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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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27 mai 2022

Louis Céleste Gabriel Canon (1875-1916)

Louis Celeste Gabriel Canon

 

Enfance et jeunesse

 

Louis Céleste Gabriel Canon voit le jour le 6 février 1875, à Villers-sur-Illon, dans le département des Vosges. Son père, Marie Émile, âgé de 24 ans, travaille comme tailleur d’habits dans une petite entreprise familiale. Sa mère, Marie Lucie Aubertin, âgée de 21 ans, élève déjà un garçon. Le couple Canon n’aura pas d’autre enfant. Gabriel perd son père à l’âge de 14 ans.

 

 

La fiche signalétique et des services de Gabriel Canon ne mentionne pas son degré d’instruction. Sa mère décède lorsqu’il a 22 ans.

 

Une longue carrière dans la coloniale

 

Le 22 février 1896, Gabriel Canon signe un contrat d’une durée de trois ans avec l’armée à la mairie de Dompaire. Il choisit l’armée coloniale. Le futur marsouin traverse la France d’est en ouest pour gagner la ville de Cherbourg. Gabriel Canon débute sa formation de soldat au 1er régiment d’infanterie de marine à partir du 25 février 1896.

 

Le 1er avril 1897, il est muté au bataillon de Paris. Le soldat Canon assiste aux cours dispensés aux élèves caporaux en tant qu’engagé. Il est nommé dans ce grade le 15 octobre 1898.

 

Une semaine auparavant, Gabriel Canon a signé un 1er réengagement, prolongeant ainsi sa carrière militaire pour les 3 années à venir.

 

Le 1er novembre 1898, il est affecté au 10e régiment d’infanterie de marine. Le caporal Canon se prépare à embarquer pour un long périple en mer qui doit le mener jusqu’au Tonkin, en Indochine.

 

10e R

 

Rengagé pour une durée d’un an en août 1901, il signe à nouveau pour 5 ans le 10 mars 1902.

 

Bénéficiant d’un congé de six mois, Gabriel Canon est de retour en France au début de l’année 1903. Il est rattaché au 1er R.I.C. durant toute cette longue période de vacances. De retour au Tonkin, le caporal Canon réintègre le 10e régiment d’infanterie colonial en août 1903.

 

Il est muté au 2e régiment de tirailleurs tonkinois à partir du 2 mars 1904 ; il bénéficie d’une première autorisation ministérielle pour accomplir une 3e année puis d’une seconde autorisation pour effectuer une 4e année aux colonies. Le 19 avril 1907, il se réengage pour une durée de 3 ans.

 

De retour en France en novembre 1907, le caporal Canon a de nouveau droit à un congé de six mois. Le 15 mai 1908, il réintègre le 2e régiment de tirailleurs tonkinois avec le grade de sergent.

 

Gabriel Canon est nommé adjudant le 1er juin 1910. Affecté au 5e régiment d’infanterie colonial, il rejoint la métropole le 24 juin 1911. Âgé de 36 ans, le sous-officier Canon fait valoir ses droits à une pension proportionnelle calculée sur la base de 40 ans, 11 mois et 19 jours de service actif.

 

Libéré de ses obligations militaires avec l’obtention de son certificat de bonne conduite, il passe dans la réserve de l’armée à compter du 11 juin 1911.

 

Il se retire à Ville-sur-Illon avec une pension mensuelle de 1240 francs.

 

Rattaché militairement au 149e R.I., Gabriel Canon espère obtenir un emploi réservé en postulant pour un poste de receveur buraliste de 1ère classe. Il est décoré de la Médaille militaire le 30 décembre 1911.

 

Au 149e R.I.

 

L’ancien colonial est rappelé à l’activité militaire par décret de mobilisation du 1er août 1914. Gabriel Canon se présente à la caserne Courcy dès le lendemain.

 

Il passe une longue période au dépôt du 149e R.I. régiment. L’adjudant Canon est promu sous-lieutenant à titre temporaire à partir du 14 décembre 1914 suite à un décret présidentiel pris le 16 décembre.

 

Cette promotion entraîne son départ du village de Rolampont le 3 janvier 1915. Il fait partie d’un petit groupe de renfort principalement composé d’officiers et de sous-officiers.

 

Le sous-lieutenant Canon doit rejoindre le régiment actif installé depuis peu dans le département du Pas-de-Calais. Le lieutenant-colonel Gothié l’affecte à la 3e compagnie de son régiment dès son arrivée.

 

Sa première expérience combattante au sein du 149e R.I. est de courte durée. Gabriel Canon est blessé le 29 janvier 1915.

 

La date de son retour en 1ère ligne n’est pas connue. Nous savons simplement qu’il a été réaffecté au 149e R.I. après son rétablissement.

 

Le 10 mai 1915, il est nommé sous-lieutenant à titre définitif.

 

Le 149e R.I. est envoyé d’urgence à Verdun en mars 1916. À la tête de la 4e compagnie, le lieutenant Canon participe aux violents combats qui se déroulent autour et dans le village de Vaux-devant-Damloup.

 

Souffrant d’une sévère crise de dysenterie, il reste indisponible durant plusieurs jours. Cette situation ne l’empêchera pas d’être décoré de la Légion d’honneur pour ses actions d’éclat menées au cours des combats.

 

Suite à une décision ministérielle prise le 13 avril, Gabriel Canon est promu capitaine à titre temporaire à compter du 7 avril 1916.

 

Le 149e R.I. laisse derrière lui le secteur de Verdun à la mi-avril 1916.

 

Pour en savoir plus sur l’engagement du 149e R.I. dans le département de la Meuse, il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant.

 

Verdun

 

Le régiment est au repos quelques jours à Landrecourt. Il prend ensuite position en Champagne dans un secteur situé entre les buttes de Tahure et celles de Mesnil, près des Deux-Mamelles.

 

Le 149e R.I. s’installe dans le département de la Somme en août 1916. Il doit reprendre le village de Soyécourt aux Allemands. Le 4 septembre, Gabriel Canon lance sa 1ère compagnie à l’attaque.

 

Il est tué d’une balle dans la tête au moment où il dirige les travaux d’organisation de la position conquise.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de la journée du 4 septembre 1916, il suffit de cliquer une fois sur la photographie suivante.

 

Photo aerienne Soyecourt

 

Le sergent fourrier Joseph André Gérardin et le soldat Robert Georges Hémon confirment son décès auprès de l’officier d’état civil du 149e R.I..

 

Le capitaine Canon est dans un premier temps inhumé au cimetière militaire d’Harbonnière. 

 

Decorations capitaine Canon

 

Décorations obtenues :

 

Médaille militaire (J.O. du 18 août 1911)

 

Médaille coloniale agrafe du Tonkin

 

Un portrait représentant le capitaine Canon prouve qu’il a été décoré de la croix de guerre avant son décès. La valeur et le contenu de sa ou de ses citations ne sont pas connus.

 

Citation à l’ordre de l’armée (J.O. du 19 février 1917) :

 

« Officier d’une bravoure à toute épreuve, s’est fait remarquer à l’attaque du 4 septembre 1916 par son énergie. Tué glorieusement d’une balle au front au moment où, avec le plus grand calme et le plus grand sang-froid, il dirigeait les travaux d’organisation de la position conquise. »

 

Gabriel Canon a été fait chevalier de la Légion d’honneur le 4 mai 1916 (J.O. du 5 mai 1916).

 

«Nombreuses campagnes coloniales. Commande une compagnie avec calme, un sang-froid et une compétence remarquables. A donné au cours des opérations de février-mars 1916, à l’attaque d’un village, un bel exemple d’entrain, d’énergie et de courage. A déjà reçu la Croix de guerre. »

 

Son nom est inscrit sur le monument aux morts et sur la plaque commémorative de l’église Saint-Sulpice de la commune de Ville-sur-Illon.

 

Gabriel Canon possède un dossier peu fourni dans la base de données « Léonore ».

 

Le capitaine Canon ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance. Son corps a probablement été restitué à la famille dans les années 1920.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services du capitaine Canon, les registres d’état civil et les registres de recensement de la commune de Ville-sur-Illon ont été consultés sur le site des archives départementales des Vosges.

 

Le dossier individuel du capitaine Canon n’a pas été retrouvé au Service Historique de la Défense de Vincennes.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales des Vosges.

20 mai 2022

Du 28 octobre au 11 novembre 1918

Decoration du drapeau

 

Le 149e R.I. vient de quitter le champ de bataille après deux jours de combat dans le secteur de Saint-Quentin-le-Petit et Banogne. Les pertes ont été minimes grâce à l’appui des chars. Les nombreux engagements menés depuis la fin du mois de septembre 1918 ont épuisé les hommes. Chacun attend le repos bien mérité.

 

28 octobre 1918

 

Le 149e R.I. a été relevé par le 170e R.I. dans la nuit du 27 au 28 octobre. Les bataillons du lieutenant-colonel Vivier s’établissent à Brienne en attendant les nouveaux ordres.

 

29 octobre 1918

 

Les bataillons ont été répartis dans les mêmes cantonnements occupés avant la bataille de la Hunding-Stellung. La troupe apprend avec satisfaction et soulagement son départ vers l’arrière. Elle a hâte de s’éloigner de la zone des combats.

 

30 octobre 1918

 

Le régiment quitte Brienne vers 8 h 00. Les bataillons du 149e R.I. rejoignent l’arrière par les chemins de campagne. Ils traversent Pignécourt, Bertricourt, Berméricourt et Loivres avant de faire la grand-halte à proximité de Reims.

À 16 h 00, le régiment est massé place du Parvis, face à la cathédrale de Reims. Le général Maistre décore son drapeau de la fourragère aux couleurs de la Médaille militaire. Plusieurs hommes sont également récompensés à titre individuel. Le régiment défile devant les instances officielles avant de s’installer pour la nuit à Saint-Brice.

31 octobre 1918

 

 

Le véritable repos n’est toujours pas au rendez-vous. Il va de nouveau falloir user les godillots sur les routes champenoises. Les hommes du lieutenant-colonel Vivier se préparent à effectuer une étape de 27 km. La marche débute aux alentours de 7 h 00. Les fantassins, épuisés par les combats des jours précédents, laissent leurs sacs à dos qui seront transportés par camions. Ils passent par le faubourg de Vesle, le mont Chenot, et la forêt de la montagne de Reims. La grand-halte s’effectue un peu avant Dizy-Magenta.

 

En début d’après-midi, les compagnies se remettent en ordre aux abords de Cumières. Elles défilent dans le village, musique en tête. Le 149e R.I. prend ensuite ses quartiers dans cette petite commune.

 

Du 1er novembre au 5 novembre 1918

 

Le régiment cantonne à Cumières durant toute cette période.

 

6 novembre 1918

 

Carte 3 de Cumieres a Ludes

 

Les unités de la 43e D.I. reçoivent de nouveaux ordres. Il faut remonter vers la zone des combats. Le 149e R.I. prend la direction de Ludes vers 6 h 30, sous une pluie battante. Il traverse Dizy-Magenta, Villers-Allerand et Rilly-la-Montagne avant de rejoindre Ludes en début d’après-midi.

 

7 novembre 1918

 

 

Le 149e R.I. quitte Ludes en direction du fort de Brimont. Le départ a lieu à 7 h 30. Les bataillons du régiment suivent un itinéraire passant par Cormontreuil et Reims. Le fort de Brimont est atteint vers 16 h 00.

 

8 novembre 1918

 

 

Le 149e R.I. reprend la route à 6 h 00. Il laisse derrière lui le fort de Brimont pour rejoindre la ferme Tremblot. Les compagnies passent par Neufchâtel et Enreguicourt. Elles longent l'ancien bivouac du bois d’Avaux. La ferme du Tremblot est atteinte à 13 h 00. La ferme, épargnée par les bombardements, est grande comme un hameau. Elle peut loger tout le régiment.

 

9 novembre 1918

 

La troupe a droit à une journée de repos.

 

10 novembre 1918

 

Carte 6 de la ferme Tremblot a Remaucourt

 

Le 149e R.I quitte la ferme Tremblot à 7 h 00. Il passe par Villers-le-Thaur, Banogne et Recouvrance, les communes devant lesquelles s’est brisée l’attaque française des 25 et 26 septembre 1918. La grand-halte a lieu près de Chaudion.

 

Les routes ont été très endommagées par les combats des jours précédents. Cette situation provoque de nombreux embouteillages.

 

Les bataillons du lieutenant-colonel Vivier arrivent à Remaucourt vers 15 h 40.

 

11 novembre 1918

 

Les hommes du 149e R.I. cantonnent toujours à Remaucourt lorsqu’ils apprennent la fin des hostilités.

 

Sources :

 

Témoignage inédit de l’abbé Henry

 

Témoignage inédit du médecin sous-aide major Raymond Bonnefous

 

Historique du 149e R.I. (version luxe) Épinal, Imprimeries Klein, 1919.

 

Les photographies présentées sur le montage ont été publiés dans la version « luxe » de l’historique du 149e R.I..

 

Le premier cliché est légendé « la remise au 149e de la fourragère aux couleurs de la Médaille militaire devant la cathédrale », le second « revue de Reims, le général Maistre donne une accolade au colonel Vivier ».

 

Un grand merci à N. Bauer, à M. Bordes, à A. Carobbi, à J.L. Poisot et au S.H.D. de Vincennes. 

13 mai 2022

Gédéon Charles Noël Saléry (1887-1916)

Gedeon Charles Noel Savery

 

Gédéon Charles Noël Saléry est né le 25 décembre 1887 à Metgès, un petit hameau rattaché à la commune de Sumène, dans le département du Gard.

 

Son père, Eugène, âgé de 37 ans, exploite des terres agricoles. Sa mère, Marie Valérie Toureille, âgée de 31 ans, n’exerce pas d’activité professionnelle. Deux filles sont déjà nées de cette union. Un quatrième enfant naîtra en 1891.

 

Genealogie famille Salery

 

La fiche signalétique et des services de Gédéon Saléry indique un degré d’instruction de niveau 3. L’adolescent sait lire, écrire et compter lorsqu’il laisse son pupitre d’écolier derrière lui.

 

Sumene

 

Après sa période de scolarité obligatoire, Gédéon travaille sur les terres familiales en tant que cultivateur. Le registre de recensement de la commune de Sumène de l’année 1906 confirme sa présence au domicile parental en tant que travailleur de la terre.

 

Inscrit sous le n° 49 de la liste de la classe 1908, Gédéon Saléry est déclaré « bon pour le service armé » par le conseil de révision réuni à la mairie de Sumène.

 

Début octobre 1908, le jeune homme quitte la vallée de Recodier pour effectuer son temps de conscription au 55e R.I., un régiment qui tient garnison à Pont-Saint-Esprit et à Aix.

 

L’année suivante, Gédéon est nommé soldat de 1ère classe. Le 1er octobre 1910, il passe dans la réserve de l’armée active après avoir obtenu son certificat de bonne conduite.

 

Le 24 avril 1912, Gédéon Saléry épouse Julia Augusta Marie Antoinette Sauzet à Saint-Roman-de-Codières.

 

Il effectue sa 1ère période d’exercice dans son ancien régiment entre le 25 août et le 17 septembre 1912.

 

Rappelé à l’activité militaire à la déclaration de la guerre, il réintègre le 55e R.I. le 3 août 1914.

 

Les informations fournies par sa fiche signalétique et des services ne permettent pas de reconstruire son parcours militaire au sein de ce régiment. Il est simplement indiqué une affectation au 149e R.I. à la date du 18 mars 1916.

 

Le soldat Saléry a peut-être  été envoyé, avec un groupe de renfort, du  dépôt du 55e R.I. au 149e R.I., pour combler les pertes de ce régiment liées à la bataille de Verdun.

 

Hélas, les citations et les blessures éventuelles reçues par ce soldat n’ont pas été inscrites sur son registre matricule ;  nous resterons donc dans l’incertitude.

 

Arrivé dans la Meuse, le soldat Saléry est affecté à la 10e compagnie du 149e R.I..

 

Le 4 septembre 1916, Gédéon Saléry est tué au cours d’une attaque visant la reprise du village de Soyécourt, dans le département de la Somme.

 

Pour en apprendre d’avance sur les évènements qui se sont déroulés durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la photographie suivante.

 

Photo aerienne Soyecourt

 

Le soldat Saléry a été enregistré au tableau spécial de la Médaille militaire à titre posthume en 1922 (J.O. du 11 août).

 

« Brave soldat, tombé glorieusement pour la France le 4 septembre 1916 en accomplissant son devoir à l’attaque du village fortifié de Soyécourt. »

 

Cette inscription lui donne également droit au port de la croix de guerre avec une étoile d’argent.

 

Son nom a été gravé sur le monument aux morts de la commune de Surème et sur les plaques commémoratives de la mairie et de l’église de Saint-Roman-de-Codières.

 

La descendance et le lieu de sépulture du soldat Saléry n’ont pas été retrouvés. Une plaque « in memoriam » a été déposée sur la tombe familiale au cimetière de Sumène.

 

Sources :

 

Les actes d’état civil concernant la famille Saléry, la fiche signalétique et des services du soldat Gédéon Saléry et les registres de recensement de la commune de Sumène correspondant aux années 1896, 1901 et 1906 ont été consultés sur le site des archives départementales du Gard.

 

Le portrait du soldat Saléry a été trouvé sur le site « MémorialGenWeb »

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi et aux archives départementales du Gard.

6 mai 2022

Une image spectaculaire

Un appareil de l'escadrille F 60 survole Soyecourt

 

Le 4 septembre 1916, un avion de reconnaissance français appartenant à l’escadrille F 60 vole au-dessus de Soyécourt. Au sol, les unités de la 43e D.I. sont sorties des tranchées pour tenter de reprendre le village.

 

À bord de l’appareil, le mitrailleur-photographe effectue plusieurs prises de vue…

 

Le travail suivant a entièrement été réalisé par Arnaud Carobbi. La photographie aérienne étudiée provient de la collection personnelle de Sébastien Robit.

 

Une image spectaculaire 

 

Image 1

 

Dans le choix du mot « spectaculaire », il y a l'idée de se retrouver face une image « qui frappe la vue, l'imagination par son caractère remarquable, les émotions, les réflexions suscitées ». Cette définition, extraite du site du Trésor de la Langue Française Informatisé, s’adapte parfaitement à la photographie aérienne présentée ici.

 

Les images prises au cours d'un assaut sont rares. La plupart d’entre elles sont souvent sujettes à caution : reconstitution ? Légendes truquées ? Légende contradictoire d'un livre à un autre. Finalement, les clichés réellement authentifiés, pris au cours d'une attaque, sont assez uniques.

 

La photographie en question exécutée par l’avion de reconnaissance survole les troupes françaises au cours de l’attaque. On y voit des soldats progresser dans des tranchées, dans des boyaux et dans le no man's land.

 

C’est une image peu commune, à la fois par son mode de prise de vue et par sa datation, mais surtout par la précision de l'heure. Ces informations permettent d'en savoir beaucoup plus. Elles montrent à quel point le mot « spectaculaire » est adapté, sans pour autant être exceptionnel.

 

Nous allons déterminer dans quel contexte cette vue oblique a été réalisée et tenter de répondre à la question : s'agit-il d'hommes du 149e R.I ?

 

Se repérer 

 

Les lieux visibles sur une photographie aérienne sont la plupart du temps difficiles à identifier. Heureusement, des annotations étaient systématiquement ajoutées sur les clichés. Ici, elles nous seront d'une grande utilité.

 

Petit tableau escadrille F 60

 

L’indication « tranchée des Gémeaux, Soyécourt » permet de localiser le secteur…

 

Image 2

 

… de nommer les tranchées visibles, de voir leur forme caractéristique et de repérer les boyaux de communications allemands...

 

Image 3

 

… de délimiter l'espace sur une autre vue aérienne, ce qui facilitera la comparaison d'un même lieu à quelques jours d'intervalle.

 

Tranchées des Gémeaux le 31 août 1916

 

Pour en savoir plus sur la prise de vue réalisée le 31 août 1916, il suffit de cliquer une fois sur la photographie suivante.

 

Image 4

 

Un secteur dans les combats de la bataille de la Somme 

 

Le 4 septembre 1916, commence une nouvelle phase d'attaques françaises dans ce secteur, situé à l'extrême sud de la zone, où se déroule la bataille de la Somme depuis le 1er juillet. Voici la partie du front avant le 21 juillet 1916... 

 

Image 5

 

 … et le tracé de la tranchée des Gémeaux.

 

Image 6

 

Le 21 juillet, le front progresse vers Soyécourt. Avant cette date, la tranchée des Gémeaux n'était qu'une ligne arrière. Elle se retrouve maintenant en 1ère ligne et doublée. De ce fait, son nom devient plus cohérent : les Gémeaux Castor et Pollux de la mythologie grecque symbolisent la gémellité (à noter qu'on trouve également une tranchée Jupiter non loin, plus au sud).

 

Le 19 août, les régiments de la 43e D.I. relèvent ceux de la 51e D.I. Une nouvelle attaque est prévue pour le 4 septembre.

 

Image 7

 

Chaque unité de la 43e D.I. (149e R.I., 3e et 10e B.C.P. pour la 85e Brigade ; 158e R.I., 1er et 31e B.C.P. pour la 86e Brigade) s'est vue attribuer un secteur et un couloir de progression avec les objectifs à atteindre.

 

Ces couloirs de progression ont une importance capitale. Ils permettent l’identification de l'unité ayant pris le contrôle de la tranchée des Gémeaux. Il ne s'agit pas du 149e R.I., mais du 31e B.C.P..

 

À 14 h 00, les hommes sont sortis des tranchées françaises situées à la limite gauche de la photographie aérienne.  Elles restent invisibles.

 

Le bombardement préparatoire, commencé le 28 août, a fait son effet. Lorsque nous comparons les photographies du 31 août et du 4 septembre, le nombre de cratères visibles entre le premier et le second cliché est éloquent. La mise en parallèle des deux prises de vues permet de se faire une idée concrète de ce que pouvait être le  résultat d'un tel tir. Plusieurs obus, manifestement tombés sur les tranchées allemandes, donnent des éboulements significatifs.

 

 

Les tranchées ont été rapidement conquises les unes après les autres (le J.M.O. de la 43e D.I. indique que l'avancée s’est réalisée au maximum sur 1700 mètres en 35 minutes ! ).

 

Les chasseurs se sont enfoncés dans le dispositif allemand. Il en est de même pour les hommes des unités voisines. Le 31e B.C.P. atteint les dernières maisons de Soyécourt dès 14 h 14.

 

Le 149e R.I. signale la conquête du village à 15 h 04. La résistance allemande ne se durcira que plus loin.

 

Dans la mesure où la vue aérienne a été réalisée à 16 h 00, les hommes visibles sur le cliché ne font pas partie de la 1ère vague d’assaut.

 

Ces soldats se déplacent dans la zone de front reprise aux Allemands au cours des toutes premières minutes de l'attaque. Ce sont des chasseurs du 31e B.C.P., des soldats du 149e R.I. voisin et des soldats du génie... En tout cas, il ne s'agit pas des chasseurs du 1er B.C.P., placés en réserve de division. La moitié d’entre eux prendra place dans les tranchées de départ aux alentours de 18 h 30 et l'autre moitié restera à Herleville.

 

Le J.M.O. de la 86e Brigade chargé de ce secteur indique :

 

« À 15 h 30, le colonel commandant la brigade donne à son bataillon de réserve de brigade l'ordre suivant... ». Ce bataillon de réserve appartient au 158e R.I.. Il  doit se mettre en relation avec le commandant du 31e B.C.P.. Il est donc fort probable que ces hommes constituent une partie des renforts destinée au 31e B.C.P., donc des hommes du 2e bataillon du 158e R.I..

 

À vrai dire,  les choses ne sont pas si simples. Sur la photographie, nous voyons nettement deux groupes. L’un d'entre eux est clairement situé dans le secteur attribué au 149e R.I., dans les 50 mètres longeant la rue ouest de Soyécourt et mentionnés par le J.M.O. de la 85e brigade.

 

Il pourrait très bien s'agir de fantassins du 158e R.I. en bas de l'image et d'hommes du 149e R.I. le long du village. Hélas, il n'y a pas de sources suffisamment précises pour confirmer cette hypothèse concernant les hommes du 149e R.I..

 

Voici une proposition d'interprétation de la photographie 

 

Image 9

 

Du fait au ressenti 

 

En l'absence de reconnaissance absolue de l'unité, il reste l'identification (dans le sens d'immersion) que peut percevoir l'observateur d'aujourd'hui. Comme il a déjà été dit précédemment, il est peu courant de voir ainsi des hommes un jour d'assaut, fussent-ils de la 3e vague ou de renfort.

 

En observant, on peut mettre des images plus précises sur les récits d'attaques que l'on a pu lire sur le secteur, ou sur la période en général : un village qui n'est pas rasé puisqu'on y voit encore des bâtiments, des haies, des chemins et des routes.

 

Ici, la guerre n'a pas tout pulvérisé comme ce fut le cas pour plusieurs villages de la Meuse.

 

La préparation d'artillerie a tout de même détruit des bâtiments qui possédaient encore leurs toitures quelques jours auparavant. Désormais, ils ne sont reconnaissables que par les encadrements de portes et de fenêtres.

 

Image 10

 

Il en est de même pour le no man's land qui ne ressemble en rien à la série continue de cratères visibles dans plusieurs secteurs de Verdun. Certes, il est bouleversé, mais ses tranchées ne sont pas totalement rasées.

 

Ces hommes viennent des premières lignes françaises. Ils se dirigent vers la zone des combats située à plus d'un kilomètre. On remarque qu'ils sont en général par groupes de quinze environ. Hélas, ils ne sont représentés que par quelques pixels. Ces soldats restent des formes fantomatiques difficiles à dénombrer.

 

Image 11

 

Les soldats rassemblés par petits groupes suivent des parcours identiques le plus souvent sans passer par le no man's land. C'est notable pour le groupe qui longe les maisons de Soyécourt en haut de la photographie.

 

Image 12

 

Comment faut-il interpréter les quelques isolés visibles ? Se pourrait-il que ce soit les victimes des combats ? Et ces volutes de fumée ? Marquent-elles l'emplacement d'obus qui viennent de tomber ? Si c'est le cas, ils sont arrivés à proximité des groupes d'hommes. Où alors s'agit-il des fumées de feux allumés une heure plus tôt, au cours des combats ?

 

Que se passe-t-il après 16 h 00 ?

 

En regardant cet instantané, il faut également imaginer les hommes avancés vers une zone beaucoup plus dangereuse. Ils subiront un peu plus tard les bombardements allemands et les violentes contre-attaques ennemies. Les pertes subies seront sensibles dans la nuit du 4 au 5 septembre 1916.

 

Que devient la tranchée des Gémeaux après les combats ? Si elle apparaît encore dans une carte du 1er décembre 1916, elle est en pointillés : elle n'est plus utilisée et se comble peu à peu.

 

Image 13

 

Après le conflit 1914-1918

 

Le village de Soyécourt fut reconstruit après guerre. Les traces du conflit ont été effacées pour rendre les terres à leur fonction première : l'agriculture.

 

Image 14

 

Sur une photographie aérienne de 1947, on ne perçoit plus rien mis à part dans le bois Trink voisin. Ce dernier n'a pas survécu au remembrement et aux nécessités de remettre en culture davantage de terres. Il a été rasé après les années 1960, ainsi que les traces qu'il conservait encore.

 

Image 15

 

En réalité, il reste encore quelques stigmates visibles lorsque les conditions météorologiques sont favorables, et le souvenir, dans cette série d'articles sur ces combats.

 

Sources :

 

(Il faut cliquer une fois sur les images suivantes pour accepter directement aux pages des J.M.O. concernant la journée du 4 septembre 1916).

 

- J.M.O. de la 43e D.I., 26N344/5. et- J.M.O. de la 85e Brigade, 26N520/12.

 

JJ

 

- J.M.O. de la 86e Brigade, 26N520/14. et J.M.O. du 31e B.C.P., 26N826/27.

 

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- J.M.O. du 1er B.C.P., 26N/815/2 et J.M.O. du 158e R.I., 26N700/13.

 

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- J.M.O. de la 5e batterie du 62e RAC, 26N1017/22.

 

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Le dessin a été réalisé par I. Holgado

 

La photographie aérienne provient du fonds S. Robit

 

L’insigne de fuselage  de l’escadrille F 60 a été trouvé sur le site de Denis Albin.

 

Remerciements :

 

Alors qu'habituellement c'est lui qui adresse ses remerciements dans ses articles, à mon tour de le faire ! Un grand merci à Denis pour m'avoir laissé l’opportunité de travailler sur cette photographie. Merci à Sébastien Robit de lui avoir laissé la possibilité de publier des travaux à partir de clichés qu'il possède (A. Carobbi).

 

Un chaleureux merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à S. Robit et au S.H.D. de Vincennes

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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