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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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10 août 2018

Paul Henri Benoit (1892-1917).

Paul_Henri_Benoit

Paul Henri Benoit voit le jour le 24 janvier 1892 à Creil, ville située dans la vallée de l’Oise, au nord de Paris. Ses parents vivent au n° 1 de la rue de la République.

Le lendemain, son père, Henri Armand, se rend à l’Hôtel de Ville. Il est accompagné du grand-père paternel Charles François Benoit, et du grand-père maternel Pierre Lemaire ; ceux-ci vont lui servir de témoins.

Henri Armand a 25 ans, il travaille comme employé au chemin de fer du sud. Son épouse, Marie Pauline Lemaire, 22 ans, n’exerce pas d'activité professionnelle. Deux ans plus tard, le couple a un 2e fils qui décède à l’âge de 3 mois.

Après l’école primaire, Paul Henri poursuit ses études qui vont le mener au Lycée Chaptal de Paris jusqu’à l’obtention de son baccalauréat.

Soldat de la classe 1913, il est incorporé au 149e R.I.. Il prend le train pour rejoindre la ville d’Épinal le 9 octobre 1913. Ses apprentissages militaires ne sont pas menés à terme. Ils sont interrompus par le déclenchement de la 1ère guerre mondiale qui débute en août 1914.

Paul Henri Benoit est toutefois considéré comme mobilisable. Il participe à tous les combats du régiment, ceux des Vosges, ceux de la Marne, de Artois et de la Belgique.

Pour lui, les passages de grades de sous-officiers sont extrêmement rapides. Il est nommé caporal le 1er septembre 1914, puis sergent vingt jours plus tard. Le jeune sous-officier obtient ses galons d’aspirant le lendemain de Noël. Il commande maintenant une section de la  5compagnie du 149R.I..

Le 3 mars 1915, Paul Henri Benoit est blessé à la tête par un éclat d’obus. Il est évacué vers l’arrière. 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Explosion_de_mine

La date exacte de son retour au front n’est pas connue. Son état des services nous apprend qu’il est à la 5e compagnie du 149e R.I. le 12 février 1916. Le 28 mars, il est affecté à la 6e compagnie.

Il est peu probable que cet aspirant ait participé aux combats du mois de juin 1915 dans le secteur de Notre-Dame-de-Lorette et aux attaques du mois de septembre 1915 du côté du bois en Hache. 

Le 10 avril 1916, l’aspirant Benoit est nommé sous-lieutenant de réserve à titre temporaire, juste après le 2e engagement du régiment dans le secteur de Verdun.

Sa compagnie est maintenant sous les ordres du lieutenant Georges Poncelet. Le 20 décembre, Paul Henri Benoit est provisoirement affecté à l’état-major du régiment. Il rempli les fonctions d’officier de renseignements. Dix jours plus tard, il retrouve son ancienne compagnie. Le 23 janvier 1917, Paul Henri Benoit devient lieutenant de réserve à titre temporaire.

C'est un excellent soldat, toujours bien noté par ses supérieurs, comme l’atteste cette petite note rédigée par le lieutenant Poncelet le 12 mai 1916 :

« Déjà aspirant à la compagnie avant sa nomination au grade de sous-lieutenant, a pris, avec son nouveau galon, un plus grand ascendant sur ses hommes. A commandé sa section avec un soin particulier pendant cette première période de tranchée et a su faire rendre à ses hommes et à ses gradés, un effort sérieux pour ce qui a concerné l’organisation du secteur. Conduira à bien, avec des sergents énergiques la section qu’il commande. »

Le capitaine adjudant-major du 2e bataillon Guilleminot appuie l’écrit de son subordonné :

« Jeune officier très allant, désireux de s’instruire, ayant un grand amour propre, est susceptible, avec un peu plus d’expérience, de faire un excellent officier. Très bonne instruction générale. Bonne instruction militaire. »

Le lieutenant Benoit participe ensuite aux combats du régiment dans la Somme. Il y gagne une citation à l’ordre de l’armée.

Le 23 décembre 1916, le lieutenant-colonel Pineau inscrit dans le feuillet individuel de campagne du sous-lieutenant Benoit : « Jeune officier dont l’attitude a été brillante en toutes circonstances, comme chef de section ou comme commandant de compagnie. Froid, très maître de lui, a montré de très belles qualités militaires. Sera certainement un très bel officier. »

Durant l’année 1917, le 149e R.I. occupe un secteur situé à l’ouest du fort de la Malmaison, du côté d’Aizy, de Jouy, de Billy-sur-Aisne et des fermes du Toty et de Hameret.

Ferme_Hameret

Lorsque les 9 premiers mois de 1917 sont mis en parallèle avec ceux des trois premières années du conflit, nous pouvons affirmer qu’ils furent, par comparaison, plutôt « modérés » pour l’ensemble du régiment.

Paul Henri Benoit profite de cette période pour suivre, du 1er au 8 mai 1917, les cours du fusil R.S.C. au dépôt divisionnaire de la 43e D.I..

Il bénéficie également de deux permissions. La première a lieu du 23 au 31 mai 1917, la seconde, du 31 août au 10 septembre 1917.

Le lieutenant Benoit reprend le commandement de sa section au retour de sa permission. Il s’apprête à suivre, avec l’ensemble du régiment, un entraînement intensif, en vue d’une future attaque qui doit avoir lieu dans le secteur du fort de la Malmaison, à la fin du mois octobre 1917.

La 6e compagnie ne participe pas directement à l'engagement du 23 octobre. Le 2e bataillon du 149e R.I. fut choisi pour être « bataillon de réserve » durant la 1ère phase de l’attaque avant d’être nommé « bataillon de soutien » durant la 2e phase de l’opération.

Deux jours plus tard, le lieutenant Benoit est tué dans le secteur du bois Dherly, touché par plusieurs balles au thorax et à l’abdomen. Il soutenait une reconnaissance menée par le sous-lieutenant Huc.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Reconnaissances_du_25_octobre_1917

Comme la plupart des officiers tués dans ce secteur, le lieutenant Benoit est enterré dans le petit cimetière militaire de Condé-sur-Aisne, à côté du sous-lieutenant Huc, dans une sépulture qui porte le n° 309.

Le 9 novembre 1917, le sous-lieutenant Auguste Fourneret, officier d’état civil du régiment, enregistre la mort du lieutenant Benoit confirmée par les témoignages de l’adjudant-chef Maurice Pottier et du soldat Alfred Piteux. L’acte de décès officiel est envoyé à la mairie de Senlis le 17 juin 1920.

Le corps de cet officier est rendu à la famille dans les années 1920.

Paul Henri Benoit est un cas assez rare dans l’histoire des régiments : celui d’un simple conscrit devenu officier (devenir facilité, il est vrai, par son niveau scolaire), mais aussi, celui d’avoir passé l’intégralité de sa carrière, fut-elle brève, dans le même régiment.

Il a obtenu les citations suivantes :

Citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 114 en date du 25 mars 1916 :

« Dans la nuit du 8 au 9 mars 1916, sous un tir de barrage des plus violents, tous les officiers de la compagnie ayant été blessés, en a pris le commandement, l'a reformée avec le plus grand calme et reconduite, sous la rafale, à son emplacement de soutien. Au front depuis le début, déjà blessé une fois, a toujours donné l’exemple du sang-froid dans les circonstances critiques. »

Citation à l’ordre de l’armée du 35e C.A. n° 11 en date du 23 septembre 1916 (J.O du 17 janvier 1918) :

« Jeune officier ayant fait preuve dans plusieurs circonstances critiques d’un allant et d’une énergie remarquables. Le 17 septembre 1916, commandant provisoirement sa compagnie, l’a entraînée brillamment à l’assaut de la tranchée ennemie qui lui était fixée comme objectif et qui a été enlevée. A fait des prisonniers, s’est appliqué aussitôt après à poursuivre l’organisation du terrain conquis sous le feu de riposte de l’ennemi »

Le lieutenant Benoit est fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume le 18 octobre 1919 (J.O. du 26/12/1919).

« Officier de beaucoup d’entrain et de courage. S’est présenté volontairement pour effectuer, avec un groupe de grenadiers, le nettoyage d’une galerie occupée par 500 ennemis, a contribué dans une large part à leur capture. Désigné pour soutenir avec sa section, une reconnaissance envoyée en avant du terrain conquis. A été tué à la tête de sa section en accomplissant sa mission. A été cité. »

Le lieutenant Benoit ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

Le nom de cet homme est inscrit sur une des plaques commémoratives du Lycée Chaptal de Paris.

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Une grande partie des informations concernant la généalogie de cet officier a été trouvée sur le site « Généanet ».

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à la mairie de Creil.

31 juillet 2018

25 octobre 1917.

25_octobre_1917

La journée du 24 octobre a été consacrée, pour les hommes du 31e B.C.P du 158e et du 149e R.I., à l’organisation du secteur et à la consolidation des positions nouvellement conquises.

Des reconnaissances sont prescrites dans la matinée du 25. Les unités qui sont désignées pour mener à bien ces opérations reçoivent l’ordre de progresser en territoire allemand, pour tenter de capturer les éléments laissés par l’ennemi. Elles doivent également ramener ou détruire le matériel trouvé sur place, tout en essayant d’établir une ligne de surveillance entre Bruyères, Moulin rouge et 4073.

La reconnaissance du 158e R.I. est composée d’une compagnie. Elle a la charge d’atteindre la petite commune de Bruyères. Ses soldats sont rapidement bloqués par des salves de mitrailleuses placées à la Planchette et au Moulin Rouge. Tentant de reprendre la progression, la compagnie cherche à longer la lisière du bois Dherly. Celle-ci subit de nouveaux tirs de mitrailleuses qui la stoppent net dans son mouvement.

Une section de la 6e compagnie du 149e R.I. se lance à l’intérieur du bois Dherly. Les hommes du sous-lieutenant Huc tombent aussitôt dans une embuscade qui anéantit presque intégralement son groupe. Les survivants sont faits prisonniers. Un groupe de soldats du régiment commandé par le lieutenant Maginot est rapidement dépêché sur les lieux, en renfort. Il espère dégager la section Huc mais cette tentative d’extraction arrive trop tard.

Ces reconnaissances menées par les 158e et 149e R.I. sont un échec total.

Reconnaissances_du_25_octobre_1917

Legende_carte_reconnaissances_journee_du_25_octobre_1917

Le lieutenant Paul Henri Benoit de la 6e compagnie a également été tué dans la matinée.

Vers midi, la 43e D.I. est avisée du succès des corps voisins. Elle reçoit à nouveau l’ordre de s’emparer de Bruyères.

À sa gauche, la 13e D.I. doit traverser le bois Dherly avant d’envoyer une avant-garde en direction de Lizy.

Cette fois-ci, c’est un groupement de 3 compagnies soutenues par une compagnie de mitrailleuses du 31e B.C.P. qui est chargé de l’opération. Les chasseurs sont couverts à leur gauche par une flanc-garde constituée d’une compagnie du 158e R.I. qui doit pousser sur Moulin Rouge.

L’attaque débute à 16 h 00.

À la suite d’un combat assez vif, le village de Bruyères est enlevé vers 19 h 00. Le 31e B.C.P,qui s’empare de 4 canons, fait 150 prisonniers.

La compagnie du 158e R.I. prend Moulin Rouge en capturant 77 Allemands. Elle envoie ensuite des patrouilles sur le canal de l’Aillette.

À sa gauche, le 149e R.I. dépêche un poste d’une section à l’intérieur du bois Dherly.

La nuit du 25 au 26 est relativement calme.

Le capitaine Foucher qui commande le 3e bataillon du 149e R.I. rédige un compte rendu. Cet écrit est adressé au commandant Schalck, responsable du 2e bataillon du régiment. Celui-ci le reçoit le billet à 1 h 10.

« Le sergent Fayolle et les deux hommes qui l’accompagnent rentrent à l’instant. Ils m’apportent les renseignements suivants : « La ferme Rosay est occupée par un bataillon du 21e R.I. qui est, en liaison, à sa gauche, avec une compagnie de chasseurs. Une reconnaissance a été faite le soir par l’adjudant du 11e génie. La Rive-Nord du canal est occupée par les Allemands. La Rive-Sud est un marécage impraticable. La liaison du 21e R.I. avec le 109e R.I. est impossible à réaliser en raison de ce marécage. Une section du 109e R.I. se trouvant à 3987 a prétendu avoir 3 compagnies dans la partie du bois Dherly, à l’est de la ferme Rosay. Le sergent Fayolle et les deux hommes sont allés jusqu’à 3274. Ils n’ont rien trouvé. Cette section du 109e R.I. n’était d’ailleurs pas en liaison avec ces 3 compagnies dont elle n’a aucune nouvelle.

Je vous serai reconnaissant de bien vouloir me donner des instructions sur ce que je dois faire. Je crois qu’il serait peut-être bon d’envoyer une nouvelle patrouille avec un effectif plus fort pour chercher la liaison au nord de 3274. »

Le billet est ensuite envoyé au colonel Boigues qui le dépêche aussitôt à son supérieur hiérarchique, le colonel Guy, chef de l’I.D. 43 avec l’ajout suivant :

« Ci-joint un compte rendu du commandant Schalck qui vous est destiné. Je ne sais rien de neuf sur mon front où l’occupation semble se poursuivre normalement et d’une manière satisfaisante, avec une liaison étroite avec les éléments voisins.

Quelques officiers ont été blessés : le commandant Putz, le capitaine Houel, le sous-lieutenant Gauthey du 3e bataillon et le lieutenant Malaizé du 1er bataillon.

En résumé, tout me paraît avoir marché aussi bien que possible.

Nos prisonniers allemands appartiennent aux 15e, 201e et 209e I.R. et au 2e de la Garde, ce qui note un désarroi dans leurs unités. Le capitaine Foucher commande le 3e bataillon. »

La bataille de la Malmaison touche à sa fin. Les unités de la 43e D.I. sont maintenant en attente de nouveaux ordres. Elles ne savent pas encore ce qui va leur advenir dans les jours suivants. Vont-elles reprendre le combat ? Vont-elles rester sur place ? Vont-elles quitter le secteur ? Tout est encore incertain.

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

Le morceau de carte du groupe des canevas de tir du secteur de Vailly est daté du 26 août 1917. Ce morceau de carte localise le bois Dherly, zone d’intervention des éléments de la 6e compagnie du 149e R.I. durant la journée du 25 octobre 1917.

La photographie qui se trouve sur le montage est extraite de l’historique du 149e R.I. dite « version luxe » éditée en 1919 par les imprimeries Klein. Celle-ci est légendée « Attaque de la Malmaison, le 23 octobre 1917, canon de 77 pris par le 149e R.I. au bois des Hoinets. »

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

20 juillet 2018

Témoignage laissé par le sous-lieutenant Paul Douchez (5e partie) Une ivresse contestataire au 149e R.I..

Une_ivresse_de_contestation_au_149e_R

Fin mai 1917, la 43e D.I. est touchée par des mouvements d’indiscipline. Des incidents font leur apparition au 31e B.C.P. au 158e et au 149e R.I..

Quelques hommes du 149e R.I. et du 108e R.I., espèrent entraîner le 129e R.I. dans une rébellion de masse, mais cette tentative est vite étouffée dans l’œuf. 

Un autre incident se déroule le 7 août 1917. Celui-ci est évoqué dans le témoignage du sous-lieutenant Douchez. Son bataillon, le 3e, cantonne à Billy-sur-Aisne. Il s’apprête à remonter en 2e ligne aux Vervins. Voici comment il commente l’évènement.

« C’est l’époque où, grâce à l'excitation de certains parlementaires pro-allemands, de graves désordres naissent dans l’armée du front. La propagande est faite par l’intermédiaire des conducteurs des sections automobiles.

Recevant l’ordre de monter en secteur, des unités font demi-tour, elles grimpent sur les convois d’autos retournant à l’arrière, qui les acceptent. Ces hommes se retranchent dans un bois qu’ils flanquent de mitrailleuses, arrêtent et pillent les convois de ravitaillements, etc.

Quelques régiments d’élite échappent seuls à une contagion plus ou moins profonde. Tel est le cas du 149e R.I.. Cependant, aujourd’hui, la quasi-totalité des hommes est ivre. Les autorités militaires se refusent à sévir contre les débitants et contre les très nombreux habitants qui vendent à boire clandestinement. La tenue pour le départ est lamentable. Les hommes défilent devant le commandant Desanti, offrant l’aspect d’une bande de brigands débraillés. Les hommes,  avec leurs faces bestiales, titubent. Ils n’observent ni ordres, ni cadences. Ils n’obéissent plus, ricanent et insultent au passage le chef de bataillon.

Ma section ouvre la marche ; au premier croisement de routes, passe une théorie de camions, chargés de troupes, qui monte aussi en secteur. Les occupants crient : « À bas la guerre ! » et lèvent leur crosse en l’air. Mes hommes, à cette vue, entonnent « l’Internationale ».

Je me retourne et je les regarde. Pourquoi se taisent-ils ? Ce n’est pas par affection pour moi, quoi qu’en prétendent certains écrivains dans leurs articles ampoulés, qui n’ont jamais approché le régiment ; ce sentiment n’existe, chez le soldat, qu’au titre de « rare exception ». Et encore ! Celui-ci disparaît sous l’influence de l’ivresse, de l’entourage, de l'intérêt.

Toujours est-il que s’il leur avait plu de continuer, je ne pouvais absolument rien faire contre ce troupeau d’ivrognes.

De ma compagnie, quelques hommes ont refusé de partir. Les autres compagnies sont nettement plus atteintes. Aucune sanction ne suit, car les chefs savent que les parlementaires interviendraient en faveur des meneurs… »

Sources :

Fond Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

« Les mutineries de 1917 »  de Guy Pedroncini. Collection Dito. Presses universitaires de France. 3e édition avril 1996.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

6 juillet 2018

24 octobre 1917.

24_octobre_1917

La veille, les 1er et 3e bataillons du 149e R.I. se sont lancés, avec d’autres éléments de la 43e D.I., dans une offensive dans le secteur du chemin des Dames, à l’ouest du fort de la Malmaison. Cette offensive fut une réussite totale. Tous les objectifs fixés pour le 149e R.I. sont atteints.

La journée du 24, beaucoup plus calme, est consacrée à l’organisation et à la consolidation des positions conquises. Il faut maintenant penser à assurer les ravitaillements de toute nature, munitions, nourriture, eau…

Des patrouilles sont poussées vers l’avant. Elles ramènent de nouveaux prisonniers. L’ennemi semble ne plus avoir que de faibles éléments qui cherchent à couvrir, du mieux possible, la retraite de leur matériel. Les Allemands possèdent encore des  nids de mitrailleuses vers la Planchette.

La_Planchette

La destruction complète des routes et des chemins par les tirs d’artillerie, au cours de la traversée de la première position allemande, rend impossible tout transport. Seuls les porteurs, les mulets et les bourriquets peuvent être utilisés. Tous les efforts portent sur la réfection des voies de communication. Plusieurs jours de travail seront nécessaires pour mener à bien cette tâche. Après plus de 36 heures d’efforts, le chemin du Toty est débarrassé des tanks qui se sont embourbés durant la bataille. La circulation par boyaux est préparée pour la traversée de la crête des Dames et, au-delà, par le recreusement rapide des boyaux allemands Griffon, Lévrier et Caboches.

Les_boyaux_du_Griffon__du_L_vrier_et_des_Caboches

Ce jour-là, plusieurs soldats sont décorés sur le terrain, probablement à l’ordre du régiment. Parmi eux figurent le lieutenant Jules Georges Hippolyte Robinet et le sous-lieutenant Jean Loubignac. Aucune trace de ces citations n'a été retrouvée dans leurs dossiers individuels du S.H.D. de Vincennes.

Sources

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

Les morceaux de carte du groupe des canevas de tir du secteur de Vailly qui sont utilisés ici sont datés du 26 août 1917.

Les légendes des deux clichés qui sont données ici sont celles inscrites dans l'album où elles se trouvent. Elles n'ont pas été confirmées par d'autres sources pour l'instant.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à J. Huret, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

29 juin 2018

Témoignage laissé par le sous-lieutenant Paul Douchez (4e partie) Patrouilles et reconnaissances.

149e_R

Les hommes du sous-lieutenant Douchez s’apprêtent à quitter le secteur de 2e ligne des Vervins pour gagner la ferme le Toty.

 22 juin 1917

Les Vervins à la ferme le Toty (1ère ligne) par P.C. Constantine et Jouy (moulin de Couvailles). Là, l’ennemi utilise de meurtrières torpillettes empennées dites « tourterelles ». Le lieutenant Claudin passe le commandement au sous-lieutenant Berteville avant de partir en permission. Ce dernier tombe malade. Je prends le commandement de la compagnie. Je reçois l’ordre ci-dessous, pour exécution de travaux d’amélioration dans la défense du secteur.

Parcours_approximatif_effectu__par_la_9e_compagnie_du_149e_R

Legende_carte_149e_R

Le général Michel commandant la 43e D.I. au colonel commandant l’infanterie divisionnaire.

Au sous-lieutenant Douchez

La liaison entre les quartiers B et C n’est pas encore suffisamment établie.

En première ligne, la tranchée la Madelon n’est pas reliée à la tranchée Bossue. Il reste 40 m de tranchée à creuser.

Il en résulte que, si les éléments de gauche du 158e R.I. sont relativement bien desservis par le boyau Ugène, la tranchée du Coq, la tranchée du Toty, les éléments de droite du 149e R.I. sont en l’air, uniquement desservis par le boyau Beaudron, trop excentrique, alors qu’ils devraient l’être par la tranchée du Toty.

Secteur_de_la_ferme_Toty_J

Cette dernière tranchée, soutien de la tranchée Bossue (149e R.I.) et cloisonnement à gauche du 158e R.I., n’est pas achevée. Son tracé, à partir de la tranchée du Coq, est à rectifier sur au moins 15 à 20 mètres. Il suit la ligne de plus grande pente et est pris d’enfilade par le blocus.

La réunion des tranchées Bossue et de la Madelon, l’achèvement et la rectification de la tranchée du Toty seront poussés activement dès maintenant. Ces travaux devront être terminés le plus tôt possible.

28 juin 1917

Ferme le Toty à Ciry-Salsogne par la route

2 juillet 1917

Ciry Salsogne à Billy-sur-Aisne

3 juillet 1917

Billy-sur-Aisne (camions-autos jusqu’à Celles) à éperon ouest de Jouy (par moulin Saint-Pierre) où je commande un peloton détaché. Le reste de la compagnie est aux Vervins.

La nuit, ouverture de boyaux, installation d’un P.C., changement d’orientation de nos abris, pris à l’ennemi, pose de réseaux barbelés, le tout sous un bombardement intermittent. La position, sorte de sablière, sous les vues directes de l’adversaire, est canonnée jour et nuit, avec redoublement dès qu’un homme paraît sur le bled pour l’observation ou pour la communication des ordres. Le ravitaillement n’est possible que la nuit.

8 juillet 1917

Éperon ouest de Jouy à la ferme le Toty

149e_R

Ce secteur est, parmi ceux que j’ai vu, l’un des plus durs, des plus fatigants, des plus dangereux. La compagnie a la garde de plusieurs centaines de mètres d’une tranchée de 1ère ligne (tranchée Bossue). Trois sections l’occupent, la 4e est en réserve autour de la grotte, servant de P.C. à la compagnie. Cette tranchée traverse :

 1. dans son tiers gauche : des marais boisés où la circulation est des plus pénibles. Deux petits postes avancés s’en détachent, occupés la nuit seulement.

2. dans son centre : un terrain plat et dénudé où la tranchée est taillée dans le roc dur à une profondeur insuffisante qui oblige à parcourir, à 160 mètres de l’ennemi, des zones où l’on n’est protégé que jusqu’aux genoux ou jusqu’à mi-corps. Rien ne sert de s’y baisser.

3 .dans son tiers de droite (celui dévolu à ma section) : deux routes et un ravin encaissé et boisé qui sont sous le feu continu et nourri de l’artillerie. Certains tronçons en sont si bouleversés qu’on renonce à les entretenir. 

L’officier de « quart », une nuit sur deux (toutes les nuits quand son collègue est absent), a la garde de toute la tranchée et des petits postes. Il est secondé par l’adjudant ou l’aspirant, à tour de rôle. Il doit être en permanence dans ce parcours total depuis avant le coucher du soleil jusqu’après son lever. Un unique boyau étroit, profond d’un mètre, pris d’enfilade, conduit à la partie centrale d’où l’on rayonne à droite et à gauche.

Les tranchées adverses sont admirablement régulières, « confortables » et entièrement en ciment armé.

9 juillet 1917

Le sud du bois du Toty, situé entre les lignes, fait face à notre tranchée, à environ 60 mètres ; sa bordure lui fait angle droit. Chaque soir, on entreprend de renforcer ou de réparer le réseau que les obus ont abîmé. Cette nuit, en dirigeant ce travail, devant la lisière sud du bois, j’ai cru y percevoir un bruit. Nanti de deux grenades, le révolver en main, je me glisse sous le réseau et je m’approche en rampant. Une section de gauche, non avertie de notre travail, lance une fusée-parachute qui me met en pleine lumière durant une minute. Aussitôt, un bruit de branche me révèle que j’ai été vu. La fusée éteinte, je regagne le réseau à reculons, toujours sur le ventre.

Je fais en hâte un rapport demandant quelques coups de 75. Mon commandant de compagnie le transmet avec la mention : « ce renseignement n’a pas été contrôlé » et il reste sans effets.

Dans la journée, mes guetteurs d’extrême droite et le commandant de compagnie, en tournée à ce poste, tirent à trois reprises sur un groupe de trois hommes qui s’aventurent pour observer, hors de la lisière est. Sachant, par les photographies aériennes, que la corne nord-est est traversée par la tranchée du Blocus, on peut conclure que de ce point partent des patrouilles qui viennent, la nuit, surveiller nos travaux.

Cette supposition est renforcée par un court tir de tourterelles et de 88, chaque soir, sur la lisière sud, ayant pour but certain d’en chasser préalablement nos guetteurs éventuels.

Après reconnaissances d’un cheminement par un volontaire, je fais appel à trois autres. Au petit jour, nous allons, à cinq, explorer les abords des sous-bois. Nous y découvrons, moulées par la station prolongée du corps dans le gazon, des niches dont trois, côte à côte, viennent d’être vidées si fraîchement que la rosée n’en a pas encore humecté l’herbe aplatie. De plus, des foulées récentes indiquent le parcours des occupants.

Je fais un nouveau rapport demandant l’autorisation de tendre une embuscade dont je donne le plan.

13 juillet 1917

Comme usage, pour éviter une méprise et suspendre l’emploi des fusées, la consigne est passée aux compagnies voisines, avec les heures de départ et de rentrée probable de notre patrouille.

Dès la nuit venue, nous sortons, l’un après l’autre, de la tranchée, anxieux d’arriver avant eux. Nous cernons les niches et, parfaitement dissimulés, l’œil et l’oreille en éveil, le doigt sur la détente du pistolet, nous attendons.

Mais le tir habituel préparatoire, dont les traces nous entourent et que nous n’attendons pas sans appréhension, ne se produit pas.

Les heures passent. Les moustiques, encouragés par notre immobilité, nous piquent copieusement. Les mille bruits nocturnes d’un bois nous donnent de fausses joies. L’obscurité se fait d’un noir d’encre. Le froid est vif, malgré la saison, mais nous sommes décidés à rester là jusqu’au matin s’il le faut.

Minuit… Brusquement, un furieux tir de barrage s’abat derrière nous, sur notre tranchée. Il s’étend à droite, à gauche, sur 2 ou 3 km. Notre artillerie répond. Les premières lignes s’illuminent d’un rideau de fusées. Nous comprenons alors que l’ennemi avait, pour cette nuit, monté une attaque qui se déclenche sur notre droite. Exécutant des barrages d’interdiction sur les secteurs voisins du point attaqué, il n’y avait naturellement pas envoyé ses patrouilleurs.

Ignorant, à cet instant, si ce n’est pas notre propre position qui va être attaquée, mon devoir est d’y rentrer au plus tôt, coûte que coûte. Ce que nous parvenons à faire.

Au procès-verbal, je joins une demande de récompenses pour mes quatre braves (Poirot, Viant, Lechat et Deleval), qui, en somme, se sont exposés, deux fois, à tous les risques que comporte ce genre d’expéditions.

La présence de l’ennemi dans le bois de Toty (ou du blocus) étant restée, jusque-là, un point à élucider, la division déclare utiles les renseignements rapportés.

En transmettant mes propositions de citation à l’ordre du régiment et en les approuvant, le capitaine adjudant-major Houel, commandant le bataillon en l’absence du commandant, établit pour moi une demande de citation à l’ordre de la division.

Le nouveau colonel (Boigues) qui, peu de jours avant, a octroyé cette distinction à un collègue ayant occupé sans accident un P.C. soumis à un tir d’obus toxiques, reçoit ces propositions le 19, jour de sa rentrée de permission où il est de méchante humeur.

Il les rejette avec emportement : « Si une patrouille est nécessaire, on la commande !, s’il s’offre des volontaires, ils ne font que leur devoir. Si personne n’accepte, on fait fusiller ! » Et il fait insérer au rapport la note ci-dessous :

Colonel à chefs de bataillon et commandants de compagnie.

« Le colonel partage l’admiration des chefs de bataillon et des commandants de compagnie pour tous les braves sous les ordres et est prêt à accueillir en leur faveur toutes les propositions de récompenses dont ils seront l’objet.

Mais la croix de guerre, pour ne pas perdre son prix aux yeux de nos soldats, ne doit être décernée que pour un fait en valant la peine, ayant entraîné un acte d’initiative, de courage ou de dévouement, en un mot, un mérite militaire actif.

C’est ainsi que le chef de corps n’a pas jugé utile d’attribuer cet insigne à des militaires ayant fait des patrouilles volontaires sans rencontrer l’ennemi ou ayant tenu leur poste sous des bombardements journaliers, etc…  Aux armées, le 19 juillet 1917, colonel Boigues ».

Décidément, mes propositions à l’ordre de la division n’ont pas de chance !

14 juillet 1917

Ferme le Toty à Billy-sur-Aisne. Itinéraire : Piste de la D.I. jusqu’au moulin de Couvailles, Celles, Condé-sur-Aisne, Missy-sur-Aisne, rivage de l’Aisne, moulin des Roches, route de Soissons, Billy-sur-Aisne.

De_la_ferme_le_Toty___Billy_sur_Aisne_14_juillet_1917

Legende_carte_149e_R

Mon logement est dans une épicerie avec Berteville. Les hommes sont chez l’habitant.

Je n’ai jamais vu tant de lampyres et de lucioles que dans les bois derrière nos lignes. La piste de la D.I. semble drôlement jalonnée à dessein par des postes de ces petites bestioles.

17 juillet 1917

Sixième permission de sept jours à Calais. Départ en voiture de compagnie de Billy-sur-Aisne à Saint-Christophe (train passé) et à Berzy-le-Sec.

29 juillet 1917

Billy-sur-Aisne à P.C. Cahors (Ouest de Jouy : bois du Coteau).2e ligne

1er août 1917

P.C. Cahors à Billy-sur-Aisne (rivage de l’Aisne de Condé-sur-Aisne à Venizel)

La chambre que j’occupais dans une épicerie, avec Berteville, lors de notre premier cantonnement à Billy, est occupée par un officier du premier bataillon qui s’est dit malade au moment de partir en secteur. Je vais loger avec le lieutenant Claudin. Les sections sont dans des baraques Adrian.

7 août 1917

Billy-sur-Aisne aux Vervins (2e ligne) par le même itinéraire que le précédent.

15 août 1917

Sources :

Fonds Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

Le morceau de carte qui accompagne le texte du sous-lieutenant Douchez provient du J.M.O. du 3e B.C.P. Réf : 26 N 816/4.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

1 juin 2018

Témoignage laissé par le sous-lieutenant Paul Douchez. (3e partie) En 1ère ligne du côté de la ferme le Toty.

Sabliere_du_bois_Marcon

Le sous-lieutenant Douchez est arrivé à proximité de la 1ère ligne le 1er juin 1917, après plusieurs jours de marche. Sa section, qui fait partie des effectifs de la 9e compagnie, est installée à la grande sablière située au sud des villages d’Aizy et de Jouy, près du chemin des Dames.

Replongeons-nous dans les écrits de Paul Douchez…

2 juin 1917 

« Grande sablière à Aizy, les Grands Riez et retour. Conduite d’une corvée de travailleurs. Le génie, qui doit diriger le travail, n’ayant pas eu le courage ou l’intelligence de me fournir le guide prescrit, les hommes passent la nuit à faire la marche de l’aller et du retour et à attendre. Aucun travail n’est fait.

Les_Grands_Riez__les_sabli_res_et_la_ferme_Hameret

De la grande sablière vient l’obus intact que j’ai rapporté à Jeanne.

Des dépôts considérables de munitions allemandes achèvent de s’y détériorer : obus de divers calibres, grenades, gargousses, douilles de cuivre, etc… nul ne voulant prendre l’initiative de provoquer leur enlèvement.

4 juin 1917

Grande sablière à parages de la ferme Toty (1ère ligne) par Jouy.

De_la_grande_sabli_re___la_ferme_le_Toty

C’est ici que se trouve la limite de la progression réalisée par la récente offensive. Le régiment a pour mission de stabiliser cette limite par le creusement de tranchées.

Je couche au P.C. de la compagnie. C’est une simple excavation dans le sable, à flanc de coteau. Nos équipements y prennent la moisissure. Par contre, dehors, la chaleur est torride. Le moindre déplacement met en transpiration.

Ma section est au bas de la côte, vers la ferme du Toty, dans des « trous de renards ». Le P.C. de la compagnie se trouve à côté de celui du bataillon.

Nous avons un nouveau chef de bataillon, le commandant Dessanti. Là, je vois, pour la première fois, tomber tout près un avion en flamme.

7 juin 1917 

Au milieu de la nuit, une contre-attaque ennemie paraît imminente (communiqué du 6 et 7 juin 1917). Je me porte, avec ma section, dans une tranchée que nous avons creusée les deux nuits précédentes et qui défend l’accès du ravin du Toty. Là, je reçois l’ordre ci-dessous, m’enjoignant de ne garder avec moi qu’une demi-section et d’envoyer l’autre en soutien. Grâce aux prélèvements, absents, évacués, etc…, cette demi-section, qui a pour mission d’enrayer derrière moi, une première progression éventuelle de l’ennemi est composée d’un sergent et de 2 hommes. La tranchée dont elle a la garde est de plus de 100 m !!!

Ravin_ouest_Toty_1ere_ligne

Ordre de mission rédigé par le lieutenant Claudin le 7 juin 1917 :

Note pour le sous-lieutenant Douchez

1) Vous devez occuper rapidement et défensivement avec une ½ section, la tranchée faite hier. Avec l’autre section, l’emplacement de renfort de la  10e compagnie.

2) Vous devez résister éventuellement sur ces emplacements. Il faut se renseigner sur ce qui se passe dans la région de la ferme du Toty. Se ménager 2 coureurs capables de rendre compte au P.C. très rapidement.

3) Vous recevrez 12 V.B. et 12 O.F.

4) Rendre compte dès que vous serez en place.

Je me conforme à cet ordre et me rends compte de la situation pour toute la défense ; je reçois 12 grenades V.B. et 12 grenades O.F. !!! Notre ravin est effroyablement arrosé par de gros obus. Je me félicite d’avoir, en raison de son importance, soigné tout particulièrement l’exécution de cette tranchée, dont le tracé m’a été confié, et d’avoir exigé une bonne profondeur et une largeur suffisante. Ces précautions me valent de n’avoir aucune perte, bien que des 150 soient tombés à moins de 5 mètres du parapet. Cet ouvrage est en lisière d’un couvert d’arbres et le tir nous prend à revers. Ma seule crainte est que des projectiles, heurtant un arbre, en cours de trajectoire, éclatent au-dessus de nous.

8 juin 1917 

Alerte similaire

Ordre de mission 149e R.I. à la 9e compagnie.

Du lieutenant commandant la compagnie au sous-lieutenant Douchez.

« Prendre dispositions pour éventuellement résister sur la ligne que nous avons jalonnée, avec le concours des mitrailleuses de manière à assurer le cas échéant le repli de la 10e compagnie et empêcher le débouché de l’ennemi de la ferme du Toty et des Vallons, à droite et à gauche. Signé Claudin »

10 juin 1917 

Après la relève, je reste une nuit près du bataillon comme officier de renseignement.

Le Toty à Ciry-Salsogne (route) par Jouy, Aisy, (Vailly à Condé-sur-Aisne en auto d’ambulance) avec mon ordonnance.

16 juin 1917 

P

Ciry-Salsogne aux Vervins (2e ligne) par la route. Le P.C. de la compagnie et la liaison sont installés au sommet du coteau, près de la route vers la ferme Hameret. Le mien, au fond du ravin, est fait de branchages, couvert d’une tôle ondulée, que je charge d’une épaisseur de sacs et adossé à un petit remblai. Une toile de tente constitue le mur de face. Pour couchette nous posons des feuilles fraîches sur le sol.

La position est un ravin de 50 mètres, découvert, encaissé entre deux coteaux parallèles boisés, à pentes très raides. Sur l’un sont échelonnés les P.C. des compagnies et des abris de section. Au pied, les huttes de ma section et la mienne. Sur le coteau, en vis-à-vis, il y a des batteries dissimulées attirant un bombardement fréquent par 150 et 210. La consigne est, en ce cas, de remonter vers les P.C. où un angle mort donne une protection relative.

Je suis descendu m’assurer que tout le monde avait quitté les huttes. Je retrouve la mienne encadrée à 3, 5 et 12 mètres par 3 entonnoirs. Des éclats ont traversé mon réduit, coupé des branches, troué l’équipement de Magnien, mon ordonnance. J’y reste ½ heure en assez mauvaise posture. Le tir ne cesse pas. Je risque avec bonheur la montée à découvert d’une centaine de mètres… »

Sources :

Fonds Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

25 mai 2018

Frédéric Alexis Biehler (1893-1917).

Frederic_Alexis_Bielher

Frédéric Alexis Biehler est né le 10 juillet 1893, dans le petit village de Saint-Laurent situé au sud-est d’Épinal. Son père, Frédéric, est âgé de 34 ans. Il travaille comme boucher. Sa mère, Marie Célestine Michel, 35 ans, exerce le métier de tisserande dans une usine locale. Elle élève déjà une fille. Les parents se séparent après la naissance de leur troisième enfant. Le père se remarie avec Marie Angélina Colin, avec qui il aura 7 autres enfants.

Une fois sorti de l’école communale avec un degré d’instruction de niveau 2, Frédéric Alexis choisit de pratiquer la profession paternelle. Il reste sur son billot à découper la viande et à désosser les carcasses jusqu’à son départ pour la conscription..

Dans sa jeunesse, il pratique le tir dans le club sportif « l’avant-garde ». Il obtient d'excellents résultats au niveau régional en 1912 et 1913.  

Déclaré « bon pour le service armé », le jeune homme est classé dans la première partie de la liste du canton d’Épinal pour l’année 1913.

Malheureusement pour nous, sa fiche matricule, visible sur le site des archives départementales des Vosges, ne fournit pas d’explication sur son parcours militaire.

Tout ce que nous pouvons affirmer, c’est que Frédéric Alexis Biehler porte toujours l’uniforme, lorsque les hostilités contre l’Allemagne débutent en août 1914, probablement au 149e R.I..

Pour tenter à minima une reconstruction de son parcours de soldat, nous disposons des informations trouvées sur sa fiche du site « Mémoire des Hommes » et sur son acte de décès fourni par la mairie d’Épinal. Ce qui est très peu.

Comme pour son service militaire, nous ne saurons rien sur ce qu’il a fait durant les 3 premières années du conflit si ce n’est cette petite anecdote racontée par J. Baptiste, petit-neveu de ce sous-officier.

« Lors d'une permission obtenue pour Noël 1916, il a rapporté un fusil pris aux Allemands. Lorsqu’il est arrivé à la gare d'Épinal, un chef de police militaire a voulu lui confisquer. Le sergent Biehler a attrapé cet homme par le col de sa veste pour lui dire que s'il voulait obtenir un fusil comme celui-ci, il devrait faire comme lui, monter aux tranchées de premières lignes, pour le prendre aux Allemands.

Dans les années 1950-1955, l'un de ses derniers frères s'en servait encore à la chasse pour tirer le gros gibier. »

Le sergent Biehler faisait partie des effectifs de la 11e compagnie du 149e R.I., le jour où il a été tué au cours de la bataille de la Malmaison, près du bois de la Belle Croix, le 23 octobre 1917, touché par une balle en pleine tête.

Les sergents Ernest Verbe et Roger Richard confirment sa mort quelque temps plus tard lorsque son acte de décès est enregistré par l’officier d’état civil du régiment.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Bois_de_la_Belle_Croix

Après les combats, il est inhumé par le groupe de brancardiers de la 43e D.I. à Condé-sur-Aisne, dans une sépulture individuelle numérotée 171.

Il repose actuellement à Vauxbuin avec 30 de ses camarades tués le même jour dans ce secteur. Sa tombe porte le numéro 63. Elle est placée dans le carré C de la nécropole nationale française de cette commune.

Sepulture_Frederic_Alexis_Bielher

Le nom de cet homme est inscrit sur le monument aux morts de la commune de Saint-Laurent rattachée à Épinal en 1964.

Monument_aux_morts_de_Saint_Laurent

Frédéric Alexis Biehler a obtenu la 1ère citation de sa croix de guerre en Artois en 1915. La seconde est gagnée dans le secteur du fort de Vaux en 1916 et la troisième près du trou Bricot.

Le sergent Biehler est décoré de la Médaille militaire le 14 octobre 1916.

« Sous-officier d'une bravoure et d'un sang-froid exemplaires. Le 4 septembre 1916, après avoir brillamment enlevé une section de grenadiers à l'assaut d'un village fortement occupé, s'est rendu maître de deux forts groupes ennemis qui offraient une résistance acharnée et a tué de sa main six Allemands. Violemment contre-attaqué, a résisté seul et a maintenu la position en attendant bravement l'arrivée d'une section de renfort. Blessé au cours de l'action, a refusé de se laisser évacuer et a conservé le commandement de son groupe après un pansement sommaire. Déjà cité trois fois à l'ordre. »

Cette concession prend rang le 18 septembre 1916, elle comporte également l’attribution d’une palme à sa croix de guerre.

La généalogie de la famille Biehler peut se consulter en cliquant une fois sur l’image suivante.

Geneanet

Sources :

La fiche signalétique et des services et l’acte de naissance de Frédéric Alexis Biehler ont été consultés sur le site des archives départementales des Vosges.

Les registres de recensement des années 1901 et 1911 de la commune de Saint-Laurent qui ont permis de retrouver la composition de la famille Biehler ont été consultés sur le site des archives départementales des Vosges.

Les portraits de ce sous-officier proviennent de la collection personnelle de J. Baptiste, petit neveu du sergent Biehler.

Le cliché du monument aux morts de la commune de Saint-Laurent a été réalisé par É. Mansuy.

La photographie de la sépulture a été faite par J. Baptiste.

Un grand merci à M. Bordes, à J. Baptiste, à A. Carobbi, à É. Mansuy,  aux archives départementales des Vosges et à la mairie d’Épinal. 

1 décembre 2017

Exécution de l’attaque de la Malmaison… 2e objectif.

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Les hommes du 1er bataillon du 149e R.I. sont passés à l’offensive à 5 h 15, sous les ordres du commandant de Chomereau de Saint-André, collé par le bataillon de soutien. La première phase de l’attaque de la Malmaison touche à sa fin pour l’ensemble des éléments de la 43e D.I.. Tous les objectifs ont été atteints, excepté celui qui a été assigné aux chasseurs du 31e. En effet, ceux-ci ont rencontré des difficultés importantes face à un ennemi qui n’a pas voulu lâcher prise facilement.

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Le 31e B.C.P. arrêté sur le 1er objectif

Le 31e B.C.P. continue le combat pour tenter de réduire le plus rapidement possible une poche de résistance placée à la carrière de la Malmaison. Il n’y a pas le choix ;  le commandant des chasseurs doit faire intervenir l’artillerie lourde de son groupement d’appui, pour tenter de détruire les mitrailleuses allemandes qui sont placées dans le bois de la Garenne. Celles-ci empêchent les chasseurs de venir à bout des derniers obstacles. De plus, elles gênent considérablement le 1er B.C.P. dans son mouvement préparatoire de passage de ligne. Ces mitrailleuses occasionnent également des pertes sérieuses au bataillon de soutien du 158e R.I. qui est placé dans la tranchée du Hérisson.

Plusieurs chars d’assaut de l’A.S. 8 sont en approche. Un Schneider de la 3e batterie , coincé au Toty, a pu se dégager. Il se positionne à 8 heures vers 190,6. Il réduit à coups de canon une des mitrailleuses qui tirent depuis les pentes ouest du ravin de Chavignon.

Le seul char restant de la 2e batterie arrive à 7 h 25 à la cote 195,1. Il détruit une mitrailleuse qui tire de la corne sud-est du bois de Belle Croix sur le 149e R.I.. Ce Schneider brise également une contre-attaque allemande qui cherche à déboucher de la tranchée de Dennewitz.

Tranch_e_Dennewitz

L’ensemble des chars de la 4e batterie se porte vers le carrefour du Chemin des Dames et de la route de Maubeuge. Ils se préparent à accompagner la marche de l’infanterie sur son 2e objectif.

Pour en savoir plus sur les chars d’assaut de l’A.S.8, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

A

Mise en place des troupes d’attaque pour le 2e objectif

La conquête de la ligne finale du 1er objectif « ferme de la Malmaison, Bascule, boyau d’Erfurth », s’est effectuée de haute lutte en dépit d’une forte résistance allemande.

Une fois sur place, le 1er bataillon du 158e R.I. et le 1er bataillon du 149e R.I. s’installent et s’organisent sur leurs positions. Le 31e B.C.P. poursuit son attaque.

Le 1er B.C.P., le 2e bataillon du 158e R.I. et le 3e bataillon du 149e R.I., bataillons de soutien, s’apprêtent à prendre le relais pour continuer l’offensive.

Progression vers le 2e objectif

À 9 h 15, le passage des lignes s’effectue dans un ordre parfait pour le bataillon du 158e et pour celui du 149e R.I..

C’est plus compliqué pour les chasseurs. Le 1er B.C.P. ne peut toujours pas déboucher à cause des mitrailleuses du bois de Garennes qui balayent le terrain en avant de la ferme de la Malmaison. Il réussit toutefois, à partir de 9 h 22,à progresser par sa gauche le long et à l’ouest de la route de Maubeuge. Une fois le feu des mitrailleuses éteint, il reprend le dispositif prévu pour aborder, vers 10 h 00, les carrières de Montparnasse.

Pendant ce temps, le 31e B.C.P. est venu à bout de la résistance de la carrière de la Malmaison, dont les occupants sont faits prisonniers.

Les carrières Montparnasse ont subi des effondrements partiels, mais une importante garnison s’y tient encore. L’ennemi se défend dans les entrées. La résistance est réduite vers 10 h 15, par les grenadiers et les lance-flammes du détachement spécial formé pour le nettoyage et le siège éventuel de cette creute. De nombreux prisonniers tombent entre les mains du 1er B.C.P.. D’autres encore se font cueillir par le 149e R.I. qui arrive au débouché de la galerie ouest aboutissant dans le bois de Belle Croix.

Les compagnies de tête du 1er B.C.P. ont dépassé les Carrières. Aussitôt reformées, elles reprennent leur progression vers le 2e objectif. Elles parviennent, sans autre résistance que quelques tirs de mitrailleuses devant leur droite, jusqu’à 150 m des Oubliettes, où elles marquent l’arrêt prévu.

Le 2e bataillon du 158e R.I. a perdu un grand nombre de ses officiers. Il traverse le plateau sans difficulté. Le bataillon est légèrement distancé par son barrage qu’il rattrape à l’arrêt prévu, après Montparnasse. Les hommes continuent leur avancée jusqu’à l’orée du bois des Hoinets, où ils sont accueillis par de violents tirs de mitrailleuses. Ce bataillon utilise l’arrêt prévu pour monter son attaque avec tous ses moyens disponibles : mortiers Stokes, canons de 37, lance-grenades Viven Bessières, fusils mitrailleurs. Il est accompagné par deux Schneider qui ont pu le suivre.

Le 3e bataillon du 149e R.I. pénètre dans le bois de Belle Croix en enlevant des mitrailleuses à la corne sud-est. Il est appuyé par le 2e bataillon du régiment et soutenu, dans sa progression, par les chars d’assaut qui longent la lisière est. Les hommes progressent assez difficilement dans le bois. Des nids de mitrailleuses subsistent encore.

Tranchee_de_la_Loutre__bois_de_Belle_Croix

Les pertes en officiers sont importantes. Il ne reste que trois officiers supérieurs au bataillon. Celui-ci, renforcé par une compagnie du 2e bataillon du 149e R.I.,atteint la tête d’Enfer. Le 3e bataillon tombe sur des batteries ennemies qui sont encore en action. Après un dur corps à corps avec les servants, il finit par prendre possession des canons allemands.

Durant cette période, le 2e bataillon, sous les ordres du commandant Schalck, s’empare de Saxische Tunnel. Il capture un colonel et environ 500 hommes.

Conquête du 2e objectif

Le mouvement des troupes reprend à 11 h 00, en direction de l’objectif final, après un bref arrêt des éléments de gauche, à peine marqué.

À la droite de la division :

Le 1er bataillon de chasseurs rencontre une vive résistance dans le bois des Bousseux. Des éléments ennemis tiennent encore dans les emplacements de batteries. Le bataillon dépasse ce bois, où le combat continue. Il s’empare du cimetière de Chavignon et du village faisant plus de 400 prisonniers. Il prend 18 canons.

Au centre de la division :

Le 158e R.I. attaque le bois des Hoinets avec son 2e bataillon. Il s’empare de la lisière sud. Il procède méthodiquement à la réduction des nids de mitrailleuses qui sont nombreux dans le bois. Il est aidé efficacement par un char d’assaut et le détachement d’A.T.. Après de nombreuses actions de détail, le 158e R.I. atteint, vers 14 h 30, la lisière nord du bois des Hoinets. Il capture 9 canons et de nombreux prisonniers. Ce bataillon fait liaison, à droite avec les chasseurs, à gauche, avec le 149e R.I..

À la gauche de la division :

Le 149e R.I., dont la gauche est déjà en place sur l’objectif final à la tête d’Enfer, pousse sa droite dans le bois des Hoinets. Il enlève une batterie en action après un combat avec les servants des pièces, avant d’atteindre les objectifs indiqués.

Bois_des_Hoinets

Cette partie de l’attaque de la Malmaison est largement détaillée dans l’ouvrage de F. Barbe « Et le temps à nous est compté. » En voici quelques extraits :

« Pendant l’attaque :

Maintenant la clarté d’un jour blafard, on se reconnaît mutuellement. Les traits sont légèrement tirés et les visages terreux sous le casque terni. Les interpellations se croisent presque joyeusement. Beaucoup sont soulagés d’un poids énorme, allument une cigarette d’un air détaché. On veut se raccrocher à la vie pendant cette accalmie.

Pourtant, l’opération est loin d’être terminée et le champ de la mort est encore vaste…

… Il est 6 h 30, nous devons repartir à 9 heures pour le deuxième et dernier bond, pendant lequel mon bataillon passe en tête. La compagnie tout entière est égaillée dans les immenses trous d’obus de nos 400…

… Confortablement installé dans un vaste trou d’obus avec « la liaison », le lieutenant Monnoury me parle d’une voix claire : « Marquand, je vous envoie assurer la liaison avec le 109e à gauche. Tâchez de trouver le commandant du 3e bataillon qui doit se trouver à notre hauteur, vous resterez avec lui. » Avec une poignée de main, il ajoute : « Attention, il doit exister des trous entre les lignes, je compte sur vous. À bientôt. »

Albert Marquand évoque ensuite sa mission de liaison avec le 109e R.I.. Voici ce qu'il écrit sur son retour au 149e R.I.:

Albert_Marquand_la_Malmaison

...Retour de mission :

«  Seul dans le bois de Belle Croix, j’erre, depuis un quart d’heure, parmi les troncs décapités. En prenant congé du commandant du 3e bataillon du 109e R.I., j’ai minutieusement examiné le croquis. Ma compagnie doit se trouver à droite dans le ravin des Vallons…

… Je suis au poste de commandement du bataillon. Des visages connus me font l’effet d’un navire sauveur pour un naufragé. L’adjudant Fréville me serre les mains et me présente au capitaine Foucher. Celui-ci commande le bataillon depuis la mise hors de combat du capitaine Houël. C’est le 3e chef de bataillon de la journée. À la lueur d’une bougie fumeuse, je lui rends compte de ma mission…

… Morand me conte l’odyssée de la compagnie depuis mon départ, à la route de Maubeuge. Tout a bien marché jusqu’au bois, les vides étaient peu nombreux. La marche en avant dans les fourrés s’effectuait régulièrement lorsque nos 155 ont brusquement raccourci leur tir, malgré les fusées à feux. Et l’inévitable catastrophe est arrivée. Les lieutenants Monnoury et Dupuy-Gardel, l’aumônier du régiment, Ferruit, le caporal fourrier Roux, y ont laissé la vie. De loin, j’avais pressenti un malheur.

Un léger flottement s’ensuivit, puis la progression jusqu’au ravin reprit sous l’impulsion du sous-lieutenant Pourchet. Morand m’énumère la liste des blessés légers bien nombreux…

Au total, les pertes s’élèvent à 35 % de l’effectif engagé. Le cadre des officiers a particulièrement souffert. Onze sont hors de combat sur les 14 du bataillon. La compagnie de mitrailleuses est commandée par l’adjudant Marcou. Le soir même, de nouveaux officiers, venus du dépôt divisionnaire, remplacent les disparus… »

Fin de l’attaque de la Malmaison

En résumé, vers 14 h 30, tous les objectifs fixés à la 43e division sont atteints. Seuls quelques éléments ennemis tiennent encore dans le bois des Bousseux. Progressivement, ils sont réduits au silence.

Les régiments et les B.C.P. se reforment. Ils prennent leurs dispositions pour occuper l’objectif final.

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Legende_carte_2_journee_du_23_octobre_1917_2e_objectif

Les reconnaissances prévues, en raison de la résistance de l’ennemi, n’ont pu avoir lieu qu’au 149e R.I.. Le détachement envoyé par ce régiment pénètre dans le bois Dherly et n’y trouve pas de résistance.

Par suite de mauvais temps, l’aviation n’a pas pu opérer durant l’attaque. Toutefois, à 17 h 00, les avions peuvent profiter d’une accalmie pour jalonner la ligne. Les pilotes confirment la conquête complète des objectifs assignés.

Il faut s'attendre à des réponses allemandes : à 18 h 30 et à 20 h 00, deux tentatives de contre-attaques sur la lisière nord de Chavignon sont repoussées. Le reste de la nuit se passe sans incident.

L’attaque de la Malmaison se termine. Dans l’ensemble, c’est un succès total du point de vue des objectifs atteints. Une petite nuance sur le prix de cette victoire : les extraits du témoignage laissé par Albert Marquand montrent tout de même qu’il y a eu des pertes importantes.

Sources

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

Le dessin a été réalisé par Iñaki Holgado.

« Et le temps,à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

Les morceaux de carte du groupe des canevas de tir du secteur de Vailly, qui sont utilisés ici, sont datés du 26 août 1917.

La première vue aérienne, représentant la tranchée de la Loutre et le bois de Belle Croix, a été réalisée le 12 août 1917. La seconde, prise au dessus du bois des Hoinets, a été prise le 23 août 1917.

Un grand merci à M. Bordes, à F. Barbe, à A. Carobbi, à I. Holgado, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

10 novembre 2017

Exécution de l’attaque de la Malmaison… 1er objectif.

Albert_Marquand_groupe_149e_R

Vingt-trois octobre 1917, le jour n’est pas encore levé… 4 h 00, tous les hommes de la 43e D.I. qui vont participer à l’attaque sont en place. Les trois compagnies du 1er bataillon du 149e R.I., sous les ordres du commandant de Chomereau de Saint-André, s’apprêtent à sortir des tranchées, suivis de près par le 3e bataillon du régiment.

Emplacement des troupes

Les dernières reconnaissances viennent tout juste de se terminer.

Les chars de l’A.S. 8, rattachés à la 43e D.I., ont commencés leurs mouvements. Certaines batteries vont se retrouver très vite en difficultés.

Les éléments du génie, deux compagnies du génie de la 167e D.I. et 5 sections de la 43e D.I., quittent leurs abris du Vervins, de Volvreux et de Vauxelles pour se porter en direction de la première ligne. Elles ont pour rôle de rétablir les communications aussitôt après le départ de l’offensive.

L’ennemi, qui semble avoir prévu l’évènement, déclenche un violent tir de contre-préparation, peu après 4 h 00. Ce tir cause des pertes, notamment au 149e R.I. et au 31e B.C.P..

Conquête du 1er objectif

L’attaque commence à 5 h 15. L’obscurité est totale, la marche et l’orientation sur un terrain complètement bouleversé par les tirs d’artillerie sont particulièrement pénibles. Néanmoins, la progression entamée avec une extrême vigueur, s’effectue aussi rapidement que le permet le barrage sur lequel l’infanterie serre à bloc.

Le barrage allemand se déclenche assez tard et n’atteint que les bataillons de soutien. Il ne cause des pertes sérieuses qu’au 149e R.I..

À la droite de la division :

Le 31e B.C.P. parvient sans grandes difficultés au Hérisson et à la ferme de la Malmaison, qu’il nettoie et dépasse. Il encercle, dans la carrière de la Malmaison, un bataillon allemand, qui se défend obstinément, et dont la résistance se prolonge, appuyée par l’action des mitrailleuses placées sur les pentes est et ouest du ravin de Chavignon et aux environs de la carrière Montparnasse.

1er_objectif_secteur_d_attaque_du_31e_B

Le 1er B.C.P. a suivi le mouvement et arrive à 5 h 45 au chemin des Dames.

Au centre de la Division :

Le 2e bataillon du 158e R.I., après avoir traversé le bois et la tranchée de Rumpler, est retardé dans sa progression, par des mitrailleuses échelonnées le long du boyau du Lévrier. Il les attaque et les enlève successivement. Il atteint l’objectif intermédiaire, le talus de La Bascule, à 6 h 10, ayant subi seulement un retard d’une quinzaine de minutes.

Le bataillon de soutien à suivi, traversant le barrage, il atteint, vers 6 h 20, la tranchée du Hérisson où il s’installe.

1er_objectif_secteur_d_attaque_du_158e_R

À la gauche de la division :

Par vagues successives, le 1er bataillon du 149e R.I. traverse rapidement le Blocus, les Lassitudes, le Carlin et les Épreuves. La 1ère vague est à 150 m du barrage roulant. Les hommes avancent à la vitesse de 100 mètres en 2 minutes durant les 200 premiers mètres puis à la vitesse de 100 mètres en 3 minutes pour les suivants.

Une compagnie de nettoyeurs fournie par le 2e bataillon du régiment accompagne le bataillon de tête.

En arrivant sur la crête, les soldats subissent le feu de mitrailleuses placées dans la partie ouest du Hérisson, le long de la route de Maubeuge et dans les trous d’obus de l’avant.

1er_objectif_secteur_d_attaque_du_149e_R

Après un dur combat, et malgré des pertes sensibles, le bataillon du commandant de Chomereau de Saint-André, appuyé par le bataillon de soutien, réduit les résistances.

À 7 h 15, il traverse, sans arrêt, la route de Maubeuge qui est son objectif intermédiaire, et atteint le premier objectif, enlevant de nouvelles mitrailleuses, placées en 195.

Laissons maintenant la parole à Albert Marquand, sergent au 3e bataillon du 149e R.I. :

Le grand jour

« 23 octobre, 4 h 00. Dans la nuit opaque nous cheminons en file indienne, en route vers les emplacements de départ. La lueur des coups de canon éclaire vaguement nos pas. Un long sifflement… Un pan de mur s’écroule avec fracas devant la ferme Colombe. Au pas de course, la route est traversée et nos hommes, blottis contre le talus, allongent la ligne de leurs formes sombres et muettes. Au dernier moment, le boyau de la Ferme est reconnu intenable et nous restons là, aplatis, attendant anxieusement l’heure fatidique 5 H 15.

Un formidable coup de massue ébranle le sol et nous fait sursauter, tandis qu’une grêle de pierre s’abat sur nos casques en pluie métallique. Une légère fumée sort d’un trou creusé sur la route devant nous. Un blessé. Deux camarades le déséquipent et le voilà parti en rampant…

… Je ne connais pas de moments plus poignants que cette attente prolongée sous la mitraille, au milieu des éclats qui stridulent aux oreilles ; où chacun, replié sur soi-même doit maîtriser ses nerfs, le cœur prêt à se « décrocher »… Les minutes sont des siècles…

La ruée

Ma montre indique 5 H 10. De bouche en bouche un ordre suit : « Baïonnette au canon ! » Péniblement, les hommes se redressent à demi. Quelques cliquetis, et, accroupis au sommet du talus, nous sommes prêts à partir dans l’inconnu.

À ce moment, le roulement de tonnerre de nos canons s’accentue et semble s’exaspérer…

… La terre projetée en maints endroits, finement pulvérisée, gêne la respiration. L’air peuplé de sifflements, de mugissements, d’éclatement paraît vibrer sous l’effort d’un archet gigantesque. C’est l’enfer déchaîné…

Une ligne d’ombres mouvantes se détache du parapet à notre droite. C’est le moment. Tous debout ; sans un mot nous nous ébranlons vers la ligne noire de la petite crête que nous devons dépasser là-bas…

… J’avance dans la cohue silencieuse des hommes, semblable à une horde de barbares déchaînés. Plus de chefs, plus d’ordres ; c’est la ruée…

À ma droite, un homme s’abat lourdement, sans un cri, la face contre terre. Un autre ploie les genoux et s’affaisse en hurlant. On avance, on avance, la tête vide, le cœur pantelant. Dans la nuit pâlissante, on marche, on glisse, on bute aux monticules, on culbute dans les trous d’obus…

J’ai dépassé les éléments de mon bataillon et me voilà presque seul. Devant moi, une silhouette élancée agite les bras, fait quelques gestes… Je reconnais le commandant de Chomereau de Saint-André, en tête du 1er bataillon…

De sourdes détonations indiquent un court combat de grenades. Quelques cris déchirants, puis, plus rien. Des balles sifflent, et l’aube naissance, chassant les dernières ombres de la nuit, voit notre arrivée à la route de Maubeuge : point limite de notre premier objectif. »

Arrêt sur le 1er objectif :

Les bataillons de première ligne commencent à s’organiser sur leurs positions respectives dès leur arrivée sur le 1er objectif. Les bataillons de soutien se préparent à passer en 1ère ligne.

Carte_1_journee_du_23_octobre_1917_1er_objectif

Legende_carte_1_journee_du_23_octobre_1917_1er_objectif

La première phase de l’attaque est pleinement réussie pour les bataillons des 158e et 149e R.I.. C’est un petit peu plus compliqué pour les chasseurs.

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

J.M.O. du 170e R.I... S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 707/15.

J.M.O. du 409e R.I... S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 768/13.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

« Et le temps,à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

Les morceaux de carte du groupe des canevas de tir du secteur de Vailly qui sont utilisés ici sont datés du 26 août 1917.

Un grand merci à M. Bordes, à R. Mioque, à F. Barbe, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

23 octobre 2017

La Malmaison : une vue d’ensemble avec l’artillerie spéciale numéro 8…

A

 

Préparations

 

Un groupement de chars Schneider, composé des groupes 8, 11 et 12, et un groupement de chars Saint-Chamond, comprenant les groupes 31 et 33, sont désignés pour participer à la bataille de la Malmaison. L’ensemble de ces chars est sous le commandement du lieutenant-colonel Wahl.

 

Les groupes Schneider sont composés de 12 chars de combat, répartis chacun en 4 batteries de 3 chars. Les groupes Saint-Chamond comportent 14 chars Ils sont constitués de 4 batteries inégales de 3 ou de 4 chars.

Le groupe n° 8 est affecté à la 43e D.I..

 

L’ A.S. 8 comprend 13 officiers, dont 3 stagiaires et 100 sous-officiers et hommes de troupe. Le capitaine de Blic commande le groupe, il est secondé par le capitaine Courcelle.

 

Liste des chars identifiés de l’A.S. 8.qui ont participé à la bataille de la Malmaison

 

1ère batterie  

 

Char n° 61200 : chef de char et de batterie – lieutenant Daher

 

Char 61333 : chef de char - adjudant Broussard

 

2e batterie

 

Char n° 61336 : chef de char - aspirant Aubry

 

Char n° 61339 « Corsaire » : chef de char et de batterie - lieutenant Le Poëtvin

 

Char n° 61341 : chef de char - sous-lieutenant Bugnard 

 

3e batterie

 

Char n° 61118 : chef de char et de batterie - lieutenant Bussières

 

Char n° 61342 : chef de char - adjudant Florimont

 

4e batterie  

 

Char n° 61326 : chef de char et de batterie - lieutenant  de Ravel

 

Char n° 61340 : chef de char - sous-lieutenant Delbeaux

 

Les numéros de batteries des chars suivants ne sont pas connus.

 

Char 61205 : chef de char -  sous-lieutenant Chaussat

 

Char 61115 : chef de char -  sous-lieutenant Tuva

 

Char 61075 : chef de char -  sous-lieutenant Halay

 

L’équipe de dépannage est dirigée par le sous-lieutenant de Virel.

 

Le lieutenant Clermont est en surnombre dans les effectifs.

 

Les journées qui précèdent l’attaque

 

Les 4 batteries de l’A.S. 8 commencent l’embarquement de leurs blindés, par voie ferrée, le 17 octobre en gare de Champlieu. Elles prennent la direction de Condé-sur-Aisne.

 

Le groupe débarque dans la nuit, au moulin Saint-Pierre, situé à 1800 m, à l'ouest de Vailly. C’est une voie d’A.L.G. P. qui est utilisée pour la manœuvre. Les effectifs du groupe rejoignent leurs positions de rassemblement, situées à 200 m au nord-ouest de Vailly, en bordure de la route de Jouy.

 

Une fois sur place, les chars sont dissimulés sous des arbres fruitiers avant d’être camouflés par des toiles appropriées. Le personnel, exceptée une garde, s’installe dans les caves de Vailly pour cantonner.

 

Le 19 octobre est une journée d’attente. Les officiers et sous-officiers en profitent pour effectuer des reconnaissances du secteur. Le 11e escadron à pied du 9e cuirassier est affecté à l’A.S. 8, comme troupe de couverture aux chars du capitaine de Blic. Ces troupes seront chargées d’effectuer les travaux de terrassement destinés à l’aménagement des voies d’accès vers les positions de départ et les emplacements de départ. Ces travaux ne pourront  se faire que la nuit, sous les ordres des officiers de groupe.

 

Le 20 octobre est une nouvelle journée d’attente. Dans la nuit du 19 au 20, un obus de 150, destiné à une batterie d’artillerie lourde voisine, endommage un char, qui est mis hors service pour longtemps. Celui-ci est remplacé par un char de la S.R.R.. L’identité de ces deux chars n’est pas connue.

 

Le jour J est décalé de 24 heures.

 

Un engagement dans des conditions défavorables

 

Char_Scheider_au_camp_de_Champlieu

 

Dans la nuit du 22 au 23 octobre, sous une pluie battante, les chars de l’A.S. 8 font tourner leurs moteurs avant de se mettre en route entre 22 h 00 et 23 h 00.

 

Ils quittent leurs positions de rassemblement, situées à 200 m au nord-ouest de Vailly, en bordure de la route de Jouy

 

Les hommes dits « d’élite » sont avec leurs chars. Les sections d’accompagnement qui forment l’avant-garde ont précédé les batteries pour effectuer, sur les itinéraires déjà aménagés, les réparations nécessaires dues aux tirs ennemis.

 

Malgré toutes les précautions prises, un ensemble de circonstances va complexifier la bonne marche des chars. Le mauvais temps détrempe le terrain ; les tirs de contre-préparation ennemis et le bouleversement des lignes allemandes par l’artillerie française, qui tire de façon intense depuis six jours et six nuits, accentuent les difficultés des déplacements des véhicules à chenilles.

 

Les blindés suivent la route de Vailly en direction de la ferme Vaurains.

 

Au nord de Jouy, le groupe se scinde en deux colonnes. Celle de droite, qui est constituée des 1ère et 3e batteries, s’engage sur l’itinéraire « ravin du Toty-ferme le Toty ».

 

Celle de gauche, avec les 2e et 4e batteries, prend la direction de la carrière des Obus.

 

Carte_1_A

 

À la 1ère et à la 3e batterie

 

La 1ère batterie se présente à 0 h 30 à l’embranchement Jouy-Toty, à hauteur de la gabionnade située à 200 m au sud de la ferme le Toty. Elle se trouve vite prise sous un tir violent d’obus de gros calibre allemands.

 

Le Schneider de tête tombe dans un entonnoir tout juste creusé devant lui. Peu de temps après, il est atteint par un obus qui le met hors service. Les deux autres chars de la batterie qui suivent cherchent à le doubler, mais ils sont vite bloqués sur la route qui se détériore rapidement sous les coups de l’artillerie adverse. Le marais avoisinant, impraticable, empêche toute manœuvre.

 

La section des cuirassiers et les équipages sont aussitôt mis à contribution, pour effectuer les travaux de terrassement qui vont permettre le dégagement des chars. Les hommes tentent de libérer les appareils rapidement, mais ils se retrouvent vite en difficulté. Les terrassiers improvisés ne peuvent avancer que très lentement.

 

L’ennemi envoie plusieurs rafales d’obus à gaz. Petit à petit, le ravin se remplit de gaz « moutarde ». Il faut mettre les masques pour se protéger, ce qui ajoute encore aux problèmes rencontrés. Pour couronner le tout, il est impossible d’allumer la moindre lumière. Il faut éviter de se faire repérer. En effet, la colonne est en vue de l’ennemi, à 500 m de la tranchée allemande du Blocus.

 

La 3e batterie, qui arrive à 0 h 45 à l’embranchement Jouy-Toty, est stoppée à son tour. Elle est immobilisée pour les mêmes raisons.

 

À la 2e et à la 4e batterie

 

La 2e batterie se place à 1 h 00 à l’embranchement Jouy-Toty. Elle se rend, par la route Jouy-Vaurains, à la carrière des obus qu’elle atteint à 1 h 30 pour s’installer en position d’attente sur la route.

 

La 4e batterie se présente à 1 h 15 à l’embranchement Jouy-Toty. Elle arrive à la carrière des Obus à 2 h 00. Ses chars prennent la position d’attente sur la route Jouy-Vaurains.

 

4 h 00, une heure et quart avant le début des combats.

 

Le commandant du groupe, le capitaine de Blic, se tient auprès du colonel Guy responsable de l’I.D. 43 au P.C. Caen.

 

Le travail de dépannage concernant les 1ère et 3e batteries se poursuit.

 

Le char du commandant de la 2e batterie est atteint par 2 obus qui tuent 4 hommes de l’équipage et mettent l’appareil hors d’usage.

 

Char_n__61339

 

Le personnel de la 4e batterie s’installe dans des abris à proximité de ses chars.

La bataille de la Malmaison

 

Jour J : 23 octobre 1917

 

 Première phase de l’attaque : Heure H = 5 h 15

 

Deuxième phase de l’attaque : Heure H’ = 9 h 15

 

La 43e D.I. effectue son engagement dans la bataille de La Malmaison en deux temps.

 

La première phase des combats débute à 5 h 15. La 43e D.I. a pour objectif de prendre la ferme de la Malmaison, avec son groupe de B.C.P.. Elle doit également s'emparer de la Bascule avec le 158e R.I. et enlever la cote 195.1 avec le 149e R.I.. Tous ces objectifs sont atteints en deux bonds.

 

La deuxième phase de l’attaque débute à 9 h 15. Le groupe de B.C.P. se dirige sur le Voyeu et Chavignon ouest. Le cimetière de Chavignon, la route de Chavignon - Pinon jusqu’à hauteur de l’intersection du chemin de terre ouest de 42.67 sont réservés au 158e R.I.. Le 149e R.I. se charge de la zone comprise entre cette route et le point 92.3 et les Vallons.

 

L’A.S. 8 dans le secteur de la 43e division

 

Première phase de l’attaque : Heure H = 5 h 15

 

À la 1ère et à la 3e batterie

 

Les deux batteries sont toujours immobilisées au moment où l’infanterie de la 43e D.I. quitte les tranchées.

 

À la 2e batterie

 

La 2e batterie est la seule à faire mouvement avec ses deux chars restants. Sous les ordres du lieutenant Le Poetvin, elle se met en marche, à 5 h 15. Rappelons que son char de tête a reçu deux obus lorsqu’il était sur la position de départ.

 

Cette batterie, qui travaille pour le compte du 149e R.I., longe la lisière ouest du bois du Coteau. Son char de tête franchit la ligne allemande à 5 h 40. Le responsable de la batterie est obligé de la guider à pied, à travers toute la 1ère position ennemie.

 

L’appareil de queue, commandé par le sous-lieutenant Bugnard, qui s’est arrêté momentanément dans un trou d’obus, à 300 m de sa position de départ, a reçu successivement deux obus dans le chariot arrière et le réservoir droit. Le char n’est plus disponible.

 

Carte_2_A

 

 

À la 4e batterie

 

Elle reste en réserve à la carrière des Obus.

 

Entre 6 h 00 et 9 h 15 durant la 1ère phase de l’attaque

 

À la 1ère batterie

 

Elle est toujours inutilisable.

 

Le char du lieutenant Daher est sorti de sa situation périlleuse vers 9 h 00. Vu l’heure avancée, il sera mis en réserve à la carrière des Obus.

 

À la 3e batterie

 

Premier engagement avec le 158e R.I.

 

Le char du lieutenant Bussières de la 3e batterie a réussi à se remettre en marche après s’être sorti de son mauvais pas, près de la ferme du Toty, à 6 h 30. Au prix d’un laborieux effort, il regagne le temps perdu.

 

Le scheider rejoint le 158e R.I. avant le début de la deuxième phase de l’attaque. Un autre char, celui de l’adjudant Florimont, sera dégagé un peu plus tard. Celui-ci fera le tour de la carrière des Obus, avant de suivre la trace des batteries de gauche. Ce char rejoindra son commandant de batterie au cours de la deuxième phase de l’opération.

 

Le char du lieutenant Bussières atteint vers 8 h 00 le point de stationnement qui lui a été assigné pour s’arrêter avant le déclenchement du deuxième objectif, au sud-ouest de la cote 190,6. À ce moment, il est pris à partie, ainsi que les hommes qui l’accompagnent, par une mitrailleuse en batterie, près des carrières Montparnasse. En quelques coups de canon, tirés à bout de portée par-dessus l’infanterie française, il réussit à la réduire au silence.

 

À la 2e batterie

 

Premier engagement avec le 149e R.I.

 

La 2e batterie se trouve maintenant réduite à un appareil. Le char Aubry rejoint, vers 7 h 30, le bataillon de tête du 149e R.I. qui est installé sur son objectif. Il s’arrête aux abords de la cote 195,1 pour y attendre l’heure H’.

 

Au cours de ce stationnement, l’infanterie signale au Schneider Aubry, une mitrailleuse ennemie qui est en action, à la corne sud-est du bois de la Belle-Croix.

 

Il semblerait que les Allemands préparent une contre-attaque, des allées et venues sont constatées dans la région du boyau de Dennewitz.

 

Le char s’avance à environ 150 m des objectifs désignés. Il tire une trentaine d’obus. La mitrailleuse est détruite et les fantassins du 149e R.I. peuvent voir de nombreux Allemands s’enfuyant vers le bois de la Belle-Croix. Une fois ces résultats obtenus, le char Aubry rejoint l’abri que lui offre la côte 195,1.

 

Carte_3_A

 

 

Utilisation de la batterie de réserve

 

La 4e batterie, initialement réservée, quitte, conformément au plan d’engagement, la carrière des Obus à 6 h 15. Elle atteint, à 8 h 00, le point 29-39 qui lui a été désigné comme terme de son premier bond. À ce moment, elle reçoit, du capitaine de Blic qui commande le groupe, l’ordre de s’engager à H’ au combat en prenant à son compte les missions des 2e et 3e batteries que l’on sait réduites, chacune, à un char.

 

Carte_4_A

 

 

La 4e batterie relèvera le char Bussières d’une partie des multiples missions qu’il assume.

 

Premières remarques

 

En raison de la rapidité de la progression de l’infanterie et des difficultés du terrain, les chars n’ont pu rendre aucun service.

 

Ce n’est que durant le stationnement sur le premier objectif que leur action a commencé à se faire ressentir. Deux mitrailleuses ont été réduites au silence et une contre-attaque ennemie est étouffée dans l’œuf.

 

Les chars sont maintenant dégagés de la zone chaotique où ils étaient presque paralysés, leur rôle va commencer à  grandir durant la suite des opérations.

 

Deuxième phase de l’attaque : Heure H’ = 9 h 15

 

De 9 h 15 à 11 h 30

 

Les chars disponibles se mettent en mouvement sur le front de la 43e D.I.. Ils dépassent bientôt le premier échelon d’infanterie.

 

De la droite à la gauche :

 

A la 3e batterie

 

Second engagement avec le 158e R.I.

 

Le char du lieutenant Bussières atteint la 1ère vague du 158e R.I., à hauteur du boyau de l’Incendie, où il dépasse les fantassins. Le blindé progresse, en serrant à bloc dans le barrage roulant. Il circule sur la droite du front du régiment en adressant fréquemment aux soldats le signal « passage libre ».

 

Les réactions ennemies sont très faibles jusqu’au moment où l’infanterie, arrivée à trois ou quatre cents mètres de la tranchée des Oubliettes, se retrouve plaquée au sol par de nombreux coups de feu.

 

Les Allemands tirent à la fois depuis cette tranchée et depuis les lisières de bois qui affleurent au rebord sud du plateau. Le char Bussières neutralise, en premier, la partie ouest de la tranchée en quelques coups de canon. Il se porte ensuite en direction de la batterie 39-60 qu’il trouve inoccupée avant de gagner la lisière sud du bois des Hoinets, vers 40-63. Il commence le nettoyage de cette lisière en la longeant vers l’est.

 

À 10 h 45, il est rejoint par le char de l’adjudant Florimont qui a enfin réussi à se dégager de l'embranchement Jouy-Toty.

 

Le lieutenant Bussières est prévenu, par l’officier de liaison de son groupe auprès du 158e R.I., que les chasseurs qui forment la droite de la 43e D.I. son démuni en chars, la 1ère batterie n’étant toujours pas à disposition. Il aperçoit, en outre, derrière lui, des groupes d’infanterie qui recommencent à progresser avec les chars de la 4e batterie sur le front du  158e R.I..

 

Les « as de carreau » de la 3e batterie se portent sur la lisière sud du bois de Bousseux pour ouvrir le feu sur des abris allemands qui se trouvent en 42.61 et 42.62. De nombreux prisonniers sont faits.

 

Les deux chars prennent ensuite position pour agir en cas de contre-attaque.

 

À la 4e batterie

 

Cette batterie de réserve est engagée dans la 2e partie de l’attaque. Elle quitte le point 29-39 à 9 h 15.

 

Son char de droite, qui précède le 158e R.I., pousse sans difficulté jusqu’à l’extrémité nord-est de l’éperon des Hoinets, vers 41.63.

 

Il prend à revers, sous le feu de son canon, les Allemands qui se replient dans le bois de Bousseux.

 

Le char du centre, également devant le 158e R.I., gagne facilement l’extrémité nord du plateau de Chavignon où il s’établit, en surveillance sur la vallée, vers le point 40.62.

 

Le char de gauche marche avec la droite du 149e R.I.. Il a une panne de moteur lorsqu’il arrive à hauteur du chemin qui descend aux Vallons. Il prend toutes les dispositions nécessaires pour parer une éventuelle contre-attaque.

 

À la 2e batterie

 

Second engagement avec le 149e R.I.

 

Le char Aubry, seule unité restante de cette batterie, précède les vagues d’attaques de 50 à 100 m environ, canonnant la lisière est du bois de la Belle Croix. Il attaque une petite carrière à la lisière du plateau.

 

Il fait une douzaine de prisonniers et prend une mitrailleuse qui est rapidement emportée dans le Schneider.

 

Pour éviter de rentrer dans le tir de barrage français, le char doit effectuer un nouvel arrêt à 9 h 40 sur le plateau de Chavignon.

 

Vers 11 h 00, il atteint le rebord nord du plateau de Chavignon. Il se place en observation, prêt à intervenir, au point 39.63.

 

Un dernier arrêt se fait sur le chemin du retour à 13 h 50, sur la route de Maubeuge, pour dépanner un char qui a déraillé.

 

Carte_5_A

 

 

11 h 30, l'attaque du 23 octobre 1917 se termine

 

La situation parait se stabiliser. Les avantages de l’infanterie sont définitivement acquis. Les commandants de batteries donnent le signal de repli. Le retour se fait sans incident. Tous les chars regagnent la carrière des obus, excepté un char de la 3e batterie qui s’enlise dans une poche de terrain mou.

 

Durant cette période, un des chars de la 1ère batterie, qui avait réussi à se dégager de l'embranchement Jouy-Toty à 10 h 00, attendait, en réserve, à la carrière des obus.

 

A

 

14 h 00

 

Tous les Schneider engagés sont de retour à la carrière des Obus, à l'exception du char Bussières qui est resté en panne, dans un trou d’obus, près de la lisière sud du bois de Bousseux.

 

Quelques leçons de cette journée 

 

Les Schneider du capitaine de Blic ont rencontré plusieurs difficultés durant le franchissement des 1ères positions allemandes. Les conditions météorologiques, les tirs incessants de l’artillerie durant les jours qui précèdent l’attaque, ont rendu difficile la progression des chars. L’immobilisation due aux pannes ou au terrain difficilement praticable, la destruction de plusieurs blindés par les canons ennemis ont, en partie, modifié le plan initial.

 

Seulement deux chars ont pu intervenir utilement pendant la conquête et le nettoyage du 1er objectif.

 

Durant la progression sur le 2e objectif, 5 puis 6 chars ont pu participer de manière très efficace durant les opérations.

 

En fin de combat, le 8e groupe offre la situation suivante :

 

♥♦♦♣♣ Cinq chars couronnent le rebord septentrional du plateau de Chavignon.

 

Un char se trouve face au ravin des Valllons. 

 

Un char est disponible à la carrière des Obus.

 

♥♥ Trois chars ont été détruits par l’artillerie allemande

 

  Deux chars sont enlisés dans le ravin du Toty.

 

Sources :

 

Toutes les cartes qui peuvent se voir ici ont été réalisées à partir du texte. Elles ne sont donc là que pour se faire une idée approximative des différents mouvements réalisés et des multiples emplacements occupés par les chars de l’A.S. 8.

 

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

 

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

 

Pour en savoir plus sur le char du lieutenant le Poëtvin il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante pour avoir accès à l’analyse de « Tanker ».

 

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La partie du J.M.O. de l’A.S. 8, consacrée à la bataille de La Malmaison, est retranscrite sur le site suivant :

 

Chars_fran_ais

 

« Batailles et combats des chars français, l’année d’apprentissage (1917). » Lieutenant-colonel breveté J. Perré. Aux Éditions Charles Lavauzelle et cie 1937.

 

« Les chars d’assaut, leur création et leur rôle pendant la guerre 1915-1918 » Capitaine Dutil agrégé d’histoire. Aux éditions Berger-Levrault, éditeurs 1919.

 

Les deux photographies qui se trouvent sur le montage sont extraites d’une vidéo appartenant à lÉtablissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense.

 

Le cliché du char n° 61339 provient de la collection Louis Lecarme. Album vert foncé épais 1914 puis 1916-1925, 3e partie.

 

Site_Louis_Lecarme_et_Genevieve_Colomb

 

La photographie représentant le tank Scheider franchissant une tranchée au camp de Champlieu vient du site de la B.D.I.C..  Cliché fonds Valois. Val 518/110 1917.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher, à « Tanker », au Service Historique de la Défense de Vincennes et à l’ E.C.P.A.D.. 

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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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