènement dans un de ses carnets : « Après une heure d’attente, ne voyant pas de blessés arriver, je reviens au C.R. Vauclerc. Vu en passant les débris de l’aéroplane de l’avion boche tombé en flammes le 15 juillet, le soir de l’attaque. La 6e compagnie du 149 a été fortement éprouvée par les gaz. Le capitaine Kolb a été évacué. Il ne reste ce matin en ligne que l’adjudant Humes, l’aspirant et une quinzaine d’hommes. Tout le reste est ou prisonniers ou en traitement comme victimes des gaz. Le docteur Pierrot a dû, lui-même, se faire soigner à l’infirmerie. »

 

Le 26 septembre 1918, le 149e R.I. est de nouveau impliqué dans une attaque de grande envergure dans le même secteur. Le capitaine Kolb est à la tête de ses hommes.

 

Exceptée son intoxication à l’ypérite, Paul est toujours passé au travers des balles et des éclats d’obus. Cette fois-ci, la chance n’est plus au rendez-vous. Le capitaine est touché au cou.

 

L’aumônier Henry raconte : « On dit que le lieutenant Cadoux serait blessé, mais légèrement. Le capitaine Kolb de la 6e est blessé également. Voici qu’on l’apporte tout sanglant sur un brancard. Une balle lui a traversé le cou. Il a l’air d’un moribond et gémit faiblement. Mon Dieu ! Pourvu que la blessure ne soit pas mortelle ! Le capitaine Kolb est une des figures les plus sympathiques du régiment. Parti d’en bas, il s’est élevé au grade de capitaine par son seul mérite ! »

 

La blessure est bien trop grave pour être soignée. Abel a perdu beaucoup de sang. Il décède le jour même malgré la prise en charge faite par les médecins de l’ambulance 10/13 installée à Bussy-le-Château.

 

L’abbé Henry apprend tardivement son décès. Le 9 octobre, il écrit : « Kolb est mort ! Kolb n’a point survécu à sa blessure. Je suis navré de cette nouvelle. Kolb était une figure sympathique. Ardent patriote et brave soldat. Il avait conquis ses grades par son seul mérite. Il avait refusé dernièrement de se retirer à l’intérieur. »

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante. 

 

Paul Kolb a obtenu les décorations suivantes :

 

Croix de guerre avec trois palmes, une étoile de bronze et une étoile d’argent.

 

Citation à l’ordre de la 85e brigade n° 36  en date du 24 mars 1916 :

 

« A su, par son calme et son sang-froid, établir dans sa troupe et dans une fraction voisine, l’ordre un moment compromis par un bombardement des plus sévère. »

 

Citation à l’ordre de la Xe Armée  n° 243 en date du 10 décembre 1916 :

 

« La 6e compagnie du 149e R.I. à l’attaque du 17 septembre 1916, s’est précipitée sur la tranchée ennemie qu’elle a enlevée d’un brillant élan, faisant des prisonniers et facilitant la progression du corps voisin, l’a organisée avec une ardeur inlassable sous un bombardement des plus intense ; a continué à progresser le lendemain, 18 septembre, sur une profondeur de 700 m et ne s’est arrêtée qu’à bout de force devant une position fortement occupée par l’ennemi. Le lieutenant Kolb, remarquable d’énergie et de bravoure, qui venait d’en prendre le commandement, tous les officiers ayant été mis hors de combat, s’est emparé de haute lutte de la première ligne ennemie après un violent combat, corps à corps, et s’y est maintenu malgré un fort tir de barrage et deux contre-attaques. »

 

Citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 264 en date du 14 novembre 1917 :

 

« Commandant de compagnie d’un sang-froid, d’une énergie et d’un courage remarquables à l’attaque du 23 octobre 1917, a entraîné sa compagnie derrière le bataillon de 1ère ligne sous un violent barrage et a puissamment contribué à la possession et à l’organisation du terrain conquis. Déjà titulaire d’une citation à l’ordre de l’armée ».

 

Citation à l’ordre de la IVe Armée n° 1357 en date du 25 août 1918 :

 

« Officier superbe de crânerie et de sang-froid. Pense à tout, veille à tout, surveille tout lui-même. Pendant la bataille de Champagne, le 15 juillet 1918 a, tout en assurant la défense de son quartier de sa compagnie, laquelle a résisté à tous les assauts, envoyé des renforts qui ont puissamment renseigné le chef de bataillon. »

 

Le capitaine Kolb a été fait Chevalier de la Légion d’honneur le 5 juin 1918 par ordre  n° 9348 « D » du 25 août 1918 :

 

« Excellent officier, véritable entraîneur d’hommes qui a fait preuve, au cours des derniers combats, d’un courage et d’un sang-froid exemplaires obtenant de sa compagnie un rendement exceptionnel et faisant face à toutes les difficultés. 3 citations. »

 

Cette nomination au grade de Chevalier de la Légion d’honneur lui donne également le droit d’ajouter une palme sur sa croix de guerre.

 

Monument aux morts de la commune de Saint-Germain

 

Le nom de cet officier a été gravé sur le monument aux morts de la commune de Saint-Germain.

 

Abel Kolb est resté célibataire et n’a pas eu de descendance.

 

Il n’y a de sépulture militaire individuelle portant son nom. Son corps a probablement été rendu à la famille dans les années 1920.

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La fiche signalétique et des services de cet officier n’a pas été retrouvée.

 

Les actes d’état civil de la famille Kolb et le registre de recensement de l’année 1896 de la commune de Saint-Germain ont été lus sur le site des archives départementales de la Haute-Saône.

 

La photographie du monument aux morts de la commune de Saint-Germain provient du site Généanet.

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot, à M. Porcher, au S.H.D. de Vincennes et aux archives départementales de la Haute-Saône.

22 janvier 2021

Clément Joseph Roibet (1894-1980)

Clement Roibet

 

Clément Joseph Roibet est né le 3 février 1894 à Genas dans le département de l’Isère.

 

Ses parents, Joseph Claude Roibet et Marie Agathe Flassillard, exercent tous deux la profession de cultivateur. Ils se sont mariés dans cette commune de 1978 habitants le 19 décembre 1891. Clément est le second enfant du couple. Sa sœur aînée, Amélie, a vu le jour le 9 septembre1892.

 

 

La fiche signalétique et des services de Clément Roibet indique un degré d’instruction de niveau 3. Il maîtrise les bases de l’enseignement primaire obligatoire que sont l’écriture, le calcul et la lecture. Cette fiche nous apprend également qu’il a exercé le métier de cultivateur.

 

L’année de ses vingt ans, il se présente devant le conseil de révision qui s’est réuni à la mairie de Meyzieux. Clément Roibet a quelques soucis de santé. Son état général entraîne son inscription directe dans la 5e partie de la liste de l’année 1914.

 

En temps de paix, cette inscription dans la 5e partie aurait dû lui fournir un répit d’un an avant d’être dans l’obligation de se représenter devant la médecine militaire. Ce ne fut pas le cas. Les évènements internationaux en décidèrent autrement. Guerre oblige, la classe 1915 passe devant le conseil de révision par anticipation. Ainsi, Clément doit se représenter devant le conseil de révision le 26 octobre 1914. Cette fois-ci, il est déclaré bon pour le service armé, mobilisable avec les éléments de la classe 1915 qui furent appelés 11 mois avant l’échéance.

 

Le 15 décembre 1915, le soldat Roibet intègre le dépôt du 158e R.I.. Exercices, séances de tir, marches deviennent son lot quotidien.

 

Il est envoyé dans la zone des armées le 9 juin 1915 après seulement six mois d’instruction. Il rejoint les rangs du 9e bataillon du 149e R.I. pour parfaire sa formation avant d’être affecté à la 10e compagnie du régiment.

 

La date de son arrivée dans cette compagnie n’est pas connue, celle de son baptême du feu encore moins. Sa fiche matricule indique simplement sa nomination au grade de caporal à la date du 29 août 1915.

 

Il est impossible de dire si le caporal Roibet a participé aux attaques de septembre 1915 en Artois, mais il est à peu près certain qu’il était présent à Verdun du côté de Fleury-devant-Damloup et du fort de Vaux entre le 7 mars et le 7 avril 1916. À cette période du conflit, la 10e compagnie est sous les ordres du capitaine Gérard.

 

Pour suivre le parcours de la 10e compagnie du 149e R.I. durant son passage à Verdun il suffit de cliquer une fois sur le plan suivant.

 

Du côté du fort de Vaux

 

Le 149e R.I. laisse derrière lui la région de Verdun à la mi-avril 1916. Clément est nommé sergent le 29.

 

Le régiment a quitté la Meuse pour prendre la direction de la Champagne. Il s’installe dans un secteur plutôt calme situé entre les buttes de Tahure et celles de Mesnil.

 

Début septembre 1916, le 149e R.I. est engagé dans le secteur de Soyécourt et de Déniécourt, dans le département de la Somme. Le sergent Roibet obtient une citation à l’ordre du régiment pour une reconnaissance effectuée avant l'attaque du village de Soyécourt.

 

L’année suivante, le régiment occupe plusieurs secteurs à proximité du chemin des Dames.

 

La photographie suivante a été réalisée le 10 avril 1917. Il est aisé de reconnaître Clément grâce au livre de Francis Barbe « Et le temps, à nous, est compté ». Ce cliché figure à la page 179 de cet ouvrage. Le nom de chacun de ces sous-officiers qui appartiennent tous à la 10e compagnie du 149e R.I. est inscrit à la droite de la photographie.

 

Les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R

 

Début octobre 1917,  le 149e R.I. est en préparation d’attaque. Une grande offensive doit avoir lieu dans le secteur de la Malmaison.

 

La bataille, retardée pour des raisons météorologiques, débute le 23 octobre. La veille, le sergent Roibet est blessé au cours d’une reconnaissance.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte ci-dessous.

 

 

Ses blessures sont graves. Il a reçu plusieurs éclats d’obus dans les membres inférieurs. Clément doit être amputé de sa jambe gauche. Ce n’est que le 6 janvier 1918 qu’il est évacué vers l’intérieur. Devenu transportable, il est envoyé à l’hôpital du grand séminaire de Blois. La guerre est terminée pour lui.

 

Le sergent Roibet est proposé pour une pension de retraite de 3e classe par la commission de vérification de Lyon qui s’est réunie le 17 octobre 1918. Trois jours plus tard, il est renvoyé dans ses foyers avec l’obtention de son certificat de bonne conduite et son statut de réformé définitif  n°1.

 

Le 13 avril 1918, la commission de réforme de Lyon le propose pour une pension d’invalidité de 85 % pour amputation de la jambe gauche et pour une gêne fonctionnelle du membre inférieur droit imputable à une cicatrice cheloïdienne.

 

Clément Roibet fait savoir qu’il a eu le tympan gauche perforé en 1917.

 

Le 31 janvier 1920, il épouse Marguerite Payet à Genas.

 

Le 14 juin 1930, son taux d’invalidité passe à 90%. Une notification ministérielle lui concède une pension définitive à 100 % en 1938.

 

Clément Roibet décède le 17 janvier 1980 à l’hôpital des armées Desgenette à Lyon. Il repose dans le cimetière de sa commune de naissance.

 

Sepulture famille Roibet

 

Marguerite et Raymond ont eu au moins deux filles connues, Jeannine et Lucette.

 

Décorations obtenues :

 

Citation à l’ordre du régiment  n° 257 en date du 26 septembre 1916 :

 

« A fait, avec une grande habileté, une patrouille dans le village qui devait être attaqué le lendemain pour se rendre compte de son état de destruction, a pleinement réussi. »

 

Médaille militaire n° 6140 décision du G.Q.G. du 16 décembre 1917 prenant rang à compter du 20 novembre 1917. Cette décoration lui donne le droit d’ajouter une palme sur sa croix de guerre.

 

« Vaillant sous-officier, blessé grièvement le 22 octobre 1917 au cours d’une reconnaissance audacieuse. A fait preuve, après sa blessure, d’un courage et d’une énergie au dessus de tout éloge. »

 

La fiche matricule de Clément Roibet indique qu’il a été fait officier de la Légion d’honneur le 7 juillet 1956 (publication dans le J.O. du 12 juillet 1956). Aucune indication n’est fournie concernant sa nomination au grade de chevalier.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services du sergent Roibet a été consultée sur le site des archives départementales de l’Isère.

 

Les actes d’état civil de la famille Roibet et les registres de recensement de la ville de Genas ont été consultés sur les sites des archives municipales de l’Isère et du Rhône (la commune de Genas appartenait à l’Isère avant d’être rattachée au département du Rhône en 1968).

 

« Et le temps, à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

 

La photographie de groupe est extraite du fonds Gérard (collection personnelle).

 

Le cliché de la sépulture de la famille Roibet a été trouvée sur le site « Généanet ».

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à F. Barbe, à A. Carrobi, à M. Porcher, E. Suring, au Service Historique de la Défense de Vincennes, aux archives départementales du Rhône et de l’Isère. 

15 janvier 2021

26 septembre 1918 : l’aumônier Henry témoigne…

Aumonier Henry 26 septembre 1918

 

L’aumônier Henry développe longuement la journée du 26 septembre 1918 dans un de ses derniers carnets. Ses écrits offrent une approche beaucoup plus respectueuse de la réalité du terrain que l’étude « tactique appliquée d’infanterie » du commandant Fontaine, publiée dans la revue d’infanterie n° 350 du 15 novembre 1921.

 

Pendant les phases de combat, l’abbé Henry est au plus près des hommes. Il avance de manière « autonome » dans un dédale de boyaux et de tranchées. Il observe. Il raconte les tirs trop courts de l’artillerie française, les opportunités manquées, les problèmes de communication entre le lieutenant-colonel Vivier et ses chefs de bataillon. Il annonce la blessure ou la mort de personnes qu’il connaît.

 

Ce que l’auteur décrit dans ses carnets diffère des textes officiels qui évoquent une faible résistance de la part des Allemands. On comprend ce que signifie concrètement cette « faible résistance » pour les hommes qui sont sur le terrain. Cet exemple si bien décrit permet de mieux cerner l’ampleur des combats et la souffrance des soldats.

 

Malgré la préparation théorique extrêmement poussée réalisée avant l’offensive, ce récit rend bien compte que tout ne s’est pas passé comme prévu.

 

Témoignage de l’abbé Henry : de l’ouvrage III à la tranchée de Posdam

 

« Attaques à 5 h 30, précédées d’une préparation d’artillerie de 6 h 30. Cette nuit à 23 h 00, ça a commencé. Je dormais, j'ai continué de dormir puisque c'était la consigne.

 

Quelqu'un sert ! C'est la digne réplique du 15 juillet. Autant de bruit, mais cette fois ce sont les Boches qui prennent, chacun son tour ! Notes graves de la Lourde, notes sonores des 155, notes aiguës des 75, c'est à qui en mettra le plus.

 

P

 

À 5 h 00. Je n'y tiens plus ; un brin de toilette et me voilà prêt à partir. Je m'en vais, le docteur Rouquier étant moins pressé. Je le prévoyais, je n'ai pu gagner le boyau de l'Elbe qu'en faisant à droite un large détour. Je me trace à la hâte mon plan : premièrement, gagner l'ouvrage II, deuxièmement, chercher le P.S. et là me renseigner auprès des blessés sur la première phase de l'opération qui est en cours en ce moment.

 

 

 

À l'ouvrage II, plus personne. Pendant 1/4 d'heure, j'explore le terrain à droite du Tacot, personne ; je n'arrive même pas à retrouver le P.S..

 

Ah ! Voici un blessé : oh c’est peu grave ! Une plaie à la main. Je l'interroge, il ne sait rien ; il ne songe visiblement qu'à une chose, profiter de la bonne aubaine de sa blessure pour s'en aller à l'arrière le plus vite possible.

 

Donc, rien à faire ici ; il n'y a qu'à aller de l'avant ; le boyau du Rhône me sert de point de direction.

 

Bois du Togoland

 

Je regarde à droite et à gauche, personne ; pas de blessés dans le bois, pas de tués ; pas même trace de lutte ; ici on ne s'est pas battu ; le Boche s'attendait certainement à l'attaque et il a évacué toutes ses premières lignes.

 

Tranchée de Hambourg

 

 Rien ! Rien que des fils de fer qui sont bien gênants.

 

Trou Bricot, piste

 

Toujours pas de trace de lutte, mais enfin voici des sections qui vont de l'avant. Je les rejoins c'est le 1er bataillon qui suit le 3e, lequel suit de près le 2e. Échange rapide d’impressions : « Ça a l'air d'aller pas mal ! Il n'y a plus de Boches ! Ils ont foutu le camp. Pardi ! Ils s'attendaient à l'attaque ; ils ont voulu faire le coup du père Gouraud ! »

 

PC Grenay 

 

C’est la 2e poignée de main au capitaine Robinet, à Lepaux et à Cazain. Ils sont tous plein d'ardeur ! Saintot est en permission, le veinard ou le déveinard comme on voudra ! J'admire avec quel ordre la compagnie se déplace, les sections bien alignées.

 

Tacot 

 

Une compagnie du 21e. Que font-ils ici ? Ils accompagnent les chars d'assaut, préparent la voie, coupent les fils de fer. Il y a en effet des chars d'assaut ; mais ils ne doivent marcher que plus tard, ils soutiendront la 13e D.I.. Nous, nous devons nous en passer. Le terrain que nous devons conquérir est tellement bouleversé que les tanks ne pourraient en sortir.

 

Il me tarde de grimper au-dessus d'Elberfeld. De l’observatoire la vue porte loin en avant. Sur le plateau, voici quelques prisonniers, une demi-douzaine laissés au P.O.. Le capitaine Pougny les expédie à l'arrière. Un peu plus loin, en voici trois autres, dont un Feldwebel, observateur également.

 

Il s’arrête en face de moi, regarde ma soutane et non sans peine essaie de dire quelques mots. Il veut savoir si je suis prêtre. « Oui, aumônier – Ah ! moi, capucin ! – Vous êtes capucin et mobilisé ? – Oui, parce que pas encore prêtre ; étudiant, 4 semestres philosophie, 1 semestre théologie – Ah bien ! ». Et comme il me semble que c’est un devoir en ce moment de « faire mousser » le Français, je ne me retiens pas d’ajouter : « Moi, professeur de théologie ! ». Son regard devient admiratif et se nuance de respect ; l’effet voulu est produit. « Mon Dieu, pardonnez-moi cette parole, si je fus coupable de vanité ! »

 

Un peu de brouillard s’étend sur la plaine et la dérobe à la vue. Le brouillard va s’épaississant ; il devient une densité étrange, anormale, on ne voit plus à deux pas. « Qu’est-ce qui arrive ? C’est nous qui produisons cette fumée pour aveugler l’ennemi et masquer l’attaque de l’ennemi », me répond le capitaine Pougny. Pas mauvaise l’idée, mais on n’a pas marchandé la quantité. À mes pieds c’est une mer de nuages qui montent, se répandent, submergent tout.

 

C’est presque trop ! J’hésite à descendre seul dans le labyrinthe de tranchées qui constitue l’ouvrage Soury-Lavergne. Si je m’y égare, il me sera impossible d’en sortir. Je m’assois et j’attends. Voici le commandant Hassler et sa suite. Je me joins à eux. Carte en main, le commandant Hassler essaie de s’y reconnaître il y parvient, mais non sans peine, non sans avoir quelque peu tourné sur lui-même. Enfin, voici la route Souain-Tahure ; c’est ici que le 2e bataillon s’arrête ; déjà il est dépassé par le 3e bataillon.

 

Le 2e bataillon a atteint son objectif sans rencontrer la moindre résistance ; il n’a que 3 blessés et encore, non du fait de l’ennemi.  Le capitaine Chauffenne est radieux.

 

2e phase

 

Tranchée de Livet

 

La tâche sera moins facile au 3e bataillon. Il ne se fait pas d’illusion ; le commandant Fontaine me l’a dit hier : « C’est nous qui avons le gros morceau ! » Mon Dieu pourvu que cela marche bien !

 

Noir et blanc ! C’est le mot de la situation. Nous sommes tous passés au noir de fumée, le noir le dispute au blanc de la craie ; nous nous regardons et malgré le tragique de l’heure, nous ne pouvons nous empêcher de sourire.

 

Mais il n’y a pas de temps à perdre. Le commandant Hassler doit coller avec son bataillon au 3e qui est déjà devant nous, et, si j’en crois le tacata des mitrailleuses, est déjà aux prises avec l’ennemi.

 

Les compagnies du 1er guidées par leurs chefs, boussole et carte en main, se mettent chacune dans l’axe qui leur a été assigné. Sans y penser, je me retrouve avec la 2e compagnie. Robinet marche en tête suivant le boyau que je crois être « Albertini » ; deux hommes, fusil en main, marchent sur le parapet pour parer à toute surprise. J’admire le calme et la prévoyance du capitaine qui multiplie les recommandations dictées par une longue expérience. Ah ! Comme je comprends l’importance du chef et la confiance qu’il inspire à ses hommes !

 

Et le brouillard reste toujours aussi dense. « Avancez ! » crie le capitaine, « Il faut que nous soyons à l’heure si nous voulons coller au barrage ! ». Le 3e bataillon semble bien progresser. Est-il loin devant nous ?

 

Je n’ai pas eu le temps de poser la question que devant nous, nous trouvons la 9e compagnie avec le lieutenant Ferry. La 9e est arrêtée, elle se remet en marche, lentement, lentement !

 

Le capitaine Robinet trépigne d’impatience. « Avancez ! Qu’est-ce que vous attendez ? – Nous sommes compagnie de nettoyage, répond le lieutenant Ferry, il faut le temps d’explorer les abris ! » C’est en effet un travail nécessaire, si on ne peut pas laisser derrière soi des nids de mitrailleuses et s’exposer à des surprises meurtrières funestes. Mais le capitaine tient sa montre en main ; coûte que coûte, il faut avancer, si on ne veut pas être en retard sur l’horaire prévu et l’on avance dans le brouillard.

 

Où sommes-nous au juste ? Je ne m’en rends pas compte. Nous sommes montés, c’est sans doute la cote 193, puis redescendus. Nous devons être au fond de Jourroie et le mont Muret doit être à notre droite.

 

Une éclaircie, les nuages se dissipent. On peut s’orienter et jeter un coup d’œil autour de soi. Nous sommes à la tranchée de Charlottenburg. Le 3e bataillon avec ses 10e et 11e compagnies est à 600 m en avant. Les chasseurs sont à notre droite et le 158e R.I. à droite des chasseurs. Nous voici sur les pentes sud-ouest du mont Muret. Un moment d’arrêt ; j’essaie de me rendre compte de la situation.

 

Le baromètre d’une attaque, ce sont les prisonniers. « Les Fritz ? Voici des Fritz prisonniers ! » crie un soldat à côté de moi. « Sont-ils nombreux ? – oh, mais oui ! En voilà un tas ! »

 

Je regarde ; en face de nous, marchant à terrain découvert un premier groupe. Combien sont-ils ? Une soixantaine. Il est bientôt suivi de plusieurs autres groupes. Allons ! Ça va ! Je commence à prendre confiance. « Mon Dieu ! Merci ! Continuez de nous aider et de nous protéger ! ».

 

Un à-coup regrettable. Sur les pentes du mont Muret où les chasseurs semblent maîtres de la situation, des obus tombent dru, serrés, implacables. Je vois les chasseurs flotter, se sauver. Hélas ! Ce sont nos propres obus, des 155, qui sèment la mort et le désordre dans nos rangs.

 

De tous côtés, on réclame des fusées vertes pour signaler : « Allongez le tir ! » On a peine à en trouver. Et d’ailleurs, comment dans le brouillard non complètement dissipé seraient-elles vues ? Minute tragique. Il me semble que mon sang s’arrête dans mes veines !

 

Un lieutenant des malheureux chasseurs arrive sur nous en criant : « Lancez des fusées vertes ! De grâce, prévenez l’artillerie !… C’est malheureux ! Ils tirent sur nous. J’ai lancé toutes mes fusées ! Dire qu’il va falloir lâcher le mont Muret à cause de nos obus !… Nous tenons tout ce versant… à côté le 158e  est accroché, il trouve de la résistance !…». Heureusement, le cauchemar prend fin, notre tir s’est allongé.

 

À ce moment, je vois arriver Aubry, le sergent fourrier de la 10e, une main enveloppée dans un pansement : « Vous êtes blessés ? – oh moi ce n’est rien ! Mais il y a au moins une dizaine de types qui viennent d’être amochés par nos obus ! Il y a des tués et des blessés ! » Et de la main, il me montre en arrière des corps étendus. Un blessé s’agite, se traîne vers la tranchée, appelle au secours ; une équipe de brancardiers se porte en hâte dans sa direction. « Adieu, crie Aubry, je rejoins ma compagnie ! »

 

Moi aussi, je vais de l'avant ! Pendant cette histoire, le 1er bataillon s’est remis en marche ; déjà je l’ai perdu de vue. La 10e et la 11e ont atteint leurs objectifs.

 

Elles sont maintenant dans la tranchée de Berlin et dans celle de Postdam. ; Le tacata des mitrailleuses s’éteint peu à peu.

 

Les groupes de prisonniers continuent de passer, dirigés vers l’arrière. Je renonce à compter. Il y en a certainement plusieurs centaines. Déjà le commandant Fontaine et sa suite sont installés à Postdam où les abris sont nombreux.

 

Tranchées de Berlin et de Postdam

 

Le commandant est très satisfait, l’objectif a été atteint à la minute précise qui avait été prévue et assignée et le 1er bataillon a pu entrer à son tour en scène à l’instant voulu. Il est 11 h 00 environ.

 

3e phase

 

1er bataillon : son objectif est la Pince. Arrivé là, il doit pousser une reconnaissance jusqu’à la tranchée de Nassau et au cas où elle serait inoccupée, s’y établir ; sinon, il faudra revenir à la Pince.

 

Le 1er bataillon sera soutenu dans son mouvement par le 2e bataillon. Le 149e  a vraiment une lourde tâche. Pour ne pas manquer les blessés, je décide de rester ici à Postdam près du médecin du 3e bataillon.

 

L’opération de ce matin a été extrêmement brillante ; souhaitons que celle de ce soir ne le soit pas moins !

 

Pourtant, comme rien n’est parfait dans les choses humaines, dans ce brillant tableau de chasse de ce matin il y a une ombre. La  liaison avec le colonel n’a pas fonctionné, mais là, pas du tout !

 

À qui la faute ? Le commandant Fontaine très préoccupé de ce cornard regrettable a épuisé tous les moyens de communication ; par une malchance inouïe, aucun n’a abouti : les signaux lumineux n’ont pu percer le brouillard, les coureurs envoyés successivement se sont perdus et sont revenus sans avoir pu joindre le colonel. Chiens, pigeons ont été blessés en cours de route et n’ont point rempli leur office. La T.S.F. n’a donné aucun résultat. « La liaison a été nulle, déclare le commandant, non par la faute de l’avant, mais par la faute de l’arrière ».

 

Dans le plan d’attaque, il était prévu que le colonel se transporterait à 8 h 00 à l’ouvrage Soury-Lavergne. Ne recevant rien de l’avant, il a attendu dans une impatience que je devine et ce n’est qu’à midi qu’il a quitté l’ouvrage III pour se rendre au P.S. Soury-Lavergne, confondu à tort avec l’ouvrage Soury-Lavergne. Ce qui a encore retardé la liaison.

 

Les conséquences de ce défaut absolu de liaison, nous les voyons sous nos yeux. Le colonel non prévenu de la marche de l’attaque n’a pu renseigner la division ; l’artillerie au lieu d’allonger son tir, maintient son barrage devant le 1er bataillon et arrête net toute progression.

 

Tous ceux qui reviennent de l’avant en ont les larmes aux yeux et la rage dans le cœur : « Il n’y a plus rien devant nous ; les Boches foutent le camp, impossible de les poursuivre ! »

 

Le plus navrant c’est que ce retard permet à l’artillerie boche de s’en aller. On voit les attelages venir chercher les pièces et les enlever à notre barbe, sous la protection de notre propre artillerie qui s’interpose entre eux et nous !

 

Ah si notre barrage d’artillerie s’était allongé à temps ! Nos obus auraient pu démolir attelages et canons et nos fantassins seraient arrivés à point pour faire la cueillette de tout ce matériel.

 

Quand enfin, la liaison ayant été établie, le barrage s’est déplacé en avant, il était trop tard ; les canons boches étaient partis. Ils avaient eu le temps de se reporter en arrière et maintenant ils nous prouvent à leur manière qu’ils sont toujours là ! Et voilà à quoi tient le sort d’une bataille ! La plus belle occasion qui soit a été manquée ! La réaction boche a le temps de s’organiser.

 

Que se passe-t-il à droite et à gauche ? À gauche, l’attaque n’a pas dû progresser aussi vite qu’il aurait fallu ; la 167e Division a trouvé de la résistance. Nous le voyons à la fumée des obus ; nous l’entendons au tacata des mitrailleuses.

 

À droite, l’avance ne semble pas au point. Nous avons l’impression que la division est très en flèche. Nous attendons, non sans anxiété, les décisions du haut commandement. Derrière nous, la 13e attend l’ordre de se porter en avant ; l’ordre ne vient pas. Le capitaine Bourgeois du 21e R.I. se tient près de nous pour établir la liaison. Il y a du flottement dans l’air. Le plan primitif ne se poursuit pas intégralement. Il y a quelque chose qui n’a pas dû coller ! À cette heure, la 167e D.I.devrait être à Somme Py ; elle en semble loin encore.

 

Les tanks ne sont pas encore entrés en scène. Ils se réservent sans doute. Nous n’avons vu encore que le capitaine commandant la compagnie qui vient se documenter sur place.

 

Cependant, on annonce que le 1er bataillon soutenu par le 2e a pris la marche en avant dès que le tir de notre artillerie le lui a permis. Ils se sont emparés de la tranchée de Gratreuil. Ils avancent sur la ligne de chemin de fer. Ils ont même poussé au-delà, jusqu’à la Pince. Leur objectif serait atteint, mais à quel prix ?

 

On dit que le lieutenant Cadoux serait blessé, mais légèrement. Le capitaine Kolb de la 6e est blessé également. Voici qu’on l’apporte tout sanglant sur un brancard. Une balle lui a traversé le cou. Il a l’air d’un moribond et gémit faiblement. Mon Dieu ! Pourvu que la blessure ne soit pas mortelle ! Le capitaine Kolb est une des figures les plus sympathiques du régiment. Parti d’en bas, il s’est élevé au grade de capitaine par son seul mérite !

 

Les avions boches ! Ils sont une cinquantaine au moins à nous survoler, lentement, posément. J’en conclus qu’en face ce n’est pas la pagaille comme on aurait pu supposer. Cette reconnaissance est un prélude, les Boches vont réagir. Bientôt leur artillerie donne de la voix ; tout à l’heure ils se taisaient, faisant leurs déplacements ; les voici qui se sont remis en position et qui réagissent vivement.

 

Il fallait s’y attendre ! Les Boches ont, je crois, contre-attaqué avec une division fraîche. Nos troupes avancées sur la Pince ont dû revenir à la ligne de chemin de fer et même à la tranchée de Gratreuil. C’est là qu’ils tiennent.

 

Il est environ 16 h 00. À ce moment arrive un papier, un ordre. Ô ironie du sort ! C’est au moment où une division boche toute fraîche, une division de la garde prussienne (la 3e) est signalée et nous menace d’une contre-attaque, qu’un papier arrive, signé du général, pour dire ceci ou à peu près : « L’ennemi est en fuite devant nous, il n’y a plus personne ! Que tout le monde se lance en avant ! » Pardi ! La division retarde de 4 h 00 sur les événements ! Ceci était vrai (peut-être ?) à midi, mais est complètement faux à 16 h 00 !

 

Défaut de liaison, renseignements erronés, données fausses ! Nous commençons avec cela à faire des sottises !

 

Quelles troupes avons-nous exactement en face de nous ?

 

Ce matin nous avons trouvé en ligne et à peu près anéantie une division Ersatz Bavaroise comprenant le 1er, le 13e, le 15e régiment, plus le 1er régiment d’artillerie de campagne. Cette division, en somme, s’est fort mal défendue et s’est montrée, heureusement pour nous, fort médiocre. Aux dires des prisonniers, cette division venait de Russie. Peu habituée à la guerre terrible de ce front, elle s’est affolée.

 

Quelques prisonniers arrivent qui nous permettent d’identifier la division qui vient de nous contre-attaquer sur la ligne de chemin de fer. C’est la 3e division de la garde prussienne qui comprend trois régiments : Le 9e Grenadiers (KolbachStasdts Rég.) – le Lehr Rég et le Leib Rég.

 

Ce matin, cette division était ce matin au repos à Semide. Elle venait déjà de se battre. Son effectif assez réduit n’était guère que de 60 hommes par compagnie.

 

Il y a également de la 15e division allemande, on en a identifié un, le 31e.

 

Assurément quand on voit défiler ces unités diverses, on trouve un peu amer d’entendre dire qu’il n’y a personne devant nous.

 

P.C. du colonel

 

Ayant quitté l’ouvrage III à midi, le colonel a transporté son P.C. à Soury-Lavergne. Là, il ne fait que passer. À 18 h 00, il est à quelques pas de nous à la tranchée de Berlin, où il va passer la nuit, attendant les évènements.

 

D’après ce que je vois, c’est nous, nous toujours qui restons en ligne ; c’est nous qui poussons de l’avant. La 13e D.I. reste en arrière. Nous aimerions bien cependant lui céder la place d’honneur. Mais non ! On fait rendre à chaque division son maximum au risque de les user jusqu’à la corde.

 

Quelques renseignements sur les évènements de la soirée. À l’activité de l’aviation et de l’artillerie boches, j’avais cru à une contre-attaque boche, laquelle nous avait contraints à reculer. Il paraît que ce n’est pas tout à fait cela !

 

Trompé par un rapport inexact des chasseurs rendant compte qu’ils étaient à la Pince – ce qui était faux puisqu’ils n’avaient pas encore traversé la voie ferrée – le commandement ordonne au 149e d’aller de l’avant.

 

Ceux qui étaient à l’arrière pouvaient s’y tromper ; les nôtres qui voyaient les Boches à droite, qui surtout recevaient de flanc leurs balles de mitrailleuses, ne pouvaient se faire aucune illusion.

 

Par trois fois, le capitaine Robinet rend compte de la situation ; par trois fois, on lui répond qu’il voit mal, que les balles et les mitrailleuses qu’il signale n’existent que dans son imagination et qu’il doit avancer.

 

Quelle humiliation pour un chef de voir sa parole mise en doute – et quelle angoisse d’être obligé de conduire des troupes à un désastre certain ! L’ordre est l’ordre ; il faut marcher et l’on marche jusqu’à la Pince. De droite, de gauche, les mitrailleuses boches prennent la petite troupe d’enfilade ; c’est la mort certaine et pour tous si on persiste dans cette manœuvre. Le plus sage est de revenir à l’alignement et d’attendre. C’est ce que l’on fit !

 

Lepaux est tué ! Tué aujourd’hui à midi, en traversant la voie ferrée ! Première mauvaise nouvelle qui m’accable ! Pauvre enfant, si fier de ses nouveaux galons de sous-lieutenant conquis de haute lutte ! Je vois les siens dont il était l’orgueil, apprenant cette nouvelle. Pauvres parents ! Il a été tué précisément par une de ces mitrailleuses qui prenait de flanc à gauche sa compagnie. Il venait de descendre deux Boches à coups de fusil, en disant : « En voilà deux qui ne feront plus de mal ! » quand il reçut lui-même une balle en plein front et s’écroula comme une masse ! Non ! Non ! Les chasseurs n’étaient pas à la Pince ! Hélas !

 

À chacun son dû ! Le colonel ayant dit ce qu’il avait à dire au sujet des liaisons défectueuses a rendu hommage aux troupes qui ont mené l’assaut. Il envoie ses félicitations les plus vives et exprime à ses soldats toute sa satisfaction. Jamais félicitations ne furent plus méritées.

 

La journée s’achève dans un calme relatif. Chacun a pris position pour la nuit et demain la bataille recommencera. Dans l’abri, PC du commandant Fontaine, nous nous entassons au petit bonheur.

 

À côté de nous, la 9e et le 3e C.M. ont trouvé des abris. La 9e, paraît-il, est installée dans les locaux d’une coopérative boche où il reste quelques petites choses, en particulier de la bière excellente. Dans la journée, on a cueilli quelques canons, quatre chevaux, des crapouillots, des mitrailleuses en quantité. J’ai même aperçu une bicyclette qui paraissait en bon état.

 

Pendant la nuit, les avions prennent possession du ciel ; projecteurs boches et français ; ils ne se trahissent pas comme les nôtres ; ils envoient dans le ciel une surface lumineuse qui semble sans attache avec le sol. »

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Deux des morceaux de cartes utilisées sont extraits de l’article « Tactique appliquée d’infanterie » rédigé par Ulysse Fontaine publié dans la revue d’infanterie n° 350 du 15 novembre 1921, l’autre provient du J.M.O. du 3e B.C.P. : Réf 26 N 816/5.

 

Le dessin est tiré de l'ouvrage allemand Reichsarchiv band 35.

 

 Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, et à J.L. Poisot.

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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