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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.

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14 janvier 2022

25 octobre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

25 octobre 1918 l'abbe Henry temoigne

 

Le 149e R.I., tout juste remis des attaques de septembre, se prépare à repartir au combat. Un bataillon reconstitué avec les effectifs réduits du régiment est mis sous l’autorité du commandant Froment.

 

Le lieutenant-colonel Vivier prend le commandement d’un groupe composé de 2 bataillons du 1er B.C.P. et du bataillon Froment. Les chasseurs seront les premiers à être engagés. Le bataillon Froment, plus en arrière, constituera la 3e vague d’assaut.

 

L’aumônier Henry quitte Lor pour rejoindre le P.C. du lieutenant-colonel Vivier installé à le Thour. Le P.C. est éloigné de la 1ère ligne. Les informations arrivent par téléphone. Elles sont souvent contradictoires.

 

De Lor à Le Thour

 

Messe à 6 h 30.

 

Le Boche est resté très nerveux jusqu’au déclenchement de notre artillerie à 6 h 30. Il est certain qu’il se doute de quelque chose. Il ne faut pas compter sur l’effet de surprise, il faudra que notre artillerie donne son plein.

 

Le tir boche est si ennuyeux que je ne peux commencer ma messe qu’à 6 h 30. Dès 5 h 30, le G.B.D. est venu se mettre à la disposition de M. Rouquier qui a expédié Papoz et ses hommes à M. Jourdan au 1er B.C.P.. Cela fait bien du monde dans la rue à un moment quelque peu dangereux. La voix claironnante de Clairac indique que M. Vignot est arrivé avec son état-major.

 

6 h 30. Au moment où je commence ma messe, le tir général se déclenche. Quelle musique ! Les 280, qui sont proches de nous, sont particulièrement désagréables. À chaque coup, les ardoises descendent des toits. Tout tremble dans les maisons déjà si peu solides.

 

7 h 30. Première nouvelle. Elles sont mauvaises. Cette nuit, le bataillon Froment a eu, par un seul obus, 5 tués et 6 blessés, sur la route de le Thour.

 

Mon Dieu, de grâce, épargnez-nous ! C’est la 6e compagnie qui a eu ce coup malheureux. L’obus est tombé en plein sur la section !

 

Visite de M. Vuillaume, de M. Vigneault. Ces M.M. ne savent rien de l’attaque.

 

9 h 00. Voici des blessés, une dizaine (158e, 1er B.C.P., un artilleur), deux Boches, utilisés comme brancardiers. On signale un officier boche prisonnier qui vient d’entrer à l’I.D., en face. Quelques ypérités. Les Boches ont envoyé des obus à ypérite surtout sur les batteries. Il est fort heureux que les Boches soient à court d’ypérite ; il nous ferait beaucoup de mal et nous gênerait considérablement.

 

10 h 00. Déjeuner de bonne heure, afin de pouvoir gagner le Thour le plus tôt possible. Il est vrai que rien ne presse encore.

 

C’est le 1er B.C.P. qui attaque ce matin ; le commandant Froment, avec son bataillon, est toujours en réserve, en avant du village de le Thour. L’objectif de la division à atteindre dans la journée est assez considérable et comporte pas mal de difficultés ; un simple coup d’œil sur la carte suffit pour s’en rendre compte.

 

Le 1er B.C.P., partagé en deux bataillons, forme les deux premières vagues d’assaut ; le bataillon Froment partira en troisième vague. L’objectif des chasseurs constitue le gros morceau à enlever.

 

Ils doivent prendre le système de tranchées connu sous le nom de « Hunding stellung ». C’est une véritable forteresse à enlever, constituée par plusieurs tranchées et je ne sais combien de réseaux de fil de fer.

 

La partie de la ligne la plus difficile à enlever est certainement le village de Banogne que les Boches ont organisé comme ils savent le faire. Le mouvement du 1er B.C.P. avec les différentes préparations d’artillerie doit occuper toute la matinée.

 

Ce n’est guère que vers midi que le 149 s’élancera à l’assaut en troisième vague. Son objectif est de presser le Boche quand celui-ci aura été bousculé par le 1er B.C.P. et chassé de son repaire « Banogne et Hunding » et de le poursuivre jusqu'à Hannogne. Objectif intéressant, a déclaré le colonel, car ce sera de la guerre en rase campagne, de la guerre de manœuvre.

 

La partie se joue en ce moment. Depuis deux heures, les chasseurs, appuyés par le 158, à qui revient le périlleux honneur d’enlever Banogne, à droite, sont partis de l’avant. Où en sont-ils en ce moment ? Ici, nul ne le sait ; c’est trop loin du P.C. du colonel.

 

Un officier de l’I.D. que j’interroge me déclare qu’à l’I.D. on ne sait rien encore. Je commence à savoir interpréter ces réponses évasives. Aux jours d’attaque, « Pas de nouvelles » veut dire « Mauvaises nouvelles », du moins, je le crains et c’est le cœur plein d’appréhensions que je prends le chemin de Le Thour.

 

Je m’en vais seul, le docteur Rouquier n’a pas les mêmes raisons que moi de se presser. Il est 11 h 00. En partant, j’aperçois le sergent Arnould, de la musique, qui marche en traînant le pied ; un éclat d’obus ou une pierre, je ne sais au juste, lui a contusionné le pied. Rien de grave, mais le voici hors de service pour quelques jours.

 

De Lor à le Thour, 2 km 500. À droite et à gauche, des canons, des caissons, des munitions. Les attelages sont alignés le long de la route. Les canons de 185 et de 75, tout fumants de l’effort qu’ils ont fait depuis 6 h 30, ne crachent plus leur mitraille que par intermittence. Et pourtant, si je me souviens bien du plan des opérations, ils devraient en ce moment donner leur plein pour l’attaque du 149.

 

Carte 1 temoignage aumonier Henry du 25 octobre 1918

 

Non vraiment, je n’augure rien de bon ! Le soleil a beau briller dans le ciel et jeter sur la campagne sa lumière réconfortante et joyeuse, je sens qu’il fait de plus en plus nuit dans mon cœur. Non, non, si brillant soit-il, ce soleil n’est pas celui d’Austerlitz. À gauche, à la sortie du village, un cimetière boche ; sur chaque tombe, une croix en pierre basse et massive, remarquable de mauvais goût.

 

Ce que je vois sur la route n’est pas fait pour dissiper ma tristesse : des cadavres de chevaux ; ce serait peu ; mais voici un soldat dont le corps est étendu sans mouvement sur le bord de la route ; plus loin un autre. Près d’un bois, un poste de G.B.D.. Ils ont vu passer un certain nombre de blessés, mais ils ont surtout évacué des ypérités.

 

Enfin, voici le village de le Thour : des maisons éventrées, des cratères de mines avec des amas de décombres, de plâtras de charpentes renversées. Le village est détruit, détruit comme Souain, comme Deniécourt. Mais ici ce ne sont pas les obus, ce sont les mines qui ont opéré. À l’entrée du village, encore un mort ; détail macabre, sa capote brûle, le feu doit être dans sa cartouchière ; j’essaie de la retirer ; je n’y réussis qu’en partie.

 

P.C. du colonel. C’est une cave, une de ces caves que les boches n’ont pas cru devoir faire sauter. Il en reste quelques-unes qui ont été épargnées ; le P.S. du 158 est dans la cave voisine. Le père Bruneau assiste là les blessés. La première nouvelle que j’apprends en arrivant, c’est que tout le P.S. du 31e, installé à la sortie est du village, a été ypérité. Le père Poirot, le médecin, eux-mêmes ont été évacués, très gazés.

 

Au P.S. du colonel, je n’ai pas besoin de demander où en est l’attaque, je vois la réponse sur les figures : « Ça n’a pas collé ? – Non ; c’est le bec ! – Alors ? – On va essayer de remettre ça ! »Le coup est manqué ; on va essayer d’y revenir ; je connais ça, c’est le coup d’Orfeuil. Gare à la casse ! À l’avance, je tremble.

 

Le lieutenant Viard est tué ! Il a été tué hier, dans la nuit. Il fait partie des cinq signalés comme tués. Il paraît que son corps était tellement abîmé qu’il était complètement méconnaissable. Dieu l’accueille dans son saint Paradis ! J’aime à me rappeler que je l’ai vu à la messe le dimanche ; c’était un bon camarade et un chef sympathique. Je n’en ai entendu dire que du bien ; en plus, c’était un modeste.

 

L’attaque reprise ce soir n’a pas donné les résultats espérés ; mais, par contre, elle a été fertile en incidents. Au P.C. du colonel, je les ai vécus dans cette soirée, heure par heure, minute par minute. Chaque unité a sa manière, son genre.

 

Les façons des chasseurs ne sont pas celles des fantassins ; le 1er B.C.P. ne rend pas le même son, ne donne pas la même note que le 31e. Le 1er a son genre ; le 149 a le sien qui est autre.

 

L’idée de mettre en ménage deux unités de caractère, deux tendances aussi différentes, n’était certes point banale ; je n’ose dire qu’elle était heureuse.

 

Ces tendances particulières se sont affirmées ce soir par des manifestations répétées qui les ont mises en plein jour. Le soir arrive : où en sommes-nous de l’attaque ? On compte, on calcule au P.C. du colonel. Ici ce n’est pas tout à fait comme dans la vie normale : les mauvaises nouvelles vont moins vite que les bonnes.

 

Dans ces moments d’attente qui paraissent interminables, le P.C. prend une physionomie qui vaudrait la description. On sent l’angoisse au fond de toutes les âmes, mais une angoisse qui ne veut pas se laisser voir, que les attitudes s’appliquent à ne pas trahir.

 

Quelle fièvre, c’est le téléphone qui semble à ce moment le point vital du P.C.. Sur lui, tous les regards sont fixés : pauvre téléphone qui n’en peut plus, mais c’est à lui qu’on s’en prend, c’est sur lui que se déverse la mauvaise humeur. S’il se tait, on le secoue pour le faire parler. Allô ! Allô ! - S’il parle, on l’écoute avec humeur !

 

Il parle ! Il signale des fusées vertes sur la ligne Hunding. Vite on interroge le code : fusées vertes = objectif atteint. Quoi ! Ce serait trop beau ! Voilà qui demande confirmation. Allô ! Téléphone !… Mais parle donc ! Il parle.

 

C’est bien vrai : le commandant du 1er B.C.P. signale que ses intrépides chasseurs ont atteint leurs objectifs. Pourtant, le colonel du 149e reste soucieux. Est-ce que vraiment la joie fait peur ? Il me semble qu’il transmet à l’I.D. cette nouvelle en des termes qui manquent d’enthousiasme.

 

Il a sans doute ses raisons pour cela. Pour moi qui, à toutes ces histoires, ne connais rien de rien, je note simplement que les renseignements successifs qui arrivent coup sur coup ne semblent pas toujours faciles à concilier.

 

Je ne vois pas, par exemple, comment les chasseurs peuvent occuper les lisières ouest de Banogne (ce qui fait partie de leur objectif) tandis que le 158e continue de faire tirer à coups de 155 sur le village lui-même. Je ne vois pas comment… mais, après tout, de quoi vais-je me mêler ? Est-ce que je vais me donner le ridicule d’essayer de voir, de comprendre des choses qui ne sont pas de ma compétence !

 

Quoi qu'il en soit, voici des prisonniers ! J’en compte une vingtaine, dont un officier ; un petit lieutenant qui parle français et qu’on fait descendre au P.C. aux fins d’interrogatoire.

 

Avec une parole un peu sèche, quoique polie, il veut bien expliquer en quel endroit il a été fait prisonnier. C’est un point tellement en arrière de notre ligne, qu’on hésite à le croire. Mais il est formel : il était là avec sa compagnie réduite à 40 hommes ; son capitaine blessé s’était retiré, il a pris le commandement. Il s’est défendu tant qu’il a pu, bien qu’il ait manqué de munitions. Les soldats français étaient passés sans le voir. Par deux fois, il avait envoyé chercher des munitions ; ses hommes ne sont pas revenus. Alors se voyant cerné, sans moyen de défense, il s’est rendu.

 

On essaie d’obtenir d’autres renseignements, peine perdue. Avec une candeur trop polie pour être honnête, il coupe court à toutes les questions : « Écoutez, Monsieur, je ne sais pas, je suis arrivé hier soir d’Allemagne sur le front ! » Ah ! Mon vieux, si tu crois que je te crois ! Tu ne veux rien dire ! Suffit ! À une question du lieutenant Barge qui lui demande s’il a des cartes sur lui, il répond froidement qu’il les a déchirées. Il est temps de renvoyer ce bonhomme ; avec son air de ne pas y toucher, il deviendrait impertinent.

 

Catastrophe au G.B.D.. Une nouvelle épouvantable arrive de Lor. Deux obus sont arrivés coup sur coup dans la cour où stationnait le G.B.D. et ont fait dans le personnel, dans les blessés qui attendaient, un véritable massacre. Tués : MM. Guillaumont, Dessagne, Goix, Luyton et plusieurs autres ; Morise mourant. M. Vuillaume blessé gravement, MM. Vignot, Clairac … etc, blessés. C’est la grosse, très grosse catastrophe ! Nous sommes tous atterrés. Jamais le G.B.D. n’a été éprouvé aussi gravement !

 

Message rectificatif du commandant Lebleu. Les chasseurs n’ont pas du tout atteint leur objectif ; ils n’ont pas du tout pris la ligne Hunding. Ils sont arrêtés à la route Saint-Quentin, Banogne…

 

Mais les fusées vertes lancées ? … lancées par les Boches ? … mais les comptes-rendus ? … à éclaircir…

 

Stupéfaction générale ! Mais stupéfaction dans laquelle il n’entre pas ou presque pas d’étonnement. Alors maintenant, il faut démentir tous les renseignements envoyés précédemment. Allons ! Pauvre téléphone ! Marche ! Transmet ! Et les exclamations se devinent à l’autre bout du fil ! …... Inouï… Incroyable ! … ça vous étonne !

 

Le général n’est pas content ! Il le fait savoir ! Docile, le téléphone transmet toujours ! Protestations ! « Ah, mais non ! Je n’accepte pas ! Je n’encaisse pas ! » Tout le monde est furieux.

 

Le pire c’est que les chasseurs se sont épuisés dans l’effort. Ils ont eu de la casse en hommes, en officiers. Le commandant demande à passer en deuxième ligne pour pouvoir reformer le bataillon désorganisé par les violences du coup.

 

Il demande. Mais c’est déjà fait. Le 149 est passé en première ligne. Le commandant Froment s’est porté en avant afin de parer au danger. Dans ces mouvements opérés d’urgence, la liaison n’a pas pu s’établir assez vite avec l’arrière. Le téléphone reste muet ! Tout n’est pas rose pour les officiers de liaison. Et ce qui complique tout, c’est que la nuit est venue, une nuit d’encre, où on ne voit pas à deux pas devant soi ! Que Dieu guide les agents de liaison.

 

Voilà donc le 149 en première ligne ! À lui maintenant de marcher ! L’officier boche prisonnier a déclaré que non seulement les Boches n’avaient pas l’intention de se replier, mais qu’ils avaient, au contraire, ordre formel de tenir coûte que coûte jusqu’au dernier !

 

Mon Dieu, que nous réservez-vous pour demain ? Allons-nous revivre les mauvais jours d’Orfeuil ? Il fait nuit ! Nuit sur la nature ! Nuit dans les cœurs.

 

Dans l’attente des évènements, je n’ose revenir à Lor. Ici pas de place ! N’importe, on peut dormir sur une chaise !

 

Et les tanks ? Ils étaient partis une quinzaine avec les chasseurs. Il en reste trois ! Le même canon anti-tank en aurait démoli onze à lui seul, dont quatre ont pris feu.

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot et au S.H.D. de Vincennes.

7 janvier 2022

Gaston Samuel (1881-1918)

Gaston Samuel

 

Gaston Samuel voit le jour le 7 octobre 1881, à Baccarat, une ville située à l’extrême sud du département de la Meurthe-et-Moselle. Son père, Prosper, alors âgé de 29 ans, exerce le métier de commerçant. Sa mère, Caroline Alexandre, a 31 ans. Elle ne pratique pas d’activité professionnelle. Gaston est le second enfant du couple. Une sœur, prénommée Fernande, est née l’année précédente. Un frère, André, viendra au monde en 1884.

 

Genealogie famille Samuel

 

Le jeune Gaston quitte l’école communale avec un degré d’instruction de niveau 3. Il maîtrise parfaitement la lecture, l’écriture et le calcul lorsqu’il rejoint le milieu du travail.

 

En 1901, ses parents vivent alors à Rambervillers. Le registre de recensement correspondant à cette année nous apprend que son père était marchand de bestiaux.

 

Comme pour la quasi-totalité des registres matricules du bureau de recrutement du département des Vosges, il n’y a aucune inscription enregistrée dans la case « détail des services et mutations diverses » sur la fiche signalétique et des services de Gaston Samuel. Cette absence de renseignements rend impossible la reconstruction de son parcours militaire.

 

Nous savons simplement qu’il a été déclaré « bon pour le service armé » par le conseil de révision qui s’est réuni à la mairie de Rambervillers l’année de ses vingt ans.

 

Gaston a probablement effectué ses obligations militaires durant l’année 1902, puis quitté la caserne trois ans plus tard, avec l’obtention de son certificat de bonne conduite. C’est tout ce que nous pouvons dire concernant cette période.

 

De retour à la vie civile, il retrouve son poste d’employé de commerce.

 

Le 1er août 1914, la France rappelle ses réservistes. Un nouveau conflit contre l’Allemagne est sur le point d’éclater. Les classes en âge de revêtir l’uniforme ont ordre de rejoindre leurs dépôts d’affectation, ce qui est le cas de Gaston Samuel.

 

Comme il a été dit précédemment, sa fiche matricule reste obstinément muette sur son vécu de soldat.

 

Il est donc impossible de dire quoi que ce soit sur ce qu’il a fait durant les premières années du conflit. Était-il déjà caporal au moment de la mobilisation, un grade qu’il aurait pu obtenir durant sa conscription ? Rien dans les documents disponibles ne permet de répondre à cette question.

 

Le texte qui accompagne sa Médaille militaire nous apprend qu’il a été blessé entre le début des hostilités et le mois d’avril 1917. Il n’y a pas plus de précision sur cette blessure.

 

En effet, son nom ne figure sur aucun état des pertes du 149e R.I. couvrant la période d’août 1914 à septembre 1915. Il n’est pas plus inscrit dans les registres des contrôles nominatifs des malades et des blessés traités dans les formations sanitaires de ce régiment ; ces registres sont détenus par les archives médicales hospitalières des armées de Limoges. Cela voudrait-il dire qu’il servait dans un autre régiment avant cette blessure ? C’est une éventualité.

 

Mais où et quand a-t-il été blessé ? Encore un blanc dans son parcours qu'un document permettra peut-être un jour de combler.

 

Une citation à l’ordre du 149e R.I. gagnée en septembre 1916 lui accorde le droit de porter la croix de guerre. Cette citation valide sa participation aux combats menés par ce régiment dans la Somme. Sa présence dans ce département, en tant que sous-officier, est confirmée par le texte qui accompagne sa Médaille militaire obtenue quelques mois plus tard.

 

Mais à quelle période a-t-il été nommé sergent ? L'absence de sources empêche de le savoir.

 

Le 10 avril 1917, un groupe de sous-officier du 149e R.I. est photographié loin de la zone des combats.

 

Les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R

 

Grâce au livre de Francis Barbe « Et le temps, à nous, est compté », il est tout à fait réaliste d’associer un visage à un nom pour ce cliché. Un tirage similaire, reproduit à la page 179 de l’ouvrage, est accompagné des 17 noms des hommes représentés. Le sergent Samuel est dans la liste. Tous ces sous-officiers appartiennent à la 10e compagnie.

 

À quel moment le sergent Samuel a-t-il été affecté dans cette compagnie ? Il n’est pas possible de répondre à cette interrogation.

 

Le régiment qui a pour devise « Résiste et mord » occupe plusieurs secteurs particulièrement exposés, à proximité du chemin des Dames. Mais il ne sera pas engagé avant l’offensive de la Malmaison du 23 octobre 1917.

 

Le sergent Samuel a-t-il participé à cette attaque ? Il est difficile de l’affirmer.

 

Un acte de décès permet de retrouver sa trace à la fin de l’année 1917.

 

Gaston Samuel est témoin de la mort accidentelle du 1ère classe Claude Luc survenue le 26 décembre 1917. La lecture de l’acte de décès de ce soldat nous apprend qu’il servait à la 12e compagnie du 149e R.I., une compagnie non combattante rattachée au centre d’instruction de la 43e D.I. le jour de sa disparition. Même si nous n’en connaissons pas les raisons, cette information est d’une grande importance, puisqu’elle confirme la présence du sergent Samuel au sein du C.I.D. à cette période de la guerre.

 

Le sergent Samuel est ensuite affecté au 31e B.C.P. puis au 67e R.I.. À quel moment et pour quel motif a-t-il été affecté dans ces unités ? Il est impossible de donner une réponse satisfaisante à ce questionnement.

 

Gaston Samuel est tué en Belgique le 8 novembre 1918 près du village de Zingem, que l'on trouve parfois écrit "Synghem". 

 

Un article de presse, publié dans le journal « le télégramme des Vosges », nous indique que le corps de ce sous-officier a été rapatrié par convoi ferroviaire à Rambervillers le 4 juillet 1922.

 

Le nom du sergent Samuel est gravé sur la plaque commémorative de la Synagogue de Saint-Dié-des-Vosges. Il n'est pas inscrit sur les monuments aux morts de sa ville de naissance (Baccarat), de sa ville de résidence (Saint-Dié-des-Vosges), et encore moins sur celui de Rambervillers où son corps repose. 

 

Les décorations du sergent Samuel

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre avec une étoile de bronze :

 

Citation à l’ordre du régiment du 26 septembre 1916 :

 

« A, par beaucoup d’initiative et de dévouement, aidé son chef de section dans l’organisation des positions conquises. A fait preuve d’un grand courage. »

 

Médaille militaire (J.O. du 24 avril 1917) :

 

« Sergent de la territoriale au 149e R.I.. Sous-officier dévoué et brave qui s’est distingué, comme chef de demi-section aux attaques de septembre 1916.  Une blessure (a déjà été cité). »

 

Le fil conducteur reliant la fiche individuelle figurant sur le site « Mémoire des hommes » à la fiche matricule et au portrait de la photographie a été très difficile à établir. Les citations trouvées dans le livre d’or des Israélites dans l’armée française, la lecture du registre matricule de son frère André, souffrant également d’une très forte myopie et l’acte de décès du soldat Luc, ont beaucoup aidé à tisser le lien identitaire.

 

La destruction intégrale des registres d’état civil de la ville de Saint-Dié-des-Vosges, durant le 2conflit mondial du XXe siècle, ajoute un blanc supplémentaire à l’histoire du sergent Samuel. Une recherche généalogique approfondie est inenvisageable. Gaston Samuel a-t-il été marié ? A-t-il eu une descendance ? Il est impossible de le dire.

 

Sources :

 

Fiche signalétique et des services du sergent Samuel lue sur le site des archives départementales des Vosges.

 

Livre d’or des Israélites dans l’armée française.

 

« Et le temps, à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

 

La photographie de groupe représentant les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R.I. provient du fonds Gérard (collection personnelle).

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à A. Samuel, à F. Barbe, à A. Carobbi, à O. Gaget, à T. Vallé, aux archives départementales de la Meurthe-et-Moselle et des Vosges  et au Service Historique de la Défense de Vincennes.  

31 décembre 2021

25 et 26 octobre 1918, l’attaque de la Hunding-Stellung

25 et 26 octobre 1918 bataille de la Hunding-Stellung

 

Octobre 1918 : la 1ère ligne allemande est débordée et dépassée dans le département de l’Aisne. La Ve Armée du général Guillaumat stoppe devant la ligne défensive de la Hunding-Stellung.

 

Les unités de la 43e D.I. sont intégrées à la Ve Armée à partir du 17 octobre.

 

Dans la nuit du 20 au 21, des éléments de cette division, subordonnée au 21e C.A., relèvent une partie de la 16e D.I. rattachée au 13e C.A. depuis le 11 septembre 1918.

 

La 43e D.I. occupe une zone située dans les Ardennes entre La Croix et Le Thour. Son secteur a été divisé en deux parties. Le groupement Chabert (31e B.C.P. et 158e R.I.) est placé dans le sous-secteur de droite, le groupement Vivier (1er B.C.P. et 149e R.I.) dans le sous-secteur de gauche.

 

Carte 1 bataille de la Hunding-Stellung

 

Le lieutenant-colonel Vivier, commandant du 149e R.I., vient d’être nommé à la tête d’un groupement ; celui-ci est constitué de deux bataillons du 1er B.C.P. sous les ordres du capitaine Manceaux et du capitaine Launay et d’un bataillon de son régiment, sous l'autorité du commandant Froment. L’unité constituée est appelée « groupement Vivier ».

 

 

Les 2 bataillons du 1er B.C.P. commandé par le commandant le Bleu relèvent le 85e R.I. en 1ère ligne.

 

21 et 22 octobre 1918

 

Carte 2 bataille de la Hunding-Stellung

 

Le bataillon Manceaux occupe la ligne de front jalonnée par le ruisseau des Barres depuis La Croix jusqu’au point 62.12, à environ 300 m au nord des lisières de le Thour.

 

 Le bataillon Launay est en 2e ligne dans le bois situé à 1000 m à l’ouest de le Thour.

 

Le bataillon Froment se tient en réserve derrière le bataillon Launay.

 

Des reconnaissances ont été effectuées par les 31e B.C.P. et le 85e R.I.. Il semblerait que les Allemands aient déjà abandonné une bonne partie de la Hunding-Stellung.

 

Les premiers éléments ennemis ont été repérés sur la ligne de crête cote 109 - cote 127.

 

23 octobre 1918

 

De nouvelles reconnaissances sont effectuées dans la nuit.

 

Les Allemands, qui n’ont pas lancé de grande contre-attaque, ont opté pour une attitude attentiste depuis l’offensive française des jours précédents. L’ennemi compte probablement sur la ligne Hunding-Stellung pour stopper l’avance de la Ve armée. Seuls les nombreux tirs de ses mitrailleuses rappellent la dangerosité du secteur.

 

Les reconnaissances envoyées par le capitaine Manceaux valident les observations faites la veille par les 31e B.C.P. et 85e R.I.. Elles ont constaté qu’une grande partie du terrain a été abandonnée par l’infanterie allemande. Les officiers supérieurs décident de faire progresser les compagnies du 1er B.C.P. plus en avant.

 

24 octobre 1918

 

Plusieurs patrouilles progressent dans le no man’s land tout au long de la journée.

 

Les deux bataillons du 1er B.C.P. avancent à nouveau leurs positions dans la nuit, se tenant prêts à lancer l’offensive prévue le lendemain. Le bataillon Froment du 149e R.I. est toujours en réserve. Il constituera la 3e vague d’assaut.

 

Les chars du 4e bataillon du 502e régiment, composé de l’A.S. 310, 311 et 312, sont mis à la disposition de la 43e D.I..

 

Dans la nuit du 24 au 25 octobre, les blindés gagnent leur position de départ sur la rive nord du ruisseau des Barres. Ils ont été mis sous la protection des avions pour masquer le bruit de leurs moteurs.

 

25 octobre 1918

 

Carte 3 Bataille de la Hunding-Stellung

 

De nouvelles reconnaissances sont envoyées. Il n’y a pas de changement constaté dans les positions allemandes.

 

La préparation d’artillerie française débute  à 6 h 30. L’infanterie attaque à 7 h 00.

 

Les compagnies du capitaine Michaux avancent derrière un tir de barrage roulant. Elles sont suivies par le bataillon Launay.

 

La progression est délicate. Les chasseurs rampent pour aller de l’avant. Les tirs des mitrailleuses ennemies, particulièrement efficaces, empêchent le bataillon Manceaux d’atteindre son objectif.

 

Le bataillon Launay dépasse le bataillon Manceaux à 13 h 20. L’attaque sur la Hunding-Stellung reprend à 15 h 30 sans plus de succès. Seul l’objectif intermédiaire est atteint en fin de journée. Des éléments du 1er B.C.P. sont tout de même parvenus à pénétrer dans la 1ère ligne de la position allemande.

 

Les chars de l’A.S. 312 affectés au groupement Vivier sont intervenus au cours des deux attaques menées par le 1er B.C.P..

 

Les pièges antichars allemands non détruits par l’artillerie (pièces antichars, mines, canon de 77 enterrés au ras du sol, minenwerfer) leur ont infligé des pertes sévères.

 

Malgré cette situation, ils sont parvenus à détruire un nombre conséquent de mitrailleuses, sauvant ainsi de nombreuses vies. Grâce à leur action, un groupe de chasseurs est parvenu jusqu’aux réseaux de barbelés de la Hunding-Stellung.

 

La carte suivante indique la progression approximative effectuée par les chars du 4e bataillon du 502e régiment au cours des attaques menées les 25 et 26 octobre 1918.

 

Carte 4 bataille de la Hunding-Stellung

 

Durant cette journée, les Allemands ont opposé une vive résistance. Les objectifs fixés par le plan initial français n’ont pas été atteints.

 

26 octobre 1918

 

Carte 5 bataille de la Hunding-Stellung

 

La situation est identique à la veille au soir. Les éléments de tête du groupement Vivier sont placés à 200 m au sud de la route Banogne-Saint-Quentin-le-Petit.

 

Le groupement Chabert est stoppé devant le village de Banogne et les premiers réseaux de la position Hunding-Stellung.

 

La 170e D.I.,qui a réussi à enlever le village de Saint-Quentin-le-Petit, se relie au groupement Vivier à proximité du point 94.

 

L’offensive reprend à 9 h 00. Le groupement Vivier doit contourner Banogne par l’ouest, le groupement Chabert par le sud.

 

Le bataillon Froment dépasse le bataillon de tête du 1er B.C.P. pour attaquer la tranchée de Neptune. Il est soutenu par deux sections de chars reconstituées. La 3e section du lieutenant de Bayenghem accompagne sa compagnie de gauche. La 1ère section de l’aspirant Laugier soutient sa compagnie de droite.

 

Carte 6 bataille de la Hunding-Stellung

 

Les deux compagnies du 149e R.I. se collent au tir de barrage. La route de Banogne-Saint-Quentin-le-Petit est franchie à 10 h 00. Les chars arrivent rapidement à la tranchée de Neptune. Une forte brume a favorisé leur approche. L’infanterie est stoppée par les tirs de flanc des mitrailleuses ennemies installées à l’ouest de Banogne et à gauche du point 78.55  de la tranchée de Neptune. L’attaque est stoppée.

 

Le bataillon Froment reprend l’offensive à 15 h 30 après une préparation d’artillerie d’une heure. Sans plus de succès, elle est stoppée nette par les mitrailleuses allemandes qui n’ont pas été réduites au silence.

 

Les compagnies du bataillon Froment et les sections de chars ne peuvent pas aller au-delà. Une fois de plus l’attaque est un échec.

 

L’infanterie se terre pour s’accrocher au terrain conquis. Les chars se replient derrière les escarpements situés à 100 m au nord de la route. À la nuit, ils regagnent leur position d’attente au cimetière de le Thour.

 

En fin de journée, la ligne de front du groupement Vivier est approximativement jalonnée de la manière suivante :

 

Tranchée K1- moulin de Banogne – ligne à environ 200 m au nord de la route Banogne-Saint-Quentin-le-Petit.

 

La carte ci-dessous offre une meilleure visualisation des déplacements effectués par les éléments de la 43e D.I. durant la période allant du 22 et le 26 octobre 1918.

 

Carte 7 bataille de la Hunding-Stellung

 

Deux officiers du 149e R.I., le capitaine de Parseval, de la 3e compagnie et le sous-lieutenant Viard de la 7e, perdirent la vie ce jour-là. Deux sous-officiers et 12 soldats ont également été tués au cours des combats. Cinq hommes ont été enregistrés comme « morts pour la France » les 27 et 28 octobre. Il est certain que sans l’appui des chars les pertes auraient été bien plus conséquentes. 

 

                             Tableau des tués pour les journées des 25, 26, 27 et 28 septembre 1918

 

27 octobre 1918

 

Le 1er bataillon du 170e  R.I. relève le bataillon Froment au cours de la journée. Ainsi s’achève la dernière opération de guerre du 149e  R.I.. En effet, pendant les quinze derniers jours du conflit, le 149e R.I. ne sera plus engagé jusqu’à la signature de l’armistice.

 

Sources :

 

J.M.O. de la 43e D.I. Réf : 26 N 344/8.

 

J.M.O. de la 170e D.I. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 462/2.

 

J.M.O. du 1er B.C.P. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/6.

 

J.M.O. du 3e B.C.P. S.H.D. de Vincennes.  Réf : 26 N 816/5.

 

J.M.O. du 27e R.I. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 601/6.

 

J.M.O. du 85e R.I. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 666/13.

 

J.M.O. du 116e R.I. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 682/4.

 

Les armées françaises dans la Grande Guerre : La campagne offensive de 1918 et la marche au Rhin (26 septembre 1918 - 28 juin 1919) Deuxième volume et cartes.

 

Les cartes n’ont qu’une valeur approximative. Les emplacements des différentes unités ont été trouvées sur plusieurs cartes à échelle différente provenant des J.M.O. consultés.

 

Historique du 502e régiment de chars blindés

 

J.M.O. de l’A.S. 310 : S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 1244/25.

 

« Les chars d’assaut, leur création et leur rôle pendant la guerre 1915-1918 » du capitaine Dutil, agrégé d’histoire. Éditions Berger-Levrault, 1919.

 

La carte des chars a été réalisée par «Tanker» qui intervient régulièrement sur le forum « pages 14-18 ».

 

Un très grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à M. Porcher, au Service Historique de Vincennes, à Google-Earth et pour tout ce qui concerne les chars à « Tanker » du site « pages 14-18 ».

17 décembre 2021

Émile Auguste Nicolas Chevalier (1894-1918)

Emile Auguste Nicolas Chevalier

 

Émile Auguste Nicolas Chevalier naît le 26 novembre 1894, à Corgirnon, une petite commune du département de la Haute-Marne. Il voit le jour dans la maison de ses grands-parents maternels où vivent également ses parents.

 

Sa mère, Marie Louise Voirey, est âgée de 33 ans. Elle n’exerce pas d’activité professionnelle. Son père, Auguste Alexandre, a 29 ans. Il travaille comme cultivateur.

 

Une sœur naît le 21 février 1901. Le couple Chevalier n’aura pas d’autres enfants.

 

Le nom du père n’est pas inscrit sur le registre de recensement de l’année 1901, au domicile des grands-parents maternels. Seuls y figurent ceux de son épouse et de ses deux enfants. Nicolas, le grand-père, ancien cultivateur, est devenu propriétaire exploitant. En 1906, cet homme, qui a perdu son épouse, est devenu trop vieux pour exploiter ses terres. Il les confie à son gendre, Auguste Alexandre. Malgré son âge, Nicolas continue de gagner sa vie comme ouvrier agricole.

 

La fiche matricule d’Émile Auguste Nicolas Chevalier indique un degré d’instruction de niveau 3. Il sait correctement lire, écrire et compter lorsqu’il quitte l’école communale.

 

Sur les traces de son grand-père maternel et de son père, Émile devient à son tour ouvrier agricole en travaillant sur l’exploitation familiale.

 

Corgirnon

 

Émile Chevalier fête ses 20 ans en 1914. C’est l’année où il doit se présenter devant le conseil de révision. Déclaré apte aux obligations militaires, il devrait normalement commencer sa conscription en octobre. Mais la situation européenne, de plus en plus tendue, en décidera autrement. Un nouveau conflit armé contre l’Allemagne débute en août 1914. La classe d’Émile se retrouve appelée par anticipation. Le jeune conscrit reçoit sa feuille de route peu de temps après le début des hostilités.

 

Elle lui impose une présence au dépôt du 149e R.I. pour le 1er septembre 1914. Ce dépôt, initialement implanté à Épinal, a été déplacé à Jorquenay à partir du 4 août.

 

Les cantonnements sont trop exigus pour accueillir les nouveaux arrivants. Le logement chez l’habitant n’est plus possible. Il faut prévoir un nouveau déplacement du dépôt. Celui-ci a lieu le 21 septembre. Les hommes s’installent à Rolampont, une petite commune située au nord-ouest de Jorquenay.

 

Les conditions de vie sont éprouvantes. La formation militaire est accélérée. Il faut envoyer tous les hommes de la classe 1914 sur la ligne de front au plus vite et avec un minimum d’instruction militaire.

 

En novembre 1914, Émile Chevalier, rejoint le régiment actif avec un renfort de jeunes soldats. Il est affecté à la 10e compagnie qui vient de subir d’importantes pertes ; ces pertes ont eu lieu au cours d’un combat mené dans le secteur de Wytschaete le 5 novembre.

 

Fin décembre, le 149e R.I. quitte la Belgique. Il s'installe en Artois près de Notre-Dame-de-Lorette, un secteur qu'il occupera jusqu'au mois de décembre 1915.

 

La fiche matricule d'Émile Chevalier nous apprend qu’il devient soldat de 1ère classe le 13 février 1915 avant d'être nommé caporal le 14 mai 1915.

 

Le jeune homme est touché par un éclat d’obus en juillet 1915. Il est noté sur sa fiche signalétique et des services qu’il a été blessé le 15.

 

Le contrôle nominatif du 3e trimestre 1915 du 149e R.I. ( concernant les malades et les blessés traités dans les formations sanitaires ) indique la date du 13 juillet. Son nom n’apparaît pas, sur les listes de juillet, dans l’état des pertes du 149e R.I..

 

Pris en charge par l’ambulance 2/66 du 21e C.A., Émile est envoyé vers l’arrière pour y subir les soins appropriés.

 

La date de son retour dans la zone des armées n’est pas connue. Il est donc impossible de retracer son parcours de combattant durant une longue période. A-t-il participé à la bataille de Verdun en mars-avril 1916 ? Difficile de l’affirmer !

 

Nous savons simplement que le caporal Chevalier a été nommé sergent le 19 septembre 1916, peu de temps après la reprise du village de Soyécourt, dans le département de la Somme.

 

Une photographie réalisée le 10 avril 1917 dans le Haut-Rhin, près de Belfort, confirme toujours sa présence au sein des sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R.I..

 

Les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R

 

Le même cliché figure à l’intérieur de l’ouvrage de Francis Barbe « Et le temps, à nous, est compté » à la page 179. Tous les sous-officiers représentés y sont clairement identifiés.

 

Quelques semaines plus tard, la 10e compagnie est en 1ère ligne du côté d’Aizy-Jouy, à proximité du chemin des Dames. La zone est dangereuse. Elle est régulièrement exposée aux tirs de l’artillerie allemande.

 

Le sergent Chevalier participe à la bataille de la Malmaison. Le 23 octobre 1917, sa compagnie est envoyée en tête d’attaque avec le reste du 3e bataillon dans la 2e phase de l’opération, après avoir été en soutien d’offensive durant la 1ère phase. Il reçoit une citation à l’ordre de la division pour ses actions au feu.

 

Pour en apprendre davantage sur cet évènement, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

 

Le 15 juillet 1918, les Allemands attaquent en Champagne dans le secteur du trou Bricot. Le 149e R.I. défend fermement sa position.

 

Le sergent Chevalier manque à l’appel du soir. Personne ne l’a vu tomber sur le champ de bataille. Les deux témoins nécessaires à la validation administrative de sa mort ne se présenteront pas devant l’officier d’état civil chargé de l’enregistrement des décès. Émile Chevalier a probablement été inscrit comme disparu dans les listes des pertes du 149e R.I. pour cette journée.

 

La famille, ne recevant plus de nouvelles, s’inquiète fortement. Elle entreprend des démarches auprès des instances officielles pour tenter d’en savoir plus. Les parents espèrent leur fils en captivité. Le retour fait par le Comité international de la Croix rouge n’est pas rassurant. Il n’y a aucun prisonnier répondant au nom d’Émile Auguste Nicolas Chevalier enregistré sur les listes des prisonniers en Allemagne.

 

 

Le 11 novembre 1921, le tribunal de Langres officialise le décès du sergent Chevalier en le déclarant « mort pour la France » à la date du 15 juillet 1918.

 

Émile Chevalier ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Il n’a pas été retrouvé de sépulture individuelle militaire à son nom.

 

Le sergent Chevalier a été décoré de la croix de guerre avec une étoile de vermeil, une étoile d’argent et une étoile de bronze.

 

Citation à l’ordre du régiment n° 257 en date du 11 juillet 1915 :

 

« A, par beaucoup d’initiative et de dévouement, aidé son chef de section dans l’organisation des positions conquises, a fait preuve d’un grand courage. »

 

Citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 267 en date du 27 novembre 1917 :

 

« Sous-officier très brave, a brillamment entraîné sa troupe à l’assaut d’une position très fortement organisée. Une blessure, une citation. »

 

La Médaille militaire lui a été attribuée à titre posthume. Cette décoration donne également droit au port d’une étoile de vermeil sur sa croix de guerre (publication dans le J.O. du 4 janvier 1923).

 

L’acte de décès de ce sous-officier a été transcrit le 18 novembre 1921 à la mairie de Corgirnon.

 

Monument aux morts, calvaire et monument commémoratif de l'église de Corgirnon

 

Le nom de cet homme a été inscrit sur le monument aux morts, sur le calvaire placé à l’intérieur du cimetière et sur le monument commémoratif de l’église de la commune de Corgirnon.

 

La généalogie de la famille Chevalier est consultable sur le site « Généanet ».

 

log geneanet

 

Sources :

 

La Fiche signalétique et des services du sergent Chevalier et les registres de recensements des années 1896, 1906, 1911 et 1921 de la commune de Corgirnon ont été consultés sur le site des archives départementales de la Haute-Marne.

 

Contrôle nominatif du 3e trimestre 1915 du 149e R.I. des malades et des blessés traités dans les formations sanitaires détenu par les archives médicales hospitalières des Armées de Limoges.

 

La photographie de groupe est extraite du fonds Gérard (collection personnelle).

 

« Et le temps, à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à F. Barbe, à A. Carobbi, T. Vallé, aux archives départementales de la Haute-Marne, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives médicales hospitalières des Armées de Limoges. 

10 décembre 2021

Du 17 au 24 octobre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

Du 17 au 24 octobre 1918, l'abbe Henry temoigne

 

Le 149e R.I. reprend la route après quelques jours de repos à Condé-dur-Marne.

 

À l'occasion du passage du régiment dans Reims, l’abbé Henry s’émeut devant l’état de la cathédrale abîmée, symbole de la barbarie allemande, mais toujours debout, à l'image de l'armée française.

 

Pour les hommes du lieutenant-colonel Vivier, quatre longues journées de marches s'annoncent, avant un nouvel engagement, dans une période qui rappelle les premiers mois de 1914, mais dans le contexte d'une marche en avant victorieuse.

 

Jeudi 17 octobre 1918

 

De Condé-Sur-Marne à Mailly

 

Carte 1 de Conde-sur-Marne à Mailly

 

Messe à 6 h 00.

 

Coup de théâtre ! Au milieu de la nuit. J’entends la voix sympathique de Michet qui appelle : « M. l’aumônier, on fait mouvement demain ! ». Comment ne pas accueillir une nouvelle aussi désagréable avec mauvaise humeur ?

 

Déjeuner à 9 h 00. Départ à 10 h 00.

 

Le temps est lourd ; la sueur perle sur tous les fronts, la marche se fait pénible. Dès les premiers kilomètres, ceux qui n’en peuvent ou n’en veulent plus s’alignent sur le bord de la route. Heureusement, l’étape n’est que de 16 km. Nous avons à traverser la Montagne de Reims pour cantonner à Mailly Champagne. Vu au passage l’aérodrome de Condé, déjà moins animé. C’est tellement l’arrière ici ! Déplacement général de l’arrière vers l’avant.

 

12 h 00 : Louvois. Nous abordons la Montagne de Reims dont le sommet est boisé, mais dont les pentes sud sont couvertes de vignes. Ambonnay, Douzy sont les plus riches parmi les vignobles champenois. Les yeux des poilus se tournent instinctivement sur les ceps alignés, cherchant quelque grappe oubliée ! En vain ! Adieu paniers ! Les vendanges sont faites.

 

13 h 00 : La Neuville. En plein bois. Nous montons peu à peu. La pente est si douce qu’on s’en aperçoit à peine. Le Craon de Ludes. C’est la descente jusqu’à Mailly. Vu ces M.M. du G.B.D. à la recherche d’un introuvable cantonnement.

 

14 h 30 : nous arrivons à Mailly. L’aspect du village est singulier. Habité jusqu’en mai 1918 et épargné jusque-là, il fut pris assez violemment à partie par les boches au moment de leur offensive. Les habitants durent évacuer ; ils n’étaient qu’à six kilomètres des lignes. Dès lors, le village fut livré aux troupes de passage. Les obus d’une part, les coloniaux, d’autre part, se sont chargés de donner au malheureux village une physionomie de guerre. De-ci, de-là, des maisons éventrées, mais partout des maisons pillées et pillées d’une façon lamentable. Pourtant, si l’on en croit les quelques rares civils qui commencent à revenir, rien n’a été emporté, mais tout a été déplacé ; les caves regorgent de matériel, les obus ayant obligé les occupants à s’y réfugier. Les habitants feront bien de ne pas trop tarder à revenir.

 

Le major de cantonnement me donne les clefs de l’église ; elle n’a pas trop souffert. Coup d’œil rapide sur le village qui semblait très fortuné. Je suis cantonné dans une maison inhabitée, où je suis fort à mon large.

 

Vendredi 18 octobre 1918

 

De Mailly àThil

 

 

Messe à 6 h 30.

 

On espérait s’arrêter quelques jours à Mailly. Vain espoir ! À 6 h 00, réveil ! On part en direction du Nord ! Je me hâte de dire la messe.

 

À 8 h 00, départ. Nous devons traverser Reims et aller cantonner à 8 km plus loin à Thil.

 

Brouillard intense, pas de pluie, la route est bonne. Le 1er B.C.P. nous précède. Étape de 20 km au moins.

 

De Mailly à Reims : Montbré (Moulin et Fort) – Varsovie – Cormontreuil (résidence des Jésuites, où se donnaient des retraites sacerdotales).

 

Reims. Il est midi quand nous arrivons aux portes de ce qui fut Reims. Reims n’existe plus ; Reims n’est plus qu’un amas de ruines calcinées. Ce que les obus n’ont pas fait crouler a été réduit en cendre. Le centre de la ville est complètement détruit.

 

Dans la périphérie, on trouve encore des maisons qui se tiennent debout ; je doute fort qu’on puisse en trouver qui soient intactes ; pour moi je n’en ai pas vu.

 

Une église neuve dans le faubourg Sainte-Anne semble n’avoir pas souffert. Saint-Rémy n’a plus que les murs. Plus loin, des ruines, des ruines !

 

La cathédrale ! Elle se tient debout, défigurée, les murs ravagés, telle une lépreuse ; debout au milieu des ruines ! Autour d’elle tout a croulé, s’est affaissé. Elle est restée debout ; l’ennemi a pu lui labourer les flancs, la flageller, couvrir de plaies son grand corps, elle est debout ; il a pu la meurtrir, la mettre pantelante, il n’a pu l’abattre ! Et rien n’est tragique comme de voir cette grande mutilée seule debout au milieu des ruines, élevant vers le ciel ses deux flèches tragiques, pour prendre le ciel à témoin de l’inexplicable crime !

 

Je renonce à traduire l’émotion poignante qui étreint tous les cœurs à ce spectacle. Comme si l’on avait peur de troubler ce grand deuil, on ne parle pas, ou on parle bas ! Mais les mots qui sortent des lèvres pincées sont des mots de colère, de haine, comme des serments de ne pas laisser inexpiés de tels crimes.

 

« Il faudrait faire défiler toute la France devant ce portail ! – Ville martyre ! – Ah ! Les brigands ! » Tout le régiment a défilé devant la cathédrale ! Et maintenant, on peut les mener à la bataille, les petits soldats qui ont vu ! Ils ont pris sur le parvis de Reims des âmes de justiciers !

 

Oh ! Boche exécré ! Quelle erreur que la tienne ! Tu as cru par ce crime nous intimider, mettre dans nos âmes la crainte qui fait tomber les armes des mains. Encore une fois quelle erreur ! Ceux qui ont vu s'en vont avec la rage au cœur ; ils n'ont plus qu'un désir : faire justice, coûte que coûte. Il faut que le boche expie ! Les pierres de Reims crient vengeance ! Vengeance ! Pas une âme de français qui n'ait entendu ce cri dont l'écho ne cessera de retentir dans les cœurs, dictant le devoir !

 

Faubourg de Laon. Le commandant Froment me donne force détails sur les batailles qui se sont déroulées dans ce secteur qu'il connaît bien puisqu'il fut le sien pendant de longs mois au 100e R.I.. Le cimetière, qui est à la sortie du faubourg de Laon, marque l'avance extrême des Allemands qui pour un peu auraient pris pied dans la ville !

 

13 h 00 : grand-halte à la sortie de la ville.

 

14 h 00 : une auto passe. C'est le lieutenant Clerc ; il m'offre de me conduire jusqu'à la hauteur de Thil. L'occasion est trop bonne pour n'en pas profiter. Sur la route, en avant le 31e, le 158. De la grande route à Thil, un petit kilomètre que je fais à travers champs.

 

Thil. 15 h 00 : pas une seule maison debout. C'est Jouy et Aizy moins les caves. De l'église, il ne reste que le pan de mur du chœur. Les caves ont été minées pour la plupart. Le Génie en a passé l'inspection ; il en a condamné un certain nombre comme dangereuses. Heureusement, il y a autour du village un certain nombre d'abris aménagés dans les chemins creux, dans les carrières. À force de chercher, on finit par trouver place pour tout le monde.

 

Tour de force. C'en est un ! Le soir, le colonel a pu donner un grand dîner avec cinq invités (lièvre, faisan, perdrix… pinard de luxe ! Rien ne manquait). Demain, peut-être, on se mettra la ceinture ! La guerre a de ces contrastes !

 

Samedi 19 octobre 1918

 

De Thil à Brienne

 

 

Messe à 6 h 00 dans mon abri.

 

J’ai pu dormir dans un abri qui me fut réservé et dire ma messe sans encombre.

 

Au milieu de la nuit, on vient me prévenir que le régiment, tel le juif errant, se remet en marche à 7 h 00. Nous devons aller à Brienne, village tout proche de Neuchâtel, sur la Retourne à 1 km de son confluent avec l’Aisne. Étape de 20 km environ.

 

De Thil, il s’agit de regagner la grande route de Reims à Neuchâtel par des pistes de terre qui n’ont rien de carrossable. Nous traversons d’abord la grande route de Reims à Berry-Au-Bac, puis nous longeons le village de Courcy, complètement démoli.

 

Après avoir traversé le fameux canal de l’Aisne à la Marne, nous suivons les pentes de Brimont. On s’est fort battu par ici. Dans les différentes offensives, le terrain a été chèrement disputé. Le village, le château et le fort de Brimont ont été pris (par les Russes notamment) puis reperdus.

 

Le lit du canal à sec était un point d’appui puissamment fortifié par les Boches. Ce sont les fameux « Cavaliers de Courcy » dont il a été tant parlé.

 

Les chasseurs sont à Courcy. Le Génie également. Tout le monde est en mouvement de départ.

 

Tant bien que mal, les fantassins poussant aux roues, les voitures ont franchi tous les passages difficiles. Nous voici sur la route grande propre et large ; il n’y plus qu’à aller de l’avant.

 

Pause au « Cran de Brimont ». C’est une « redoute » dépendant du fort. Malgré tous leurs efforts et leur science de destruction, les Boches n’ont pu la rendre complètement inutilisable. Avec un petit travail d’aménagement, on serait fort bien au « Cran de Brimont ».

 

Pour arriver à Brienne, deux rivières à traverser : la Suippe et la Retourne. Les rivières attireront pendant quelque temps l’attention. Les Boches ayant fait sauter les ponts, la traversée des rivières devient un vrai problème. En hâte, le Génie construit des ponts de fortune ; ils sont rares et force est, pour les voitures, d’aller les prendre où ils sont.

 

On ne peut traverser la Suippe qu’à Auménancourt-le-Petit. Le pont Givart a été détruit. Les piétons seuls peuvent traverser sur une passerelle de fortune. À grands coups de bélier, les hommes du Génie enfoncent des pieux qui permettent de rétablir le pont. Le village est détruit lui aussi ; c’est là que cantonne le G.B.D. et la S.S. On patauge dans un bourbier innommable.

 

Au loin le canon gronde comme aux jours de grandes attaques. Il se passe quelque chose dans le secteur qui, sans doute, bientôt sera le nôtre !

 

Nous sortons du département de la Marne. Après avoir mis le pied dans le département de l’Aisne, nous entrons enfin dans les Ardennes, que les Allemands ne peuvent plus se vanter d’occuper en entier ! À droite, nous laissons le « Bois des Usages ». En approchant de l’Aisne et de la Retourne, nombreuses voies ferrées que les Boches n’ont pas le temps d’abîmer à fond.

 

« Bonne volonté ». Joli nom de hameau. Il y a là du 31e B.C.P., du 158. Ici, il faut quitter la grande route, Brienne est à 800 mètres à droite.

 

Après un grand détour, les voitures arrivent. Heureusement, le pont sur la Retourne est rétabli ; pas de nouveaux détours à faire.

 

Grand halte sur l’herbe, à l’entrée du village.

 

Brienne. Un grand château. Il est intact : occupé par deux Ambulances (16e D.I. et 13e C.A.).

 

Dans le village, je rencontre successivement, un aumônier catholique, un pasteur, un rabbin. Ils sont attachés sans doute à l’ambulance. Ah, voici un monsieur à deux étoiles, c’est le médecin inspecteur Baratte du 13e C.A.. Très aimable. Baratte ? Où ai-je donc entendu ce nom ? Ah, mais j’y suis ! C’est le cousin de M. Caillette-Pierrot de Pogny. Que je suis sot de n’y avoir point pensé plus tôt.

 

Il y a une église. Je n’ai pas eu le temps de m’en réjouir que j’apprends qu’elle est inutilisable. Il y a 2 compagnies qui l’occupent. Les Boches en avaient fait un cantonnement avec couchettes et tout ce qui s’en suit. Et nous faisons comme.

 

C’est bien fâcheux ; d’autant plus fâcheux que c’est demain dimanche et que je ne vois rien, absolument rien qui puisse servir de lieu de réunion. Après maintes visites, maintes investigations, je n’ai rien trouvé de mieux qu’un bâtiment édifié par les Boches comme salle de bain ! Ce n'est pas fameux, mais faute de mieux !

 

C'est bien une attaque qui a été faite par nous ce matin. C'est la 45e division (une division algérienne) qui était engagée. Les premiers blessés viennent d'arriver à l'ambulance et se déclarent satisfaits du résultat. On a fait reculer le Boche sur une profondeur de 4 km et on lui a fait des prisonniers. L'action s'est passée dans le voisinage de Rethel.

 

Avant de quitter le village, le Boche a fait sauter quelques maisons, particulièrement aux carrefours. Pour détruire, vraiment le Boche s'y entend. De ce qu'il abat, rien ne reste debout. Il ne s'est pas contenté de détruire ; il a préparé des pièges, des traquenards. Il a, dans certaines caves, dissimulé des mines à explosion retardée ; et le retard peut-être de plusieurs jours.

 

On me montre près de l'église, une maison, la cure me dit-on, dont une partie a sauté il y a trois jours, c'est-à-dire huit jours après le départ des Allemands. Dans telle autre maison, on a pu retirer à temps une mine avant qu'elle ait explosé.

 

Comme on ne sait pas de quoi demain sera fait, on dîne de bonne heure afin de pouvoir se mettre au lit le plus tôt possible.

 

Je suis logé avec le docteur Rouquier au premier étage de la popote, dans un grenier aménagé en chambres par les Allemands.

 

Vraiment ! On ne peut compter sur rien ! Nous espérions avoir une bonne nuit. À peine sommes-nous au lit qu’on nous prévient que le régiment va reprendre.

 

sa marche errante à 23 h 30. Peste soit de l’ordre ! Tout se ligue pour le rendre pénible ; la fatigue d’abord – on a déjà une bonne étape dans les jambes – le temps qui se met à la pluie, la boue qui rend la marche pénible… Il vaut mieux s’abstenir de commentaires et obéir en silence. Et où va-t-on ? Dans le bled ; on bivouaque en plein air, par ce froid, par cette pluie… c’est complet !

 

Dimanche 20 octobre 1918

 

De Brienne au Bois d’Avaux

 

 

Pas de messe ! Aujourd’hui dimanche !

 

Où allons-nous ? Malgré la nuit, on peut lire sur les murs les indications que les Boches ont multipliées. Très bien, ces inscriptions en grandes lettres noires sur fond blanc.

 

Minuit : route de Asfeld-Vieux et Avaux. Il s’agit pour nous de traverser l’Aisne. Or il n’y a de pont qu’à Asfeld-Vieux (alias Vieux-les-Asfeld). Celui de Neuchâtel, tout près de nous, est détruit. Force est donc de faire ce détour. Heureusement, la lune est dans son plein ; quoique cachée par les nuages, elle donne une lumière suffisante pour qu’on puisse se diriger.

 

Vieux-les-Asfeld. 6 km. Après une pause sous la pluie qui bruine, nous arrivons à Vieux-les-Asfeld. Sur des ponts de bateaux, d’accès difficile, nous traversons d’abord le canal des Ardennes puis l’Aisne, sous la surveillance des pontonniers qui ont fort à faire pour assurer le passage. Il paraît qu’il y a 3 divisions à passer cette nuit. On prend son tour ; et c’est pour cela sans doute que nous avons dû nous mettre en mouvement à une heure indue. Enfin, T.C. et T.R. sont passés sans incident ni accident.

 

Avaux : grande route de Neufchâtel à Lor.

 

Bois d’Avaux. C’est ici ! Le régiment bivouaque à droite de la route, dissimulant le mieux possible et plutôt mal que bien dans les boqueteaux, hommes chevaux et voitures.

 

En plein bled et par la pluie ! C’est gai. La voiture pour blessés nous sert d’abri contre la pluie, mais non, certes, contre le froid. À mes pauvres pieds à la glace !

 

Pas de messe ! Et c’est aujourd’hui dimanche ! C’est dur !

 

Le colonel a installé son P.C. sur le bord de la route dans un abri boche commencé où il y a place pour quatre personnes assises, sans compter l’escalier. Il reste là jusqu’au déjeuner compris.

 

Puis, ayant trouvé mieux à 200 m de là, il s’y transporte avec son personnel. Pour moi, j’ai profité de son départ pour dire mon bréviaire dans le calme.

 

À combien sommes-nous des lignes ? 5 ou 6 km. On ne sait pas au juste, assez près pour recevoir quelques obus qui heureusement ne font de mal à personne. Les Boches ne semblent pas avoir beaucoup d’artillerie en face, mais le peu qu’ils ont, ils s’en servent !

 

Heureusement qu'ils n'ont plus des masses de canons et de munitions ! Car qu'est-ce que nous prendrions ? En jetant un coup d'œil autour de moi, je suis effrayé de la quantité d'objectifs que nous offrons à leurs coups. Nous les induisons vraiment en tentation. J'en suis à ne plus regretter le mauvais temps, la pluie et le brouillard, car c'est cela qui nous sauve.

 

Pas une route sur laquelle il n'y ait des doubles ou même triples rangées de voitures ! Pas de bois qui n'abrite des troupes ! Pas de boqueteau qui ne cache ou plutôt qui ne cache mal des fourgons, des voitures ! Pas de chemin creux où on ne voit s'agiter du monde ! Pas de vallon qui ne soit truffé de canons ! Pas de ferme qui ne regorge de soldats. À droite, c'est la ferme Tremblot qui  abrite l'I.D., le 158, des artilleurs... un monde ! Partout où les boches voudront taper, ils feront mouche !

 

Hier, un avion boche s'est fait descendre à quelques centaines de mètres d'ici, en avant du bois d'Avaux (une balle dans le moteur). Les deux aviateurs faits prisonniers se sont déclarés fort surpris de nos attaques. Ils ne s'expliquent pas que nous continuions à attaquer, étant donné que l'armistice est signé. Ah oui ! Mes agneaux !

 

À côté de la route, on peut voir un grand enclos fermé par une double enceinte de fils de fer ; c'était un camp de prisonniers.  Le 95e qui a enlevé la place y a trouvé 50 civils qu'il a pu délivrer.

 

La situation commence à se préciser. Nous sommes venus pour renforcer, en prévision d'une attaque, les divisions en ligne. En face de nous se trouve la dernière ligne de résistance boche dite « Hundingstellung ». C'est cette ligne qu'il faut et qu'on veut enlever. Les Boches se cramponneront là tant qu'ils pourront. On dit bien que certains prisonniers auraient déclaré qu'ils avaient ordre de tenir quatre jours pour laisser le temps de sauver les meubles.

 

Nous sommes donc ici pour attaquer ! Pauvre régiment squelettique et pauvre division amochée !

 

Le 149 formera un bataillon, le 1er B.C.P. deux bataillons, le tout sous les ordres du colonel Vivier. De son côté, le 158 formant deux bataillons s'adjoindra le 31e B.C.P. comme 3e bataillon. La division comptera donc l'effectif de deux régiments dans lesquels le 149e compte pour un bataillon !

 

Le colonel quitte son P.C. de l'après-midi et va s'installer ce soir au village de Lor. Le docteur Rouquier, M. Husson et moi pourrons utiliser pour cette nuit l'abri laissé libre par son départ. Il est bien, du reste, cet abri. Il serait parfait s'il avait une porte et était moins humide. Il arrête la pluie, c'est tout ce qu'on peut lui demander ; une sape permet de se garer en cas de bombardement.

 

Lundi 21 octobre 1918

 

Bois d’Avaux

 

Messe à 8 heures.

 

Le 149e, condensé en un bataillon, sous les ordres du commandant Froment, a passé la nuit à la ferme Tremblot. Il doit être en réserve jusqu’à nouvel ordre. Attendons ici la suite des événements.

 

Cette nuit, une quinzaine d’obus, dont quelques-uns sont tombés tout près de nous, sont venus nous rappeler que l’armistice n’était pas encore une réalité.

 

Circulation de plus en plus intense sur la route. Mais cette fois, les boches ont l’air de vouloir troubler la fête. Toute la journée, ils font du tir de harcèlement. Un des leurs ou apporté est tombé sur un camion chargé d’obus ; les obus ont explosé, le camion a pris feu mettant le feu à un autre camion ; une colonne de fumée s’élève en ce moment dans le ciel. Il y a eu, paraît-il, des blessés. Il était 13 heures.

 

Une série de camions fait la pause sur la route. C’est de l’artillerie portée. J’aperçois en effet, sur certains camions, un canon de 75. Pourvu que les Boches n’aient pas l’idée de tirer jusqu’ici !

 

M. Rouquier et M. Husson sont partis à 13 h 00 pour Lor, prendre les ordres du colonel.. M. Rouquier est resté là-bas. L’attaque serait-elle pour demain ? On l’ignore. Tout ce que sait M. Husson c’est que l’artillerie a reçu ordre de se mettre en position pour 2 h 00. La nuit vient, il est trop tard pour rejoindre le docteur.

 

Une fois de plus, j’ai pu admirer avec quelle rapidité les hommes trouvaient le moyen de s’installer dans le bled. Ils tirent de leur toile de tente un parti merveilleux.

 

Mardi 22 octobre 1918

 

Du bois d’Avaux à Lor

 

Carte 5 du bois d'Avaux à Lor

 

Messe à 7 h 00.     

     

À 7 h 00, un messager apporte un ordre de déplacement. Le T.C. 1 se porte dans le voisinage de la ferme Tremblot. Toutes les autres voitures rejoignent près de Neuchâtel le T.R.. J’ai néanmoins le temps de dire la messe.

 

8 h 00 : on se met en route. Je laisse les voitures prendre le chemin de la ferme Tremblot et je continue sur Lor, où je vais rejoindre le colonel. Vu au passage un dépôt de cartouches et de fusées boches.

 

La route et les environs portent la trace de marmitage d’hier. Trois chevaux tués, les deux camions brûlés qu’on démonte pour débarrasser la route, de nombreux trous d’obus sont là pour attester que les boches ne restent pas inactifs. En ce moment, c’est calme. Une voiture du G.B.D. m’aide à faire les deux derniers kilomètres.

 

Lor : village pas mal abîmé par les Boches avant leur départ, maisons sautées à la mine. Encore quelques jours de ce régime et leurs obus ne laisseront rien debout.

 

Soirée. Beaucoup de circulation.

 

17 h 00 : les Boches deviennent méchants. Ils envoient des fusants, puis du gros sur le village. Il faut descendre à la cave. Pas mal, cette cave, mais tiendrait-elle contre un obus ?

 

Demain, 23 octobre, anniversaire de la Malmaison. Est-ce pour cette même date l’attaque préparée ? On le croyait ce matin ; il paraît que ce n’est plus vrai ce soir ; ce ne serait pas demain le jour J. En tout cas, notre artillerie est plutôt silencieuse. Elle se recueille pour le gros effort. L’artillerie boche ne garde pas la même réserve. La soirée a été à peu près calme ; mais vers 17 h 00, les Boches ont commencé un tir de harcèlement très nourri et le village en a pris sa bonne part. Vers 21 h 00, il a même fallu mettre les masques.

 

Tant bien que mal, on a dormi.

 

Mercredi 23 octobre 1918

 

Lor

 

Pas de messe.

 

Pas de chapelle, pas de messe. Journée ensoleillée.

 

Les boches ne cessent de tirer ; du reste, à la première heure, leurs avions patrouillaient sur nos têtes. Allons bon ! Voici trois gros canons de 280 qui viennent s’installer tout près de nous. Il ne manquait plus que cela pour nous attirer des obus ! Qu’est-ce que nous allons encore prendre !

 

Retour des permissionnaires, Lobjoy, Régnier. Ils arrivent à point !

 

Soirée : grande activité d’artillerie boche. Ce matin, c’est le carrefour qui recevait tout et c’était du gros. Ce soir, le village est épargné. Les obus boches cherchent les batteries de 155 en avant et en arrière du village. Vers le soir, leur tir devient très nourri. À un moment donné, les 155 de droite se fâchent et répliquent vigoureusement. Les Boches se tiennent cois pendant deux heures.

 

Le temps s’est éclairci, réchauffé ; la visibilité devenue meilleure permet aux Boches de repérer tous nos emplacements, de surveiller tous nos mouvements.

 

Ils ont pour cela un observatoire merveilleux sur la crête qui, à l’est, domine le village. Leurs avions ne se font pas faute de venir voir. Rien de tout cela, d’ailleurs, n’empêche les poilus et les voitures de se promener dans la rue.

 

Visite du commandant Froment et de Leruste qui viennent recevoir les instructions du colonel. Le bataillon Froment est toujours à la ferme Tremblot où il se trouve fort bien.

 

Le Boche, d’après les derniers renseignements, ne songe point du tout à s’en aller. Il a ordre de tenir coûte que coûte la position « Hunding ». Cela vaut peut-être mieux pour nous. Car le Haut Commandement, sachant la position défendue, a décidé de mettre ce qu’il faut comme préparation d’artillerie pour l’enlever. C’est probablement ce qui fait que l’attaque est retardée de jour en jour. On trouve qu’il n’y a pas assez de canons, pas assez de munitions ; sans compter que faire passer l’Aisne à tout ce matériel ne doit pas être chose facile.

 

Nuit bruyante. Les 280 s’installent ; ce n’est pas sans faire beaucoup de bruit. Les Boches n’ont cessé qu’au matin leur tir de harcèlement ; le village cette fois a eu sa part. J’ai entendu quelques gros qui sont tombés pas loin. Je m’étonne qu’il n’y ait pas eu d’accident.

 

Jeudi 24 octobre 1918

 

Lor.

 

Messe à 6 h 30. Journée ensoleillée.

 

Goupil, mon nouvel ordonnance, ayant rejoint avec la chapelle, je peux dire la messe.

 

Dans la nuit, les chasseurs du 1er qui avait reçu l’ordre d’avancer leur position ont subi une contre-attaque qu’ils ont repoussée. Mais ils ont eu un tué et trois disparus.

 

À la première heure, un avion boche est venu survoler le village, très bas. Les artilleurs qui montaient des 280 n’ont eu que le temps de se cacher. Le Boche sait certainement que nous voulons l’attaquer. Un coup d’œil sur le village montre l’esprit d’ordre du boche.

 

Dans la maison où nous sommes, une affiche porte l’inventaire du mobilier ; une autre porte que la maison est habitée par Pierrot **** (genre féminin), 29 ans, et Pierrot Pierrette, 4 ans.

 

En face dans une grande remise, un dépôt de matériel où l’on trouve de tout, objets venant d’Allemagne, objets pillés dans le village, le tout bien classé ; c’est curieux. L’église n’est pas trop abîmée, mais dans quel état elle se trouve !

 

Les Boches avaient aussi une salle des fêtes, dans laquelle ils ont laissé… un piano.

 

Soirée très calme, coupée par quelques rafales nourries de notre artillerie à droite ou à gauche.

 

19 h 15. Enfin, voici le papier impatiemment attendu. Demain 25, jour J.

 

Le colonel porte son P.C. à le Thour. Je reste ici avec le docteur.

 

J : 25 – H : 6 heures 30.

 

Le Boche continue pendant toute la nuit ses tirs de harcèlement. Quelques coups tombent si près que je crois la maison touchée.

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot et au S.H.D. de Vincennes. 

3 décembre 2021

Joseph Charles Froment (1871-1942)

Joseph Charles Froment 

Les années de jeunesse

 

Joseph Charles Froment naît le 2 mars 1871 à Saint-Mihiel, dans le département de la Meuse.

 

Son père, Adrien, substitut du procureur, est âgé de 33 ans. Sa mère, Julie Marie Deguerre, a 19 ans lorsqu’elle lui donne naissance. Charles est l’aîné d’une fratrie composée de quatre garçons et de six filles.

 

La fiche matricule de Joseph Froment indique un degré d’instruction de niveau 3, ce qui est une erreur. Un autre document figurant dans son dossier du S.H.D. de Vincennes nous fait savoir qu’il est détenteur du baccalauréat ès sciences et que son allemand est plutôt correct.

 

L’année de ses vingt ans, Charles souhaite se lancer dans une carrière militaire. N’ayant pas encore atteint l’âge de la majorité, il lui faut obtenir l’accord parental avant de pouvoir signer son contrat avec l’armée. Son père accepte ce choix.

 

Le 7 avril 1891, Joseph Charles Froment se rend à la mairie de Lille pour y contracter un engagement volontaire d’une durée de 5 ans.

 

En échange de sa signature, il a la possibilité de choisir l’unité dans laquelle il pourra commencer son métier de soldat. Il se décide pour le 43e R.I., un régiment qui tient garnison à Lille.

 

Les débuts sous l’uniforme

 

43e R

 

Cet engagement volontaire lui permet l’accès aux premiers grades de la hiérarchie militaire en peu de temps. Charles est nommé caporal le 7 octobre 1891 puis sergent le 8 avril 1892.

 

Le jeune homme exerce les fonctions de sergent fourrier entre le 10 juin 1893 et le 20 avril 1894. Redevenu sergent de compagnie, il prouve à ses supérieurs qu’il a toutes les qualités pour faire un bon officier. Il est autorisé à s’inscrire au concours d’entrée de l’école militaire d’infanterie de Saint-Maixent. Charles Froment est reçu à l’examen.

 

Les cours débutent le 1er avril 1895. Il termine sa formation un an plus tard avec le grade de sous-lieutenant en se classant 199e sur 362 élèves. Cet officier, après une période de congé, est affecté au 17e B.C.P., un bataillon qui tient garnison à Rambervillers.

 

17e B

 

Le sous-lieutenant Froment est nommé lieutenant le 1er avril 1898. Très compétent dans le domaine de la comptabilité, il devient le lieutenant trésorier du régiment à partir du 1er octobre 1898. Il occupe cette fonction pendant plusieurs années.

 

Le 22 novembre 1899, Charles Froment épouse Marie Louise Charlotte Gossin à Beauvais. Dix enfants naîtront de cette union.

 

Généalogie famille Froment

 

Le lieutenant Froment suit les cours de l’école de tir de la Valbonne entre le 20 février et le 28 mars 1909.

 

Un décret présidentiel du 24 décembre 1910 entraîne sa nomination au grade de capitaine (publication dans le J.O. du 25/12/1910). Cette promotion  impose un changement d’affectation. Le capitaine Froment est muté au 23e R.I. de Bourg-en-Bresse. 

 

23e R

 

Du 17 septembre 1911 au 3 septembre 1912, Charles Froment exerce son autorité d’officier au fort de Joux qui surplombe la cluse de Pontarlier.

 

Il encadre la 5e compagnie du 23e R.I. à la veille de la 1ère guerre mondiale.

 

Conflit 1914-1918

 

Le 2 août 1914, Charles Froment quitte sa compagnie pour prendre la tête de la 21e compagnie du 223e R.I., le régiment de réserve du 23e R.I.. Cette unité commence à se former à la caserne Aubry en rappelant ses premiers réservistes dès le début de la mobilisation.

 

Le capitaine Froment prend part aux opérations devant Mehoncourt, Gerbeviller et Rehainviller, entre le 20 août et le 2 septembre 1914.

 

Il travaille avec ses hommes à l’organisation défensive de Bienville-la-Petite du 12 au 25 septembre 1914.

 

Les jours suivants, il est aux avant-postes près de Crion.

 

Charles Froment œuvre à l’organisation défensive de Maixe entre le 28 septembre et le 13 octobre. Le 7 octobre, il exécute une reconnaissance offensive sur la ferme de Haute-Riouville, à l’est d’Arracourt.

 

Cet officier accompagne le lieutenant-colonel Bluzet dans les différentes opérations effectuées par tout ou partie du régiment. Il a effectué plusieurs reconnaissances au nord d’Arracourt et de Bures et participé à des opérations sur le Leintrey et à Reillon jusqu’au 13 septembre 1915, date à laquelle son supérieur est nommé à la tête d’une brigade.

 

Le capitaine Froment conserve ses fonctions d’adjoint au colonel après le départ du lieutenant-colonel Bluzet. Il est maintenant sous l’autorité directe du lieutenant-colonel Chenebre, le chef de corps qui dirigera le régiment du 14 septembre 1915 au 13 janvier 1916.

 

Entre le 12 janvier et le 26 mai 1916, Charles Froment est toujours à son poste sous le commandement du lieutenant-colonel Bourdon.

 

Le 30 janvier 1916, son supérieur inscrit ceci dans son relevé de notes :

 

« De tous les officiers du régiment, celui qui est le mieux connu du lieutenant-colonel récemment arrivé au 223e R.I. parce qu’il est chaque jour en rapport avec lui.

 

Le capitaine Froment a pour caractéristique une conscience scrupuleuse et un grand dévouement dans l’accomplissement de ses fonctions délicates et difficiles d’adjoint au chef de corps. D’excellent caractère, d’humeur toujours égale, cet officier est toujours prêt à marcher.

 

Il connaît l’administration de régiment, travaille avec méthode et intelligence. Il inspire confiance à ses subordonnés immédiats auxquels il donne l’exemple. Doit certainement faire un excellent officier de troupe. Il l’a d’ailleurs prouvé au début de la campagne. Officier très vigoureux qui fera très bonne figure à la tête d’un bataillon. »

 

Le 1er avril, il est nommé capitaine adjudant-major du 6e bataillon de son régiment.

 

Une décision du général commandant le 39e C.A. du 29 mai 1916 le fait affecter au 333e R.I.. Il devient capitaine adjudant-major dans sa nouvelle unité dès le lendemain.

 

Le capitaine Froment est nommé chef de bataillon à titre temporaire le 14 août 1916.

 

Le 23 août, il passe au 100e R.I. pour y prendre le commandement du 2e bataillon du régiment sous les ordres du lieutenant-colonel de Renty.

 

Le commandant Froment est nommé adjoint au chef de corps suite à une décision prise par le général commandant la Ve armée prise le 20 mars 1918.

 

Un décret datant du 19 avril 1918 (J.O. du 21 avril 1918) le valide dans son grade de manière définitive. 

 

Le 7 mai 1918, Charles Froment est affecté au groupement des bataillons d’instruction de la IVe armée. Une nouvelle mutation l’empêchera de prendre en charge les jeunes conscrits de la classe 1919.

 

Il prend le commandement du 9e bataillon du 130e R.I. le 16 mai 1918.

 

Au 149e R.I.

 

Une décision ministérielle du général commandant la IVe armée, en date du 28 juillet 1918, entraîne son transfert au 149e R.I.. Le commandant Froment rejoint son nouveau corps le 2 août 1918.

 

Le lieutenant-colonel Vivier lui confie la direction de son 2e bataillon qui a longtemps été commandé par le commandant Schalck, tué près d’Arcy-Sainte-Restitue, le 29 mai 1918.

 

Charles Froment n’est pas à la tête de ses compagnies durant la 1ère phase de la bataille de Champagne et d’Argonne qui se déroule à la fin du mois de septembre 1918. C’est le capitaine Chauffenne qui a autorité sur le bataillon durant son absence. Le commandant Froment reprend le commandement de son bataillon juste à temps pour participer aux combats qui vont se dérouler à proximité du village d’Orfeuil, dans le département des Ardennes les 4 et 5 octobre 1918.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la photographie suivante.

 

Orfeuil depuis le bois la Croix

 

Les 25, 26 et 27 octobre 1918, le bataillon Froment se lance à l’attaque des positions allemandes fortement organisées dans le secteur de Banogne. La bataille de la Hunding Stellung est engagée. Pour le 149e R.I. c’est la dernière confrontation avec l’ennemi avant la fin du conflit.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Attaque de la Hunding Stellung

 

Le 3 novembre 1918, le lieutenant-colonel Vivier rédige ceci dans son relevé de notes : « Officier supérieur actif et vigoureux, d’un caractère toujours égal, d’une haute conscience, d’un calme et d’un sang froid qui ne se démentent jamais, possédant une grande expérience de la troupe. Le commandant Froment exerce depuis trois mois le commandement du 2e bataillon du 149e R.I. à mon entière satisfaction. Bon chef de bataillon. »

 

Le commandant Froment est toujours à la tête de son bataillon lorsque l’armistice est signé le 11 novembre 1918.

 

Les années d’après-guerre

 

Le 8 janvier 1919, Charles Froment quitte ses fonctions de chef de bataillon pour devenir adjoint au chef de corps du 149e R.I..

 

Il est toujours très bien noté par ses supérieurs ; le lieutenant-colonel Bourgine écrit le texte suivant dans le relevé de notes de son subordonné le 5 mars 1919.

 

« A été un très bon chef de bataillon, nommé depuis deux mois adjoint au chef de corps, a eu plusieurs fois l’occasion de commander le régiment et s’en est fort bien acquitté. Homme de devoir, d’un dévouement sans borne, d’une haute conscience, chef expérimenté et ayant payé d’exemple, a toutes les qualités voulues pour devenir chef de corps. Il le mérite. »

 

Charles Froment devient responsable du groupement des travailleurs russes des 7e et 21e régions entre le 9 août et le 1er janvier 1920. Il réussit à faire maintenir l’ordre et la discipline à l’intérieur de ces unités composées d’éléments particulièrement difficiles à commander.

 

Le 24 octobre 1919, c’est au tour du lieutenant-colonel Lecoanet de l’évaluer.

 

« Officier supérieur des plus vigoureux, très actif, d’un dévouement absolu. Apte à diriger n’importe quel service et l’instruction dans un corps de troupe. Instruit, travailleur, ayant une grande expérience de la troupe et des connaissances militaires des plus sérieuses. Caractère très gai, toujours égal, ferme et bienveillant.

 

Esprit très militaire, payant continuellement de sa personne. Commande, depuis les débuts du mois d’août, les compagnies des travailleurs russes de la 21e région avec compétence et autorité.

 

Très apte, sous tous les rapports aux fonctions de chef de corps. Le commandant Froment se classe parmi les officiers de choix. »

 

Le chef de bataillon Froment est mis à la disposition du ministère des pensions pour être employé comme chef de la section de l’état civil à l’E.M. de la 21e région à partir du 1er septembre 1919.

 

Le 8 mai 1923, il est affecté au 158e R.I. pour devenir adjoint au chef de corps, un poste qu’il maîtrise à la perfection.

 

Atteint par la limite d’âge dans son grade, il est admis à faire valoir ses droits à la retraite, au titre d’ancienneté de services à partir du 2 mars 1927. Ce jour-là, il est rayé des contrôles de l’armée active.

 

Le commandant Froment est nommé dans la réserve de l’infanterie le jour de cette radiation (décret du 26 avril 1927 publié dans le J.O. du 30 avril 1927).

 

Une décision ministérielle du 16 juillet 1927 (J.O. du  20 juillet 1927) le fait de nouveau dépendre du 158e R.I..

 

Le 14 juin 1928, il est nommé dans le grade supérieur suite à une décision ministérielle prise le même jour. Cette promotion le fait rattacher au 146e R.I..

 

Le 1er décembre 1928, il est muté au C.M. n° 203.

 

Le lieutenant-colonel Froment est rayé des cadres à partir du 3 mars 1934.

 

Cet ancien officier du 149e R.I. a exercé les fonctions de maire de Xermaménil, une petite commune située dans le département de la Meurthe-et-Moselle.

 

Joseph Charles Froment est décédé le 15 septembre 1942.

 

Décorations obtenues :

 

Chevalier de la Légion d’honneur 28 octobre 1915 :

 

« Officier des plus distingués, brillant au feu, lors des premiers combats de la campagne (25 août 1914, 5 septembre 1914). Depuis le mois d’octobre 1914, a rempli les fonctions d’adjoint au chef de corps avec un dévouement, un zèle et une activité inlassables dans toutes les circonstances. »

 

Cette nomination comporte l’attribution de la croix de guerre avec palme.

 

Officier de la Légion d’honneur le 16 juin 1920. (J.O. du 4 octobre 1920).

 

Croix de guerre avec une palme, deux étoiles de vermeil et une étoile d’argent.

 

Citation à l’ordre de la 134e D.I. n° 260 du mai 1918 :

 

« Sur le front depuis le début de la guerre, d’une activité et d’un dévouement inlassables, a fait preuve en maintes circonstances de remarquables qualités de bravoure et d’énergie. »

 

Citation  à l’ordre du 21e C.A. n° 232 du 4 novembre 1918 :

 

« A brillamment conduit son bataillon au cours des attaques des 3 et 4 octobre 1918, montrant les plus belles qualités de courage, de calme et de sang-froid, et réussissant, par son ascendant personnel, à maintenir intact l’esprit offensif de son bataillon éprouvé par plusieurs journées de rudes combats. » 

 

Citation à l’ordre du 21e C.A. n° 238 du 28 novembre 1918 :

 

« Officier supérieur doué des plus belles qualités militaires. Les 25, 26 et 27 octobre 1918, a superbement conduit son bataillon à l’attaque de positions fortement organisées, grâce à la méthode, au sang-froid et à la vigueur dont il a fait preuve au cours des attaques, a réussi à triompher de la résistance acharnée de l’ennemi, a réalisé une importante progression et à maintenir l’occupation du terrain conquis. »  

 

Autres décorations :

 

Médaille commémorative française de la Grande Guerre.

 

Médaille interalliée dite de la victoire.

 

La généalogie dela famille Froment peut se consulter sur le site « Généanet ». Il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante pour y avoir accès.

 

Geneanet

 

Le commandant Froment possède un dossier individuel sur le site la Base Léonore. Pour en prendre connaissance, il faut cliquer une fois sur l’image suivante puis inscrire son nom dans la case qui mènera à son dossier.

 

Site base Leonore

 

Sources :

 

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La fiche signalétique et des services de Charles Froment et les différents actes d’état civil concernant sa famille ont été lus sur les sites des archives départementales de la Meuse et de l’Oise.

 

Le portrait de cet officier provient du tableau d’honneur de la guerre 14-18 publié par la revue «l’illustration».

 

J.M.O. du 223e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N. 720/1, 26 N. 720/2 et 26 N 720/3.

 

J.M.O. du 100e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N. 674/3.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à  M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

25 novembre 2021

Du 17 au 24 octobre 1918 - les journées précédant la bataille de la Hunding-Stellung

Du 17 au 24 octobre 1918

 

17 octobre 1918

 

Le 149e R.I. stationne à Condé-sur-Marne depuis le 8 octobre 1918. Il a été mis au repos dans cette commune après sa participation à la bataille de Champagne et d’Argonne.

 

Les manquants furent nombreux à l’appel. Les combats qui ont eu lieu entre le 26 septembre et le 4 octobre 1918 ont été particulièrement coûteux en vies humaines et en énergie. Cent quatre-vingts hommes perdirent la vie. Plusieurs centaines de blessés passèrent par les postes de secours.

 

Le lieutenant-colonel Vivier est en attente d’un gros renfort pour combler les pertes de son régiment. De nouveaux ordres tombent. Ses subordonnés se préparent à marcher de nouveau. 

 

Carte 1 journee du 17 octobre 1918

 

Le régiment quitte Condé-sur-Marne vers 10 h 00 pour une marche de 16 km. Les compagnies sont à Louvois à 12 h 00. Une heure plus tard, elles traversent La Neuville.

 

Le 149e R.I. arrive à Mailly à 14 h 30 pour y bivouaquer jusqu’au lendemain.

 

18 octobre 1918

 

 

Les hommes du lieutenant-colonel Vivier reprennent la route à 8 h 00. Cette fois-ci, ils marcheront durant une vingtaine de kilomètres. Le régiment est aux portes de Reims à 12 h 00. Une heure plus tard, il fait une grand-halte à la sortie de la ville. Après s’être restauré, il se dirige sur Thil, une commune située à 8 km au nord-ouest de Reims, où il passera la nuit.    

19 octobre 1918

 

 

Les bataillons du 149e R.I. se remettent en marche à 7 h 00. Ils quittent Thil pour gagner la grande route allant de Reims à Neufchâtel en suivant des pistes de terre impropres à la circulation de véhicules. Les hommes traversent ensuite la grande route de Reims à Berry-au-Bac. Ils longent le village de Courcy, franchissent le canal de l’Aisne à la Marne, avant de poursuivre leur chemin sur les pentes de Brimont. Une fois atteint la route Reims- Neufchâtel. Le régiment fait une pause au « Cran de Brimont ».

 

Le pont Givart, qui permet de rejoindre directement Brienne, a été détruit par les Allemands. La troupe doit faire un détour par Auménancourt-le-Petit pour franchir la Suippe.

 

Le 149e R.I. retrouve la grande route Reims-Neufchâtel. Il la quitte une fois passé le hameau « Bonne Volonté ». Brienne est à 800 m sur la droite.

 

Les hommes se préparent à passer la nuit dans ce village. À peine couchés, il leur est demandé de reprendre la route à 23 h 30. Ils ont ordre de rejoindre le bois d’Avaux.

 

20 octobre 1918

 

Carte 4 journee du 20 octobre 1918

 

Le pont de Neufchâtel, réduit en miettes par l’ennemi, oblige les compagnies du 149e R.I. à faire un large détour par Vieux-lès-Asfeld. Arrivées dans cette commune, elles traversent le canal des Ardennes et l’Aisne, sur des ponts de bateaux, pour rejoindre Avaux. Une fois sur l’autre rive, elles rattrapent la route de Neufchâtel qui les conduit directement à proximité du bois d’Avaux.  

 

Le régiment bivouaque à droite de la route.

 

Le responsable du régiment installe son P.C. à Lor dans la soirée.

 

21, 22 et 23 octobre 1918

 

Ferme Tremblot Lor et Le Thour

 

Le lieutenant-colonel Vivier constitue un bataillon de marche avec les éléments de son régiment. Ce bataillon est mis sous les ordres du commandant Froment.

 

Le responsable du 149e R.I. prend le commandement d’un groupement composé du bataillon Froment et de deux bataillons du 1er B.C.P. sous l'autorité directe du commandant le Bleu.

 

24 octobre 1918

 

Le lieutenant-colonel Vivier reçoit l’ordre d’attaquer la position ennemie de la Hunding-Stellung à 19 h 15. Il déplace son P.C. à Le Thour.

 

Les deux bataillons du 1er B.C.P. avancent leurs positions dans la nuit se tenant prêts à lancer l’offensive dès le lendemain. Le bataillon Froment, en réserve, constituera la 3e vague d’attaque.

 

Sources :

 

J.M.O. de la 43e D.I. réf : 26 N 344/8.

 

Carnets inédits de l’aumônier Henry

 

Le portrait du lieutenant-colonel Vivier provient de son dossier individuel du S.H.D. de Vincennes.

 

Le portrait du commandant Le Bleu est extrait de l’historique de régiment du 1er B.C.P.. Cet historique est consultable sur le site Gallica.

 

Un très grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot, et au Service Historique de Vincennes.

19 novembre 2021

Jules Georges Hippolyte Robinet (1889-1973)

Jules Georges Hippolyte Robinet

 

Enfance et adolescence

 

Jules Georges Hippolyte Robinet est né le 12 août 1889 à Rasey, une petite bourgade rattachée à la commune de Xertigny, dans le département des Vosges. Son père, Hippolyte Jean Baptiste, âgé de 33 ans, travaille comme cordonnier. Sa mère, Marie Julie Léonie Ferry, exerce le métier de couturière. Elle a 23 ans.

 

Le couple Robinet donne vie à deux autres enfants, un garçon né en 1890 et une fille née en 1898. Hippolyte Jean Baptiste délaisse son métier de cordonnier pour celui d’épicier, un emploi qu’il exercera quelque temps avant de devenir cultivateur.

 

Rasey

 

La famille Robinet n’est pas enregistrée dans le registre de recensement de la commune de Xertigny  en 1906.

 

Georges termine sa scolarité avec un degré d’instruction de niveau 3. Il sait parfaitement lire, écrire et compter. Détenteur du certificat d’études primaires, l’adolescent n’a pas la possibilité de poursuivre des études. Il doit rapidement gagner sa vie  en allant  travailler à la ferme.

 

Attiré très jeune par l’uniforme, il rêve de s’engager dans un régiment de Spahi. Son père ne veut pas en entendre parler. Très respectueux de l’autorité paternelle, Georges attendra d’être appelé sous les drapeaux pour franchir le seuil d’une caserne.

 

L’année de ses 20 ans, il se présente devant le conseil de révision qui se réunit comme chaque année à la mairie de Xertigny. En pleine forme physique et ne présentant pas d’anomalie particulière, le médecin le déclare « bon pour le service armé ».

 

De la conscription à l’engagement

 

Le 3 octobre 1910, Georges est à Épinal, incorporé à la 4e compagnie du 149e R.I..

 

Le 20 octobre 1910, il est admis au peloton d’instruction pour devenir caporal. L’accès rapide à cette formation est probablement lié au fait qu’il est détenteur du certificat d’études primaires.

 

Le 4 février 1911, il épouse, à Rasey-Xertigny, Marie Augustine Baudoin avec qui il aura trois enfants.

 

Travailleur assidu, Georges Robinet se retrouve classé 3e sur 64 élèves caporaux au mois de mars 1911. Le jeune homme est titularisé dans le grade de caporal le 11 avril. Son instruction militaire prend fin le 20 septembre 1911. Six jours plus tard, il est nommé sergent.  

 

Georges Robinet reçoit pendant son service actif, l’instruction des mitrailleuses de place en tant qu’adjoint de chef de section.

 

Quelques négligences lui valent d’être puni à 3 occasions au cours de l’année 1912.

 

Releve de punitions du sergent Robinet

 

Septembre 1912 : la période sous l’uniforme en tant que conscrit touche à sa fin. Georges Robinet a beaucoup d’appétit pour la vie militaire. Il ne souhaite absolument pas quitter la caserne Courcy à la fin de son temps réglementaire. Le 19 septembre, il contracte un engagement d’une durée de deux ans.

 

Caserne Courcy

 

Le 19 juin 1914, il signe à nouveau pour deux années sans savoir que ce nouveau contrat ne pourra pas être honoré. Une nouvelle guerre contre l’Allemagne est sur le point de commencer.

 

Le conflit qui n’a pas pu être évité par voie diplomatique débute en août 1914. Le sergent Robinet est dans l’obligation, pour cause de guerre, de mettre fin à sa préparation au concours d’entrée de l’école d’officiers d’active de Saint-Maixent.

 

Début du conflit 1914-1918

 

Nous savons de manière certaine que le sergent Robinet commence la campagne dès le 2 août 1914, et qu’il a été promu au grade d’adjudant le 10 septembre 1914. Nous ne pourrons pas être aussi catégoriques concernant les années 1914-1915.  

 

La lecture de son livret matricule d’officier, de son livret matricule d’homme de troupe, de son feuillet du personnel consultables dans son dossier individuel au S.H.D. de Vincennes, les informations trouvées dans son dossier de la base Léonore et sur le quelques documents fournis par la famille de Georges Robinet, laissent planer un doute énorme concernant son appartenance complète au sein des effectifs du 149e R.I. entre le début de la guerre et le mois de novembre 1915.

 

Un long passage au 349e R.I. n'est pas à écarter, mais sans date précise, il est impossible de savoir si ce passage a eu lieu au début du conflit où bien plus tard.

 

Aucun des documents cités précédemment ne peut nous éclairer sur le sujet. Ils ne sont pas assez clairs pour affirmer des certitudes étant donné qu’ils ne disent pas tous la même chose. Les informations trouvées dans le dossier de la base Léonore concernant Georges Robinet indiquent bien une présence permanente au 149e R.I., mais n’est-ce pas tout simplement une référence à l'unité d'active d'affectation ? Un autre document, provenant de son dossier individuel du S.H.D. de Vincennes, indique explicitement un passage au 349e R.I..

 

Le nom de l’adjudant Robinet n’apparaît nulle part dans les listes des blessés figurant à l’intérieur du J.M.O. du 349e R.I.., ni dans les différentes listes des blessés du 149e R.I.. Il n’apparaît pas non plus dans les contrôles nominatifs trimestriels des malades traités dans les formations sanitaires du 149e R.I. couvrant la période allant de 1914 à 1915, ce que confirme une notice rédigée pour sa Légion d’honneur.

 

Cette notice indique qu’il n'a jamais été blessé au cours du conflit à l'exception d'une exposition au gaz. Il sera donc difficile d’en savoir plus.

 

Probablement mobilisé au 149e R.I., l’adjudant Robinet est rattaché au 349e R.I. lorsqu’il est nommé sous-lieutenant à compter du 28 avril 1915 (J.O. du 5 mai 1915). Ce jour-là, il reçoit son ordre d’affectation pour le 9e bataillon du 149e R.I., une unité nouvellement créée.

 

La date de son passage dans une unité combattante reste inconnue ; on sait simplement qu'il est encore au 9e bataillon en novembre 1915. La suite de son parcours sera, heureusement, beaucoup plus facile à reconstruire.

 

Années 1916, 1917 et 1918, 5 palmes et pas une égratignure !

 

Le 149e R.I. est engagé dans la bataille de Verdun entre le 6 mars et le 8 avril 1916. Fortement malmené, il est amené à reconstituer une grande partie de ses effectifs à la fin de son passage dans la Meuse. Le 20 avril 1916, le sous-lieutenant Robinet est au régiment actif. Il commande une section de la 6e compagnie.

 

Le régiment quitte la Meuse à la mi-avril 1916. Le lieutenant-colonel Gothié a repris le commandement du 149e R.I.. Après une petite période de repos à Landrecourt, le sous-lieutenant Robinet se rend en Champagne. Les 3 bataillons du lieutenant-colonel Gothié prennent position dans un secteur peu exposé, situé entre les buttes de Tahure et celles de Mesnil, près des Deux-Mamelles.

 

Georges Robinet est envoyé en formation durant cette période d’accalmie relative. Il suit la 4e série du cours de l’école divisionnaire des grenadiers du 4 au 11 juin 1916. Dans la foulée, du 14 au 16 juin 1916 inclus, il enchaîne avec la 3e série du cours d’instruction du canon « Viven-Bessières ».

 

À la fin de ces deux stages, il bénéficie d’une permission du 1er au 12 juillet.

 

Début août 1916 le 149e R.I. est à l’entraînement à Châlons-sur-Marne. Le 17 août, il arrive à Harbonnières, dans le département de la Somme. Georges Robinet est photographié sur son cheval, à proximité de l’église de cette commune.

 

Le lieutenant Robinet photographié devant l'église d'Harbonnières

 

Début septembre 1916, le régiment spinalien est engagé dans le secteur de Soyécourt. Il conquiert le terrain prévu par le plan d’attaque et parvient à s’y maintenir en repoussant les nombreuses contre-attaques ennemies.

 

Le sous-lieutenant Robinet est décoré de la croix de guerre, avec citation à l’ordre du corps d’armée, pour ses actions menées en tant qu’officier grenadier.

 

Le 11 novembre 1916, Georges Robinet stoppe une attaque allemande sur le front de son unité avant de lancer ses hommes à la contre-attaque. Cette conduite au feu lui vaut une citation à l’ordre de l’armée.

 

La promotion ne tarde pas, il est nommé dans le grade supérieur à titre temporaire le 23 novembre 1916 (J.O. du 9 décembre 1916).

 

Le 23 octobre 1917, le lieutenant Robinet participe à la bataille de la Malmaison. Son courage et sa témérité sont remarqués par ses supérieurs. Le lendemain, le lieutenant Robinet est décoré de la Légion d'honneur, à proximité du champ de bataille. Cette décoration lui donne également droit au port d’une nouvelle palme sur sa croix de guerre.

 

Remise de decoration au lieutenant Robinet au PC Ilhe

 

Pour en savoir plus sur la bataille de la Malmaison, il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant.

 

La Malmaison

 

Le 5 décembre 1917, Georges Robinet est promu lieutenant à titre définitif puis capitaine à titre temporaire à partir du 17 mai 1918.

 

Fin mai, le 149e R.I. tente, avec l’ensemble de la 43e D.I. et de la 4e D.I., de stopper une offensive allemande lancée sur le chemin des Dames, entre le moulin de Laffaux et les abords de la ville de Reims Les combats sont violents, l’avancée Allemande est difficile a contenir, mais elle fini par être stoppée. Le capitaine Robinet est une nouvelle fois cité à l’ordre de l’armée.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte postale suivante.

 

Arcy-Sainte-Restitue 1

 

Le 15 juillet 1918, l’ennemi attaque en Champagne dans le secteur du trou Bricot. Le 149e R.I. s’accroche sur sa position. Le capitaine Robinet peut mettre une nouvelle palme sur sa croix de guerre.

 

Il participe ensuite aux combats de septembre et d’octobre à la tête la 2e compagnie du régiment. Sa compagnie est très éprouvée durant les combats de la bataille de Champagne et d’Argonne. Elle perd trois de ses chefs de section. Georges Robinet voit la mort de près.

 

L’aumônier Henry raconte : « Le corps de Saintot est là. Les brancardiers ont pu le retrouver et le rapporter. Cela n’a pas été sans peine. Saintot était avec trois ou quatre autres dans un bout de tranchée hâtivement creusée. À côté de lui, dans un autre élément de tranchée qu'on n'avait pas encore eu de temps de faire communiquer se tenait le capitaine Robinet. Un obus malheureux tomba juste sur le groupe Saintot, les blessant ou tuant tous, et les enterrant en même temps. Il fallut littéralement les déterrer pour les avoir. Saintot était sous les camarades, tellement recouvert de terre que son casque seul dépassait. Quant à Robinet, il ne dut la vie qu'au barrage de 50 cm qui le séparait de Saintot, barrage que, heureusement, on n'avait pas eu le temps d'abattre.»

 

Pour en savoir plus sur les évènements de septembre 1918, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

 

Carte 1 journée du 26 septembre 1918

 

Le conflit touche à sa fin. Le capitaine Robinet ne participe pas à la bataille de la Hunding-Stellung, dernier combat mené par le 149e R.I..

 

Sa carrière dans l'entre-deux guerres

 

Georges Robinet retrouve la vie de garnison après l’armistice. Il obtient une dernière citation à l’ordre de l’armée en décembre 1918.

 

Le 7 avril 1920, le 149e R.I. embarque à destination de l’Allemagne. Il est affecté à l’armée du Rhin. Le régiment cantonne à Dortmund lorsqu’il est dissous en novembre 1923.

 

Le capitaine Robinet est provisoirement affecté au 17e Régiment de Tirailleurs algériens.

 

Il souhaite être versé dans l’artillerie. Sa demande est acceptée. Georges Robinet est détaché au 120e R.A. comme officier chargé du matériel.

 

Le 25 juin 1925, il est nommé capitaine d’artillerie à titre définitif.

 

Une décision ministérielle publiée dans le J.O. du 24 juillet 1927 le classe à l’E.M.P. comme chef de service départemental du service de l’éducation physique des Vosges. Très actif, très sportif, il est apprécié des sociétés de préparation militaire.

 

En 1931, il fait un stage de 25 jours. Il se montre peu apte à commander une batterie, faute d’instruction et d’entraînement antérieur.

 

Le capitaine Robinet est affecté au 33e R.A. suite à une  décision ministérielle du 7 octobre 1938 (J.O. du 9 novembre 1938) pour y exercer les fonctions de major.

 

Georges Robinet est promu au grade de commandant le 28 décembre de la même année. Maintenu comme major au sein du 33e R.A.N.A., il reste affecté à l’E.M. de l’éducation physique du département des Vosges pour convenance personnelle.

 

Le commandant Robinet rejoint la P.M.I. C.R./20 le 27 mai 1939. Il est présent au D.A.M. 60 à partir du 2 septembre 1939.

 

Le 2 novembre 1939, il rejoint le D.A. 20. Quatre jours plus tard, le commandant Robinet est au D.A. 220 en tant que major du dépôt.

 

Entrée dans la clandestinité

 

Le 7 juillet 1940, Georges Robinet prend le commandement du parc de récupération de l’arrondissement de Villeneuve-sur-Lot.

 

Le 15 novembre 1940, il est placé en congé d’armistice. Il est mis à la disposition de la sous-direction du service de l’artillerie par décision ministérielle du 6 novembre 1940.

 

Le 1er janvier 1941, le commandant Robinet est nommé commandant du camp de Bias, à 3 km de Villeneuve-sur-Lot.

 

Ce camp est devenu un dépôt de matériel sous contrôle allemand après l’armistice. Georges Robinet s’inscrit rapidement dans le clan de ceux qui n’acceptent pas la défaite. Il entre dans la clandestinité dès juillet 1940, au service du camouflage du matériel (C.D.M.). Chef départemental du C.D.M. du Lot-et-Garonne, il se dépense sans compter pour dissimuler une grande partie de son matériel afin que celui-ci ne tombe pas entre les mains ennemies. Le commandant Robinet s’oppose régulièrement aux demandes des commissions allemandes de contrôle.

 

Il réussit à camoufler un nombre conséquent d’armes, de munitions et de véhicules militaires de toutes sortes grâce au concours de personnes connaissant bien la région. Une grande partie de ce matériel et de ces armes sera destinée à l’Armée Secrète après avoir été remis en état de fonctionnement.

 

De jour comme de nuit, le commandant Robinet mène ses équipes en conduisant lui-même des camions chargés d’armes.

 

Le 12 août 1941, il est maintenu dans ses fonctions à titre civil jusqu’à ce que les statuts du corps du service du matériel soient promulgués et que soit statué son maintien ou non dans le corps. Le même jour, Georges Robinet est rayé des contrôles de l’armée active pour limite d’âge.

 

Un arrêté ministériel du 29 décembre 1941 le fait nommer adjoint technique principal de 2e classe du corps du service des matériels de l’artillerie. Cette nomination prend rang à partir du 28 décembre 1938.

 

Novembre 1942, les Allemands franchissent la ligne de démarcation. L’occupation allemande de cette partie de la France génère de nouvelles difficultés pour la conservation du matériel. Avant tout, il faut se méfier des fouineurs qui cherchent à s’approprier le matériel caché en vue de le livrer à l’ennemi. Pour ceux-là, l’appât du gain prime avant tout ! Georges Robinet et quelques personnes sûres réussissent à sauver 15 tonnes d’armes, 20 de munitions, 1200 hectolitres de carburant et plus de 1000 véhicules.

 

L’année suivante, Georges Robinet est nommé chef du réseau action C.D.M. pour les départements du Lot-et-Garonne, du Lot, du Gers et de la Gironde sous les ordres du responsable national, le colonel Mollard.

 

Il est en contact régulier avec les groupements de résistance de ces départements. Le commandant Robinet fournit des armes, des munitions et des camions au groupe Franc-Pommiès. Il se met en rapport avec le groupement du commandant Marnac. Il organise, en accord avec le colonel Mollard, des groupes de résistance à Villeneuve-sur-Lot, Agen, Fumel, Montflanquin et Villeréal. Il participe activement à l’équipement de ses groupes en surveillant la fabrication des blousons de cuir, de sacs et de chaussures.

 

Il se sait surveillé par la police secrète nazie, mais cela ne l’empêche pas de poursuivre ses activités. Le 20 mai 1943 au soir, le commandant Robinet et sa future épouse, Anne Marie Suzanne Demeusy, sont arrêtés par la Gestapo suite à une dénonciation. Le couple est dans un premier temps conduit au camp de Bias avant d’être envoyé à la prison d’Agen. Georges Robinet est interrogé avec brutalité par la Gestapo d’Agen. Il n’avoue rien. Sa future femme parfaitement informée de ce qui se passait ne parle pas non plus. Le 24 mai,  ils sont envoyés à la prison des Fleurs à Toulouse.

 

Le commandant Robinet est ensuite transféré à la prison de Fresnes, Anne Marie Suzanne Demeusy à Romainville. Le couple se retrouve à Compiègne ; il est placé dans le centre de rassemblement de femmes et d’hommes des prisons de France avant de partir pour les camps de concentration de l’Allemagne nazie. Fin janvier, ils quittent Compiègne. Anne Marie Suzanne Demeusy est déportée à Ravensbruck, Georges Robinet à Buchenwald.

 

En déportation

 

Les camps de concentration ou a ete interne Georges Robinet

 

Buchenwald du  30 janvier au 13 mars 1944

 

À la descente du train, les effets personnels sont supprimés. Montre, alliance photographies, vêtements. Il ne reste plus rien. Les hommes, nus, passent devant un médecin uniquement pour le comptage des dents. Une équipe de coiffeurs polonais leur passent la tondeuse partout. Ils sont ensuite habillés et immatriculés. Georges Robinet est assigné au block 62. En février, il est chargé de l’épandage des immondices du camp dans les champs où poussent les betteraves.

 

Dora du 13 mars au 30 juillet 1944

 

Le camp fabrique des V2. Le commandant Robinet travaille au bétonnage de la chaussée devant la « Minéralwager ». Il souffre terriblement de problèmes de hanches. Georges Robinet doit puiser au plus profond de lui-même pour trouver l’énergie suffisante à sa survie.

 

Osterhagen du 31 juillet au 7 novembre 1944.

 

Osternhagen est une tête de ligne où se construisent des voies ferrées. C’est un camp très dur, constitué d’un simple rectangle de barbelés où il n’y avait qu’une seule baraque, la cuisine, les dortoirs et les logements des gardiens. À l’extérieur, encore des barbelés et cinq miradors. Les lavabos et des fosses sont en plein air. Il n’y a pas d’eau potable à disposition. Elle est distribuée avec parcimonie. La nourriture manque et les vêtements sont en haillons. Dans ces conditions extrêmes, il faut chaque jour manier la pelle, la pioche et pousser la brouette par m’importe quel temps. Beaucoup y laissent leur vie.

 

Le 6 novembre 1944, Georges Robinet est envoyé au camp de Wiéda.

 

Wiéda du 7 novembre au 4 décembre 1944.

 

Transporté par camion dans ce nouveau camp, il est dans un premier temps conduit à l’infirmerie avant d’être envoyé à Dora. Soigné à la « va-vite »,  il reçoit de nouveaux vêtements et des chaussures avant de retourner à Wiéda.

 

Mis à la corvée des peluches, il travaille pendant dix heures de rang à la préparation de la soupe pour 1300 personnes.

 

Le 7 avril 1945, les hommes valides quittent Wiéda. Les alliés avancent. Les valides sont embarqués dans un train en  groupes de 106 hommes par wagon. Le voyage dure plusieurs jours. Le train atteint Magdebourg le 11 avril. Il est dirigé sur la petite gare de Letzingen à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Magdebourg. Une soupe va être servie sur le quai. Deux avions canadiens volant en rase-mottes mitraillent le convoi. Les Allemands prennent la fuite. Georges Robinet et quelques camarades en profitent pour s’évader. Pendant plusieurs jours, ils vont se cacher dans les bois avoisinants.

 

Beaucoup d’hommes avaient réussi à s’enfuir après le passage des avions. L’alerte passée, les Allemands récupèrent environ 1200 hommes du convoi. Le vendredi 13 avril 1945, ils les entassent sur de la paille imbibée d’essence, dans un hangar à Gardelegen. Ils les mitraillent avant de mettre le feu au bâtiment. Deux d’entre eux réussirent à survivre.

 

Le commandant Robinet et ses camarades n’ont pas été repris. Ils échappèrent à une mort certaine. Le groupe continue de se cacher dans les bois en attendant l’arrivée des  Américains.

 

Retour en France et fin de carrière

 

Georges Robinet gagne Bruxelle en voiture avant de prendre l’avion pour Paris. Après les formalités de rapatriement et quelques jours de repos, il retourne à Rasey auprès de sa mère.

 

Le commandant Robinet est mis à la disposition du directeur du service du matériel de la 20e région militaire avant d’être affecté à Montauban, comme chef d’escadron à partir du 1er octobre 1945.

 

Il est promu au grade de lieutenant-colonel à titre définitif du cadre des adjoints techniques pour prendre rang du 25 mars 1943.

 

Le lieutenant-colonel Robinet est nommé directeur du dépôt de réserve générale du matériel de Montauban.

 

Admis sur sa demande, agréé au bénéfice de l’article 5 de la loi de dégagement des cadres du 5 avril 1946, il est renvoyé dans ses foyers le 31 octobre 1946. Le 1er novembre, il est rayé des cadres de l’armée. Nommé dans les cadres des officiers de réserve, il se retire dans le Lot-et-Garonne.

 

Son mariage avec Marie Augustine Baudoin est dissous par jugement de divorce le 25 juillet 1951. Georges Robinet épouse Anne Marie Suzanne Demeusy le 1er décembre 1951 à Bias.

 

En 1970, le général Mollard, son ancien chef de réseau, lui remet les insignes de Grand Croix de la Légion d’honneur.

 

Le general Mollard remet les insignes de Grand croix de la Legion d'honneur au lieutenant-colonel Robinet en 1970

 

Jules Georges Hippolyte Robinet décède le 23 avril 1973 à l’âge de 83 ans. Il repose dans le cimetière communal de Bias.

 

Decorations Georges Robinet

 

Décorations obtenues :

 

Croix de guerre avec 5 palmes, et une étoile d’argent.

 

Citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 157 en date du 13 septembre 1916 :

 

« Officier grenadier de beaucoup d’activité, d’énergie, de sang-froid et d’expérience. A fait preuve, pendant les attaques des 4, 5 et 6 septembre 1916, d’un entrain et d’un courage superbes. Chargé d’assurer la liaison entre  les unités de 1ère ligne et le commandement, l’a maintenu constante, en parcourant lui-même, sous les tirs de barrage, la chaîne des coureurs qu’il avait établi. »

 

Citation à l’ordre de la Xe armée n° 243 en date du 10 décembre 1916 :

 

« Jeune commandant de compagnie d’une énergie et d’un coup d’œil remarquables. Le 11 novembre 1916, après avoir arrêté net une attaque avec flammenwerfer sur le front de son unité, a rétabli par une contre-attaque brillante à la baïonnette, conduite avec un entrain superbe, la situation dans le secteur voisin. A fait preuve en ces circonstances d’un à-propos et d’une bravoure de premier ordre. Déjà cité à l’ordre de la division. »

 

Citation à l’ordre de la VIe armée n° 587 en date du 10 juin 1918 :

 

« Officier d’une bravoure et d’une conscience exemplaires. A fait preuve de qualités militaires, hors de pair, en attaquant avec sa compagnie  une position ennemie. Attaqué par un ennemi très supérieur en nombre, a exécuté trois contre-attaques successives, prenant, perdant, reprenant et conservant enfin la position. Officier d’élite. »

 

Citation à l’ordre de la IVe armée n° 1365 en date du 5 septembre 1918 (J.O. du 15 décembre 1918) :

 

« Modèle incomparable de bravoure, de sang-froid et de décision. Les 15 et 16 juillet 1918, à la bataille de Champagne, s’est porté inlassablement d’un groupe de combat à l’autre sous les feux les plus meurtriers. Combattant lui-même à la grenade et au fusil au milieu de ses hommes, les électrisant, exaltant leur moral et leur insufflant sa propre bravoure. »

 

Citation à l’ordre de la IVe armée n° 1551 en date du 24 décembre 1918  (J.O. du 27 mars 1919) :

 

« Officier d’un courage hors de pair faisant preuve d’un coup d’œil sûr et de décision rapide. A entraîné sa compagnie à l’assaut d’une tranchée ennemie sous de violents feux de mitrailleuses, capturant de nombreux prisonniers et un important matériel pendant les combats du 26 septembre au 4 octobre 1918. »

 

Chevalier de la Légion d’honneur pour prendre rang du 24 octobre 1917 (J.O. du 16 février 1918) :

 

« Commandant de compagnie de la plus haute valeur. Le 23 octobre 1917, a enlevé sa compagnie d’une façon superbe, réduisant de haute lutte et malgré une résistance acharnée, plusieurs nids de mitrailleuses. A manœuvré avec une décision et un coup d’œil  qui ont assuré le succès sur un front important. »

 

La décoration ci-dessus comporte l’attribution de la croix de guerre avec palme.

 

Officier de la Légion d’honneur par décret du 2 octobre 1920.

 

Officier de la Légion d’honneur inscrit au tableau spécial pour prendre rang le 16 juin 1920 par arrêté ministériel du 2 octobre 1920 (J.O. du 4 octobre 1920).

 

Commandeur de la Légion d’honneur (décret du président du gouvernement provisoire de la république du 21 mai 1946).

 

« Résistant animé de la volonté la plus farouche de nuire à l’ennemi dès juillet 1940. A soustrait, de sa propre initiative, le maximum de matériel du parc sous contrôle allemand de Bias qu’il commandait. Très vite rallié au C.D.M., en est devenu le pilier dans le secteur du Lot-et-Garonne, formant une équipe à son image et se dépensant sans compter, de jour comme de nuit, en opérations ininterrompues de camouflage de véhicule auto, d’armes, de munitions et de matériels divers, enlevés ou détournés des parcs sous contrôle, malgré la surveillance de l’ennemi. Après le 11 novembre 1942, bien que s’étant mis dangereusement en vedette, est resté sur place pour sauver son matériel. A tenté l’impossible pour mettre le maximum de moyens aux mains des troupes de résistance. A achevé ainsi de se compromettre sans aucun souci de sa sécurité personnelle. Arrêté par la gestapo et déporté en Allemagne, a toujours été un modèle de foi dans les destinées de la France. »

 

Cette promotion au grade de Commandeur de la Légion d’honneur lui donne également droit au port de la Croix de guerre avec palme.

 

Promu à la dignité de grand Officier de la Légion d’honneur par décret du 28 septembre 1957 (J.O du 3 octobre 1957).

 

Grand Croix de la Légion d’honneur par décret du 19 janvier 1970 inséré au journal officiel du 22 janvier 1970.

 

Autres décorations :

 

Médaille de la résistance avec rosette rang du 14 juin 1946

 

Médaille d’or de l’éducation physique (1929)

 

Officier d’académie (juillet 1938) (J.O. du 6 août 1939)

 

Médaille interalliée de la victoire

 

Croix du combattant

 

Médaille commémorative française de la Grande Guerre

 

Pour prendre connaissance de la généalogie de la famille Robinet, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Geneanet

 

Le lieutenant-colonel Robinet possède un dossier individuel dans la base de données « Léonore » sur le site des archives nationales. Pour le consulter, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante et d’inscrire son nom et ses prénoms  dans la rubrique appropriée pour avoir accès aux documents.

 

Site base Leonore

 

Sources :

 

Dossier personnel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La fiche signalétique et des services du lieutenant-colonel Robinet, les actes d’état civil de sa famille, les registres de recensement de la commune de Xertigny des années 1896, 1901, 1906 et 1911 ont été visionnés sur le site des archives départementales des Vosges.

 

« Souvenirs de la guerre 1939-1945 à la mémoire du résistant le colonel Georges Robinet » écrit par Anne-Marie Demeusy-Robinet.

 

Témoignage inédit de l’aumônier Henry.

 

Les portraits du lieutenant-colonel Robinet proviennent de la collection personnelle familiale.

 

Le portrait qui se trouve sur le montage représentant ses décorations est extrait de son dossier personnel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

La carte indiquant les emplacements des camps de Buchenwald-Dora est extraite du site « Mémoire des déportations ».

 

Les camps de concentration et principaux lieux de genocide des juifs d'Europe

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales des Vosges.

12 novembre 2021

Du 6 au 16 octobre 1918, l’aumônier Henry témoigne…

Du 6 au 16 octobre 1918, l'abbe Henry temoigne

 

Le 149e R.I. quitte le P.C. Sapins le 6 octobre pour rejoindre le camp de Châlons en camion. Deux jours plus tard, les hommes, épuisés par les combats des jours précédents, s’apprêtent à gagner Condé-sur-Marne à pied. Une fois sur place, ils pourront enfin bénéficier d’un repos bien mérité.

 

Dimanche 6 octobre 1918

 

Du P.C. Sapins à Mourmelon-le-Grand

 

C'est aujourd'hui que l'on reprend l'heure normale. Une heure de plus à dormir !

 

Aujourd'hui, par extraordinaire, j'ai dit deux messes. Une pour le Q.G. et une pour le 149. Je ne sais comment les choses se sont arrangées, mais à la prière de l'abbé****, j’ai dû dire la messe pour les officiers du Q.G..

 

Grand branle-bas de départ au camp Sapins. Le Q.G., la cavalerie, tout le monde s'en va. Le désert se fait. Les prisonniers boches sont partis. Nous-mêmes recevons l'ordre de départ pour le camp de Châlons.

 

Rassemblement à 14 h 00 sur la route Marchand pour embarquement en camions.

 

Une heure d'attente ; le 11e Génie part devant nous.

 

« Les Boches demandent la paix et en attendant un armistice », voilà la nouvelle que les journaux nous apportent, nouvelle inattendue, qui délie toutes les langues et met, quelque peu, les cervelles à l’envers. On rit, on cause fort, on s'interpelle, on n'ose pas y croire… ! Le bonheur fait peur.

 

On me dit qu'un accident regrettable vient de se produire à la 2e compagnie. Un soldat a été tué par son camarade. Celui-ci maniait son fusil, ignorant qu'il fut chargé. Le coup part, le voisin s'écroule, tué net ! C'est navrant ! Descendre d'une bataille infernale de 9 jours et se faire tuer par accident !

 

15 h 00. Départ pour Mourmelon-le-Grand

 

Route de Perthes à Suippes. Suippes, que je n'ai pas revu depuis 1914 ! Que ces temps sont loin. Je cherche la rue de la Surginerie !

 

17 h 00. Mourmelon-le-Grand

 

Nombreux camions sur les routes, cependant il n'y a pas d'embouteillage. Nous sommes cantonnés dans les anciennes casernes d'artillerie. Mais c'est fort bien comme installation. J'en suis tout surpris. Files de bâtiments qui n'ont que le rez-de-chaussée et qui disparaissent à l'ombre des grands arbres. Mais cela ne ressemble en rien à la Champagne pouilleuse ! C'est fertile, c'est frais. Le village est à côté. Il a quelque peu souffert des obus ; les habitants l'ont abandonné et commencent à peine à revenir. Depuis le 15 juillet, ils n'étaient guère qu'à 6 km des lignes !

 

Chapelle à côté. Réfectoire. Popote. Chambre d'officiers. Rien ne manque.

 

Mourmelon-le-Grand

 

Sous les grands arbres, d'énormes canons sont alignés. Ils se reposent en attendant l'heure de la reprise qui ne tardera sans doute pas beaucoup pour eux.

 

Lundi 7 octobre 1918

 

Mourmelon-le-Grand

 

Messe à 7 h 00.

 

Nous ne demandons tous qu’à rester ici. Mais c’est trop beau. Déjà l’on parle de départ !

 

Visite des grands chefs.

 

M. Viollet du 158 a été blessé, paraît-il. Une fracture de la jambe. Ce n’est pas grave ; mais il en a pour un bon moment avant d’être guéri. L’abbé Bossy serait blessé également, mais légèrement. Voilà le 158e bien à court de prêtres.

 

Le major de cantonnement qui a pu faire cultiver deux hectares de jardins potagers, met à la disposition des compagnies,tout ce qu’elles peuvent désirer comme légumes. Enfin ! Voilà donc une mesure intelligemment appliquée. J’ai pris plaisir à visiter ce potager où choux, pommes de terre abondent.

 

Visite à la petite ville déserte. Bien des maisons semblent avoir souffert davantage des soldats qui y ont cantonné longtemps que du bombardement.

 

Vu Larose en promenade.

 

C’est décidé, on s’en va demain. Le 149e doit aller cantonner à Condé-sur-Marne, village situé entre Châlons et Épernay. L’étape doit se faire à pied : 20 km environ.

 

Mardi 8 octobre 1918

 

De Mourmelon-le-Grand à Condé-Sur-Marne

 

Messe à 7 h 00.

 

Départ à 11 h 30. La pluie se croit obligée de se mettre de la partie. Ondées d’orage, il en faudra subir plusieurs en cours de route.

 

Mourmelon-Le-Petit. Livry. On traverse la grande route de Châlons-Reims (vu l’abbé Cinéma), Vandemandes, laissé à droite. Isse et enfin Condé-Sur-Marne où nous arrivons à 17 h 00.

 

Je suis logé à la cure, chez M. l’abbé Persault, chanoine, un bon vieux qui approche de 80 ans.

 

Je demande à voir l’église. « L’église, elle n’existe plus ! Une bombe d’avion l’a démolie - Pourtant, j’ai aperçu un superbe clocher roman - C’est tout ce qui reste ! Le clocher et le porche ! »

 

Conde-sur-Marne

 

Village de cultivateurs à l’aise.

 

Popote chez M. Visse qui a reçu lui aussi deux bombes d’avions sur sa ferme. Il y a ici une importante usine qui sert à faire monter l’eau qui alimente le canal de la Marne à l’Aisne. C’est cette usine qui attire les avions boches et les obus. Car le village, surtout après l’avance boche du 15 juillet, était sous les obus.

 

Mercredi  9 octobre 1918

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00 dans une chapelle provisoire. C’est l’ancienne salle des fêtes, mise par la commune à la disposition de M. le curé.

 

On continue de commenter fort les nouvelles de la guerre. Les mots de « paix, d’armistice » jetés dans la discussion produisent les effets d’un ferment énergique. Les têtes s’échauffent, les espoirs s’éveillent… On s’arrache les journaux.

 

« Kolb est mort ». Kolb n’a point survécu à sa blessure. Je suis navré de cette nouvelle. Kolb était une figure très sympathique. Ardent patriote et brave soldat, il avait conquis ses grades par son seul mérite. Il avait refusé dernièrement de se retirer à l’intérieur.

 

On a enfin des nouvelles du commandant Schalck. Il est prisonnier. Mais les Allemands, ayant égard sans doute à sa qualité d’Alsacien, l’ont soumis à un système de rigueur spécial. Il est au secret et c’est indirectement que sa famille a eu de ses nouvelles.

 

On a de bonnes nouvelles aussi du lieutenant David qu’il a fallu évacuer les derniers jours de la bataille ; il avait été ypérité et n’y voyait plus.

 

Jeudi 10 octobre 1918

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00.

 

La grippe a fait sa réapparition. Tous les jours, il faut évacuer des malades.

 

Vendredi 11 octobre 1918

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00.

 

Orfeuil est enfin dépassé ; les boches se retirent.

 

Samedi 12 octobre 1918

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00.

 

Vouziers est pris. Je songe à ce prisonnier boche qui, l’autre jour, quand M. Barberousse lui disait : « Nous allons vous chasser ! Nous prendrons Vouziers », répondait du geste et de la voix : « Vouziers ! Vous ne prendrez pas Vouziers ! ». Ça y est,mon vieux Fritz !

 

Dimanche 13 octobre 1918

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00.

 

Messe basse à 8 h 00. Messe paroissiale et militaire à 10 h 00. La chapelle est un peu étroite pour l’assistance. M. le curé lit une lettre de Mgr. de Châlons prescrivant des prières de reconnaissance pour la libération du territoire de la Marne.

 

Conde-sur-Marne-Vraux

 

Justement, Mgr. de Châlons vient aujourd’hui à Vraux (4 km) donner la confirmation. M. le curé de Condé y conduit ses enfants. Bonne occasion que je ne veux pas laisser échapper. À 13 h 30, départ par le canal. À 14 h 30, j’arrive à Vraux juste pour la cérémonie. Nombreux discours. Avec l’abbé Laudat, Flammarion, nous pouvons saluer Mgr. qui nous a dit quelques mots très aimables. Du reste, dans les discours, il y a eu force compliments pour la division et comme c’est le 1er B.P.C. qui cantonne ici, il a eu sa forte part des compliments. Ce n’est pas pour lui déplaire.

 

Lundi 14 octobre 1918

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00.

 

L’état des pertes de la division fait ressortir que le 149 et le 158 ont beaucoup plus perdu que les chasseurs.

 

Réflexion du colonel Vivier : « Celui qui sciemment donne un renseignement faux au cours de la bataille devrait être fusillé ».

 

Mardi 15 octobre 1918 (Sainte Thérèse)

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00.

 

Tuyau du docteur Rouquier revenant de Châlons : Le corps d’armée (21e) se transporte à Semide ; l’armée à Suippes. On retire à l’armée Gouraud le 2e corps. On semble vouloir en rester là pour le moment sur le front de Champagne.

 

Mercredi 16 octobre 1918

 

Condé-Sur-Marne.

 

Messe à 7 h 00.

 

Le service pour les morts fixé d’abord à ce jour, 16, reporté ensuite à dimanche prochain, est enfin remis à samedi 19. Le général de division a, paraît-il, trouvé étrange de n’avoir pas été invité au service de Pogny. Il regarde cela comme un acte de défiance à son égard. Conclusion : il faut l’inviter cette fois, et pour ce, le service est fixé à samedi 9 h 00.

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry.

 

Le portrait de l’aumônier Pierre Henry provient de la collection personnelle de J.L. Poisot.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot et au S.H.D. de Vincennes.

 

5 novembre 2021

Ernest Charles Pétot (1896-1965)

Ernest Charles Petot

 

Enfance et jeunesse

 

Ernest Charles Pétot voit le jour le 11 mai 1896, à Marey-sur-Tille, dans le département de la Côte d'Or. Son père, Henri, exerce la profession de maçon. Il a 27 ans à la naissance de son fils. Sa mère, Jeanne Prandi, d’origine italienne, est âgée 22 ans. Le couple Pétot aura deux autres garçons.

 

Marey-sur-Tille

 

Le registre matricule d’Ernest note un degré d’instruction de niveau 4, ce qui signifie qu’il a obtenu le brevet de l’enseignement primaire. Ce diplôme lui offre la possibilité de devenir élève maître de l’école normale.

 

Lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914, Ernest est bien trop jeune pour porter l’uniforme. Futur conscrit de la classe 1916, il n’est pas affecté par l’ordre de mobilisation générale.

 

Ernest Pétot sait que sa classe ne se présentera pas devant le conseil de révision avant longtemps, tout du moins en théorie.

 

La guerre qui ne devait durer que quelques mois s’inscrit malheureusement dans le temps. Les pertes en hommes sont très importantes. L’état-major français doit à tout prix maintenir ses effectifs en équilibre sur le long terme. Parmi les solutions appliquées, la classe 1916 se retrouve appelée bien avant l’heure de la conscription en temps de paix.

 

Sous l’uniforme

 

Ernest Pétot bénéficie d’un sursis d’incorporation. Le jour où il se présente devant le conseil de révision, il est classé dans la 7e partie de la liste.

 

Pourtant, à partir du mois d’avril 1915, il est mobilisé comme n’importe quel autre conscrit de la classe 1916. Le jeune homme a l’obligation d’être à Épinal pour intégrer les effectifs du 170e R.I. dès le 4.

 

Son niveau d’étude, très supérieur aux autres, lui permet de franchir en un rien de temps l’ensemble des grades de sous-officier dès la fin de l’année 1915. Le 10 décembre, il est nommé caporal. Le 20 décembre, il devient sergent. Le 1er janvier de l’année suivante, il est promu aspirant.

 

Le 26 février 1916, Ernest Pétot est affecté pour mobilisation au 149e R.I..

 

Au regard des éléments fournis par sa fiche matricule, il est difficile de  donner une date, même approximative, de son arrivée au sein du régiment actif.

 

Combien de temps est-il resté au dépôt du 149e R.I. après son départ du 170e R.I. ? Est-il passé par le 9e bataillon du régiment ? Était-il présent durant l’attaque sur le village de Soyécourt qui a eu lieu au début du mois de septembre 1916 ? Il est impossible de répondre de manière sûre à ces questions.

 

Un cliché réalisé le 10 avril 1917 permet d’affirmer sa présence au sein d’une compagnie combattante du 149e R.I. à partir de cette date. Ce jour-là, Ernest Pétot a été photographié avec l‘ensemble des sous-officiers de la 10e compagnie, dans le Haut-Rhin, près de Belfort.

 

Les sous-officiers de la 10e compagnie du 149e R

 

L’identification de cet homme a été rendue possible après lecture du livre « Et le temps, à nous, est compté » rédigé par Francis Barbe. Une photographie identique se trouve à l’intérieur de l’ouvrage à la page 179. Chaque sous-officier représenté est nommé en marge de l’épreuve.

 

Début octobre 1917, le 149e R.I. est en préparation d’attaque. Une vaste offensive est déclenchée le 23 octobre dans le secteur de la Malmaison, près du chemin des Dames.

 

Les probabilités sont suffisamment fortes pour affirmer la présence de l’aspirant Pétot au sein de la 10e compagnie durant les combats.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte ci-dessous.

 

 

En avril 1918, le 149e R.I. est en formation près de Compiègne. Fin mai, avec l’ensemble de la 43e D.I., il contient une offensive allemande dans le secteur d’Arcy-Sainte-restitue.

 

Pour en savoir plus sur cette période, il suffit de cliquer une fois sur la carte postale suivante.

 

 

Une décision ministérielle du 8 juillet 1918 nomme l’aspirant Pétot au grade de sous-lieutenant, à titre temporaire, à compter du 1er juillet 1918. 

 

Une semaine plus tard, l’officier, nouvellement promu, se porte volontaire pour prendre le commandement d’un groupe de couverture dans un secteur de Tahure particulièrement mouvementé. Les Allemands attaquent. La lutte est rude. À court de munitions, le sous-lieutenant Pétot et les survivants de son groupe sont faits prisonniers.

 

 

Envoyé en Allemagne, Ernest Pétot est interné dans un camp d’officiers à Helmstedt.

 

Carte des camps de prisonniers officiers en Allemagne

 

L’après-guerre

 

L’armistice est signé le 11 novembre 1918, mais ce n’est qu’en janvier 1919 que le sous-lieutenant Pétot est rapatrié en France. Il est envoyé en congé illimité de démobilisation le 22 septembre 1919 depuis le dépôt du 27e R.I.. Ernest Pétot se retire dans son village natal.

 

En septembre 1920, il vit à Ampilly-les-Bordes et exerce son métier d’instituteur public.

 

Le 19 avril 1922, il se marie avec Pauline Jeanne Talfumier à Baignieux-les-Juifs.

 

Une décision ministérielle du 7 décembre 1923 le fait rattacher militairement au 25e régiment de tirailleurs.

 

Le 21 décembre 1928, Ernest Pétot dépend du centre mobilisateur n° 203 suite à une nouvelle décision ministérielle publiée dans le J.O. du 29 décembre 1928.

 

Son épouse décède le 14 janvier 1931.

 

Le 21 mars 1931, le sous-lieutenant Pétot est rattaché au centre d’instruction d’infanterie n° 81.

 

Ernest Pétot se remarie le 3 février 1932 à Oigny avec Marthe Huguenot, une femme qui exerce le métier d’institutrice. Un enfant naîtra de cette union. Le couple est installé à Sainte-Seine-l’Abbaye en novembre 1932.

 

Entre le 9 et le 24 septembre 1938, l’ancien officier du 149e R.I. accomplit une période d’exercices au 27e R.I.. Ernest Pétot est nommé lieutenant à titre définitif pour prendre rang à partir du 20 août 1921. Rappelé à l’activé militaire le 24 septembre 1938, il retourne à la vie civile dès le 5 octobre.

 

Deuxième rencontre avec les Allemands

 

Un nouveau conflit mondial est sur le point d’éclater. Ernest Pétot doit revêtir son uniforme d’officier à partir du 23 août 1939. Il est âgé de 44 ans. Les Allemands envahissent la Pologne le 1er septembre 1939. La France se prépare à vivre un nouveau conflit avec son ancien ennemi. L’Allemagne entre sur le territoire français le 10 mai 1940ce qui met fin à la « drôle de guerre ».

 

La bataille de France débute. Le 17 juin 1940, le lieutenant Pétot est, pour la seconde fois de sa vie, envoyé en captivité. Trois jours plus tard, le gouvernement français signe l’armistice. Promu capitaine de réserve par arrêté du 10 août 1940, Ernest Pétot est rapatrié et démobilisé le 8 septembre 1941.

 

Rayé des cadres militaires le 11 mai 1951, il est admis à l’honorariat de son grade à partir de cette date.

 

L’ancien aspirant de la 10e compagnie du 149e R.I. meurt le 10 juin 1965 à Dijon à l’âge de 69 ans.

 

Décoré de la croix de guerre 1914-1918, le capitaine de réserve Pétot a obtenu les citations suivantes :

 

Citation à l’ordre du corps d’armée en date du 25 juin 1918 :

 

« Sous-officier plein d’entrain, a brillamment conduit sa section au cours des dernières opérations dans des conditions très difficiles et maintenu sa section sous un feu violent de mitrailleuses. »

 

Citation à l’ordre de l’armée n° 20026 du G.Q.G. en date du 3 juillet 1919 :

 

« Officier excellent, réputé dans son bataillon par sa bravoure et sa brillante conduite dans toutes les circonstances de la guerre. Le 15 juillet 1918, en Champagne, comme chef volontaire d’un groupe de couverture, a opposé à l’ennemi une résistance acharnée. Ayant épuisé ses munitions, submergé par un ennemi très supérieur en nombre, fut fait prisonnier après plusieurs heures de combat désespéré, sacrifiant gaiement sa liberté à l’accomplissement intégral d’une mission de confiance qui lui avait été confiée. »

 

La généalogie de la famille Pétot peut se consulter sur le site « Généanet ».

 

log geneanet

 

Sources :

 

La Fiche signalétique et des services du sous-lieutenant Pétot a été consultée sur le site des archives départementales de la Côte-d’Or.

 

La photographie de groupe est extraite du fonds Gérard (collection personnelle).

 

« Et le temps, à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

 

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à F. Barbe, à A. Carobbi, à T. Vallé aux archives départementales de la Côte d'Or et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

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