Joseph Delung (1876-1918)
Enfance et adolescence
Joseph Delung voit le jour le 13 octobre 1876 à Épinal. Son père, qui porte le même prénom, est un alsacien originaire du Haut-Rhin âgé de 24 ans. Sa mère, Reine Kessler, a 27 ans. Elle travaille comme ouvrière fileuse. Joseph et Reine ne sont pas mariés. Ils se sont rencontrés durant la période où Joseph effectuait ses obligations militaires ; ces obligations se déroulaient dans le régiment de génie qui tenait garnison dans la ville de naissance de leur fils.
Ils officialisent leur union le 26 novembre 1877, à la mairie de la préfecture vosgienne, quelques mois avant l’arrivée de leur 2e enfant.
En 1882, les Delung sont installés dans la petite commune de Langley. Le père y occupe un poste de garde-barrière.
Joseph est l’aîné d’une fratrie composée de 4 garçons et de 3 filles nés entre 1876 et 1888.
Sa fiche signalétique et des services mentionne un degré d’instruction de niveau 3. Il sait lire, écrire et compter. Ce registre matricule nous apprend également qu’il exerce la profession de cultivateur juste avant sa décision de faire carrière dans l’armée.
Le 1er avril 1895, Joseph, qui n’a pas encore fêté ses 19 ans, se rend à la mairie de Charmes pour signer son 1er engagement volontaire au titre du 1er régiment d’infanterie colonial ; ce dernier tient garnison à Cherbourg.
Traverser la France du nord-est au nord-ouest, quitter la montagne pour la mer, les raisons qui le poussèrent à faire ce choix ne sont pas connues.
À la coloniale
Joseph Delung arrive à la caserne Brière-de-l’Isle le 4 avril 1895. Le rythme est soutenu pour devenir un soldat aguerri. Gymnastique, courses à pied, longues marches avec barda sur le dos et défilés au pas cadencé deviennent son lot quotidien.
Le 21 mai 1896, il est autorisé à coudre ses chevrons rouges de caporal.
Fin novembre 1897, Joseph apprend son affectation au 10e R.I.C..
Le caporal Delung se prépare à embarquer pour un long périple en mer qui doit le mener jusqu’au Tonkin en Indochine.
Le 1er avril 1898, il signe son 1er réengagement qui prolonge son activité sous l’uniforme pour 3 années supplémentaires.
Admis à accomplir une 4e année aux colonies, Joseph est nommé sergent le 23 mars 1899.
Les 5 et 19 novembre 1899, il participe à deux affaires. La première a lieu dans le village de Matchiang, la seconde dans celui de Wong-Liok sur le territoire du Quang-Tchéou-Wan. Deux compagnies d’infanterie coloniale, de l’artillerie et des fusiliers marins ont été envoyés au début du mois de novembre d’Haï-Téou au fort de Pé-Sé situé sur la rive droite de la rivière Mat-Shé pour mater un foyer de résistance.
Pour en apprendre davantage sur les évènements qui se sont déroulés à Matchiang et à Wong-Liok, il suffit de cliquer une fois sur le lien suivant.
Le 19 mai 1900, le sergent Delung décide d’en reprendre pour cinq ans. Ce nouveau contrat prend effet le 1er avril 1901. Au cours des années suivantes, Joseph alterne les fonctions de sergent et de sergent fourrier jusqu’à l’obtention de son congé obligatoire de 6 mois, à solde coloniale, à partir du 14 janvier 1902.
De retour en France, il est affecté au 1er R.I.C.. Joseph Delung retrouve le 10e R.I.C. au Tonkin, le 1er octobre 1902.
Il est placé à l’E.M. comme sous-officier hors cadre le 1er avril 1904, autorisé à passer une 3e année aux colonies.
Rengagé le 18 avril 1906, pour une durée de 4 ans, à terme fixe, à compter du 1er avril, Joseph Delung est de nouveau placé en position hors cadre. Il obtient ses galons de sergent-major le 1er juin 1906.
Revenu à Cherbourg, il est rattaché au 1er R.I.C. le 25 mai 1907.
Le 25 septembre, Joseph épouse Maria Chevalier à Baccarat. Le couple donnera vie à deux filles.
Passé au 21e R.I.C. le 1er février 1908, le sergent-major Delung gravit un nouvel échelon dans la hiérarchie militaire en devenant adjudant le 1er mai 1908. Deux mois plus tard, il est affecté au 23e R.I.C., un régiment fraîchement installé dans les bâtiments de la caserne de Lourcine, dans le XIIIe arrondissement parisien.
À compter du 1er avril 1910, l’adjudant Delung est maintenu en service en vertu d’une commission, suite à une décision prise, le 26 juin 1909, par le général commandant la 5e brigade coloniale.
Cette commission est résiliée le 20 février 1912 (décision du 18 janvier 1912 prise par le général commandant la 5e brigade coloniale) Joseph est dégagé de toutes obligations militaires après avoir passé près de 17 ans sous l’uniforme colonial. Âgé de 35 ans, il est directement versé dans la réserve territoriale, rattaché au 17e B.C.P..
Devenu percepteur dans la commune de Thoard située dans le département des Basses-Alpes, il est classé « non disponible » à partir du 18 novembre 1912. Il n’est donc pas concerné par les éventuelles périodes d’exercices militaires obligatoires du temps de paix.
Un décret du 23 juin 1913 le fait nommer sous-lieutenant de réserve au 145e régiment d’infanterie territorial.
Période de guerre
Lorsque le 1er conflit contre l’Allemagne débute en août 1914, le sous-lieutenant de réserve Delung est rappelé à l’activité par décret de mobilisation du 1er août 1914. Son livret militaire lui ordonne de se rendre au dépôt du 145e R.I.T. à Aix, dès le lendemain. Une fois équipé et au complet, le régiment s’installe dans la région de Nice.
Le 18 septembre 1914, Joseph Delung reçoit l’ordre d’aller au dépôt du 55e R.I. à Pont-Saint-Esprit. Il est promu lieutenant de réserve à titre temporaire le 20 octobre.
Le 7 mars 1915, il est nommé lieutenant à titre définitif avec une nouvelle affectation. Il doit rejoindre les rangs du 261e R.I.. La date de son arrivée dans la zone des armées n’est pas connue. À cette époque du conflit, le 261e R.I. combat dans le secteur du bois des Merliers, à l’ouest de Bourreuilles, dans le département de la Meuse.
Par décret du 3 juin 1915, Joseph est promu capitaine à titre temporaire pour la durée de la guerre. Son régiment est engagé en Argonne.
Le J.M.O. du 261e R.I. nous apprend que le capitaine Delung fut blessé du côté de la Harazée le 30 juin 1915, sans indication du numéro de sa compagnie.
Le 12 janvier 1916, il est fait chevalier de la Légion d’honneur. La remise de décoration a lieu à Digne.
Joseph Delung est admis comme cadre actif de l’infanterie coloniale, pour prendre rang le 1er février 1915 par décret du 1er février 1916. Ce jour-là, sa promotion au grade de capitaine à titre temporaire pour la durée de la guerre est approuvée par décision ministérielle.
Au 149e R.I.
Un télégramme envoyé par le général commandant la 11e région lui apprend qu’il est muté au 149e R.I. à partir du 15 mars 1916.
Ce régiment, sous les ordres du lieutenant-colonel Abbat, est au repos à Verdun après un premier passage à proximité des 1ère lignes.
Seules deux de ses compagnies furent véritablement engagées, mais le régiment fut sérieusement bousculé par de violents bombardements.
Les pertes ont été importantes. L’équipe des cadres doit être remaniée. Le lieutenant-colonel Abbat lui confie le commandement de la 9e compagnie de son régiment.
Le capitaine Delung a à peine le temps de faire connaissance avec ses subordonnés. Sa compagnie doit rapidement remonter en 1ère ligne pour occuper une position au sud-est du fort de Vaux.
Pour en savoir plus, il suffit de cliquer une fois sur le plan suivant et de lire la partie du témoignage du capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André consacré à cette période.
Le 149e R.I. laisse derrière lui le village de Vaux-devant-Damloup et le fort de Vaux à la mi-avril 1916.
Après une brève période de repos à Landrecourt, le capitaine Delung gagne la Champagne. Le 149e R.I. prend position dans un secteur plutôt serein, situé entre les buttes de Tahure et celles de Mesnil, près des Deux-Mamelles.
Août 1916, le régiment spinalien s’installe dans la Somme. Joseph Delung doit bientôt conduire sa compagnie au feu. Le 4 septembre, le 149e R.I. s’apprête à reprendre le village de Soyécourt aux Allemands.
Joseph est blessé du côté de la ferme sans nom le 5 septembre. Touché par un éclat d’obus à la poitrine, il a le poumon droit perforé. Des lésions au foie sont également constatées.
Pour en savoir plus sur ce qui s’est passé au cours de la journée du 5 septembre 1916, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.
Le lendemain, il est soigné à l’ambulance 7/21 de la 43e D.I. qu’il quitte le 22 septembre. Le 24 septembre 1916, il est pris en charge par l’ambulance 12/1.
Le lieu de son hospitalisation à l’arrière n’a pu être retrouvé, ni la date de son retour au dépôt, ni celle où il rejoint la zone des armées.
Le capitaine Delung conserve toute sa place au sein de l’équipe de cadres du 149e R.I. en 1917.
Le 30 septembre 1917, il est photographié, avec son képi de colonial, en compagnie de l’ensemble des officiers du 2e bataillon du 149e R.I., dans le petit village de Troësnes, implanté dans le département de l’Aisne.
L’année 1917 est plutôt clémente pour le régiment. Ce n’est que le 23 octobre qu’il participe à une grande offensive dans le secteur de La Malmaison.
Joseph Delung prend part à la bataille, probablement en tant que capitaine adjudant-major du 2e bataillon, sous les ordres directs du commandant Schalck.
Pour en apprendre davantage sur ce qui s’est passé durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant.
Le 3 mars 1918, le capitaine Delung est remis à la disposition du ministre pour assurer l’encadrement des travailleurs sénégalais qui ont été recrutés en Afrique-Occidentale française (note n° 3071 du G.Q.G.), après avoir été au service du drapeau du 149e R.I. pendant près de deux ans.
Au 1er bataillon de tirailleurs somalis
Joseph Delung est ensuite affecté au 1er bataillon de tirailleurs somalis.
Fin mai 1918, ce bataillon participe à 3e bataille de l'Aisne. Les tirailleurs somaliens s’illustrent en brisant plusieurs attaques allemandes dans le secteur du mont de Choisy entre le 29 et le 6 juin 1918.
Le capitaine Delung commande un groupement composé des 1ère et 4e compagnies. Les combats sont violents.
Joseph est grièvement blessé le 4 juin. Ses blessures sont vraiment trop importantes pour qu’elles puissent laisser un espoir de survie. Les médecins font tout ce qu’ils peuvent, mais ils ne parviennent pas à le sauver.
Joseph décède à l’ambulance H.C.A. 3/3 le 11 juin 1918 à l’âge de 41 ans.
Le capitaine Delung repose actuellement dans la nécropole nationale de Catenoy. Sa sépulture porte le n° 1195.
Cet officier a obtenu les citations suivantes :
Citation à l’ordre de la 150e brigade n° 94 du 10 juin 1915 :
« Sur le front depuis le début de la campagne. En toutes circonstances a fait preuve de zèle et de dévouement. S’est toujours brillamment comporté dans tous les engagements auxquels il a pris part. »
Citation à l’ordre de la IIIe armée n° 170 en date du 21 octobre 1915 :
« Officier très courageux et énergique. Le 28 juin, un boyau conduisant à un petit poste à 50 m en avant de nos lignes ayant été bouleversé par le bombardement, s’est porté de sa personne au secours de la garnison de ce petit poste en franchissant à découvert, sous le feu de l’ennemi, une distance de 50 mètres. Le 30 juin, blessé au poignet gauche par éclat d’obus, a conservé le commandement de a compagnie. S’est encore distingué par sa bravoure dans les combats du 14 juillet par sa belle tenue au feu en juillet 1915. »
Citation à l’ordre général de la Xe armée n° 227 en date du 13 septembre 1916 :
« Officier de grande valeur très énergique. Les 4, 5 et 6 septembre 1916, a entraîné brillamment sa compagnie à l’attaque des retranchements ennemis ; s’est dépensé nuit et jour sans compter. Blessé très grièvement en organisant la position conquise. »
Autres décorations :
Chevalier de la Légion d’honneur le 12 janvier 1916, inscrit au tableau spécial par arrêté ministériel du 12 janvier 1916 (J.O. du 14 janvier 1916).
« Excellent officier, énergique, très courageux, zélé. S’est particulièrement distingué par sa belle tenue au feu en juillet 1915. A déjà reçu la croix de guerre. »
Officier de la Légion d’honneur par décret du 3 septembre 1918 prenant rang le 5 juin 1918 :
« Officier d’élite d’une bravoure et d’une énergie exceptionnelle. A fait preuve au cours de plusieurs combats, des plus belles qualités militaires. A largement contribué par son entrain et sa bravoure à briser les violents efforts de l’ennemi, jusqu’au moment où il a été grièvement blessé. La promotion ci-dessus comporte la croix de guerre avec palme. »
Médaille militaire (décret du 2 avril 1912)
Médaille coloniale agrafe du Tonkin
Chevalier de l’ordre du Dragon de l’Annam (décret du 13 mai 1910)
Le nom de cet officier est inscrit sur le monument aux morts de la petite commune de Langley dans le département des Vosges.
Joseph Delung possède un dossier dans la base de données « Léonore ».
Pour prendre connaissance de la généalogie de la famille Delung, il suffit de cliquer une fois sur le logo suivant.
Sources :
Dossier concernant la Légion d’honneur consulté sur le site de la base Léonore.
Fiche signalétique et des services de Joseph Delung lue sur le site des archives départementales de la Meurthe-et-Moselle.
Acte de naissance provenant des archives départementales des Vosges.
Informations données et documents fournis par la famille descendante du capitaine Delung.
Contrôle nominatif du 3e trimestre 1916 du 149e R.I. des malades et des blessés traités dans les formations sanitaires détenu par les archives médicales hospitalières des armées de Limoges.
J.M.O. du 145e R.I.T.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 800/27.
J.M.O. du 261e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 731/1.
Historique du 1er bataillon somalis consultable sur le site « Gallica ».
L’ensemble des photographies a été fourni par la famille descendante du capitaine Delung à l’exception du cliché du groupe d’officiers du 2e bataillon du 149e R.I. qui provient du fonds Gérard (collection personnelle).
La photographie de la sépulture a été réalisée par M. Chevalier.
Le dossier individuel du capitaine Delung n’a pas été retrouvé au Service Historique de la Défense de Vincennes.
Un grand merci à M. Bordes, à J. Étienne à A. Carobbi, à M. Chevalier, à H. Henry, à M. Lazano, à M. Porcher, à la famille descendant de Joseph Delung, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales des Vosges et de la Meurthe-et-Moselle.