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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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31 janvier 2020

René Marie Delphin Émile Louvrier (1893-1915)

Rene Louvrier

 

René Marie Delphin Émile Louvrier est né le 8 mars 1893 à Montperreux, une commune située en bordure du lac de Saint-Point, dans le département du Doubs. Cette agglomération réunit trois villages, Montperreux, Chaon et Chaudron et deux lieux-dits, Source bleue et Grange Colin.

 

La mère de René, Victorine Adeline Éloise, est âgée de 37 ans. Son père, Émile Anastase, est sur le point de fêter ses 45 ans. Ce couple exerce le métier de cultivateur.

 

René est l’avant-dernier d’une fratrie composée de 8 enfants. Le benjamin, né en 1895, disparaît au cours de sa première année de vie.

 

Les Louvrier vivent et cultivent des terres au village de Chaon. La vie y est rude. Tout comme ses frères et sœurs, René a probablement dû partager sa vie entre le banc de la communale et le travail à l’exploitation agricole pour soutenir les parents dans leurs lourdes tâches de paysans.

 

René finit par quitter l’école avec un degré d’instruction de niveau 2. Il possède donc les notions élémentaires de la lecture et de l’écriture.

 

Il lui faut maintenant gagner sa croûte. L’adolescent devient agriculteur, suivant ainsi les traces familiales.

 

Village de Chaon

 

L’année de ses vingt ans, René Louvrier passe devant le conseil de révision de Pontarlier. C’est un solide gaillard. Sa force physique de travailleur de la terre entraîne directement son classement dans la 1ère partie de la liste. Il est déclaré apte à servir sous les drapeaux.

 

Fin novembre 1913, René quitte sa région natale pour aller accomplir ses obligations militaires. Il doit se rendre dans le département des Vosges. Le 27, il intègre une des compagnies du 149e R.I., un régiment qui se trouve à Épinal.

 

René sait qu’il en a pour de longs mois à porter l’uniforme. Une loi, tout juste votée, oblige les jeunes conscrits à prolonger d’une année leur service militaire. Les hommes doivent maintenant rester dans les casernes trois ans au lieu de deux.

 

Tout comme ses camarades de classe, il est loin de se douter de ce qui les attend dans un avenir proche.

 

Lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914, René Louvrier sert à la 8e compagnie. Il est sous les ordres directs du capitaine de Chomereau de Saint-André.

 

Au cours des premières semaines du conflit, il participe aux combats de Wisembach, d’Abreschviller et de Menil-sur-Belvitte.

 

Un témoignage laissé par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André permet de suivre aisément les mouvements et les évènements vécus par sa compagnie au cours de cette période.

 

Pour en savoir plus, il suffit de cliquer une fois sur le dessin ci-dessous.

 

Le grand bal de la 8e compagnie

 

Le mois suivant, le 149e R.I. est de nouveau engagé dans de violents combats. Cette fois-ci, il est dans la Marne, près de Souain. Ce village est pris, perdu et repris plusieurs fois. René Louvrier sort indemne de cette expérience du feu. C’est maintenant un soldat aguerri.

 

Remarqué par ses supérieurs, il est proposé pour le grade de caporal.  René est maintenant responsable d’escouade.

 

Octobre 1914, son régiment est envoyé en Artois dans le secteur du bois de Bouvigny, au nord-ouest d’Ablain-Saint-Nazaire. Le caporal Louvrier est blessé.

 

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Bois de Bouvigny

 

Sa blessure a-t-elle nécessité un long séjour dans un hôpital puis un passage par le dépôt ou est-il resté dans la zone des armées avant de rejoindre immédiatement son unité ? Il est impossible de donner une réponse à cette question, sa fiche matricule restant muette à ce sujet.

 

Nous savons simplement qu’il est retourné au 149e R.I. et qu’il a pris le commandement d’une demi-section de la 11e compagnie du régiment, après avoir été nommé sergent le 11 juin 1915.

 

Le 25 septembre 1915, le 149e R.I. participe à une offensive de vaste envergure. Les trois bataillons de cette unité sont réserve de division. La 43e D.I. vient de recevoir l’ordre de s’emparer du bois en Hache au sud-ouest d’Angres.

 

Le 26 septembre, la 11e compagnie du régiment spinalien, sous les ordres du capitaine Prenez, passe à l’offensive.

 

Le sergent Louvrier est tué quelques instants après avoir quitté la tranchée à la tête de ses hommes.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante. 

 

 

Double drame pour la famille, son frère Marius meurt sur le front de Champagne le 27 septembre 1915.

 

Le caporal Lucien Clidière et le soldat Auguste Augé, survivants des attaques de septembre, assistent à la mort du sergent René Louvrier. Dès le retour de la compagnie vers l’arrière, ils viennent rendre compte du décès de leur supérieur à l’officier d’état civil du régiment, le sous-lieutenant Alexandre Mortemard de Boisse ; celui-ci est chargé d’enregistrer les pertes du régiment.

 

Le 20 décembre 1915, l’acte de décès de René Louvrier est transcrit à la mairie de la commune qui l’a vu naître vingt-deux ans plus tôt.

 

Le sergent Louvrier est cité à l’ordre de la Xe armée. Cette citation est publiée dans le J.O. du 23 décembre 1915.

 

« Le 26 septembre 1915, devant Angres, est parti à l’assaut des lignes ennemies, en entraînant brillamment sa demi-section. Tué quelques instants après, déjà blessé au cours de la campagne. »

 

René Louvrier ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

 

Le nom de ce sous-officier est inscrit sur le monument aux morts de la commune de Monperreux et sur la plaque commémorative qui se trouve à l’intérieur de l’église du village.

 

La généalogie de la famille Louvrier est accessible sur le site « Généanet ». Pour la consulter, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Geneanet

 

Sources :

 

La Fiche signalétique et des services et les registres de recensements de la commune de Montperreux ont été consultés sur le site des archives départementales du Doubs.

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à P. Defrasne, à la paroisse de Mouthe-lac-Mont d’Or et aux archives départementales du Doubs.

25 janvier 2020

Pierre Marie Étienne Henry (1870-1941)

Pierre Marie Etienne Henry

 

Pour en savoir plus sur l'aumônier Pierre Marie Étienne Henry il suffit de cliquer une fois sur cette image.

 

24 janvier 2020

Pierre Marie Étienne Henry (1870-1941)

Pierre Marie Etienne Henry

 

Pierre Marie Étienne Henry voit le jour le 14 septembre 1870 dans le petit village du Pailly, situé sur le canton de Longeau, dans le département de la Haute-Marne. Issu d’une famille nombreuse très catholique, Pierre est le 6e d’une fratrie composée de 12 enfants.

 

À sa naissance, son père, Joseph, est un instituteur âgé de 33 ans. Sa mère, Appoline Chaillot, approche de ses 31 ans.

 

Pierre est un enfant quelque peu turbulent. Des bêtises de gamin poussent ses parents à prendre une décision énergique. Ils l’envoient au séminaire sans se douter que ce choix aura un impact énorme sur son avenir.

 

Pierre accomplit ses obligations militaires aussitôt après avoir terminé ses études au petit et grand séminaire. Il fait ses apprentissages de soldat au 21e R.I. de Langres.

 

Le 10 novembre 1891, le jeune homme intègre une des compagnies du régiment installées à la caserne Turenne. Moins d’un an plus tard, il quitte son unité avec son certificat de bonne conduite accordé ; il a probablement été formé comme infirmier.

 

Le 23 septembre 1892, Pierre est mis en disponibilité en attendant son passage dans la réserve, passage devenu effectif à la date du 1er novembre 1894.

 

Il accomplit sa première période d’exercice au sein de la 7e section d’infirmiers militaires à Dôle entre le 27 août et le 23 septembre 1894.

 

Pierre accède à la prêtrise le 29 juin 1895. Un mois plus tard, il est envoyé comme vicaire à la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Chaumont.

 

L’année de ses 26 ans, il informe l’armée qu’il est maintenant pourvu d’un emploi rétribué. L’administration de la Haute-Marne le classe comme non disponible (administration des cultes). En théorie, ce statut le dispense d’effectuer ses prochaines périodes d’exercices.

 

L’abbé Henry occupe son poste de vicaire jusqu’en 1912. Cette année-là, il apprend qu’il vient d’être nommé professeur de morale au grand séminaire de Langres.

 

Un nouveau conflit armé contre l’Allemagne approche. L’ordre de mobilisation générale est décrété le 1er août 1914. Pierre Henry a 24 heures pour rejoindre son unité. Il est attendu à la 24e section territoriale d’infirmiers militaires, section à laquelle il est rattaché depuis le  1er novembre 1904.

 

Il apprend qu’il va devoir rester au fort de la Bonnelle. Cette situation ne lui convient pas. Il veut absolument partir avec la troupe. À force d’insistance, les autorités militaires finissent par lui donner satisfaction. Pierre a la possibilité de permuter avec un confrère bien moins motivé que lui et forcément content de ce changement.

 

Une décision prise par le général commandant de la place de Langres le fait nommé aumônier titulaire du groupe de brancardiers de la 43e D.I. à partir du 4 août.

 

La division est envoyée en couverture dans la région de Saint-Dié, de Fraize à Senones, avant d’être engagée dans le secteur de Saint-Blaize-la-Roche.

 

Le 20 d’août 1914, Pierre est fait prisonnier durant les combats qui eurent lieu autour de Bieberskirch. Ne voulant pas abandonner les blessés, il se laisse capturer par les Allemands.

 

Pierre Henry est rapidement envoyé à Dreibrunnen (Trois-fontaines en Moselle) puis à Strasbourg. Sa vie de captif est courte. Conformément aux articles 9 et 12 de la convention de Genève de 1906, il est rapidement libéré et renvoyé vers son armée.

 

Article 9 : Le personnel exclusivement affecté à l'enlèvement, au transport et au traitement des blessés et des malades, ainsi qu'à l'administration des formations et établissements sanitaires, les aumôniers attachés aux armées, seront respectés et protégés en toute circonstance ; s'ils tombent entre les mains de l'ennemi, ils ne seront pas traités comme prisonniers de guerre.

 

Article 12 : Les personnes désignées dans les articles 9, 10 et 11 continueront, après qu'elles seront tombées au pouvoir de l'ennemi, à remplir leurs fonctions sous sa direction. Lorsque leur concours ne sera plus indispensable, elles seront renvoyées à leur armée ou à leurs pays dans les délais et suivant l'itinéraire compatibles avec les nécessités militaires.

 

L’aumônier Henry est rapatrié en France le 30 août 1914.

 

Après bien des déboires, il retrouve ses anciennes fonctions au sein de la 43e D.I. qui combat dans le secteur de Souain, un petit village de la Marne.

 

En octobre 1914, la division participe à la 1ère bataille d’Artois. Le mois suivant, elle est en Belgique, d’abord au sud de Wytschaete, puis au sud de Saint-Éloi et pour finir au sud de Broodseinde.

 

De retour en France à la fin de l’année 1914, elle s’installe en Artois pour occuper des tranchées vers Ablain-Saint-Nazaire et Notre-Dame-de-Lorette.

 

La division reste dans le Pas-de-Calais pendant plus d’un an. Les pertes y sont considérables.

 

Pierre Henry se dépense sans compter. Il accompagne et réconforte les blessés tout en leur apportant un soutien moral et spirituel. Lorsque la division est au repos, il célèbre les offices religieux. L’abbé Henry procède également au ramassage et à l’enterrement des morts. Il est aussi chargé de l’organisation et de l’entretien des cimetières.

 

La 43e D.I. est engagée  à Verdun et dans la Somme en 1916.

 

La photographie suivante a été réalisée au cimetière du Casino. Ce lieu de sépultures se trouve à proximité des localités d’Estrées et de Deniécourt dans le département de la Somme. 

 

L'abbé Henry au cimetière du Casino dans la Somme

 

En 1917, la division occupe plusieurs secteurs au chemin des Dames. Le 27 juin 1917, Pierre Henry est blessé au pied droit par un éclat d’obus en se rendant, sous un violent tir d’artillerie, au poste de secours du groupe. Sa blessure ne nécessite pas une évacuation vers l’arrière.

 

Sa fonction d’aumônier divisionnaire lui pèse de plus en plus. Il aimerait bien être au plus près de la ligne de front, mais pour cela, il lui faudrait être nommé aumônier régimentaire.

 

L’occasion finit par se présenter. Une place est devenue vacante au 149e R.I suite au décès de l’aumônier Stanislas Galloudec, tué  le 23 octobre 1917 au cours de  la bataille de la Malmaison.

 

Pierre Henry rejoint le régiment spinalien le 5 février 1918. À cette époque, le 149e R.I. se trouve dans les Vosges, installé à la Cude et au Violu, dans un secteur plutôt calme. Ses vœux ont été exaucés, l’aumônier peut maintenant accompagner un régiment dans tous les coups durs, au plus près de la 1ère ligne.

 

En mai 1918, le régiment prend part à la 3e bataille de l’Aisne.

 

En septembre, il participe à la bataille de Somme-Py où les combats se poursuivent durant trois jours, Pierre Henry est encore aux premières loges.

 

La fin du conflit approche. L’armistice est signé le 11 novembre. Pendant ces quatre années de guerre, l’abbé Henry a consacré sa vie à porter secours aux blessés, à donner assistance aux mourants, à rechercher les cadavres des soldats en prenant d’énormes risques. Il est démobilisé 20 décembre 1918.

 

L’homme retrouve sa vie d’ecclésiastique comme professeur de morale jusqu’au 24 septembre 1922, date à laquelle il reprend le chemin de la paroisse de Saint-Jean-Baptiste en tant que curé-archiprêtre. Nommé chanoine titulaire, il fait ses adieux à cette paroisse le 21 septembre 1930.

 

Il clôture sa carrière pastorale en devenant chancelier de l’évêché en 1932. Cette fonction est mieux adaptée à son état de santé très affaibli par les années de guerre.

 

Il meurt à Langres le 28 août 1941 après une longue anémie consécutive à une intoxication au gaz de ville, un paradoxe pour lui qui avait échappé plusieurs fois aux gaz mortels durant le conflit. Il repose au cimetière du Pailly.

 

Decorations de l'abbe Henry

 

L’aumônier Pierre Henry a obtenu les citations suivantes.

 

Citation à l’ordre n° 118 de la 43e division en date du 8 avril 1916 :

 

«  A accompagné le médecin auxiliaire du bataillon dans toutes ses recherches, prodiguant ses soins auprès des blessés en toutes circonstances, avec le plus grand des mépris du danger. »

 

Citation à l’ordre n° 248 de la 43e division en date du 30 août 1917 :

 

« Modèle de courage et de fermeté, joignant une grande bonté à une extrême énergie. A été blessé le 27 juin 1917, en se rendant, sous un violent tir d’artillerie, au P.S. du groupe. »

 

Citation à l’ordre de l’armée en date du 15 juillet 1918 (J.O. du 12 décembre 1918) :

 

« D’un courage et d’un dévouement sans bornes, n’a cessé pendant sept jours de combat ininterrompu de parcourir les premières lignes, prodiguant ses soins aux blessés et apportant aux combattants le réconfort de sa présence sous les bombardements les plus violents et jusque sous les balles des mitrailleuses. »

 

Cité à l’ordre n° 232 du 21e C.A. en date du 4 novembre 1918 :

 

« Aumônier d’un dévouement et d’un zèle au-dessus de tout éloge. Exerce les devoirs de son ministère dans les circonstances les plus critiques du combat avec un courage particulier, un calme et un sang-froid admirables. Pendant les rudes combats du 26 septembre au 5 octobre 1918, a forcé l’admiration de tous, chefs et soldats, en se portant jusqu’aux premières lignes, malgré les bombardements les plus violents, pour prodiguer ses soins et réconforter les blessés et les mourants. »

 

Cité à l’ordre du régiment le 23 décembre 1918 :

 

« Aumônier d’une bravoure incomparable et d’un sang-froid superbe, a continué à montrer pendant les durs combats de Banogne, en octobre 1918, les plus beaux sentiments de courage et de dévouement dont il avait fait preuve depuis 1914. »

 

Chevalier de la Légion d’honneur le 19 avril 1919.

 

Pour consulter la généalogie de l’abbé Henri, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante :

 

Geneanet

 

Sources :

 

Fiche signalétique et des services consultée sur le site des archives départementales de la Haute-Marne.

 

Livre d’or « La preuve du sang, livre d’or du clergé et des congrégations, 1914-1922 » paru aux Éditions de la Bonne Presse en 1925.

 

La majorité des informations concernant la vie de l’abbé Henry ont été fournies par J.L. Poisot.

 

La photographie de l’aumônier Pierre Henry qui accompagne le montage présentant ses décorations a été réalisée par Raymond Bonnefous en septembre 1915. Elle provient de la collection personnelle de Nathalie Bauer.

 

La photographie du deuxième montage provient du fonds Gérard qui fait partie de la collection personnelle de D. Delavois.

 

La carte utilisée sur ce montage provient du J.M.O. du 112e R.I.T.. Elle peut se consulter sur le site « Mémoire des Hommes ». Référence du J.M.O. du 112e R.I.T. : 26 N 796/15.

 

Tous les autres clichés proviennent du fonds Henry, propriété de J.L. Poisot.

 

À lire également : « Des garçons d’avenir » roman écrit par Nathalie Bauer, aux Éditions Philippe Rey. Août 2011.

 

Un grand merci à N. Bauer, à M. Bordes, à S. Agosto, à J.C. Auriol, à É. Mansuy, à J.L. Poisot et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

17 janvier 2020

Un groupe de soldats anonymes du 149e R.I..

Photographie de soldats inconnus du 149e R

Voici une nouvelle photographie de groupe représentant des soldats du 149e R.I.. Une fois de plus, il  nous est impossible d’identifier l’homme qui a rédigé le texte inscrit au dos du cliché. Nous savons simplement que c’est un parisien et qu’il se prénomme Louis. Dans son courrier adressé à sa mère, trois prénoms féminins sont cités, Jeanne, Germaine et Geneviève. Ce sont probablement ses sœurs. Tout cela reste bien maigre pour entreprendre une recherche généalogique d’autant plus que la carte fut envoyée sous enveloppe. Elle ne donne donc pas de nom de famille.

Les courriers partis au moment de la mobilisation ne sont pas courants. Le sont encore moins ceux rédigés lors des préparatifs du départ des troupes de couverture avant la mobilisation.

Les régiments proches de la frontière durent partir avant les autres afin d’éviter une attaque allemande brusquée. Cette situation aurait pu compromettre les opérations de mobilisations et de concentration prévues par le plan XVII.

Dans la nuit du 31 juillet 1914, le 149e R.I. reçoit l’ordre de se préparer. Il doit être à pied d'oeuvre pour quitter le dépôt dès 7 h 00. Le régiment spinalien devient « réserve de couverture ». Les hommes doivent se tenir prêts à embarquer et à être transportés en chemin de fer pour rejoindre et renforcer les troupes qui ont déjà gagné leurs postes frontière.

Louis fait partie de ces nombreux hommes qui ne pourront pas embrasser leurs proches sur les quais de la gare d’Épinal au moment du départ.

Il prend le temps d’écrire à sa famille. Il n’a plus le droit de sortir de la caserne. Louis utilise une carte photo qu’il avait avec lui. Cette carte photo pourrait avoir été prise durant une pause lorsque le régiment était en chemin pour se rendre au camp du Valdahon ou bien pendant une des nombreuses marches auxquelles étaient astreints les conscrits d’avant-guerre.

La tenue des hommes sur le cliché ne diffère guère de celle dont ils furent équipés au moment où Louis écrit. Il s’agit simplement d’effets neufs, de képis recouverts du couvre-képi et de cartouchières pleines et du modèle porté par le 3e homme debout sur la droite.

Intéressons-nous maintenant à l’écrit de Louis.

 « Épinal, le 31 juillet 1914

Chère Maman,

Quelques mots pour te mettre au courant de la situation. En ce moment, nous sommes prêts à partir. Nous avons descendu nos effets au magasin et nous n’attendons plus que l’ordre de partir pour la frontière. Nous sommes mobilisés, le quartier consigné. Je ne sais si cela sera pour ce soir ou pour demain matin.

Nous sommes tous équipés, les sacs sont dans la cour ainsi que les faisceaux de fusils.

Maintenant, il ne faut pas te faire du mauvais sang pour cela, car rien ne dit que la guerre va être déclarée. Ce ne sont rien que des précautions que nous prenons pour prévenir l’Allemagne au cas où elle nous tomberait dessus.

Il peut très bien se faire que nous allions à la frontière pour surveiller. Et puis, d’ici là, peut-être que tout cela sera arrangé. Donc inutile de te faire du mauvais sang. Du reste, je te tiendrai au courant de ce que je ferai.

Tu embrasseras bien fort pour moi Jeanne, Germaine et Geneviève et reçois de nombreux baisers de ton fils.

Je t’envoie une photo qui a été faite pendant notre route pour le Valdahon. Écris-moi pour me tenir au courant de ce qui se passe à Paris.

Louis »

On note qu’il cherche à rassurer sa famille, probablement autant que lui-même, en précisant que ce n’est pas la guerre. Il répète même deux fois qu’il ne faut pas se faire de mauvais sang.

Le 31 juillet 1914, la 2e compagnie du 149e R.I. est la première à se mettre en route. À pied, elle prend la direction de Docelles.

Dans la nuit du 31 juillet au 1er août 1914, les trois compagnies restantes du 1er bataillon et le 3e bataillon rejoignent la gare d'Épinal pour s’installer dans les trains qui les conduiront à Bruyère et à  Laveline-devant-Bruyères. Le 2e bataillon rejoindra un peu plus tard.

Aucun des hommes photographiés ici n’imagine un seul instant que c’était le début d’un conflit mondial qui allait être responsable de la mort de millions d’hommes.

Combien d’entre eux sont rentrés au domicile à la fin des quatre années de guerre ? Nous n’aurons jamais de réponse à cette question !

Un grand merci à M. Bordes et à  A. Carobbi

10 janvier 2020

Lucien Louis Fradillon (1883-1916).

Lucien Louis Fradillon

Lucien Louis Fradillon est né le 23 novembre 1893 dans une ferme à Barberanges, un lieu-dit rattaché administrativement au petit village de Viplaix ; ce dernier est situé dans le département de l’Allier.

Sa mère, Madeleine André, est une femme de 21 ans qui exerce le métier de femme de ménage. Lucien est son premier enfant. Son père, François, travaille comme agriculteur. Il est âgé de 35 ans.

Le couple Fradillon vit sous le toit du grand-père paternel, métayer du domaine agricole.

Lucien est l’aîné d’une fratrie composée de 13 enfants nés entre 1893 et 1918.

Genealogie famille Fradillon

Le registre matricule de cet homme nous indique qu’il possède un degré d’instruction de niveau 3. Ce qui veut dire qu’il a intégré les bases de la lecture, de l’écriture et du calcul. Ces apprentissages scolaires n’ont probablement pas été faciles à acquérir. Outre l’enseignement obligatoire, Lucien fut probablement poussé et soutenu par la famille, pour qu’il puisse intégrer le savoir nécessaire qui lui permettra plus tard de prendre la succession paternelle dans de bonnes conditions.

Chaque matin d’école, il lui faut parcourir une longue distance pour aller s’installer devant son pupitre d’élève, la ferme étant très à l’écart du bourg. De plus, Lucien a dû forcément donner le coup de main pour les travaux agricoles dès que ses forces physiques furent jugées suffisantes. Ces conditions sont loin d’être bonnes pour apprendre correctement.

Une fois l’enseignement primaire terminé, il travaille à part entière dans l’exploitation familiale qui se trouve maintenant sous l’autorité du père. Le grand-père, fragilisé par le poids des ans, lui a cédé sa place de métayer. Les années d’adolescence de Lucien s’écoulent au fil des saisons. Devenu adulte, il sait que le temps des obligations militaires approche.

Conscrit de la classe 1913, ce jeune Viplaisien est inscrit sous le numéro 61 du canton d’Huriel. Sa condition physique n’est pas très bonne. Elle ne lui permet pas d’être déclaré « bon pour le service » par le médecin du conseil de révision. Il est ajourné pour faiblesse.

L’année suivante, Lucien doit repasser devant le conseil de révision avec les jeunes hommes de la classe 1914 et ceux qui ont été exemptés de la classe 1913.

Lorsqu’il passe devant ce conseil pour la seconde fois, il lui est notifié son aptitude à porter l’uniforme. Il doit désormais suivre le sort de la classe 1914.

Un conflit armé contre l’Allemagne débute en août 1914. Les premières semaines de combats sont particulièrement meurtrières. Les feuilles de route de la classe 1914 sont envoyées aux conscrits un peu plus tôt que prévu. En ouvrant la sienne, Lucien apprend qu’il est incorporé à partir du 6 septembre et qu’il doit rejoindre les rangs du 149e R.I., une unité dont il n’avait probablement jamais entendu parler.

Le 7 septembre 1914, Lucien Fradillon arrive à Langres par voie de chemin de fer. Il se rend ensuite à Jorquenay. C’est dans cette commune qu’a été implanté le dépôt du régiment depuis son départ d’Épinal.

Ce dépôt s’avère être trop étroit pour accueillir et former l’ensemble de la classe 14 du régiment. Le 21 septembre 1914, il déménage à Rolampont, un village avoisinant. La formation de Lucien est très rapide, quelques mois.

La date exacte de son arrivée sur le front n’est pas connue. Elle a peut-être eu lieu, comme pour la majorité de ses camarades de la classe 14, aux environs de décembre 1914. Nous savons simplement, de manière sûre, que Lucien devient soldat de 1ère classe le 6 juin 1915 avant d’être nommé caporal le 25 juin 1915.

Il n’y a pas d’indication supplémentaire sur sa fiche matricule qui permette d’en dire davantage.

A-t-il été blessé durant son parcours au 149e R.I.? A t’il pris part aux combats de la fin du mois de septembre 1915 ? Il est impossible de le dire.

Le caporal Fradillon sert à la 3e compagnie du régiment lorsqu’il meurt par suite de coups de feu au combat le 8 mars 1916. Il est tué au bois des Hospices. Son corps fut inhumé à proximité du fort de Souville près du tunnel.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Carte journees des 7, 8 et 9 mars 1916

L’acte de décès de Lucien est transcrit à la mairie de Viplaix le 30 octobre 1917.Il n’y a pas de tombe individuelle militaire qui porte le nom de cet homme.

Lucien Fradillon ne s’est pas marié et n’a pas eu de descendance.

Le nom de ce caporal âgé de 22 ans est gravé sur le monument aux morts de la commune de Viplaix.

Sources :

Fiche signalétique et des services lue sur le site des archives départementales de l’Allier.

Les sites« Mémoire des Hommes » et « MémorialGenWeb » ont également été consultés.

Des recherches ont été effectuées sur les registres de recensement des années 1896, 1901, 1906, 1911 et 1921 de la commune de Viplaix. Tous ces registres sont disponibles sur le site des archives départementales de l’Allier.

Le portrait de Lucien Fradillon provient du site « MémorialGenWeb ».

3 janvier 2020

Louis Jean Baptiste Guers (1894-1915)

Louis Jean Baptiste Guers

 

Louis Jean Baptiste Guers naît le 22 février 1894 au 67 cours Lafayette, une des principales artères de la rive gauche lyonnaise.

 

Le père, Jean Marie, alors âgé de 36 ans, travaille comme grainetier dans son propre magasin qu’il a ouvert après son mariage. La mère, Julie Augustine Gired, originaire de Mollon, a 31 ans. Elle n’exerce pas de profession.

 

C’est la troisième naissance pour le couple Guers. Julie Augustine a perdu son aîné qui n’a pas survécu à sa 1ère année. Elle se consacre à l’éducation de Charles, son second fils.

 

Le marchand de vin Louis Brialton et le charcutier Victor Monnet accompagnent le père à la mairie pour y faire enregistrer le nouveau-né.

 

Les trois hommes sont attendus par l’adjoint au maire de Lyon, Léon Fabre, officier de l’état civil délégué au 6e arrondissement.

 

La famille Guers à Lyon

 

Pour des raisons inconnues, les Guers quittent la ville aux deux collines pour venir s’installer à Oullins, au tout début du XXe siècle. Jean Marie devient propriétaire d’une nouvelle graineterie. C’est dans cette commune que le frère cadet de Charles et de Louis voit le jour en octobre 1902.

 

Un drame familial se produit l’année suivante. Jean Marie Guers décède le 31 décembre 1903 à l’âge de 46 ans. Louis n’a pas encore fêté son dixième anniversaire.

 

il ne fait pas de doute qu’il fût un bon élève à l’école communale, comme le laisse supposer la qualité des lettres envoyées à sa mère. Mais il n’était pas question de poursuivre de longues études après la mort de son père. Son degré d’instruction restera au niveau 3 comme il est stipulé sur sa fiche signalétique et des services.

 

Julie Augustine doit maintenant assurer la gestion de la graineterie tout en s’occupant du petit Marius.

 

Oullins (Rhone) la grande rue

 

Louis devient garçon épicier. En 1911, il est à Saint-Étienne. Le jeune homme décide de revenir sur les lieux de sa jeunesse quelque temps avant son incorporation. Il a trouvé un emploi à l’épicerie Pellerin, située au 77 de la grande rue d’Oullins. Ce commerce est placé à deux pas de la graineterie tenue par sa mère.

 

Louis Guers devant l'epicerie Pellerin d'Oullins

 

L’année des 20 ans de Louis, les instances officielles du conseil de révision réuni à la mairie de Saint-Genis-Laval, le déclarent « bon pour le service armé ».

 

Pour immortaliser l’évènement, un cliché de groupe de la classe 14 d’Oullins est réalisé par un professionnel peu de temps après. La pause est solennelle. Coiffé du béret de conscrit, il faut bomber le torse !

 

Oullins, la classe 1914

 

Le 1er août 1914, la France décrète la mobilisation générale. Un nouveau conflit contre l’Allemagne est sur le point d’éclater. Toutes les classes de réservistes en âge de reprendre les armes sont rappelées à leurs dépôts d’affectation. Les classes 1912 et 1913 sont déjà sous les drapeaux.

 

La classe 1914 n’a pas encore été appelée. Louis peut continuer son travail à l’épicerie. Mais pour combien de temps ? La France en danger attendra-t-elle octobre pour appeler la classe 1914 comme cela était prévu ?

 

Louis Guers photographie devant l'epicerie Pellegrin

 

Louis finit par recevoir sa feuille de route dans les tout derniers jours du mois d’août. La nouvelle tombe, il est versé dans un régiment d’infanterie frontalier. Tout du moins, c’est ce qu’il croit puisque le dépôt du 149e R.I. est censé être à Épinal.

 

Le jeune homme est incorporé le 5 septembre 1914. Après avoir fait ses adieux à la famille et aux amis, Louis Guers quitte Oullins pour se rendre à Langres. Le dépôt de son régiment est installé à Jorquenay depuis peu. Trop exigu, le dépôt déménage à Rolampont rapidement.

 

La formation de Louis s’accélère. Celle-ci est pénible. Elle est difficile et violente pour l’organisme, mais il faut vite s’aguerrir pour rejoindre rapidement la ligne de front. Cela passe par des marches de 35 kilomètres à peine un mois après l’incorporation.

 

Le 18 octobre 1914, le soldat Guers écrit à sa mère et son frère cadet.

 

« Bien chère Maman et cher petit Marius

 

J’ai reçu ta carte du 12 octobre qui m’a trouvé en bonne santé.

 

Nous bardons toujours fort à l’exercice. Nous faisons, 2 fois par semaine, des marches de 30 à 35 kilomètres avec le sac complet et le fusil. Bien entendu, quand nous rentrons le soir, nous sommes esquintés.

 

Nous faisons des marches de nuit de 2 heures ainsi que des attaques de nuit. À part ça, rien de nouveau.

 

Le froid commence à se faire sentir. Aussi, j’attends avec impatience le linge que tu dois m’envoyer. Je n’ai toujours pas reçu le mandat que je t’ai demandé.

 

Comme je ne sais pas quand j’irai au feu, je voudrais bien que tu m’envoies de l’argent à nouveau, car les blessés qui arrivent du feu nous disent que ceux qui n’ont pas d’argent sont malheureux, soit pour acheter du vin ou du pain. Ici, à Rolampont, tout est cher.

 

Il ne me reste pas grand-chose, une pièce de deux francs. Alors, en plus des dix francs, tu pourrais m’envoyer 30 ou 40 francs. Ça sera ma réserve en cas d’un départ brusqué.

 

Et maintenant quoi de nouveau à Oullins ? Marius travaille-t-il toujours bien à l’école pour te faire plaisir et te réconforter dans la triste période que nous traversons ? C’est mon vœu le plus cher et je pense qu’il le réalisera.

 

Au revoir chère petite maman et à bientôt le plaisir de te lire.

 

Envoie l’argent dans une lettre recommandée.

 

Sois tranquille, je l’économiserai, je sais combien tu as de la peine pour le gagner.

 

J’ai été vacciné hier contre la typhoïde. Je ne peux plus bouger le bras gauche. Il y en encore pour un jour. Ci-joint la citation à l’ordre du jour du 149e R.I..

 

Gros mimis à Marius.

 

J’ai été heureux d’apprendre la nomination de Charles. Il la mérite bien. J’ai même idée qu’il ne s’arrêtera pas là.

 

J’ai engraissé de cinq kilos depuis que je suis parti. Je pèse 68 kilos à l’heure actuelle.

 

Un bonjour à Madame Marie, à Madame Thévenon, à Monsieur Pellerin, à Madame Brunet et à tous les parents et connaissances. »

 

Les besoins en hommes valides pour remplacer les pertes du régiment sont conséquents. La guerre perdure. Elle sera bien plus longue que prévu !

 

Pour Louis, il ne lui reste plus que quelques semaines pour développer ses acquisitions militaires.

 

Plusieurs renforts sont déjà partis depuis qu'il est au dépôt. Il finit par quitter Rolampont avec l’un d’entre eux. Si la date exacte de son arrivée en Artois n’est pas connue, nous savons que la plupart des hommes de la classe 14 durent quitter le dépôt dès la fin de l'année 1914.

 

Louis Guers fut affecté à la 5e compagnie du 149e R.I., une unité qui est sous les ordres du capitaine Dastouet.

 

Grâce à la lecture d’un courrier adressé à sa mère et à son frère Marius, nous apprenons qu’il a participé à une attaque qui a eu lieu au début du mois de février 1915. 

 

« Le 8 février 1915

 

Chère maman et cher Marius,

 

Deux mots pour te donner de mes nouvelles. Je suis toujours en bonne santé et pense que ma lettre te trouvera de même.

 

La nuit du 1er au 2 février, nous avons fait une attaque la plus terrible depuis que je suis en campagne. Il s’agissait d’enlever une sape aux Allemands. Cette sape avait 100 mètres de long et se trouvait à 40 mètres de nos tranchées. À 2 h 30, ordre nous est donné d’enlever la sape aux Prussiens, mais le capitaine trouve le moment peu propice pour attaquer, car les obus allemands tombaient comme la grêle.

 

À 5 h 45, profitant d’une accalmie, nous mettons baïonnette au canon et nous nous élançons sur leurs tranchées. Auparavant, le capitaine nous avait dit : « Surtout, les gars, pas de pitié et pas de quartier. »

 

L’attaque fut terrible, mais le 149e tint bon. Juge de notre stupéfaction quand nous arrivâmes dans la sape, nous avions devant nous la garde impériale allemande. Le 1er régiment de France face à face avec le 1er régiment d’Allemagne.

 

Revenu à notre surprise, nous nous précipitons sur eux à la baïonnette et nous en tuons 30, tandis que nous, nous n’avions que 2 tués et 8 blessés, et la sape était à nous. Le colonel nous a félicité de notre belle conduite en nous disant qu’il n’aurait jamais cru que la classe 14 se conduirait aussi bien.

 

Tu regarderas d’ailleurs sur le journal, dans les citations à l’ordre du jour de ces jours derniers et des jours qui suivront, si tu ne vois pas la citation à l’ordre du jour du sergent Bergerie et ces soldats Demas et Maitre de la 5e compagnie du 149e R.I..

 

C’est ces trois qui nous ont menés à l’attaque et comme on ne pouvait citer tout le monde, on a cité les trois premiers qui sont arrivés à la sape. Tu me diras si tu les vois et tu m’enverras dans une lettre, le bout de journal où ce sera marqué.

 

Ce n’était pas tout le régiment qui a attaqué, c’est seulement la 5e compagnie.

 

C’est tout ce qu’il y a eu de nouveau ces derniers jours.

 

Tache de toujours te maintenir en bonne santé et d’avoir du courage et de l’espoir à l’avenir qui je l’espère te rendra tes deux enfants sains et saufs.

 

Ces jours derniers, le froid s’est moins fait sentir, mais, à la place, nous avons eu la pluie. Tu vois d’ici, dans les tranchées, la gabouille qu’il y a, mais que veux-tu, il faut s’y faire, car à la guerre comme à la guerre.

 

Gros mimis à Marius. Tu donneras bien le bonjour à la tante Louise, Madame Reure, la maison Pellerin, Madame Marie, Madame Thevenon, Madame Flachet, Madame Morand et à tous les amis et connaissances.

 

Ton fils et ton frère qui vous embrasse bien fort. »

 

Petites précisions sur l’attaque de la 5e compagnie du 2 février 1915 :

 

Louis écrit dans son courrier que sa compagnie est la seule à avoir participé à l’attaque. Il semblerait que non, d'autres compagnies du 2e bataillon du 149e R.I. furent concernées. L’état des pertes du régiment indique, pour cette journée, des tués et des blessés qui proviennent des 6e, 7e et 8e compagnies, mais pas de victimes à la 5e compagnie.

 

Le 24 mai 1915, le soldat Guers est nommé caporal.

 

Le 5 août 1915, Louis écrit de nouveau à sa mère. Dans sa correspondance, il dit sa fierté d’avoir été décoré suite à un évènement qui s’est déroulé au mois de mai.

 

Bien chère Maman,

 

Une nouvelle qui va te faire sûrement plaisir. Je suis décoré. Hier, le général de division m’a remis la croix de guerre ainsi qu’à plusieurs de mes camarades.

 

Cela a été émouvant. On nous a décoré une quarantaine. Nous étions tout d’abord 6 cités à l’ordre de la division, 10 à l’ordre de la brigade et 19 à l’ordre du régiment.

 

Quand c’est arrivé à mon tour, il m’a adressé quelques mots comme à chacun de mes camarades. Il m’a dit : « Quand avez-vous gagné cette croix que je vous remets aujourd’hui ? »  « Le 10 mai mon général», lui ai-je répondu. Alors, il m’a dit : «  Ah ! Mon cher 149e R.I. s’est distingué en effet en ces jours terribles, du 9 au 15 mai », puis, il m’a serré la main et donné l’accolade.

 

La remise de décorations terminée, le régiment, colonel en tête, a défilé devant nous, en présentant les armes, baïonnette au canon. Tandis que la musique, placée devant le drapeau jouait notre vieille et toujours vibrante Marseillaise.

 

Maintenant, j’aurai un grand service à te demander. J’ai, dans ma section, un caporal de mes amis qui est aussi de la classe 1914 qui est venu sur le front en même temps que moi, mais qui est hélas orphelin. C’est tout te dire. Je lui ai offert, donc du grand cœur dont tu me connais, de venir passer 3 ou 4 jours avec moi quand j’irai en permission. Les 2 ou 3 jours suivants, il les passera chez son ancien patron à Collonges.

 

Si tu acceptes, écris-moi de suite pour qu’on puisse s’arranger à partir au même détachement. Pour coucher, il prendra la place de Marius. C'est-à-dire, nous coucherons dans le grand lit en fer qui a place pour deux. Comme cela, tu n’auras pas de dérangement. Ton fils qui t’embrasse bien fort.

 

Ci-joint l’épreuve des photos que j’ai fait faire. Je les aurai dans une quinzaine.

 

Le caporal se nomme Joseph Longchamp .»

 

Il est impossible de savoir si Louis et son camarade purent obtenir la permission espérée.

 

Le 25 septembre 1915, la 5e compagnie du 149e R.I. est engagée dans une contre-attaque qui doit soutenir le 1er B.C.P.. Le caporal Guers est tué au cours de cette opération.

 

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Compagnie de mitrailleuses 1915

 

Le 18 novembre 1915, le maire d’Oullins reçoit, du dépôt du 149e R.I., un document administratif signé du chef de bureau de comptabilité, qui lui apprend la mort du caporal Guers.

 

 

Son acte de décès fut transcrit à la mairie d’Oullins le 11 février 1916.

 

Le caporal Guers a obtenu les décorations suivantes :

 

Les decorations de Louis Guers

 

Citation à l’ordre de la division n° 56 en date du 25 mai 1915.

 

« Le 10 mai, étant en 2e ligne et entendant sonner la charge, est parti à l’assaut d’une position ennemie avec le 31e Bataillon de chasseurs. L’attaque terminée a rejoint sa compagnie en rapportant un blessé sous un feu intense d’artillerie. »

 

La Médaille militaire lui est attribuée à titre posthume (publication dans le J.O. du 7 juin 1921).

 

« Excellent caporal, s’est montré très courageux dans toutes les actions difficiles, particulièrement le 25 septembre 1915 aux combats d’Aix-Noulette, au cours desquels il a trouvé une mort glorieuse. »

 

Cette distinction lui permet d’obtenir une étoile de vermeil sur sa croix de guerre.

 

Le caporal Guers ne s’est pas marié. Il est mort à l’âge de 21 ans sans laisser de descendance. Son frère aîné a survécu à la guerre, il a fait une carrière militaire. Marius, le cadet de la fratrie, fut banquier avant de devenir agriculteur. Il est décédé à l’âge de 87 ans. Des trois frères, il est le seul avoir eu une descendance. Leur mère, Julie Augustine, ne s’est jamais remariée.

 

La généalogie de Louis Jean Baptiste Guers se trouve sur le site « Généanet ». Pour y avoir accès, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

 

Geneanet

 

Le nom du caporal Guers est inscrit sur le monument aux morts de la commune d’Oullins. Son corps n’a jamais été retrouvé. Il repose peut-être dans un des ossuaires de la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette.

 

Sources :

 

La fiche signalétique et des services de Louis Jean-Baptiste Guers a été consultée sur le site des archives départementales du Doubs.

 

Les photographies et les documents présentés ici proviennent tous des collections de la famille descendante de Marius Guers.

 

Un grand merci à M. Bordes, à C. Lacoste, à A. Carobbi, aux archives départementales du Rhône et au Service Historique de la Défense de Vincennes

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