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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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27 janvier 2017

9 avril 1916.

9_avril_1916

Les relèves prévues ont pris beaucoup de retard. Les tranchées sont encombrées, les bombardements intensifs. Il faut être le plus discret possible pour ne pas attirer l’attention de l’ennemi.

Dans la nuit du 8 au 9 avril, des éléments du 2e bataillon du 24e R.I. relèvent les 6e et 7e compagnies du 149e R.I. qui sont encore en 1ère ligne dans le secteur de l’étang de Vaux-devant-Damloup.

Le 1er B.C.P. est remplacé aux abris du ravin par une compagnie du 1er bataillon et par deux compagnies du 2e bataillon du 28e R.I.. Les chasseurs du commandant Devincet se dirigent sur Lempire pour y cantonner.

Carte_1_journee_du_9_avril_1916

Le 3e bataillon du 28e R.I. prend la suite du 3e bataillon du 149e R.I. dans le secteur du tunnel de Tavannes. Le responsable du bataillon du régiment spinalien, reçoit les ordres suivants :

« Au reçu du présent ordre le 3e bataillon du 149e R.I. quittera le tunnel et se rendra à Landrecourt, en vue de dégager la partie sud du tunnel de Tavannes qu’il occupe. Il est possible que certaines fractions de ce bataillon actuellement au travail rentrent trop tard pour pouvoir effectuer ce déplacement en plein jour.

Quoi qu'il en soit, il importe que ce mouvement soit tout au moins commencé et que le plus grand nombre de compagnies possible partent ce matin. Rendre compte de l’exécution. Dans tous les cas, le déplacement est à organiser au plus tôt, en ayant soin, dès que le jour viendra, de se fractionner en petits détachements, à grande distance.

Dans ces conditions, ce mouvement peut s’opérer avec des chances de sécurité. »

Le 3e bataillon du 149e R.I. arrive vers 16 h 00 à Dugny ; il ne semble pas aller cantonner à Landrecourt. Paul Portier évoque ce mouvement dans son témoignage :

« Les 6, 7 et 8 avril, nous restons en réserve dans le tunnel et le 9 à 16 h 00, nous revenons après relève par le 28e R.I., à Dugny où nous cantonnons. »

Les archives consultées ne permettent pas de connaître la répartition exacte des trois bataillons du 149e R.I. entre Landrecourt et Dugny.

Le 5e bataillon du 332e R.I. prend la suite du 5e bataillon du 323e R.I. dans la soirée du 9 avril.

Les mitrailleurs du 149e R.I., qui sont encore en position du côté de l’étang de Vaux-devant-Damloup, sont relevés vers 21 h 00. Ils sont les derniers du régiment à quitter la 1ère ligne.

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

J.M.O. de la 11e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 498/9.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

J.M.O. du 1er  B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/2.

J.M.O. du 31e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N  826/25.

J.M.O. du 24e R.I. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 599/5.

J.M.O. du 28e R.I. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 603/5.

J.M.O. du 332e R.I. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 753/15.

J.M.O. du 323e R.I. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 750/2.

Les archives du Service Historique de la Défense ont été consultées.

La vue panoramique représentant l’étang de Vaux-devant-Damloup a été réalisée en 2012.

Le plan qui figure sur le montage est extrait de l’ouvrage « La bataille de Verdun expliquée sur le terrain et par les cartes » du colonel Marchal et du capitaine Forestier. Éditions H. Frémont  et fils.

Un grand merci à M. Bordes,  à A. Carobbi, à A. Orrière, à M. Porcher, et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

23 janvier 2017

Ils sont allés mourir en terre meusienne.

                  Portraits_Verdun

Pour bon nombre des hommes disparus au cours de la Première Guerre mondiale, la tâche devient de plus en plus ardue pour essayer de reconstruire quelques bribes de leurs histoires à mesure que les années passent. Presque 100 ans après, la plupart du temps il ne subsiste plus qu’un nom, une date de naissance, une date de décès. Dans le meilleur des cas, quelques lignes inscrites sur une fiche signalétique et des services, viennent nous raconter une partie de leurs parcours militaires et nous donner quelques traits de leurs visages et puis c’est tout.

Feuilleter un livre d’or contenant des portraits reste toujours un moment émouvant.  

Les parcours individuels des trois hommes qui sont évoqués ici sont unis par quatre points communs. Outre le fait qu’ils furent tués tous les trois dans le secteur de Verdun, ils furent  également membres du personnel de la Blanchisserie et teinturerie de Thaon, aucun d’entre eux n’eut de sépulture individuelle et ils étaient tous au 149e R.I... 

Fernand Eugène Beuchot (1888-1916). 

Fernand Eugène Beuchot est né le 20 avril 1888 sur la commune du Val d’Ajol dans les Vosges. Il est le fils de Louis et de Marie Clotilde Valburgs Pillard. Il épouse une dénommée Marie Vagner.

Il est soldat au 149e R.I. lorsqu’il décède le 15 mars 1916 dans le secteur Vaux. 

Son acte de décès est enregistré le 28 août 1918 par décision du tribunal civil de première instance d’Épinal. 

Pas de sépulture connue. 

Henri Léon Ernst (1887-1916). 

Henri Léon Ernst est né le 20 mai 1887 sur la commune de Thaon dans les Vosges. Il est le fils d’Ignace et de Célestine Oberquefeld et l’époux de Marie Henriette Dubois.

Avant la mobilisation, il est domicilié sur la commune de Chavelot, et a travaillé comme ouvrier à la blanchisserie et Teinturerie de Thaon pendant 6 ans.

Il est sergent au 149e R.I. lorsqu’il décède le 2 avril 1916 dans le secteur Vaux. 

Son acte de décès est enregistré le 16 octobre 1918 par décision du tribunal civil de première instance d’Épinal.

Pas de sépulture connue.  

Marie Joseph Henri Dumont (1884-1916). 

Pour en savoir plus sur Marie Joseph Henri Dumont, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

Henri_Dumont

Source :

Livre d’or des membres du personnel de la blanchisserie et teinturerie de Thaon, morts pour la France au cours de la guerre 1914-1918. Imprimerie Berger-Levrault, Nancy-Paris, Strasbourg.

Un grand merci à M. Bordes, A. Carobbi et à O. Gérardin.

6 janvier 2017

8 avril 1916.

8_avril_1916

Les relèves des éléments de la 43e D.I. qui sont encore en 1ère ligne ont débuté dans la nuit du 7 au 8 avril.

C’est le 31e B.C.P. qui inaugure les premiers mouvements. Les déplacements sont particulièrement difficiles. Ils se réalisent dans un silence absolu, peu après minuit. Les chasseurs du commandant Clayeux sont remplacés par les soldats du 1er bataillon du 24e R.I.. Les 5e et 8e compagnies du 149e R.I. qui occupent le même secteur sont également relevées.

Carte_1_journee_du_8_avril_1916

Durant toute la journée, les deux artilleries vont poursuivre leurs tirs respectifs avec la même intensité que la veille. Les patrouilles françaises continuent leurs sorties. Certaines d’entre elles constatent l’ardeur du soldat allemand, qui travaille dur pour consolider ses positions, particulièrement au nord et au nord-est du fort de Vaux. L’ennemi place également plusieurs réseaux Brun devant les tranchées.

Le jet de grenades à fusil utilisé par le fantassin allemand, à l’ouest du fort de Vaux, augmente d’intensité.

Les deux dernières compagnies du 2e bataillon et le 3e bataillon du 149e R.I. s’apprêtent à passer leurs dernières heures en 1ère ligne et au fort de Vaux.

Pour les 6e et 7e compagnies, elles ne sont pas de tout repos !

On imagine mal la tension qui pouvait être celle de ces minutes qui semblent interminables, cette relève qui n'arrive jamais assez vite. Le pression est là, accentuée par les bombardements. Si on ne dispose que quelques détails pour deux officiers, ils sont déjà parlants.

À la 6e compagnie, le lieutenant Paul Canaux est tué par un éclat obus. À la 7e, c’est le sous-lieutenant Alfred Monnoury qui est violemment commotionné par l’explosion d’une torpille. Malgré ce traumatisme, cet officier ignore le danger en contribuant à découvrir, sous le feu, plusieurs de ses hommes qui viennent d’être ensevelis par les projectiles.

carte_2_journee_du_8_avril_1916

Le 2e bataillon du 24e R.I. se prépare à se rendre à la digue de l’étang de Vaux et aux avancées du village de Vaux-devant-Damloup, pour venir remplacer les 6e et 7e compagnies du 2e bataillon du 149e R.I. dans la nuit du 8 au 9.

Trois hommes du 149e R.I. sont tués au cours de cette journée, 12 autres sont blessés.

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

J.M.O. de la 11e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 498/9.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

J.M.O. du 1er  B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/2.

J.M.O. du 31e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N  826/25.

J.M.O. du 24e R.I. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 599/5.

J.M.O. du 28e R.I. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 603/5.

Le portrait du sous-lieutenant Alfred Mounoury qui peut se voir sur le montage provient d’une photographie de groupe qui fait partie du fond Paul Douchez consultable au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Le dessin qui peut se voir sur le montage est extrait de l’ouvrage allemand « Die Tragődie von Verdun 1916 1 Teil » Reichsarchiv Band 13.

Les archives du Service Historique de la Défense ont été consultées.

Un grand merci à M. Bordes,  à A. Carobbi, à A. Orrière, à M. Porcher, et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

9 décembre 2016

6 avril 1916.

6_avril_1916

Les trois bataillons du 149e R.I. occupent toujours les emplacements de la veille. À ce jour, il ne reste plus que les 4 compagnies du 2e bataillon du 149e R.I. qui occupent des positions de première ligne. Les deux autres bataillons du régiment sont en retrait. Le 3e bataillon est installé au tunnel de Tavannes et le 1er bataillon est à Verdun.

Carte_1_journee_du_6_avril_1916

Legende_carte_1_journee_du_6_avril_1916

Des patrouilles nocturnes françaises ont pu constater que l’ennemi était en train d’améliorer ses positions sur la croupe nord de Vaux-devant-Damloup et sur les pentes au nord et au nord-est du fort de Vaux.

Leurs défenses accessoires sont particulièrement renforcées au-devant de leurs tranchées qui font face au fort. Plusieurs patrouilles allemandes sont dispersées au nord du fort de Vaux.

Travaux dans le secteur de la 43e D.I.

Les Français s’organisent également dans le secteur de la 43e D.I.. Un grand nombre d’hommes s'activent à l’amélioration de leurs emplacements à coups de pelles et de pioches.

Dans la zone couverte par le 31e B.C.P. et par le 2e bataillon du 149e R.I., les tranchées de 1ère ligne, qui se trouvent au nord de l’étang de Vaux-devant-Damloup, sont approfondies. Celles-ci varient entre 1 m 30 et 1 m 80. Certaines d’entre elles sont équipées de banquettes de tir. Les défenses accessoires sont consolidées sur le saillant qui se trouve au nord-est de l’étang de Vaux-devant-Damloup.

La tâche n’est pas simple ! Les unités de la 43e D.I. subissent des bombardements intensifs tout au long de la journée, ce qui gêne considérablement l’activité des soldats. Les communications sont particulièrement visées et les points où se déroulent les nouveaux travaux se trouvent dans la ligne de mire des artilleurs allemands.

Le 149e R.I. au milieu d'un duel d'artillerie

Des tirs de gros calibres ont lieu sur la croupe nord de l’étang de Vaux-devant-Damloup et sur sa digue. Le tunnel de Tavannes et le fort de Vaux sont également bombardés par des obus de gros calibres à plusieurs reprises.

Le lieutenant-colonel Abbat, qui commande le149e R.I., est blessé en début d’après-midi par un éclat d’obus.

Les artilleurs français ne restent pas inactifs ! En  réponse aux bombardements effectués sur les tranchées françaises, l’artillerie lourde envoie de nombreuses fois ses obus sur les pentes au nord du fort de Vaux.

L’artillerie de tranchée lâche également une trentaine de bombes sur les tranchées des pentes nord et nord-est du fort de Vaux.

Les canons français effectuent un violent tir de barrage sur les tranchées allemandes à 18 h 00.

Pour comprendre ces violents bombardements, il faut à la fois s'intéresser au secteur et aux secteurs voisins. Dans celui de la 86e brigade, les travaux sont visibles de part et d'autre. Il est fort probable que les observateurs les signalent régulièrement, afin de freiner ou de causer des pertes parmi les travailleurs. Dans le secteur voisin, de violents combats se déroulent depuis trois jours. Ils ont permis au 74e.R.I. de reconquérir une partie du territoire perdu par les unités de la 70e D.I..

Trois soldats du 149e R.I. sont  tués au cours de cette journée, 13 autres sont blessés.

Carte_2_journee_du_6_avril_1916

Premier bilan du séjour à Verdun pour le 1er bataillon

Il est temps pour le 1er bataillon de faire le bilan de son séjour en 1ère ligne. Le commandant Magagnosc prend les renseignements nécessaires qui vont lui permettre d’établir une comptabilité précise de ses effectifs, compagnie par compagnie.

Il rédige le rapport suivant :

Le chef de bataillon Magagnosc, commandant le 1er bataillon du 149e R.I. à Monsieur le général commandant la 43e D.I..

J’ai l’honneur de vous adresser les comptes rendus faisant ressortir nettement l’effectif des compagnies du 1er bataillon à la date du 6 avril.

La 1ère compagnie qui compte dans le rang 58 caporaux et soldats est constituée à 2 sections ; la 2e compagnie comptant 51 caporaux et soldats est formée à 2 sections ; la 3e compagnie comptant 38 caporaux et soldats est formée à 1 seule section et la 4e compagnie dont l’effectif en caporaux et soldats est de 111 reste formée à 4 sections.

Il reste comme officiers au 1er bataillon :

Le chef de bataillon Magagnosc

Le lieutenant Canon

Les sous-lieutenants Bonhomme et Rousin

Le médecin aide major de 2e classe Médecin

Le médecin auxiliaire Deltrieu

Personnellement atteint le 2 avril, devant Vaux-devant-Damloup, de contusion par éclatement d’obus, je suis momentanément indisponible. Il m’est impossible, malgré toute ma bonne volonté, de conduire un bataillon dans le secteur avant quelques jours.

Le lieutenant Canon, atteint de dysenterie depuis une huitaine de jours, est indisponible.

Le lieutenant Rousin, atteint le 2 avril par un éclat d’obus, est momentanément indisponible pour quelques jours encore.

Le médecin auxiliaire Deltrieu, atteint de contusions multiples le 2 avril aux abris du ravin, à la suite d’éclats d’obus, est indisponible.

Il ne reste donc actuellement au 1er bataillon que le sous-lieutenant Bonhomme et le médecin aide-major Médecin de disponibles

Le capitaine de Chomereau commandant la 1ère compagnie est actuellement à la tête du 3e bataillon.

Les 8 tableaux suivants indiquent  les effectifs exacts des 4 compagnies du 149e R.I. à la date du 6 avril 1916.

Tableau_1_effectif__1ere_compagnie_le_6_avril_1916

Tableau_2_effectif_1ere_compagnie_6_avril_1916

Tableau_1_effectif__2e_compagnie_6_avril_1916

Tableau_2_effectif_2e_compagnie_6_avril_1916

Tableau_1_effectif_3e_compagnie_journee_du_6_avril_1916

Tableau_2_effectif_3e_compagnie_6_avril_1916

Tableau_1_effectif_4e_compagnie_6_avril_1916

Tableau_2__effectif_4e_compagnie_6_avril_1916

 Les pertes sont lourdes, aussi bien dans l’encadrement que dans les soldats. Certaines compagnies ont perdu 2/3 de leurs effectifs.

Attention toutefois avec la lecture de ces statistiques ! Dans chaque compagnie, des hommes restent en arrière pour s’occuper des cuisines, les infirmiers, les téléphonistes, les conducteurs... Les effectifs en première ligne ne sont pas l’effectif complet de la compagnie. Il ne faut donc pas en déduire un ratio de pertes par rapport à un effectif initial.

 Si le commandant dresse ce bilan, c’est qu’il sait probablement déjà que la relève approche. Mais chaque jour qui sépare les hommes du retour au repos à l’arrière est marqué dans ce secteur par de nouvelles pertes. La journée du 7 avril 1916 le confirmera.

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

J.M.O. de la 86e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/14.

J.M.O. du 31e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 826/26.

Les archives du Service Historique de la Défense ont été consultées.

Pour en savoir plus sur l’engagement du 74e R.I. durant les combats d’avril 1916, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante pour accéder au blog de S. Agosto.

Blog_Stephan_Agosto

Le fond de carte, qui a servi de support à la réalisation de la carte donnant les emplacements approximatifs des 2e et 3e bataillons du 149e R.I., provient du  J.M.O. du 407e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 767/10.

La photographie qui se trouve sur le montage représente les ruines du village de Vaux-devant-Damloup. Elle est non datée.

Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto, à A. Carobbi, à T. de Chomereau, à A. Orrière, à M. Porcher, et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

25 novembre 2016

5 avril 1916.

5_avril_1916

Les changements d'unités, commencés la veille dans le secteur occupé par la 43e D.I., se poursuivent dans la matinée du 5 avril 1916. Heureusement, l’activité de l’artillerie ennemie a diminué d’intensité.

Le 6e bataillon du 323e R.I. a relevé le 2e bataillon du 158e R.I. et les restes du 1er bataillon du 149e R.I. dans la nuit du 4 aux 5 avril.

Le 2e bataillon du 158e R.I. est allé se porter aux abris du ravin, pour venir occuper les positions du 1er bataillon du régiment.

Les 17e,19e et 20e compagnies du 5e bataillon du 323e R.I., qui avaient été obligées de faire demi-tour dans la nuit du 4 au 5 avril, rejoignent le secteur du fort de Vaux pour relayer les hommes du 3e bataillon du 149e R.I..

La 70e D.I. est relevée par la 5e D.I..

Le 1er bataillon du 158e R.I. et le 1er bataillon du 149e R.I. ont pris la direction de Verdun.

Dans l’après-midi, le fort de Vaux est violemment bombardé par les Allemands. Il en est de même pour les tranchées qui sont situées à l’est et à l’ouest du fort et pour celles qui se trouvent dans la région de l’étang de Vaux-devant-Damloup. Il n’y aura pas d’action d’infanterie ennemie dans cette zone.

Carte_1_journee_du_5_avril_1916

Legende_carte_1_journee_du_5_avril_1916

Le 74e R.I. continue d’attaquer au sud du fort de Douaumont. Les 1er et 2e bataillons de ce régiment consolident leurs positions tout en poursuivant leurs actions offensives malmenées par les contre-attaques allemandes. Le 3e bataillon du régiment est entré dans la mêlée la veille au soir. Les combats dans ce secteur sont d’une extrême violence.

Carte_2_journee_du_5_avril_1916

Les positions occupées par le 149e R.I. en fin de soirée du 5 avril sont les suivantes :

Le 1er bataillon est établi à Verdun.

Le 2e bataillon occupe toujours ses positions en première ligne.

Le 3e bataillon est installé au tunnel de Tavannes.

Au cours de la journée, le 149e R.I. a eu 35 blessés et 37 disparus. Il faut savoir qu’il n’y a pas de prisonniers dans les disparus qui ont été signalés. Les chiffres indiquent simplement le nombre d’hommes qui se sont égarés au cours des relèves intérieures, les agents de liaison et les soldats de corvées qui ont été blessés et ceux qui n’ont pas encore été retrouvés.

Le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André évoque cette journée dans son témoignage consacré à la bataille de Verdun. Voici ce qu’il écrit :

« Le 3e bataillon du 149e R.I. est à son tour à l’abri à Tavannes, ayant perdu près d’un tiers de son effectif en officiers et en hommes. Nous avons réussi à colmater de ce côté, interdisant à l'ennemi l’accès du fort de Vaux. Nous passons plusieurs jours mis en réserve dans ce tunnel avec une sensation de sécurité. Ce tunnel de Tavannes est un  abri incomparable, qui a largement contribué à conserver Verdun. En revanche, les communications souterraines manquaient. Celles-ci auraient pu sauver Vaux et des milliers de nos hommes.

 J’ai admiré le calme courage des braves territoriaux du 144e R.I.T de Tarbes, sous les ordres du commandant de Castillan, régiment affecté au 21e C.A. et qui, travailleurs de fortune, seront décimés ». 

Le commandant Gaston Louis Édouard Fernagu a reçu l’ordre de venir remplacer le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André à la tête du 3e bataillon du 149e R.I..

Pour plus de clarté, le tableau suivant indique les positions occupées par les unités de la 43e D.I. à la fin de la journée du 5 avril 1916.

Tableau_occupation_du_secteur_de_la_43e_D

Dans la zone occupée par la 43e D.I. seuls le 3e B.C.P. et le 323e R.I., sont relativement « frais ».  Les autres unités, complètement éreintées par les évènements des jours précédents, attendent d’être relevées,  mais il va falloir encore patienter quelques jours…

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

J.M.O. de la 70e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 394/1.

J.M.O. de la 5e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 268/9.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

J.M.O. de la 86e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/14.

J.M.O. du 1er B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/2.

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/4.

J.M.O. du 31e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 826/26.

J.M.O. du 74e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 66013.

J.M.O. du 158e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 700/11.

J.M.O. du 323e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 750/2.

Les archives du Service Historique de la Défense ont été consultées.

La photographie qui peut se voir sur le montage provient de la collection personnelle de T. de Chomereau.

Le témoignage de Gaston de Chomereau de Saint-André  peut se lire intégralement en cliquant une fois sur l’image suivante.

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Pour en savoir plus sur l’engagement du 74e R.I. durant les combats d’avril 1916, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante pour accéder au blog de S. Agosto.

Blog_Stephan_Agosto

Le fond de carte,qui aservi de support à la réalisation de la carte donnant les emplacements approximatifs des 5e et 43e D.I., provient du J.M.O. du groupement D.E. de la place de Verdun. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 70/7.

 Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto, à A. Carobbi, à T. de Chomereau, à A. Orrière, à M. Porcher, et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

23 septembre 2016

3 avril 1916.

3_avril_1916

Du côté du 1er bataillon du 149e R.I..

Les éléments de la 86e brigade qui ont participé à l’attaque du 2 avril viennent d’essuyer un échec massif. La partie du village de Vaux-devant-Damloup, qu’ils avaient pour mission de reconquérir, est demeurée entre les mains de l’ennemi.

Les pertes sont colossales. La 5e compagnie du 158e R.I. a englouti la quasi-totalité de son effectif sur la terre meusienne. Il manque à l’appel près de 340 hommes au 31e B.C.P.. Le 1er bataillon du 149e R.I. a perdu presque tous les hommes. La plupart d’entre eux ont été faits prisonniers à la suite d’une contre-attaque allemande.

Un bilan approximatif donne les chiffres suivants pour le 1er bataillon du 149e R.I..

Effectifs_du_1er_bataillon_du_149e_R

En dehors d’un bombardement violent et continu, il n’y a pas d’incident majeur dans le secteur du 31e B.C.P. et du reste du 1er bataillon du 149e R.I. durant la journée du 3 avril. Les troupes françaises peuvent, dans la mesure du possible, améliorer les positions occupées.

À l’ouest du 1er bataillon du 149e R.I..

L’état-major de la 43e D.I. doit maintenant réorganiser les positions qui restent fragilisées avec les troupes de réserve. En effet, les Français sont loin d’être à l’abri d’une nouvelle attaque ennemie. Mais les Allemands ne lanceront pas d’autre offensive dans la zone de la 86e brigade. L’ennemi reste particulièrement occupé dans le secteur de la 70e D.I.. Il poursuit son attaque commencée la veille. Ici aussi, il gagne du terrain.

Deux bataillons du 74e R.I., arrivés en renfort à 6 h 00, sont aussitôt lancés dans la mêlée pour tenter de reprendre la partie laissée aux Allemands dans le secteur de cette division.

Carte_1_journee_du_3_avril_1916

Legende_carte_journee_du_3_avril_1916

Du côté des 2e et 3e bataillons du 149e R.I..

Le 3e bataillon, commandé par le capitaine de Chomereau de Saint-André, occupe toujours le secteur du fort de Vaux.

Plan_dessine_par_le_capitaine_Gaston_de_Chomereau_de_Saint_Andre

Le commandant du 3e B.C.P. s’apprête à relever le 10e B.C.P. avec ses hommes. Il doit passer par le fort de Vaux en remontant en  1ère ligne. Le temps de rencontrer le capitaine de Chomereau de Saint-André, il apprend que de ce côté de la ligne de front, l’artillerie lourde française de 155 tire régulièrement trop court. Les coups proviennent de la direction du bois des Hospices. Il fait parvenir une petite note et un croquis, donnant les points d’impacts de ces obus, au général de Baucheron de Boissoudy responsable de la 43e D.I..

Points_d_impacts_des_obus_de_155_fran_ais

Sous les ordres du commandant Schalk, le 2e bataillon quitte le fort de Tavannes pour venir s’installer aux abris du ravin.

Carte_2_journee_du_3_avril_1916

Un peu en arrière de la 1ère ligne.

Le lieutenant-colonel Abbat, chef du 149e R.I., rédige son compte rendu de fin de journée depuis son P.C..

« Journée plus calme que les précédentes. Quelque obus à intervalles très espacés. Le travail consiste à réduire la largeur des cabanes, ce qui rend la circulation plus facile. Deux hommes peuvent se croiser plus facilement sur le côté laissé libre. Renouvelle encore demande instante d’appareils d’éclairages.»

Cette demande d'appareils d'éclairage peut paraître anecdotique. Elle ne l'était pourtant pas : les mouvements de troupes se faisaient le plus souvent la nuit, dans un noir plus ou moins complet. L'absence d'éclairage digne de ce nom dans les ouvrages et dans les lieux à forte concentration en hommes n'étaient pas sans poser de gros problèmes comme le montre cet extrait d'un rapport du génie de la 43e D.I..

« Le manque de lumière dans les forts de Vaux et de Tavannes et dans le tunnel de Tavannes  gêne considérablement la circulation des nombreuses unités qui y stationnent. Les relèves partielles, les corvées de ravitaillement en vivres, les tâches des différentes équipes de travailleurs sont considérablement ralenties par ce problème, qui entraîne des arrêts fréquents à l’entrée des forts et du tunnel. Ces endroits sont régulièrement bombardés, ce qui occasionne régulièrement des cris, parfois des chutes qui peuvent être graves… En un mot, cette situation rend particulièrement difficile le maintien de l’ordre et la discipline, sans parler de la lenteur des mouvements de troupes qui pourraient être beaucoup plus rapides. »

Dans la nuit du 3 au 4 avril 1916.

Les 5e et 8e compagnies du 149e R.I. viennent relever les 1ère et 4e compagnies du 158e R.I. placées dans le sous-secteur nord à la disposition du  31e B.C.P. vers 22 h 00.

D’autres mouvements de relèves vont avoir lieu dans le secteur de la 43e D.I. durant la nuit.

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

J.M.O. de la 70e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 394/1.

J.M.O. de la 5e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 268/9.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

J.M.O. de la 86e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/14.

J.M.O. du 1er B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/2.

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/4.

J.M.O. du 31e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 826/26.

J.M.O. du 44e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 827/14.

J.M.O. du 74e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 660/13.

J.M.O. du 158e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 700/11.

J.M.O. du 226e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 721/2.

J.M.O. du 237e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 725/2.

J.M.O. du 269e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 733/9.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

Le fond de carte,qui aservi de support à la réalisation de la carte donnant les emplacements approximatifs des 43e et 70e D.I., provient du J.M.O. du groupement D.E. de la place de Verdun. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 70/7.

La carte dessinée du secteur de Verdun, qui peut se voir ici, a été réalisée simplement à partir des indications données dans les différents J.M.O. cités dans les sources. La marge d’erreur indiquant les positions des régiments des 43e et 70e D.I. risque d’être assez importante. Cette carte n’est donc là que pour se faire une idée approximative des lieux occupés par ces unités durant la journée du 3 avril 1916.

Le plan dessiné par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André provient de la collection personnelle de son petit fils.

Les portraits des commandants Magagnosc, Schalck et du capitaine de Chomereau de Saint-André proviennent du tableau d’honneur de la guerre 1914-1918 publié par la revue « l’illustration ».

Le plan qui figure sur le montage est extrait de l’ouvrage « La bataille de Verdun expliquée sur le terrain et par les cartes » du colonel Marchal et du capitaine Forestier. Éditions H. Frémont  et fils.

La photographie du fort de Vaux  datée du 31 mars 1916 provient du livre allemand « Die Tragődie von Verdun 1916. II Teil. Dibenburg I.D.. Berlin 1928.

Le tableau suivant donne une indication sur les effectifs du 149e R.I. à la date du le 1er mars 1916.

Effectifs_du_149e_R

Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto, à A. Carobbi, à T. de Chomereau,  à A. Orrière, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

15 juillet 2016

2 avril 1916.

Commandant_Magagnosc_et_sous_lieutenant_Auvert

Vaux-devant-Damloup est entièrement entre les mains des Allemands depuis leurs attaques réussies du 31 mars. L’état-major de la 43e D.I. a la ferme intention de reconquérir le terrain perdu. Il est en train de préparer une action offensive avec une partie de ses troupes de réserve.

Il faut savoir que le théâtre des opérations de la 86e brigade s’est légèrement modifié à la suite des évènements du 31 mars. Il est maintenant jalonné par la ligne des retranchements, par le boyau d’Hardaumont devenu tranchée de 1re ligne, et par la moitié ouest de la tranchée du colonel Driant qui est restée en possession française.

Les compagnies qui doivent participer à la future attaque sont prélevées sur le 31e B.C.P.  sur le 158e R.I. et sur le 149e R.I..

Zone_de_l_attaque_du_2_avril_1916

Ces unités se mettent en route dans la nuit du 1er au 2 avril. Une partie d’entre elles s’apprête à remplacer l'autre partie de la brigade qui a été malmenée durant les jours précédents.

Quatre compagnies du 31e B.C.P. relèvent les compagnies du 1er B.C.P.qui sont encore en 1ère ligne.

La 5e compagnie du 158e R.I., l’unique compagnie de ce régiment qui doit  être engagée, se rend à R1.

Le 1er bataillon du 149e R.I. quitte les abris du ravin pour venir prendre sa position d’attaque à la digue de l’étang de Vaux. Il emprunte le ravin situé au sud-ouest de la mare.

Carte_1_journ_e_du_2_avril_1916

Les compagnies restantes des 31e B.C.P., et du 158e R.I. constituent les troupes de garnison et la réserve.

Tableau_d_occupation_du_secteur_le_2_avril_1916

Toutes ces unités sont en position à 3 h 45. L’attaque qui devait avoir un caractère de surprise est devancée par les Allemands !  À 4 h 00, ces derniers engagent une offensive sur la droite du front du 31e B.C.P. tout juste installé. Heureusement, cet assaut est vivement repoussé. L’ennemi laisse beaucoup d’hommes sur le terrain.

Comme prévu, les troupes du colonel Rondeau lancent leur attaque à 4 h 30.

Carte_2_journee_du_2_avril_1916

Legende_carte_2_journee_du_2_avril_1916

Les artilleurs allemands déclenchent aussitôt un violent tir de barrage qui est associé aux feux de mitrailleuses. Ces tirs sont d’une extrême précision. Toute communication avec l’arrière est impossible. Les lignes téléphoniques ont toutes été coupées depuis longtemps.

Seuls quelques coureurs tentent l’impossible. Malgré les relais, il leur faut plus de deux heures pour parcourir la distance qui les sépare du fort de Tavannes à la 1ère ligne. Largement le temps d’y laisser sa peau !

Les deux compagnies du 31e B.C.P. qui tentent de déboucher de leur aile droite se cognent à un ennemi resté très en éveil. Les chasseurs sont attendus de pied ferme. Ce sont les mêmes unités allemandes qui les ont attaqués, une demi-heure plus tôt, qui les empêchent de progresser.

Les deux compagnies de l’aile gauche du 31e B.C.P. remplissent leur mission. La tranchée nord-sud qui passe par la carrière est de nouveau occupée.

La 5e compagnie du 158e R.I., partie de R1, est stoppée net dans son élan par un barrage à la grenade et par des tirs de mitrailleuses particulièrement meurtriers. Seule une petite quinzaine d’hommes est parvenue à la tranchée ennemie, la mort les y attendait.

Les trois compagnies du 1er bataillon du 149e R.I. se lancent à la reconquête du territoire perdu de Vaux-devant-Damloup.

Carte_3_journ_e_du_2_avril_1916

Deux d’entre elles reprennent presque entièrement la partie du village qui leur avait été assignée comme objectif. La 3e compagnie du 1er bataillon du 149e R.I. s’installe dans les ruines de la dernière maison à l’ouest.

L’attaque française semble donc être une réussite. La plupart des objectifs ont été atteints même si la 5e compagnie du 158e R.I. a perdu la quasi-totalité de ses hommes.

Mais la situation va rapidement devenir intenable. Les hommes sont épuisés, les munitions manquent…

Les deux compagnies de chasseurs qui occupent la tranchée nord-sud qui passe par la carrière ne sont plus soutenues par l’artillerie. Une fois leur approvisionnement de grenades épuisé, ces compagnies cèdent à la pression des contre-attaques allemandes. Elles sont obligées de revenir à leur point de départ.

Le commandant Magagnosc rédige un billet depuis son P.C. qui est installé près de la digue de la mare de Vaux.

« Mon bataillon est exposé depuis ce matin à un bombardement des plus violents, prélude probable d’une attaque ennemie. Mes compagnies se sont avancées dès 4 h 30 très rapidement vers le village de Vaux ainsi qu’au nord et au sud.

La 1ère compagnie est dans les premières maisons à l’ouest de Vaux. Je ne sais pas exactement où. En raison du tir de barrage continu et de plus en plus violent, il m’a été impossible d’obtenir des renseignements précis sur leur situation. À la nuit, je me mettrai en relation avec elle. Trois sections d’une de mes compagnies occupent la digue où j’ai établi mon P.C..

Si l’ennemi attaque en force, il me sera difficile de tenir, mes pertes étant élevées. J’aurai besoin de renfort.

Le lieutenant Stehlin qui commande la 3e compagnie est blessé. Le lieutenant Auvert, qui commande la compagnie de mitrailleuses, malade des suites de blessures à la tête, est évacué.

Je vous prie de me faire apporter le plus tôt possible 2 ou 300 grenades, 5000 cartouches, 100 fusées rouges, 50 vertes et 50 blanches, ainsi que 500 sacs à terre.

Des groupes d’avions ennemis nous ont survolés toute la journée, réglant le tir de leur artillerie et nullement gênés par nos avions !

Il m’a semblé que notre artillerie ripostait faiblement à celle de l’ennemi !

J’ai l’honneur de vous demander de vouloir bien faire dire si possible à mon chef de corps qu’il est inutile de faire venir les cuisiniers à Vaux. Cela leur serait impossible aujourd’hui. Mes hommes mangeront des vivres de réserve. Nous recevons des gaz asphyxiants. L’attaque ennemie paraît se déclencher. »

À 16 h 00, les Allemands déclenchent une violente contre-attaque sur Vaux-devant-Damloup. Les débris des deux compagnies du bataillon Magagnosc qui se trouvent dans le village sont anéantis. La progression ennemie est tout de même arrêtée devant une tranchée creusée à la hâte à l’ouest du village, par la 3e compagnie de ce bataillon.

Les Français ont lancé près de 150 fusées rouges pour demander l’appui de leurs canons, tant de la première ligne que du P.C. de la 86e brigade. Mais les résultats sont restés nuls !

Les tirs de l’artillerie ennemie sont restés très intensifs tout au long de la journée.

Le sous-lieutenant Auvert qui commande la 2e compagnie de mitrailleuses du 149e R.I. résume les évènements de cette journée du 2 avril 1916 dans la note suivante.

Reçu le 2 avril 1916 à 22 h 00 au P.C. de la 85e brigade.

Le 1er bataillon a attaqué à 4 h 30 avec 3 compagnies en première ligne et une en réserve. Chaque compagnie ayant une section de mitrailleuses de la 2e C.M. du 149e R.I..

À savoir de la gauche à la droite :

La 2e compagnie, au sud de la voie ferrée, en liaison avec le 31e B.C.P. jusqu’à la lisière nord de Vaux-devant-Damloup.

La 1ère compagnie dans le village de Vaux-devant-Damloup.

La 3e compagnie de la lisière sud de Vaux-devant-Damloup à la lisière sud des Vergers.

La 4e compagnie est en réserve à la maison à  l’est de l’étang.

À droite du régiment se trouvent des éléments du 158e R.I.. Ils attaquent par vagues  en partant  des retranchements sur le chemin creux.

 L’attaque part bien. À gauche, le 31e B.C.P. progresse jusqu’aux anciennes tranchées du 1er B.C.P.

La 2e compagnie du 149e R.I. dans un terrain marécageux, battu par les mitrailleuses ennemies placées entre le village de Vaux-devant-Damloup et le fort de Vaux, a des éléments qui marchent avec la 1ère compagnie et les autres passées au nord de la voie ferrée avec le 31e B.C.P..

La 1ère et la 3e compagnie disparaissent dans la fumée au-delà de l’issue ouest de Vaux-devant-Damloup et la 1ère compagnie parvenant jusqu’à l’ancienne barricade française. À 4 h 40, les compagnies paraissent avoir atteint leurs objectifs.

Un peloton de la 4e compagnie est envoyé en soutien de la 2e compagnie.

Il ne reste plus au commandant Magagnosc, dans la réserve, qu’un peloton et 1 section de mitrailleuses.

De  8 h 50 jusqu’à cette heure très violent marmitage sur les positions du 149e R.I..

Devant la contre-attaque allemande, à gauche le 31e B.C.P. revient à sa ligne de départ sur laquelle il se tient avec des éléments de la 2e compagnie du 149e R.I. et y reçoit l’attaque en tirant debout.

Du côté de Vaux-devant-Damloup, les Allemands auraient contourné par la voie et occupé la lisière ouest du village cernant les 1ère et 3e compagnies dans  Vaux-devant-Damloup.

Pendant longtemps on entendit les mitrailleuses françaises dans Vaux.

Le commandant Magagnosc qui a reçu une grosse pierre a quitté son commandement. Le sous-lieutenant Auvert, ancien trépané, a dû quitter sa compagnie de mitrailleuses.

Cette attaque un véritable désastre. Le village de Vaux-devant-Damloup est perdu.

carte_4_journee_du_2_avril_1916

Les deux autres bataillons du 149e R.I. n’ont pas été engagés durant cette journée. Le 2e bataillon qui se trouve sous les ordres du commandant Schalk s’est installé au fort de Tavannes. Le 3e bataillon qui est sous le commandement du capitaine de Chomereau de Saint-André occupe toujours le secteur du fort de Vaux.

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

J.M.O. de la 86e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/14.

J.M.O. du 1er B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/2.

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/4.

J.M.O. du 31e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 826/26.

J.M.O. du 158e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 700/11.

Les archives du Service Historique de la Défense ont été consultées.

Le fond de carte, qui a servi de support à la réalisation de la carte donnant les emplacements approximatifs des 43e et 70e D.I., provient du J.M.O. du groupement D.E. de la place de Verdun. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 70/7.

La carte dessinée du secteur de Verdun, qui peut se voir ici, a été réalisée simplement à partir des indications données dans les différents J.M.O. cités dans les sources. La marge d’erreur indiquant les positions des régiments des 43e et 70e D.I. risque d’être assez importante. Cette carte n’est donc là que pour se faire une idée approximative des lieux occupés par ces unités durant la journée du 2 avril 1916.

La carte qui indique la zone de d’attaque du 2 avril 1916 est extraite du J.M.O. du 22e R.A.C. 1er groupe 26 N  942/9.

La photographie aérienne provient de la collection de P. Lehue.

Le portrait du sous-lieutenant Auvert est extrait du livre d’or de la faculté de droit de Paris qui a été édité en 1925.

Le portrait du commandant Magagnosc provient du tableau d’honneur de la guerre 1914-1918 publié par la revue « l’illustration ».

Le plan qui figure sur le montage est extrait de l’ouvrage « La bataille de Verdun expliquée sur le terrain et par les cartes » du colonel Marchal et du capitaine Forestier. Éditions H. Frémont  et fils.

Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto, à A. Carobbi, à P. Lehue, à A. Orrière, à M. Porcher, aux intervenants du forum « Pages 14-18 » qui m’ont apporté leur aide et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

1 juillet 2016

1er avril 1916.

Secteur_du_fort_de_Vaux

Le 31 mars, les Allemands ont lancé plusieurs attaques d’infanterie dans le secteur de la 86e brigade et dans celui du 10e B.C.P.. Du terrain a été cédé à l’ennemi.

Le colonel Rondeau, responsable de la 86e brigade, fait savoir dans un rapport, qu’en dehors de lacunes regrettables et irréparables dues à l’encadrement de certaines unités d’infanterie, l’appui de l’artillerie française aurait été tout d’abord insignifiant, puis trop tardif par la suite.

De plus, les tirs de barrage n’ont pas pu être correctement dirigés dans les zones concernées. Les observateurs n’ont pas aperçu les fusées blanches ou rouges pourtant lancées à profusion. Les compagnies du 1er B.C.P. qui étaient en première ligne ont utilisé tout leur stock, aucune n’a été vue !

Le 149e R.I. qui n’a pas pris part à ces engagements est sur le point de prêter main-forte à la brigade du colonel Rondeau,avec un de ses bataillons qui se trouve en réserve au fort de Tavannes.

Dans un premier temps, les compagnies du 1er bataillon du 149e R.I. viennent s’installer aux abris du Ravin. Leur chef, le commandant Magagnosc, doit se rendre directement au P.C. du colonel Rondeau qui est situé aux abris de la Carrière, pour y recevoir ses ordres.

Carte_1_journee_du_1er_avril_1916

legende_carte_1_journee_du_1er_avril_1916

Une attaque française est en cours de préparation. La mission est claire, il faut absolument tenter de reprendre les tranchées qui étaient occupées par les 1ère, 2e et 3e compagnies du 1er B.C.P  au nord de Vaux-devant-Damloup, et essayer de reconquérir la partie du village qui a été perdue dans le secteur du 3e bataillon du 158e R.I..

Le 2e bataillon du 149e R.I., qui a quitté Dugny pour venir s’installer à la caserne d’Anthouard à Verdun, reçoit l’ordre de rejoindre le fort de Tavanne. Il doit se mettre en réserve de division en lieu et place du 1er bataillon du régiment dans la nuit du 1er au 2 avril 1916. Le départ de la caserne est prévu pour 2 h 00.

Le 3e bataillon du 149e R.I. occupe toujours les mêmes positions dans le secteur du fort de Vaux.

Carte_2_journee_du_1er_avril_1916

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/12.

J.M.O. de la 86e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/14.

J.M.O. du 1er B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/2.

J.M.O. du 10e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 819/4.

J.M.O. du 31e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 826/26.

J.M.O. du 158e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 700/11.

Les archives du Service Historique de la Défense ont été consultées.

Le fond de carte,qui a servi de support à la réalisation de la carte donnant les emplacements approximatifs des 43e et 70e D.I., provient du J.M.O. du groupement D.E. de la place de Verdun. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 70/7.

La carte dessinée du secteur de Verdun, qui peut se voir ici, a été réalisée simplement à partir des indications données dans les différents J.M.O. cités dans les sources. La marge d’erreur indiquant les positions des régiments des 43e et 70e D.I. risque d’être assez importante. Cette carte n’est donc là que pour se faire une idée approximative des lieux occupés par ces unités durant la journée du 1er avril 1916.

La photographie qui se trouve sur le montage a été réalisée en 2012. Elle a été prise du haut du fort de Vaux. La carte qui accompagne le cliché est extraite du 1er volume du tome IV des Armées Françaises de la Grande Guerre. Cet ouvrage est consultable sur le site « Mémoire des hommes ».

Un grand merci à N. Bauer, à M. Bordes, à A. Carobbi, à A. Orrière, à M. Porcher, et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

27 mai 2016

Verdun… Retour en première ligne.

Fort_de_Tavannes

Le 149e R.I. est installé à Dugny depuis le 26 mars 1916. Les corvées et les travaux en tout genre sont le lot quotidien des hommes. Ici, personne ne se plaint vraiment, le secteur est considéré comme calme en comparaison de ce qui se passe sur la ligne de front située à une petite poignée de kilomètres !

Mais cette situation ne va pas durer…

Le général de Boissoudy, chef de la 43e D.I., transmet un ordre écrit au responsable de la 85e brigade. Ce document atteste qu’une grande partie de ses troupes va devoir se tenir prête à remonter en 1ère ligne.

Le 1er et le 3e bataillon du 149e R.I. ont dû se rendre à Belrupt. Ils arrivent dans ce village, tôt dans la matinée du 30 mars 1916, accompagnés de deux compagnies de mitrailleuses du régiment.

Le 2e bataillon est resté à Dugny avec la 3e compagnie de mitrailleuses qui est rattachée à la brigade.

Le bataillon du commandant Magagnosc et celui du capitaine de Chomereau de Saint-André, officier qui vient tout juste de remplacer le commandant de Witkowski, reçoivent l’ordre de quitter Belrupt à la tombée de la nuit.

La plupart de ces hommes connaissent bien le secteur qu’ils vont devoir occuper. Ils retrouvent, tout simplement, les positions quittées quelques jours plus tôt.

Carte_1

Legende_carte_1_journee_du_30_mars_1916

Le gros du 10e B.C.P. et le 3e bataillon du 149e R.I. sont désignés pour aller s’installer dans les premières lignes.

Deux compagnies du 3e B.C.P. constituent la réserve de brigade avec deux compagnies du 10e B.C.P.. Le 1er bataillon du 149e R.I assure la réserve de division avec deux compagnies du 31e B.C.P..

Le 3e bataillon du 149e R.I. quitte Belrupt vers 19 h 00. Le témoignage laissé par le capitaine de Chomereau de Saint André nous donne le parcours suivi par ses compagnies.

« Le bataillon passe par les casernes Chevert, le Cabaret, la voie ferrée et le tunnel »

Le témoignage du mitrailleur Paul Portier nous indique le chemin utilisé par la 1ère compagnie de mitrailleuse et probablement par le 1er bataillon du 149e R.I..

« Nous devons relever, dans la nuit du 30 au 31 mars le 159e R.I.. À 19 h 00, les mouvements de relève commencent. Nous nous dirigeons d’une façon générale, sur la ferme de Bellevue, en passant par la haie Houry, le Tillat et nous prenons ensuite le boyau qui conduit au tunnel de Tavannes… »

Ce parcours ne semble pas être tout à fait celui qui est emprunté par le 3e bataillon. Les informations données dans le J.M.O. de la 85e brigade ne sont pas suffisamment détaillées pour permettre une certitude absolue concernant les déplacements effectués.

Les fantassins du 149e R.I. sont rejoints en cours de route par les compagnies de chasseurs qui ont également reçu l’ordre de remonter en ligne.

Carte_2_journee_du_30_mars_1916

Legende_carte_2_journee_du_30_mars_1916

Ces éléments de la 85e brigade doivent se présenter à la sortie est du tunnel de Tavannes.

Selon les ordres reçus, la tête du 10e B.C.P. doit atteindre le tunnel vers 22 h 00, celle du 3e bataillon du 149e R.I. doit arriver vers 23 h 00. Des guides les attendent. La tête des compagnies du 3e B.C.P. se présente vers minuit. Le 1er bataillon du 149e R.I. rejoint le fort de Tavannes vers 3 h 30.

Les horaires inscrits sur le papier ne seront pas respectés, la réalité sera tout autre !…

Sources :

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/5.

J.M.O. de la 88e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 521/4.

J.M.O. de la 93e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 523/3.

J.M.O. de la 139e Brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 533/3.

J.M.O. du 42e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 827/8.

J.M.O. du 57e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 831/3.

J.M.O. du 60e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 832/8.

J.M.O. du 75e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 661/5.

J.M.O. du 97e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 672/12.

J.M.O. du 159e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 701/1.

J.M.O. du 226e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 721/1.

J.M.O. du 269e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 733/9.

Les archives du Service Historique de la Défense ont été consultées.

Le fond de carte, qui a servi de support à la réalisation de la carte donnant les emplacements approximatifs des 70e et 77e D.I. provient du J.M.O. du groupement D.E. de la place de Verdun. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 70/7.

La carte dessinée du secteur de Verdun, qui peut se voir ici, a été réalisée simplement à partir des indications données dans les différents J.M.O. cités dans les sources. La marge d’erreur indiquant les positions des régiments des 70e et 77e D.I. risque d’être assez importante. Cette carte n’est donc là que pour se faire une idée approximative des lieux occupés par ces unités durant la journée du 30 mars 1916.

Un grand merci à N. Bauer, à M. Bordes, à A. Carobbi, à A. Orrière, à M. Porcher, et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

10 mars 2016

Le destin du sous-lieutenant Maurice Gaudin à l’ambulance 2/21, c’était il y a tout juste 100 ans…

Maurice Gaudin 2

Dans la soirée du 6 mars 1916, le sous-lieutenant Gaudin est installé à Haudainville au sud-ouest de Verdun avec les hommes de la 2e compagnie du 149e R.I.. L’ensemble du régiment a quitté Seigneulles le matin même à bord de camions pour être acheminé à Regret, tout près de la citadelle.

Le 7 mars, les Allemands lancent une attaque entre le fort de Douaumont et l’étang de Vaux. Certains régiments français qui occupent ce secteur sont mis en difficultés. Plusieurs éléments de la 43e D.I. sont sollicités pour rejoindre la zone des combats. Le 149e R.I. en fait partie.

Le régiment du lieutenant-colonel Abbat s’attend à tout moment à être sollicité en cas de besoin.

Dans la nuit du 7 au 8, la 2e compagnie du 149e R.I. est établie avec le reste du bataillon dans le bois des Hospices.

L’artillerie allemande, qui avait ralenti sa cadence de tir durant la nuit, harcèle à nouveau le secteur à la pointe du jour. Le bois des Hospices n’est pas épargné. De nombreux obus tombent sur le terrain occupé par les 1ère, 2e, 3e et 4e compagnies du commandant Magagnosc.

Cette situation n’empêche absolument pas le sous-lieutenant Maurice Gaudin de rédiger une petite carte adressée à son beau-père, Jules Dubois, qui se faisait appeler « père » par ses gendres.

8 mars 1916,

Mon cher père,

C’est formidable, quelle fournaise ! C’est à n’en pas sortir. Cependant, ne vous chagrinez pas, j’aurai peut-être encore de la veine. Je vais bien et vous embrasse bien fort. Votre fils, M. Gaudin.

Voilà un message que se veut rassurant !

Portrait dessin Maurice Gaudin

Vers 16 h 00, le commandant Magagnosc donne les directives à suivre à certains de ses officiers. Le sous-lieutenant Gaudin, qui vient tout juste de le quitter, est blessé par un obus allemand qui explose à proximité. Ce projectile fait beaucoup de dégâts !

Le sous-lieutenant Baverey est tué sur le coup. Le sous-lieutenant Brosse, qui est très grièvement blessé, décède rapidement au cours de son transport. Le sous-lieutenant Gaudin est également touché, il est lui aussi évacué vers l’arrière. Ses blessures sont très sérieuses, mais le médecin aide-major du 1er bataillon du 149e R.I. a fait savoir que sa vie n’était pas en danger. Les hommes sont rassurés sur son sort.

Peu après ces évènements, les compagnies du 1er bataillon sont scindées en deux. Les 2e et 3e compagnies s’installent dans le secteur sud de la batterie de l’Hôpital. Les 1ère et 4e compagnies prennent la direction du village de Vaux-devant-Damloup.

Le sous-lieutenant Jacques Rousset est le premier à donner des nouvelles à la famille Gaudin. C’est un ami proche. Il écrit au beau-père de Maurice pour lui faire savoir que son gendre a été touché par un éclat d’obus, mais que ce n’est pas grave. À partir des informations qui sont en sa possession, il rédige une petite carte alors qu’il est lui-même très exposé dans le petit village de Vaux-devant-Damloup.

« Je viens vous apprendre que votre fils Maurice a été blessé hier. Je crois qu’il a été atteint au bras par un éclat d’obus. Il a été soigné et évacué de suite. Blessure sans gravité. Il a dû vous prévenir avant moi. Excusez cette carte négligée, mais je vous écris pendant le combat et je confie ce mot au commandant de Longeaux, blessé au genou et qui est évacué ce soir.

Embrassez, je vous prie, Maurice pour moi en lui transmettant tous mes vœux de longue convalescence. Mes sympathiques respects. Jacques Rousset 1ère compagnie du 149e R.I..

Le sous-lieutenant Rousset se veut rassurant. Il n’a pas eu de nouvelles récentes de son camarade. Sa compagnie a quitté le bois des Hospices pour se rendre sur les lieux des combats peu de temps après que l’obus allemand ait tué et blessé les trois officiers du bataillon.

Le médecin du bataillon envoie également une lettre au beau-père du sous-lieutenant Gaudin

9 mars 1916

Monsieur,

Je viens vous attrister en vous rassurant toutefois. Monsieur Gaudin, que j’ai eu à soigner hier, a été blessé, fracture du bras et blessure dans le dos, à droite, à la base du thorax. Blessures toutes les deux douloureuses et demandant des soins bien assidus.

Depuis quatre mois que je connais Monsieur Gaudin, nous nous étions liés d’une bonne et franche camaraderie. Il est de ces natures avec qui on doit sympathiser. Je souhaite que Madame Gaudin ne soit pas trop impressionnée.

Docteur Vidaud de Pomerail médecin aide-major du 1er bataillon du 149e R.I.

À la lecture de ces correspondances, les blessures de Maurice Gaudin sont considérées comme étant très sérieuses, mais personne ne semblait imaginé un seul instant que l’une d’entre elles allait être mortelle.

Revenu des premières lignes, tout le monde s’attend à avoir des informations rassurantes à son sujet.

Ce sera certainement, pour quelques-uns de ses amis et proches collaborateurs, une grande stupéfaction que d’apprendre la mort de leur camarade. Plusieurs d’entre eux se rendent au cimetière de l’ambulance qui a été créé derrière la caserne Bévaux pour lui rendre un dernier hommage.

Les courriers affluent vers la famille. Parmi les officiers qui ont pris le temps d’écrire figurent le commandant Magagnosc, le lieutenant-colonel Abbat et le commandant de Longeaux.

Lettres à la famille Gaudin

Dans sa lettre de condoléances adressée à l’épouse du lieutenant Gaudin, le commandant Magagnosc raconte les circonstances de la blessure de son officier subalterne.

Le 20 mars 1916

Madame,

Je ne m’attendais certes pas, il y a cinq jours, en vous écrivant que votre mari avait été blessé, avoir aujourd’hui le pénible devoir de vous adresser mes condoléances émues et respectueuses.

La nouvelle de sa mort, en arrivant à Verdun (parc des fourrages, caserne Bévaux), le 16, nous a tous plongés dans une consternation profonde.

À peine étions-nous arrivés au cantonnement qu’un officier vient nous dire que Monsieur Gaudin est enterré au cimetière militaire à quelques pas de la caserne ! Nous ne voulions pas croire à la possibilité d’une telle catastrophe. Mais la vérité n’était que trop évidente, hélas !

Votre cher et regretté mari est mort des suites de ses blessures, reçues le 8, dans le bois des hospices (près du fort de Souville, nord-est de Verdun).

Il venait de me quitter à l’instant pour porter un ordre. Un obus éclata qui tua 2 officiers. (Messieurs Baverey et Brosse) et blessa votre mari.

Le docteur Vidaud de Pomerail, médecin du 1er bataillon, blessé lui-même grièvement dans la journée du 14, s’empresse aussitôt auprès de votre mari, qu’il nous dit blessé très sérieusement, mais pas en danger de mort, croyait-il.

La providence en avait décidé autrement, hélas. Évacué dans une ambulance automobile aussitôt, il a dû mourir peu de temps après et en arrivant à Verdun, il a été enterré.

C’est une consolation relative de savoir qu’il repose dans une sépulture convenable et que vous retrouverez sa tombe facilement après la guerre. Il vous sera possible de le faire exhumer.

Nous sommes allés hier déposer sur sa tombe de modestes couronnes de verdure à défaut d’autres. J’ai dit, devant les officiers et les soldats qui aimaient tant Monsieur Gaudin, tout le bien que je pensais de lui !

Veuillez croire, Madame, à toute la part que je prends de votre deuil et agréer ainsi que Mademoiselle votre fille et votre famille, l’hommage de mes condoléances les plus respectueuses.

Magagnosc

Le commandant du 149e R.I. rédige au beau-père de Monsieur Gaudin une lettre où il est question de fanions de compagnie.

Le 26 mars 1916

Le lieutenant-colonel Abbat commandant le 149e R.I. à Monsieur Jules Dubois, 19 rue du Paradis, Paris.

Monsieur,

J’ai le regret de vous confirmer la mort du sous-lieutenant Gaudin, décédé à Verdun des suites de ses blessures qu’il avait reçues le 8 mars, au bois des Hospices. Je me fais l’interprète de tous les officiers du régiment, en vous exprimant mes sympathiques condoléances et en vous disant quels regrets nous laisse la mort de ce si charmant camarade.

Gaudin a été frappé de plusieurs éclats d’obus, à son poste de combat, alors que son bataillon était soumis à un bombardement des plus sévères de l’artillerie lourde allemande.

Nous ne le croyions que blessé. Quelle n’a pas été notre douleur, en descendant il y a quelques jours des premières lignes, d’apprendre que la mort aveugle avait fait son œuvre.

Maurice Gaudin a été inhumé dans le cimetière militaire situé derrière les casernes Bévaux à Verdun.

Nous avons fleuri sa tombe en allant l’autre jour faire, à ce regretté camarade, une pieuse visite.

Pour vous donner, Monsieur, une idée de l’estime en laquelle nous tenions Gaudin, je ne saurais mieux faire que vous envoyez les mots que me donnait sur lui son chef de bataillon.

Puissent ces quelques lignes adoucir la douleur de ses proches.

Personnellement, j’avais contracté une dette vis-à-vis du sous-lieutenant Gaudin qui avait bien voulu faire confectionner pour moi deux fanions de compagnie en soie, que je désirais offrir à deux de mes compagnies décorées de la croix de guerre. J’avais souvent demandé à Monsieur Gaudin de bien vouloir me dire combien je lui devais. Il ne put jamais me renseigner.

Je ne reste pas moins débiteur, envers la famille de Monsieur Gaudin, d’une certaine somme que je vous serais profondément reconnaissant de me faire connaître pour me permettre d’acquitter cette dette.

Veuillez agréer Monsieur, avec toutes mes sympathiques condoléances, l’assurance de toute ma considération.

Lieutenant-colonel Abbat

Le commandant de Longeaux a été évacué vers l’arrière à Chalon-sur-Sâone pour y être soigné de sa blessure. De son lit d’hôpital il écrit une lettre adressée à l’épouse du sous-lieutenant Gaudin.

Famille Gaudin

Madame,

Je n’ai pas l’honneur d’être connu de vous. Mais j’ai passé trois mois en contact presque constant avec votre mari. J’ai été témoin des sentiments qui dominaient toute sa vie. Son sentiment du devoir et sa tendresse pour les siens, pour vous surtout, pour sa petite Mathilde et pour son beau-père.

C’est une bien belle chose que le dévouement sciemment consenti jusqu’à la mort, et je ne l’ai jamais vu plus beau que chez votre mari.

Je lui ai dit une fois : «  Vous avez d’autant plus de mérite à bien faire votre service qu’après tout, ce n’est pas votre métier, comme à d’autres. »  Il m’a répondu : « Mon commandant, ce n’est pas mon métier, mais c’est mon devoir. »  Je n’ai rien répliqué parce que j’étais trop rempli d’admiration.

Votre mari était, non seulement un excellent officier, mais encore un parfait camarade. D’un dévouement inlassable, toujours prêt à faire ce que d’autres considéreraient comme une corvée. Ainsi, il était adoré de tous.

Si quelquefois, par suite de mon mauvais caractère et de mes exigences tatillonnes, je l’ai un peu bousculé, il sait bien maintenant qu’il est près du dieu des braves que tout de même je l’aimais et même l’admirais de tout mon cœur.

Veuillez, Madame, dire mes respects à Monsieur Gaudin, embrasser pour moi la petite Mathilde et agréer pour vous Madame, l’hommage de ma profonde et très respectueuse compassion.

A. de Longeaux  le 2 avril 1916 Hôpital temporaire n° 6 Chalon-sur-Saône

Quelques semaines avant son décès, le sous-lieutenant Gaudin avait eu un mauvais présage concernant son avenir. Le 19 février 1916, sa compagnie se trouvait au repos à Le Boisle. Il  trouve un moment pour rédiger ses dernières volontés sur une modeste feuille de papier.

J’autorise Monsieur Jacques Rousset, sous-lieutenant au 149e R.I., en cas de décès de ma part, à prendre possession de mes cantines, à distribuer mes tenues ordinaires et à ne renvoyer que le linge, photos, etc.

Prière d’envoyer si possible chez moi, mon casque et mon sabre.

Demande de s’occuper de ma sépulture, et de faire faire une marque, soit en fer ou pierre pour faciliter les recherches.

Ne prévenir que Monsieur Jules Dubois, 19 rue du Paradis à Paris.

J’autorise Jacques Rousset à conserver tout ce qui lui plaira dans les objets m’appartenant.

Donnons le « mot de la fin » au sous-lieutenant Jacques Rousset, l’ami fraternel de Maurice Gaudin.

Le 17 mars 1916

Monsieur,

Les larmes me montent aux yeux en vous écrivant. En redescendant des tranchées, je viens d’apprendre la mort de mon pauvre ami Maurice, décédé de ses blessures le 9 mars 1916. Le coup me fut très pénible, car nous nous aimions comme deux frères. Notre cher disparu avait de sombres pressentiments et avant de partir, il m’avait confié ses dernières volontés. Les circonstances m’ont empêché de les exécuter à la lettre, mais voici ce que l’on a pu faire. Notre cher Maurice est enterré au cimetière de Verdun sous le numéro 130.

Nous faisons aujourd’hui orner sa tombe et y déposer une couronne. En plus du numéro 130, une plaque de zinc porte gravée son identité. De plus, je vais faire mettre, tantôt, une inscription à la peinture à l’huile.

Si vous désirez avoir des renseignements sur ces derniers moments ainsi que sur ses affaires et papiers personnels, vous pouvez écrire à Monsieur l’officier gestionnaire de l’ambulance 1/21 secteur 117. Je vais personnellement, conformément à ses volontés, vous faire envoyer ses cantines et son sabre.

Tout supérieurs, camarades et inférieurs, regrettons sincèrement Maurice, qui était si bon, si brave, si dévoué. Je l’aimais, je vous l’ai dit, comme un frère et je le pleure comme tel.

Laissez-moi, je vous prie, prendre une large part à votre grande douleur.

J. Rousset, sous-lieutenant, 1ère compagnie secteur 116.

Le 149e R.I. quittera le département de la Meuse le 15 avril 1916, laissant derrière lui de très nombreux hommes parmi lesquels figure le sous-lieutenant Maurice Gaudin.

Pour en savoir plus sur la vie du sous-lieutenant Maurice Gaudin, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Du 152e R

Sources :

Les photographies et les lettres proviennent toutes de la collection personnelle de l’arrière-petite-fille du sous-lieutenant Maurice Gaudin.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/11.

Un grand merci à M. Bordes, à A.C. Mazingue-Desailly, à A. Carobbi et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

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