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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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19 mars 2021

Les adjudants-chefs et les adjudants du 149e R.I. de 1911 au baptême du feu

Les adjudants du 149e R

 

Il est souvent difficile de distinguer sur une photographie en noir et blanc un sous-lieutenant d'un adjudant. L'adjudant fut le grade le plus élevé parmi les sous-officiers jusqu'à la création de celui d’adjudant-chef en 1912. Le sous-lieutenant est le premier grade des officiers. Les différences d’uniformes entre ces deux fonctions d’encadrement ne sont pas toujours évidentes à discerner.

 

Retrouver les adjudants sur les photographies du 149e R.I. d’avant-guerre

 

S'ils sont compliqués à reconnaître sur des images, il est toutefois possible d'en retrouver la trace dans les albums régimentaires d'avant-guerre et de suivre le parcours de certains à partir de la mobilisation. C’est l’album régimentaire du 149e R.I. de l’année 1911 qui va nous servir de base pour cette recherche.

 

En dehors des officiers supérieurs qui sont tout en haut de la pyramide hiérarchique, il n’est pas rare de voir des hommes bien plus âgés que d’autres sur les photographies qui figurent dans cet album. Certains ont même les bacchantes un peu grisonnantes ! Nous sommes en présence des  adjudants.

 

Les adjudants du 149e R

 

Les douze portraits représentés sur les deux montages précédents sont extraits de la photographie de groupe des sous-officiers de cet album.

 

Photographie des sous-officiers du 149e R

 

En dehors de la silhouette caractéristique du sous-chef de musique Drouot, il n’a pas toujours été simple de retrouver la compagnie d’appartenance pour plusieurs de ces sous-officiers, d’autant plus que certains d’entre eux sont des adjudants de bataillon.

 

Les liens « portraits/compagnies » ont également été compliqués à faire en raison du flou lié à un agrandissement important, d’un changement de posture, d’une modification dans la tenue vestimentaire, ou encore d’une tête tournée, tantôt à droite, tantôt à gauche.

 

Les adjudants du 149e R

 

Les portraits suivants proviennent tous des clichés des compagnies du 149e R.I. réalisés la même année. Ces visages complètent en grande partie le nombre d’adjudants qui se trouvaient au sein du régiment moins de trois ans avant le début des hostilités contre l’Allemagne en août 1914.

 

Les adjudants du 149e R

 

Mis à part les nominations au grade d’adjudant-chef (grade qui fut créé en 1912), l’avancement de quelques sergents rengagés à la fonction d’adjudants et la fin d’un contrat non renouvelé pour certains, il y a fort à parier qu’il n’y a pas eu beaucoup de changement dans l’équipe des adjudants depuis leur passage devant l’objectif en 1911 jusqu'à l’orée du conflit. Ce ne fut pas le cas pour les officiers.

 

Les mutations à ce niveau de grade étaient fort rares, voire inexistantes. Ces hommes devaient connaître tous les rouages de la caserne pour mener à bien leur tâche. Ce qui était chose facile lorsqu’ils avaient fait la presque totalité de leur carrière dans le même régiment.

 

Les adjudants s’occupaient essentiellement de l’administratif, du matériel et de la surveillance des hommes. Malgré le nombre d’années conséquent à porter l’uniforme, ces « vieux » soldats n’eurent jamais la possibilité d’être promus officiers. Leur niveau scolaire ne leur permettait pas de tenter le concours d’entrée de l’école de Saint-Maixent.

 

Si ces sous-officiers s’étaient à nouveau fait photographier dans le but de figurer dans les albums des années 1912 et 1913, à quelques exceptions près, la configuration du cliché aurait été à peu près identique à celle de l’année 1911.

 

Les tableaux suivants indiquent les noms de quelques sous-officiers rattachés à leurs compagnies, juste avant l’ordre de mobilisation générale en août 1914.

 

 

La place des adjudants-chefs et des adjudants dans l'encadrement en 1914

Les effectifs du régiment à la mobilisation

 

Les compagnies ont un effectif de temps de paix lorsque le 149e R.I. reçoit l’ordre de se diriger vers la frontière le 1er août 1914. Ce jour-là, ce 1er échelon composé de soldats de la classe 1911, 1912 et 1913 quitte la caserne Courcy. Le 149e R.I. fait partie des troupes de couverture. Trois sous-lieutenants de réserve sont arrivés à temps pour être incorporés à l’équipe des cadres. À cette date, un grand nombre de sections reste toujours sous l’autorité des sous-officiers. 

 

 

Les effectifs sur pied de mobilisation

 

Les réservistes commencent à affluer au dépôt d’Épinal pour être équipés. Ces hommes, qui constituent le 2e échelon, rejoignent le 1er échelon le 4 août à Vanémont. Celui-ci est encadré par une quinzaine d’officiers. 

 

 

Les effectifs de guerre

 

Le régiment est maintenant au complet. Les officiers réservistes et ceux qui étaient restés au dépôt prennent le commandement d’une section. Ils se substituent ainsi aux sous-officiers qui passent maintenant sous leurs ordres. Trois Saint-Cyriens et deux Saint-Maixantais, arrivés dans la soirée, viennent compléter l’équipe des cadres.

 

Treize sections, voire quatorze, sont toujours sous l’autorité de sous-officiers. Elles le resteront jusqu’au 1er engagement du régiment qui aura lieu au Renclos des vaches, près de Wisembach, le 9 août 1914.

 

 

Il y a de fortes probabilités pour que les noms inscrits dans les cases grises soient bien ceux des sous-officiers qui ont commandé une section à la veille du baptême du feu reçu le 9 août 1914, mais ce n’est pas une certitude. Les fiches matricules et les citations obtenues par ces hommes, qui ont été pour la plupart retrouvées, ne sont pas assez précises pour l’affirmer complètement.

 

Destin de quelques adjudants

 

Adjudant Jean Cerclier

 

Une lettre rédigée le 13 août 1915 par le sous-lieutenant Louis Joseph Demangeon nous éclaire un peu plus sur le devenir de certains d’entre eux.

 

Cette correspondance est adressée à son camarade de régiment, l’adjudant Cerclier. Ce sous-officier d’active est en captivité depuis bientôt un an. Il  n’a pas eu de nouvelles du régiment depuis qu’il a été fait prisonnier.

 

Épinal, 13 août 1915

 

Mon cher Jean,

 

Je viens de rencontrer ta belle sœur qui m’a fait part de ton désir et je m’empresse de le satisfaire.

 

Je savais que tu avais été changé de camp et ne connaissant pas ta nouvelle adresse, je ne pouvais correspondre avec toi.

 

Je suis revenu au dépôt depuis un mois et je m’attends tous les jours à retourner au front. J’ai été blessé deux fois déjà, mais il n’y paraît plus guère.

 

De l’ancienne 6e, Populus seul est mort, on a retrouvé son cadavre à Ménil. Le fils est au régiment de réserve avec Rigolley. Galliot blessé en octobre au pied gauche, revenu au dépôt en juillet, est de nouveau hospitalisé à Montpellier. J’ai revu « le Pott », il est dans un régiment de territoriaux. Il est devenu très vieux et comme toi, ne savait plus rien du régiment.

 

Les vieux ne sont plus guère en vie. Brayet disparu, Hardy, Poirine, Veuchey, Dodin aussi. Guillaume amputé du bras droit est réformé. Damideau, Georgy, Prenez, Chauffenne sont sous-lieutenants et toujours là. Christ tué, Delhotal, Fix, prisonniers, Marchand encore à l’hôpital ainsi que Sibille.

 

Guenot, aspirant, toujours là et toujours le même. Doridant aspirant, Pelletier sous-lieutenant, Maire au dépôt. Richard et Kolb, sous-lieutenants.

 

Dudillieu tué, ainsi que Pasquier, Rémy et Léandri. Romaire, Marey, Thomas, Bruley sont toujours au régiment de réserve. Chapuis, de ta compagnie, est sous-lieutenant. Ferrand est sous-lieutenant et Lebeau adjudant-chef. Le vieil adjudant-chef Noël, blessé le 18 août, est décoré de la Légion d’honneur et présent ici, mais incapable de faire campagne.

 

Rouganne, officier d’approvisionnement. Baranger, Bienfait, tués tous les deux.

 

Ledrappier au dépôt momentanément et Motel au 170e R.I., sous-lieutenants tous les deux. Prétet, Gérardin, Guilleminot n’ont encore pas été touchés et sont les seuls qui restent du début sans une blessure. Schalk, chef de bataillon ainsi que Roman et Reithinger. Des quantités de jeunes sous-officiers ont été promues sous-lieutenants. Je ne les connais pas tous, tellement cela change vite.

 

Ici, tout est calme et la vie aussi régulière qu’avant la guerre.

 

Fourneret, que j’oubliais, est au front pour remplacer l’officier payeur.

 

Je pense que ta blessure est complètement guérie et que tu es en bonne santé, que tu ne t’ennuies pas trop à attendre ta délivrance, garde l’espérance de nous revoir, comme nous avons l’espoir de vaincre.

 

Dans cette espérance, mon cher vieux camarade, encore une fois patience et courage.

 

Je t’embrasse fraternellement,

 

Je joins à cette lettre ma binette.

 

La consultation des listes des pertes du 149e R.I., pour les premiers mois du conflit, a permis de retrouver quelques prénoms d'hommes nommés dans cette correspondance. Beaucoup n’ont pas pu être identifiés complètement. Leurs fiches signalétiques et des services sont restées introuvables. Plusieurs portaient les galons de sergent-major en août 1914.

 

Il est bien évident qu’il était irréaliste d’associer une identité à chaque visage pour chaque adjudant-chef et pour chaque adjudant figurant sur l’album régimentaire de l’année 1911 simplement à partir de cette lettre.

 

En combinant toutes les sources possibles (lettre du sous-lieutenant Demengeon, registres matricules, citations publiées dans les J.O., dossiers individuels du S.H.D. de Vincennes, fiches des prisonniers du C.I.C.R., J.M.O. du 149e R.I. et album régimentaire de l'année 1911), cette association n'a pu se faire que pour 9 d'entre eux.

 

Les adjudants-chefs et les adjudants connus à la veille de la mobilisation générale

 

N’oublions pas les « vieux de la vieille » du 149e R.I. qui sont directement passés au 349e R.I. lorsque celui-ci s’est constitué le jour de la mobilisation générale.

 

Voici ceux qui ont été mentionnés dans le courrier du sous-lieutenant Demengeon pour qui l’identité complète a été retrouvée.

 

 

L’identification de l’auteur de la lettre a été rendue possible en comparant la signature avec celle qui se trouve sur son acte de mariage.

 

L’espoir du sous-lieutenant Demangeon de revoir son camarade après la guerre est resté vain. Cet officier est mort des suites de ses blessures le 6 septembre 1916, à Soyécourt.

 

Pour en savoir plus sur le sous-lieutenant Demangeon, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Louis Joseph Demengeon

 

Les adjudants-chefs et les adjudants payèrent un lourd tribut durant tout le conflit. Un gros pourcentage des hommes évoqués ici n’est pas rentré au pays.

 

Beaucoup sont devenus officiers avant de trouver la mort. Quelques-uns sont allés jusqu’au grade de capitaine. En raison des pertes en cadres (il y a eu plus d’une centaine de tués pour le 149e R.I.), la guerre fut l’occasion d’une accélération inouïe de l’avancement pour les sous-officiers de carrière, ce qui aurait été inenvisageable avant août 1914.

 

Sources :

 

« Distinguer et soumettre, une histoire sociale de l’armée française (1872-1914) de Mathieu Marly » Éditions Presses Universitaires de Rennes. 2019

 

Album régimentaire du 149R.I. de l’année 1911

 

Lettre du sous-lieutenant Demengeon. Fonds Cerclier (collection personnelle)

 

Copie de l’acte de mariage du sous-lieutenant Demengeon envoyée par la mairie du Tholy

 

Registres matricules trouvés sur différents sites des archives départementales. 

 

Site du Comité International de la Croix Rouge

 

Jounal officiel lu sur "Gallica"

 

J.M.O. du 149e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 696/8

 

Dossiers individuels de sous-officiers devenus officiers consultés au S.H.D. de Vincennes.

 

Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto,  à A. Carrobi, à J. Huret, à M. Lozano, à M. Porcher, à la mairie du Tholy et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Commentaires
P
Voici un article intéressant. Il fallait penser à retrouver ces Sous-off et Officiers. Il faudra, grâce à tous ces noms et surtout aux dates de blessures et de décès, que je regarde ceux qui ont pu combattre en Artois. Belle initiative, bravo. Merci pour toutes ces infos sur ces hommes qui ont combattu pour nous.
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