Secteur sud-est d'Ypres, journée du 6 novembre 1914.
Avec le 2e bataillon du 149e R.I. :
J.M.O. de la 33e brigade d’infanterie.
L’ordre d’opérations du 16e C.A. pour le 6 novembre porte l’offensive dans les mêmes conditions qu’hier.Le groupement Moussy doit maintenir l’ennemi dans le parc et le château d’Hollebeke pour favoriser la progression du groupement Olleris.
J.M.O. du 53e régiment d’infanterie.
À minuit, les bataillons reçoivent un contre-ordre. Ils sont arrêtés sur la route de Saint-Eloi à Ypres où ils restent jusqu’à 4 h 00. À cette heure arrive l’ordre pour la journée du 6 novembre.
Le 53e R.I. a pour mission d’attaquer dans la matinée le parc et le château de Hollebeke avec de petits éléments qui s’efforceront d’y pénétrer. Les 5e et 7e compagnies sont chargées de cette opération : la 7ecompagnie sur la moitié nord de la lisière nord-ouest du parc et la 5e compagnie sur la moitié sud de la même lisière.
Le but de l’opération est de reconnaître en détail, les abords de la lisière, les cheminements, les défilés qui y conduisent ; les points faibles de défenses préparées par l’ennemi et les endroits où la pénétration dans le parc semble possible. Le reste du régiment (1er et 3e bataillons) se réorganisera à Voormezelle, lebataillon à Oosthoek, tout en se tenant prêt à marcher au 1er signal.
11 h 30 : L’ordre arrive de se porter immédiatement à l’attaque sur le bois 40 par le nord-ouest. Le Bataillon Dufor et 2 compagnies du bataillon Saisset y prendront part. Les 2 autres resteront en réserve à Voormezelle. Deux compagnies du 2e bataillon, restées à Oosthoek, se porteront : la 5e compagnie dans les tranchées faites par le génie au sud de Voormezelle, sur la rive ouest du ruisseau, et à hauteur de Saint-Eloi ; la 6e compagnie sur la route Ypres-Kemmel, à la bifurcation, 1500 m au nord de Grootvierstrad. Les compagnies en réserve à la disposition du C.A..
15 h 15 : Le bataillon Dufor est en liaison avec le 80e R.I., par la compagnie d’Arblade qui a été envoyée dès le matin. Les premiers éléments du bataillon Dufor débouchent sur le bois au nord de la Kapellerie. Feu violent de l’artillerie ennemie.
16 h 20 : La progression continue, mais toujours très lentement, à cause du feu de l’artillerie ennemie, qui exige de minutieuses précautions pour la marche.
18 h 20 : L’attaque a débouché de la Kapellerie, entre les tranchées occupées par le 31e B.C.P. et elle a été arrêtée à environ 400 m des lignes allemandes. Le brouillard est extrêmement épais, il rend les liaisons impossibles et tout le mouvement en avant extrêmement périlleux. Le demi-bataillon Saisset est derrière le bataillon Dufor.
Toute continuation d’attaque dans les conditions atmosphériques présentes semble impossible et le colonel demande des ordres.
19 h 00 : L’ordre est donné de retourner à Voormezelle.
J.M.O. du 90e régiment d’infanterie.
Les 2e et 3e compagnies gardent leurs positions le long du canal. Les 1ère et 4e compagnies passent en seconde ligne.
Vers 7 h 30 la 7e compagnie et un peloton de la 8e compagnie relèvent à la faveur du brouillard les 5e et 6e compagnies qui avaient, la veille, gagné 200 m en avant de la ligne générale.
Vers 15 h 00 ces troupes sont cernées par les Allemands dans les bois situés à 500 m au nord de Klein-Zillebeke.
Le général Moussy appelle tous les éléments disponibles et les réserves de troupes anglaises.
Du côté des Allemands:
Historique du I.R. n° 105.
Le I.R. n° 105 est à l’ouest de Zandvoorde, à la disposition de la 39e D.I.. Les 2e et 3e bataillons se regroupent à la lisière sud-est du bois au sud-est de Calvaire, le 1er bataillon et la compagnie de mitrailleuses dans les fermes au sud de Basseville-Beek. L’attaque de la 39e D.I. est fixée pour midi. Elle doit être repoussée à cause du brouillard dense, qui empêche un tir précis de l’artillerie. Lorsque le brouillard se dissipe vers midi, la préparation d’artillerie se déclenche et l’assaut débute à 14 h 00, contre la position anglaise, près de Klein-Zillebecke.
Le I.R. n° 105 suit, en tant que réserve de la division. Dans un premier temps, le régiment est avancé jusqu’au château de Hollebeke (le château est). Puis, il suit l’attaque de progression de la 39e D.I., en direction du grand virage du canal de l’Yser, près de Hollebeke. Au soir, le régiment est engagé à son tour. Le 2e bataillon occupe à la gauche du I.R. n° 132, le talus de la voie ferrée Ypres-Comines. Son aile droite est appuyée au bois au sud de Klein-Zilebeke. Le 3e bataillon à sa gauche, avec son aile gauche poussée jusqu’au-delà du même talus, à hauteur du passage de la route en dessous du grand virage du canal.
Historique du I.R. n° 126.
La préparation d’artillerie n’a pu débuter qu’à 11 h 00, à cause d’un brouillard dense. Les positions devant nous sont alors bombardées par notre A.C. et par le 2e groupe du 10e R.A.L.. D’autres batteries tirent sur la clairière du bois au nord et au nord-est de Camp. Des obusiers lourds du IIe C.A. bavarois tiennent le grand bois au nord du virage du canal, entre la voie ferrée et la route de Verbranden-Molen, sous un tir très dispersé. Une batterie de 210 tire exclusivement sur Ypres.
Vers 14 h 00, notre infanterie quitte ses tranchées. Le 3e bataillon sort avec 3 compagnies en 1ère ligne, le 2e bataillon avec 2 compagnies. Très rapidement, les positions des Français sont bousculées. Elles sont faiblement occupées au sud de Camp. Celui qui ne veut pas se rendre est achevé à la crosse de fusil ou à la baïonnette. Nous avons fait prisonniers 2 officiers et 15 hommes qui se sont défendus avec acharnement depuis un abri.
Puis l’assaut se ralentit devant les maisons près de Camp. En plus des haies renforcées de fils de fer, des tirailleurs français se succèdent en faible nombre. Le tir de défense principal vient du flanc. Il cause des pertes sévères dans nos rangs. Des fusants explosent dans les airs. Ils forcent nos réserves à se déployer trop tôt. Néanmoins, aux alentours de 16 h 00, les positions françaises de part et d’autre de Camp, sont entre nos mains.
Malgré la mort de notre colonel près de Camp (balle dans la tête), nous poursuivons les fuyants en direction de Klein-Zillebeke. Bientôt nous sommes mélangés avec des éléments de la 82e brigade et du I.R. n° 132. Nous avançons jusqu’à la hauteur de Klein-Zillebeke. Des réserves françaises, dépêchées à la hâte, tentent en vain de nous arrêter. À 17 h 00, les 90e et 268e R.I. français sont bousculés. Ils ont perdu 730 prisonniers ( ?) dont 12 officiers, tombés entre les mains de nos 11e et 12e compagnies. Ces compagnies ont pris également 2 mitrailleuses au talus de la voie ferrée. Nos pertes s’élèvent à 4 officiers tués, 7 blessés. Les pertes de la troupe n’ont pas pu être précisées (très élevées). Malgré la pénurie d’officiers et de sous-officiers, les soldats des 1er et 3e bataillons poursuivent leur progression depuis Klein-Zillebeke, à travers les boqueteaux presque jusqu’à la cote 60 et aux premières maisons de Zwarteleen, où l’attaque s’est définitivement brisée. Quelques groupes du 3e bataillon peuvent encore avancer, presque ensemble avec l’ennemi en fuite, jusqu’aux premières maisons de Zillebeke, 1,5 km plus loin. Là, ils débouchent su un tir de flanc de mitrailleuses anglaises qui les forcent, au terme d’un combat rapproché, à se retirer sur Zwarteleen. Ils sont accueillis par les nôtres, leurs rangs sont fortement éclaircis. Nous n’avons pas réussi à prendre possession le 6 novembre au soir, ni de la cote 60 ni du village de Zwarteleen. L’ennemi qui s’y est fortifié solidement offre une résistance très vive. Les forces de nos troupes trop épuisées n’ont pas été suffisantes pour la briser. En outre, l’artillerie ennemie, avec l’effet dévastateur de ses tirs, a constamment tenu sous son feu, la ligne atteinte par les nôtres. De plus, la 82e brigade est restée très en retard dans le bois nord-est de Klein-Zillebeke.
Le I.R. n° 105 est de nouveau avancé pendant l’assaut de Klein-Zillebeke, depuis Zandvoorde, jusqu’au-delà des lignes de départ d’attaque du I.R. n° 126, dans le bois entre la voie ferrée et la route de Verbranden-Molen. En raison de la nuit tombante, il ne peut obtenir une modification de la situation à l’aile gauche de la division. La ligne de combat la plus avancée qui se trouve alors, près de Zwarteleen, est dans une situation effroyable. L’obscurité, le tir terrible d’artillerie, la pénurie d’officiers rendent impossibles toutes tentatives pour mettre de l’ordre dans les unités. Malgré leur fatigue, les hommes creusent des abris dans la boue. Leur position de défense creusée au bout de quelques heures est suffisante pour repousser plusieurs contre-attaques anglaises pendant la nuit. Contre-attaques qui partent de Zillebeke et qui sont menées par des réserves acheminées à la hâte. Il est également impossible de ravitailler la troupe, il faut donc se rabattre sur les rations de réserves.
À l’aile droite de la 39e D.I., dans le bois au nord de Groenenburg, les 7e et 8e compagnies n’ont pu gagner que très peu de terrain, le 6 novembre, et il faut les ramener au soir sur leur ligne de départ d’attaque.
Historique du I.R. n° 132.
Les secteurs de la division ont été déplacés dans la nuit du 6 novembre. Le IIe C.A. bavarois est dirigé, avec ses derniers
éléments, au sud du canal d’Ypres. Le XVe C.A., se retrouve seul dans la région comprise entre la route de Menin à Ypres et le canal. La 39e D.I. doit attaquer dans le secteur de gauche, de part et d’autre de la route de Zandvoorde à Zillebeke. La 30e D.I. doit soutenir cette attaque en s’en prenant à l’adversaire placé face à elle. Nous voulons ainsi faire commencer la percée à la droite de la route, face au front tenu par le 2e bataillon du I.R. n° 126, notre voisin direct à notre gauche (début à 10 h 00). Notre 1er bataillon et la compagnie de mitrailleuses restent dans le secteur de droite. Ils occupent le front entier tenu jusqu’alors par le régiment.
Les 2 autres bataillons sont déplacés dans le secteur de gauche. Selon un ordre reçu ; ils doivent arriver à 7 h 00 à la ferme qui se trouve à 700 m à l’est du château de Hollebeke. La relève et la marche de route se sont déroulées sans incident. Le secteur du 3e bataillon est en partie aussi celui du 2e. Ils sont pris en charge par la 30e D.I. (I.R. n° 99). Au terme d’une marche de nuit très épuisante, les 2e et 3e bataillons du I.R. n° 132, sur des chemins trempés et en mauvais états, atteignent la ferme à 7 h 00. La progression de la brigade doit se borner au secteur compris entre la route Zillebeke et le virage du canal. Elle est orientée contre la position ennemie, le long du chemin qui va de Klein-Zillebeke à Camp et au virage du canal.
L’attaque est confiée aux 1er et 3e bataillons du I.R. n° 126 qui a sous ses ordres notre 2e bataillon et la 1ère compagnie du 15e pionniers, dotée de lance-mines. Notre 3e bataillon reste à la disposition de la brigade à la ferme à 700 m à l’est du château de Hollebeke. La préparation d’artillerie à laquelle participe aussi l’artillerie lourde et celle du IIe C.A. bavarois, depuis la rive sud du canal, ne débute qu’à midi à cause du brouillard dense.
À 14 h 00, le I.R. n° 126 part à l’attaque. Le 3e bataillon est orienté sur Camp. Le 1er bataillon est à sa gauche. Vers 15 h 00, le 1er objectif sur la position ennemie est atteint au terme d’une course rapide. Vers Camp, il se déroule des combats acharnés qui nous sont favorables. Mais l’attaque nous coûte de lourdes pertes.
Notre 2e bataillon qui doit suivre le 1er bataillon du I.R. n° 126, reçoit l’ordre de partir à l’attaque plus en avant. La 6e compagnie avance contre le fossé allant du château de Hollebeke, dans la direction nord-nord-ouest. Elle est suivie par la 8e compagnie. La 5e compagnie est engagée le long du talus de la voie ferrée. Elle est suivie par la 7e compagnie. Le tir de l’artillerie ennemie est très violent. En franchissant le bois entre la voie ferrée et l’angle du virage du canal et la route Klein-Zillebeke-Zwarteleen, les compagnies de notre 2e bataillon, ont perdu la liaison avec le 1er bataillon du I.R. n° 126. Celui-ci a poursuivi l’ennemi qui bat en retraite, jusque dans le bois au nord-est de la route de Klein-Zillebeke à Zwarteleen. La 6e compagnie s’oriente maintenant contre Zwarteleen. La 5e compagnie longe la voie ferrée jusqu’au bois à l’ouest de Zwarteleen. La 8e compagnie suit jusqu’aux fermes au nord du bois qui vient d’être franchi, et la 7e compagnie passe la voie ferrée à la même hauteur. Mais l’attaque s’enraye près de Zwarteleen où la ligne des tirailleurs se heurte à des troupes anglaises fraîches. La 8e compagnie et une section de la 7e sont donc engagées.
Au même moment, les 9e et 11e compagnies du 3e bataillon arrivent aux fermes qui se trouvent au sud de Zwarteleen. La 11e compagnie est engagée sur cette localité. La 9e compagnie doit soutenir la 5e compagnie. Mais la nuit est au rendez-vous. Des éléments de la 8e et de la 11e compagnie ont pénétré dans Zwarteleen. Ils occupent plusieurs maisons en combattant. Au nord du chemin de Klein-Zillebeke à Zwarteleen, les I.R. n° 126 et n° 172 (ce dernier est le voisin direct du secteur d’engagement de droite de notre division) se sont fortement mélangés dans les bois entre les deux localités. Ils sont parvenus jusqu’aux abords de Zwarteleen et au chemin qui mène à Popotje. À l’ouest de la voie ferrée, on ne voit rien de ce qui se passe pour nos troupes, et ceci jusqu’au canal. Le I.R. n° 105, qui est à la disposition de la 39e D.I., n’est pas visible. Il a été retardé au virage du canal et il se trouve plus à l’est.
Nos 2e et 3e bataillons (sans la 12e compagnie qui est toujours au château de Hollebeke) se trouvent très en pointe. Il y a un danger d’être enveloppé sur les deux ailes. Un ordre de la division donné à 17 h 35 et qui préconise de tenir la 1ère ligne, à hauteur de la sortie ouest de Zwarteleen, ne leur est toujours pas parvenu. Jusqu’à 23 h 00, les compagnies se sont donc repliées. Le mélange des unités est complet entre les I.R. n° 132,126 et 172. Les bataillons se sont ensuite enterrés. Ils font front à la cote 60. Pour leur sécurité, nous envoyons des patrouilles vers l’avant. Des détachements anglais tentent de leur côté d’avancer sur notre 1ère ligne, mais ils sont aussitôt repoussés. La nuit reste plutôt calme.
Historique du I.R. N° 171.
De nouveau un brouillard épais empêche toute observation et toute préparation d’artillerie jusqu’à 12 h 00. Puis soudain, tout se déclenche. Le tir d’artillerie se déchaine sur toute la ligne, et l’ennemi réplique vivement. À 14 h 00, il y a un départ d’attaque sur l’aile gauche. La musique joue « la gloire de la Prusse ». Nous attaquons la lisière du bois d’en face, soutenu par le tir des mitrailleuses. Les Anglais se défendent farouchement dans leurs trous individuels et ils doivent être liquidés un par un.
Soulagée par l’avance de l’aile gauche, l’aile droite du 2e bataillon, avec le 1er bataillon qui lui succède, progressent à leur tour. Ils restent toujours en retard puisque que le I.R. n° 126 n’avance guère dans le bois. Nos 1er et 3e bataillons doivent donc constituer un flanc défensif de plus en plus grand face à ce bois. Notre 2e bataillon franchit le 1er objectif à gauche, la route Popotje-Zwarteleen, en liaison étroite avec Le I.R. N° 172.Tout en poursuivant de près les Anglais, il approche à 15 h 15 de la cote 60 au-delà de la route. Pendant ce mouvement en avant, les unités s’entremêlent, et comme les troupes sur les flancs sont en retard, la ligne de tirailleurs devient de plus en plus clairsemée.
À peine a-t-on placé la 11e compagnie, l’ultime réserve, sous les ordres du 2e bataillon que cette dernière doit être aussitôt mise en mouvement. Il se développe depuis la crête 60 une forte et surprenante contre-attaque anglaise sur le 2e bataillon et sur le I.R. N° 172 à Zwarteleen. Les 2 mitrailleuses attribuées au 2e bataillon viennent d’atteindre la 1ère ligne très étirée, lorsque les Anglais débouchent du brouillard. Malgré les lourdes pertes des Anglais qui sont dues aux tirs des mitrailleuses et des tirailleurs du 2e bataillon, les assaillants poursuivent leur avance. Ils sont protégés par les nombreux boqueteaux. Nous devons nous replier jusqu’à la route et nous défendre. Le mouvement est exécuté sous le tir de protection des mitrailleuses. Nous défendons la position de repli qui a été désignée contre plusieurs contre-attaques résolues anglaises. La dernière a lieu à 19 h 15.
Historique du I.R. n° 172.
Le brouillard est si dense que toute observation d’artillerie est impossible. Dans la matinée tout est encore enveloppé par ce brouillard impénétrable qui se lève enfin vers midi. Immédiatement après, le tir d’artillerie se déclenche. À 14 h 00 débute l’attaque. Dans une course folle, le 3e bataillon rejette les Français (sans doute du 90e R.I.) du chemin creux situé devant la lisière du bois. Il fait plus de 100 prisonniers et prend 3 mitrailleuses. Nous traversons les parcelles de bois très dense à l’est de Zwarteleen. Nous sommes toujours retardés par de petits détachements ennemis qui arrosent les lignes des tirailleurs de leur feu. La cohésion des lignes se construit dans un terrain difficile à surveiller. Des brèches se forment et il faut engager les réserves qui suivent de près.
Au bout de 1 h ½, les détachements les plus avancés ont atteint la lisière du bois à 200 m au nord-est de Zwarteleen. Près d’un pré dégagé, de petits détachements de Français fuient et disparaissent dans le bois suivant. Brusquement, une ligne de tirailleurs très serrée d’anglais avance sur notre flanc droit. Elle est vite refoulée par notre tir qui est bien ajusté. La résistance ennemie se durcit et les nôtres n’avancent plus. Les petits détachements qui sont trop en pointe doivent être ramenés en arrière. Au soir, le régiment s’enterre sur une position qui suit approximativement le chemin qui conduit obliquement à travers le bois en direction nord-est. Son l’aile gauche est appuyée sur la route Zandvoord -Zwarteleen, et son aile droite au coin nord-est du bois. La liaison est établie à gauche avec le I.R. n° 132 et à droite avec le I.R. n° 171. Il y a un fort mélange des unités avec de nombreux éléments égarés qui proviennent des régiments voisins parmi les nôtres. Un regroupement est impossible. Pour la nuit, il est ordonné un maximum de vigilance, tant dans les tranchées françaises qui ont été prises que dans le fossé humide du chemin forestier. Les cuisines sont avancées dans la mesure du possible. Mais un ravitaillement dans les règles de l’art est impossible à cause des nombreux tirs de surprise ennemis. À chaque instant, des balles traversent le bois en sifflant. Les Français sont très nerveux et tirent au moindre bruit. À 1 h 00, les Anglais déclenchent une forte attaque sur la position du I.R. n° 172. Elle échoue avec de lourdes pertes pour l’ennemi.
Historique du I.R. n° 17.
Après avoir mis de l’ordre dans les unités, les 1er et 2e bataillons restent en première ligne. Le 3e bataillon est placé derrière eux en 2e ligne.
Historique du I.R. n° 18.
Dans la nuit du 6 au 7 novembre 1914, le régiment se déplace vers la droite. Sa première ligne occupe maintenant la digue (chemin du parc), allant de la « villa blanche » (Weisse Villa) jusqu’à 300 m vers la droite. Les 2e et 3e bataillons se trouvent en réserve à quelques centaines de mètres en arrière.
Avec le 3e bataillon du 149e R.I.:
Dans la nuit, la 77e brigade arrive à Kemmel. Elle est dirigée, au matin à cheval sur la ligne Lindenhoëk-Kruisstraat-l’enfer. Elle a pour mission de reprendre les positions perdues et d’attaquer sur la direction de l’enfer. À 9 h 40 l’attaque débouche sur la route de Polka-Lindenhoëk. Elle progresse assez facilement jusqu'à la 1ère crête, puis il s’engage une vive fusillade. Vers 10 h 15, l’artillerie ennemie bombarde le village de Kemmel. Le poste de commandement de la brigade est porté à Lindenhoëk. La progression de la 70e brigade se fait lentement. À la nuit, les tranchées du 80e R.I.qui sont établies à 150 m à l’ouest de la halte de ?, ne sont dépassées que de 50 m. Au centre le 158e R.I. a avancé d’environ 600 m. À droite, la ligne s’est portée d’environ 3 à 400 m en avant.
Par suite de pertes sérieuses des éléments du 158e R.I. et du 3e B.C.P. engagés le 5 novembre (la moitié de l’effectif) les 2 compagnies du 158e R.I. sont rappelées pendant la nuit du 4 au 5 de Wulverghem. Elles sont portées sur la 1ère ligne en remplacement des débris du 2e bataillon du 158e R.I. qui se reforme à Lindenhoëk.
Extraits de l’ouvrage « Jours de gloire, jours de misère. Histoire d’un bataillon » de Henri René aux éditions Perrin et Cie. 1917.
« Le commandant réunit les officiers et les gradés, et nous explique la façon dont il comprend notre rôle : à l’ouest de la route Kemmel-Wytschaete, le front n’a pas bougé, la 11e compagnie en marque l’extrémité. À l’est, il a été rompu, il a fléchi de mille mètres. Il est en train, grâce à l’inertie des Allemands, de se rétablir tant bien que mal. Si l’ennemi, profitant de cette dernière avance, fait un « à droite en marchant », il se trouvera aussitôt derrière la 11e compagnie. La panique ne sera pas longue à se mettre dans les troupes de la division ouest, lorsqu’elles se verront ainsi tournées. La meilleure solution serait, en l’occurrence, de reporter toute la droite en avant, par une rigoureuse contre-attaque, mais le commandement n’a pas l’air d’avoir les ressources nécessaires. Il nous appartient donc à nous, « bataillon de liaison », bien que cette mission ne nous ait pas été notifiée officiellement, de créer des uns aux autres un « pan coupé » qui rétablisse la continuité du front.
Alors, pendant que le commandant va personnellement chercher la 11e compagnie pour diriger la délicate opération de « décrochage », le capitaine P… prend la direction de nos travaux ou reconnaissances de reconstruction. Nous patrouillons dans tous les sens, recherchant le contact des éléments d’ailes des divisions que nous devons relier. Nous essayons, malgré l’obscurité, de tirer parti d’un terrain complètement inconnu et d’y établir des éléments de tranchées répondant à notre mission. Mais nous sommes cent, là où il faudrait être mille ! La 9e compagnie dont nous étions séparés depuis quelques jours vient cependant nous rejoindre. Ses cadres poussent un soupir de soulagement en retrouvant leur grande famille. On leur a fait, à eux aussi et en d’autres points du champ de bataille « le coup de l’invité ». Ils espèrent, en nous ralliant obtenir un repos mérité. Amère désillusion…
J…, l’ami personnel du commandant, et que tout le monde au bataillon appelle du même nom d’affection familière « notre Alfred » m’exprime son mécontentement. Il vient d’être roulé brutalement par une explosion de gros obus, quelques minutes avant de nous rejoindre…
Pendant trois jours et trois nuits, nous avons résisté sur la nouvelle ligne sans faiblir. Les Allemands se sont vengés de notre rétablissement inattendu par une recrudescence de feux : pensaient-ils donc que nous allions nous enfuir ? S’ils le croyaient, pourquoi se sont-ils arrêtés ?
Bien mieux, il s’en est fallu de peu que nous reprenions nos positions du 5 novembre. »
Du côté des Allemands :
Historique du R.I.R. n° 20 .
Repos à Comines (du 6 au 7 novembre 1914).
Jusque tard dans la matinée du 6 novembre, les combattants de notre R.I.R. n° 20 ont pu récupérer un sommeil bien mérité, après les terribles combats de ces derniers jours et nuits. Les piètres restes du régiment se mettent à retrouver un aspect humain leur permettant de se sentir nettement mieux dans leur peau. Nous avons mis de l'ordre dans les compagnies. Les pertes subies ont été relevées. Les égarés et les dispersés sont rentrés pour rejoindre leur corps d'origine. Durant ces cinq journées de combats successifs, le 20e a perdu presque la moitié de ses sous-officiers et hommes de troupe, et presque les trois quarts de son corps d'officiers (morts et blessés). La 4e compagnie qui est entrée dans la bataille avec un effectif de 246 hommes, n'en compte plus que 88 qui sont restés indemnes. Son chef ainsi qu'un Offizierstellvertreter sont blessés, un chef de section est tué. C'est à ce moment-là qu'est arrivé le premier renfort du dépôt. Il est immédiatement reparti sur les trois bataillons. Nous n’avons plus jamais atteint un effectif de combat aussi complet qu'avant l'assaut de Wytschaete qui était de 250 hommes.
Durant ces jours, il a été procédé à l'attribution des premières croix de fer de 2e classe au régiment. Pour leur conduite et leur énergie, le Hauptmann Friedrich Rentsch ainsi que le Leutnant Rudolph avaient fait preuve à Wytschaete le 3 novembre (tous deux appartenaient à la 2e compagnie), le premier a été décoré par notre général de division, Excellence von Speidel en personne, le second par le Generalmajor Schieler commandant notre brigade. Tous deux ont eu droit à des éloges de la part de leurs supérieurs.
Références bibliographiques :
Pour les Allemands :
Historique du I.R. n° 17. Schick. München 1927.
Historique du I.R. n° 18. Bayer. Kriegsarchiv. München 1926.
Historique du I.R. n° 105. Baensch-Stiftung. Dresden 1929.
Historique du I.R. n° 132. Berlin 1932.
Historique du I.R. n° 126. Belser. Stuttgart 1929.
Historique du I.R. n° 171. Stalling. Oldenburg 1927.
Historique du I.R. n° 172. Sporn. Zeulenroda 1934.
« R.I.R. Bavarois n° 20 ». Écrit en 1964 par l’association des anciens du K.B. R.I.R. n° 20. (306 pages). Ouvrage resté jusqu’à ce jour inédit provenant de la collection Herman Plote.
Tous ces historiques proviennent de la collection Herman Plote. Les traductions en français ont été réalisées par Herman Plote.
Pour les Français :
J.M.O. de la 33e brigade : Série 26 N 505/3.
J.M.O. du 53e R.I. : Sous-série 26 N 644/5.
J.M.O. du 90e R.I. : Sous- série 26 N 668/14.
Tous ces J.M.O. sont consultables sur le site « S.G.A./Mémoire des hommes».
« Jours de gloire, jours de misère. Histoire d’un bataillon », d’Henri René aux éditions Perrin (1917).
Pour en savoir plus :
« En avant quand même ! Le 53e R.I. de Perpignan dans la tourmente de la 1ère guerre mondiale ». Livre de Renaud Martinez. Publier aux Éditions l’Agence. 2007.
Un très grand merci à M. Bordes, à P. Casanova, à A. Carobbi, à J. Charraud, à J. Huret, à H. Plote, à M. Porcher ainsi qu’au Service Historique de l’Armée de Terre de Vincennes.