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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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31 juillet 2019

Dernier combat du mois d’août 1914 avant la blessure.

Du côté de la ferme de Methenval

La 8e compagnie du 149e R.I. retraite depuis son engagement dans le secteur d’Abreschviller. Les hommes sont éparpillés en plusieurs groupes. Une fois reconstituée, la compagnie du capitaine de Chomereau de Saint-André se remet en route, talonnée par les Allemands.

Elle s’apprête à vivre son 3e épisode sanglant depuis le début de la campagne.

Un très chaleureux merci à T. de Chomereau pour son autorisation de publier ici la dernière partie du témoignage racontant les évènements vécus par son grand-père en août 1914.

Un autre très chaleureux merci à B. Bordes pour ses illustrations qui accompagnent l’écrit.

22 août 1914

8e compagnie carte du 22 aout 1914

Réveil au petit jour. J’ai terriblement de mal à sortir de mon lit. J’en ai encore davantage à se­couer les pauvres gars éta­lés dans la grange.

Cette fois, il y a des précisions et même des ordres fermes. Le régiment se reconstitue sur un plateau, à un kilomètre au nord-ouest du village où le colonel Menvielle et tout un groupe ont bivoua­qué.

Enfin ! Les officiers reforment leurs unités et je conduis le tout à destination. Menvielle me croyait tué. Il est ravi de retrouver l’effectif assez important qui me suit.

Il manque environ au moins six cents hommes restés à Saussenrupt avec François, dont pas mal d’hommes de chez moi et du reste du 2e bataillon. Massignac est là. Nous repre­nons contact avec la même joie que le soir du 9 août à Wisembach.

Val-et-Châtillon a été sur­volé au petit jour par un zep­pelin qui sera démoli à Badonviller un ou deux jours après, mais je ne l’avais pas entendu.

Le 149 se réor­ganise vite. Distribution de vin de réserve, de cartouches. Grande halte. Il fait un temps su­perbe et le moral est excellent.

On ne dirait guère que nous avons subi un échec la veille. L’insouciance du soldat français, sa légèreté d’esprit et sa nervosité qui lui font si souvent perdre la tête et se débander, présentent par contre cet avantage de lui faire oublier très vite les en­nuis passés. Quelques heures de sommeil, une bonne grillade de « bifteck », un quart de vin et le vaincu d’hier qui se traînait la tête basse, blague, rie et est tout prêt à combattre de nouveau. Le fait est connu, mais je ne croyais pas que ce fût à ce point. Je le constaterai encore les jours suivants.

À midi et demi, nous entrons, l’arme sur l’épaule droite, à Val-et-Châtillon. L’installation est sommaire dans les maisons. La 8e occupe les dernières demeures sur la route de la scierie de Noroy.

De suite, les cuisiniers s’installent. Auront-ils le temps de faire la soupe ? Il me semble invrai­semblable que les Allemands n’atta­quent pas. Ils n’ont pas poursuivi. Les imbéciles ! Sans doute avaient-ils été échaudés pendant les combats du 21 alors que tout était en désordre.

Maintenant tout est d’aplomb, si j’en juge par le 149. Fernier et mon ordonnance, que j’ai retrouvés avec le groupe du colonel, ont déjà pendu la crémaillère dans une maison et me fri­cotent un bifteck, des pommes de terre et de la soupe. Entre-temps, je déniche chez une brave dame, après avoir inuti­lement cherché dans plusieurs magasins, une paire de chaussettes d’un rouge écla­tant. Les ha­bitants ne se figurent pas la proximité de l’en­nemi !

Voilà qui vient à point pour remonter ma garde-robe ! J’ai l’idée en effet que je ne verrai pas ma cantine d’ici quelques jours.

Quant à Égyptienne, ma bonne jument, elle doit faire les choux gras de quelques Allemands. Les six chevaux du bataillon ont disparu, sûre­ment pris à La Valette où, paraît-il, on les a vus arriver au moment où l’ennemi y pénétrait.

Ma vareuse, deux pèlerines, un certain nombre de boîtes de conserve et une trousse de toilette ont ainsi été volés, sans compter mon sabre et un sabre alle­mand damasquiné trouvé le 16 août à Saint-Blaise. Il me reste heureusement mon sac porté par mon ordonnance.

J’expédie mon déjeuner, qui suit de près le singe pris en breakfast à dix heures, quand on me prévient de l’arrivée de François qui vient d’amener le reste des manquants du 2e bataillon. J’apprends qu’il faut repartir.

C’est cela la cérémonie habituelle des « soupes » interrompues, de la viande placée à demi cuite dans les gamelles, du bouillon et des légumes jetés sur la route ! Et nous maudissons une fois de plus la routine des « commissions » qui ont refusé ou retardé l’adoption des cuisines roulantes.

On en­tend tout à coup très près, vers Petitmont et Cirey-sur-Vezouze, les cra­quements des 75. C’était à prévoir. Le 2e batail­lon se met à mar­cher vers Bréménil, suivi du train de combat.

L’ennemi doit être en­core assez loin, car celui-ci, très en vue sur une partie du chemin, gagne sans encombre cette lo­calité puis Badonviller.

Nous prenons une posi­tion d’attente dans un bois. Long arrêt. Nos batteries, placées un peu au nord-est de cette position, arrosent les crêtes au nord-est de Cirey. Elles sont battues sans grand succès par de l’artille­rie lourde.

Le bataillon qui était au nord du chemin se déploie pour prendre position au sud. François me donne, à ce mo­ment, l’ordre suivant émanant du brigadier Pillot, commandant la 85e Brigade : « Se porter au pont de la scierie de Noroy à mille cinq cents mètres au sud de Val-et-Châtillon et la tenir jusqu’à ce qu’on me re­lève ou jusqu’à ce que toutes les unités qui com­bat­tent sur l’autre rive de la Vesouze se soient re­pliées, en particulier le 158 ».

Il faut donc re­descendre dans la vallée, par les bois. Je n’ai que ma carte au 1/100.000e et j’atteins avec difficulté le chemin Saint-Sauveur / Val-et-Châtillon, ren­contrant sur celui-ci un officier du 4e chasseurs en képi et selle sans paquetage. Il est furieux, le pauvre ! Parti en coup de vent de Cirey vers midi pour chercher le zeppelin signalé tombé dans les bois, il n’a rien trouvé, sauf, au retour, Cirey bombardé et son cantonnement en flammes. Il n’a eu que le temps de décamper à vive allure.

Un peu plus loin, près d’une mai­son forestière, je tombe sur Pignot qui ne sait pas grand-chose de la si­tuation. Un bataillon du 149e R.I. est vers Saussenrupt. Ma section d’avant-garde atteint le pont. Elle rejoint bientôt mon gros. Je prends mes dispositions pour accomplir au mieux ma mission, bien délicate, car la rivière n’est ici qu’un obstacle moral. Un mètre de profondeur et six de large !

Le groupe de maisons de Noroy est dominé de partout par des pentes boisées. C’est le type idéal de la cuvette ! De jour passe encore, mais la nuit… Peu importe d’ailleurs, je préviens mes gradés que nous tien­drons coûte que coûte.

Je fais organiser une série de barri­cades, installer des réseaux de fil de fer, etc., ce qui nous permet, le cas échéant, de démolir pas mal d’Allemands.

Tout ceci s’accompagne du bruit des marmites qui pleuvent sur Val-et-Châtillon et qui résonnent en coups de tonnerre dans les vallons. La fusillade est intense vers le nord et l’est.

Le général Pillot, qui commande la 85e Brigade, passe. Interrogé, il me confirme la présence, en avant de ma compagnie, d’unités du 149e et du 158. Je suis tout étonné, connaissant son aménité habituelle, d’avoir une réponse polie. Ma foi, je regarde avec sympathie ce grand gaillard solide qui conserve un beau calme insouciant dans d’aussi pénibles conjonctures et dont la bravoure devient un dogme dans la brigade.

Le capitaine de Chomereau dans les bois

La nuit vient et le si­lence se fait, un silence lugubre et inquiétant de soir de combat. Ma pauvre petite compagnie est comme perdue au milieu de ces bois menaçants. Je circule l’oreille tendue, d’une sentinelle à l’autre, sentant mes hommes oppressés par l’at­tente d’une attaque qui peut déboucher à l’impro­viste du nord, à l’ouest, de partout. Toutes les directions sont dangereuses.

Deux éclaireurs montés rentrent dans les lignes. L’un d’eux porte en croupe une jeune femme qu’il a rencontrée, fuyant, terrifiée, à Val-et-Châtillon. Elle est à ca­lifourchon, les jupes retroussées jusqu’aux ge­noux, serrant d’un bras un petit paquet de linge ou d’effets. Je n’ai pas envie de sourire et mes hommes non plus. Combien parmi eux songent qu’en ce moment leurs villages sont envahis, que leurs enfants et leur femme, comme celle-ci, se sauvent sur les routes.

Un bataillon de chas­seurs rentre ensuite. Longue attente. Un détachement de B.C.P. passe, puis le 158. Nuit noire. Enfin débouchent plusieurs compagnies du 149, avec Souchard, le capitaine de la 9e compagnie. Il n’y a plus rien derrière eux que l’en­nemi qui ne paraît pas vouloir poursuivre.

Ma mission est ac­complie. Je pousse un soupir de soula­gement. Silencieusement, après avoir laissé Souchard prendre ses distances, je reforme mes hommes. Il doit être neuf ou dix heures et il faut gagner Badonviller où, paraît-il, se trouve le régiment. En route… Au bout d’un kilomètre, nous faisons un arrêt. Souchard réveille un forestier qui dormait paisi­blement. Il l’interroge sur le meilleur itinéraire, car, en pays aussi accidenté, le 1/80.000e est de médiocre se­cours. Je l’ai rejoint et nous décidons d’atteindre Bréménil par Angomont.

Ma compa­gnie est en formation d’arrière-garde. Je déplore que l’on n’ait pas fait sauter le pont derrière nous ; moi, je n’ai absolument rien pour faire cela.

Interminable marche en montant puis, une fois sur le plateau, un terrain faiblement ondulé nous attend. Nous sommes tous éreintés. Ma conversation avec Souchard se réduit à des grognements. Il répond de même. Une pause, deux, trois… Je tombe par terre à chaque fois, instantanément endormi, Souchard me secoue pour me réveil­ler. Après quoi, à coups de pied, nous faisons lever les pauvres troupiers.

J’envie Souchard qui, le veinard, a son cheval presque toute la journée. Il l’a renvoyé vers Badonviller seulement le soir.

Pour me réconforter, non pour le moral qui est solide, mais pour le physique, à ma grande joie, je tâte dans ma poche le gou­lot d’une bouteille de champagne qu’un bon­homme m’a vendue à Noroy.

Dorénavant, je me jure d’avoir toujours quelques pains de guerre en réserve sur moi. L’alimentation de mes hommes me tracasse ; qu’auront-ils ?

Vers onze heures et demie, nous dépassons des bataillons bivouaqués. Nous voilà en sûreté. La route est tout à coup encombrée d’artillerie, d’infanterie. C’est un méli-mélo énorme. Nous marchons toujours par deux, puis par un… Traversée de Bréménil, et… enfin ! enfin ! Nous arrivons à Badonviller.

Dans les deux villages, les Allemands sont déjà venus au début d’août, pil­lant, violant, brûlant et tuant. Rien qu’à Badonviller, ce sont quatre-vingt-sept maisons et l’église qui ont flambé. La traversée de ces ruines éclairées par le feu répand encore une odeur âcre et caractéristique qui réveille les hommes jurant tout bas.

Le fourrier m’attend sur la grande place. Il me dit qu’il n’y a rien à manger et que je dispose de deux petites maisons pour cantonner mes deux cents gaillards ! C’est cu­rieux, mon fourrier se croit encore aux ma­nœuvres ! Les portes étaient fermées, alors il s’est assis sur une pierre… et il a attendu ! Il est vrai qu’il est éreinté. Quant à Persant, mon ser­gent-major, gros et suant, il est tout à fait abruti pour l’ins­tant. Impossible de compter sur mes gradés, ils sont tous à plat.

Avec l’aide de deux ou trois braves, je fais enfoncer quelques portes. Je dé­couvre des clés. Je reviens prendre successive­ment chacun par les épaules. Il faut les agonir d’injures et leur taper dessus pour les faire lever. Ces malheureux ronflent par tas sur la place. Je les conduis comme des enfants à leur place. Dans une armoire, j’ai découvert cinq kilogrammes de sucre et un litre de rhum. Le propriétaire s’est enfui.

Honnêtement, je rembourse le tout à un voisin, en plus d’une boîte de conserve dénichée et que je me suis appropriée.

Ah ! Cette petite maison co­quette et propre, qu’elle est navrante avec ses berceaux d’enfants d’où les petiots ont été arra­chés, avec ses ar­moires ouvertes, et en désordre. Et encore, les habitants de celle-là ont eu la vie sauve. Ils se sont sauvés à temps. Mais combien d’autres, à Badonviller, comme à Val-et-Châtillon et ail­leurs sont restés, parce qu’en haut lieu, personne n’a organisé le départ méthodique !

Je me suis réservé un des lits assez nombreux. Je tombe exténué, après avoir fraternellement partagé, avec mon ordonnance, champagne et conserve et m’être assuré que tout était tranquille.

23 août 1914

8e compagnie carte journee du 23 aout 1914

Dès quatre heures, je suis de­bout. Abominable sensation ! Toute la fatigue revient d’un coup. Elle est à peine atténuée par deux ou trois heures de repos. Péniblement, comme un somnambule, je fais le chien de ber­ger une fois de plus.

La compagnie se ras­semble, atone, comme ahurie. C’est, en partie là, au début, que la souffrance est la plus dure. Après, la machine est remontée !

Temps su­perbe. Le 149 se replie sur Fenneviller qu’il traverse.

Les Chasseurs à pied doivent revenir vers Badonviller. Le 149 organise un repli entre Pexonne et Neufmaisons. Sur la route, il y a des théories de voitures encombrées de matelas, de meubles qui sont suivies d’enfants et de femmes.

Nous nous installons dans une plaine au nord de Neufmaisons. Enfin, nous faisons une grande table, il doit être 8 heures ! Des troupes passent. Partout on entend le canon. Vers Sainte-Pôle des batteries ti­rent sans relâche tandis que dans l’air calme monte la sonnerie des cloches de Neufmaisons. Il est l’heure de la Grand Messe ! C’est un contraste singulier et saisissant.

Vers midi, Menvielle fait faire à tous les officiers une reconnais­sance de terrain. Elle est précédée par le passage en auto du général Legrand, qui fait un léger arrêt au milieu de nous.

Cette prome­nade, digne d’un exercice de cadres en temps de paix, est visible de loin. Elle nous permet au moins de cueillir des mirabelles. Les mirabel­liers, du reste, seront bientôt coupés.

Nous occupons une longue ligne de tran­chées perpendiculaire à la route de Neufmaisons, que nous évacuerons si l’ennemi « mord » trop.

Pexonne Neufmaisons croquis dessine par le capitaine de Chomereau

Nous grognons entre nous. Il nous paraît inadmissible d’occu­per, avec ordre, cette ligne prise en écharpe par des bois, à trois cents mètres d’un talus, excellent pour l’en­nemi, quand il faudra se « replier » sur une 2e ligne.  Une 2e ligne creusée à six cents mètres derrière ! Il faudra traverser un terrain nu comme la main et absolument plat. Il sera im­possible de combattre et, par-dessus le marché, le feu de la deuxième position sera masqué.

Se faire tuer, oui, mais aussi inutilement, c’est idiot ! Le lieutenant-colonel Escallon essaie vai­nement de faire rectifier ces dispositions ab­surdes. Peine perdue, Menvielle est têtu comme tous les gens bornés. Nous nous deman­dons quels seront les sacrifiés.

Cela tombe sur Massignac et moi. Par-dessus le marché, Menvielle attend la nuit pour faire la désigna­tion. Je suis furieux !

Les hommes dormaient déjà après avoir copieusement dîné, dans un bois de sapin. Il faut à tâtons les réveiller. La nuit est noire, défense d’allumer.

Sur la croupe, une pro­cession d’émirs traîne ses couvertures avec des bottes de paille sur la tête. Elle gagne les emplace­ments. Péniblement, je case les hommes. Il est sûr que nous y resterons le lendemain. Aussi je fais un petit paquet de mes lettres, afin de l’ex­pédier au lieutenant Girard, excellent camarade, en qui j’ai confiance et qui, étant porte-drapeau, est moins exposé. Je le confierai à mon ordonnance. Après quoi, celui-ci, mon cuisinier et moi-même dînons de conserves. Puis nous nous ser­rons les uns contre les autres, avec un peu de paille sur nous et nous dormons, malgré l’humi­dité.

La rosée est abondante et il fait froid. À plusieurs reprises, je n’y tiens plus, je circule aux alentours. La nuit est calme d’ailleurs. Quelques coups de feu au nord-est, vers Celles-sur-Plaine.

24 août 1914

8e compagnie carte journee du 24 aout 1914

Legende carte du 24 aout 1914

Je suis debout à trois heures ou trois heures et demie. Comme d’ordinaire, je fais réveiller mon monde et nous attendons, réchauffés peu à peu par le soleil qui nous dérai­dit.

Le contact avec l’ennemi a repris et manifestement nous reculons partout, lente­ment. De ma place, installé sur le point le plus haut, je distingue fort bien les mouvements de repli successifs.

En avant de moi, il doit en être de même, mais le terrain couvert fa­cilite la résis­tance.

Vers neuf heures, Menvielle m’emmène de ce côté. Nous repérons l’empla­cement d’une avant-ligne pour une section. Celle-ci est à peine placée que le bombardement com­mence. Une salve de quatre 105 tombe juste devant moi à cent mètres. Puis, ça conti­nue, mais le tir très violent ne produit aucun ef­fet sinon d’obli­ger la section de Pesant à déboîter. Il y a une accalmie, puis ça reprend. Cette fois-ci, le tir paraît destiné aux batteries de 75 qui sont en position entre Neufmaisons et moi.

Tout le plateau est balayé. Je suis en plein dans l’axe, je m’at­tends à rece­voir d’une minute à l’autre un pot de fleurs sur la tête, et mes hommes aussi ! Le so­leil monte. Il fait une chaleur torride. La tran­chée est couverte partiellement d’un abri de branches, notoi­rement insuffisant contre les shrapnels, et dont pourtant je bénis l’ombre protectrice.

Malgré tout, les cuisiniers sont allés cuire le repas dans le boqueteau. L’ennemi décèle leur présence par la fu­mée des feux. Il aurait fallu, il faudrait exécuter tout cela loin dans des cuisines roulantes. Alors ? Parfaitement, elles sont à l’étude ! 

Je déjeune sur le pouce, prêché à droite et à gauche auprès de mes troupiers aux­quels je passe du vin « en force » et puis c’est la sieste géné­rale, irrésistible, les corps pliés en quatre, le nez sur les pattes, comme des chiens.

Véritable engourdis­sement où les projectiles qui éclatent par­fois tout près ne nous secouent même pas. Nous atten­dons toujours l’attaque ! Quand celle-ci se pro­duira, j’ai pris cette résolution très arrêtée : ne pou­vant, si je me replie suivant les ordres donnés, que me faire fusiller comme un lapin, tenir désespérément et foncer ensuite en avant. Au moins, nous nous vengerons d’avance !

Au petit jour, j’ai ex­pédié mon ordonnance avec mes papiers et le boni à Girard. Tout est donc en règle. Je suis tranquille. Mais les hommes sont fort intelli­gents quand leur peau est en jeu ; ils ont en­tendu, je crois, la veille, quelques bribes de la discussion entre Menvielle et Escallon. Ils savent parfai­tement que la situation est absurde. Je devine des réflexions peu disciplinées. Enfin ! Ils tiennent bon sous les obus qui se multiplient.

Vers quatre heures environ, un papier expédié par Massignac au ca­pitaine François, commandant le bataillon, passe par mes mains : « À notre gauche, au-delà de la route de Neufmaisons, per­sonne, il n’y a plus per­sonne dans les tran­chées : le 109 s’est replié. »

Une demi-heure après arrive l’ordre de détaler pour nous aussi. Je pousse un soupir de soulagement. Précisément, le bombardement a cessé. Mais il faut procéder avec méthode. J’oblige mes sections à partir avec ordre, sans courir, à larges in­tervalles. Tout se passe bien et François félicite la 8e. C’est parfait.

La 7e elle aussi agit de même au début, mais les derniers éléments en ont assez d’attendre et partent tous à la fois. Résultat, une demi-mi­nute après, il y a un arro­sage sérieux de 105 qui font heu­reusement très peu de blessés.

Tout le 2e batail­lon et la 7e qui est avec Menvielle, ner­veux et agité, se re­forment dans le vallon à l’est de la crête. Commence alors, par les bois touffus, une interminable marche vers Thiaville, où nous arrivons à la nuit.

Le pont est barré, mais il n’y a, paraît-il, pas d’ordre pour le faire sauter. Les Allemands s’en empare­ront sans diffi­culté.

Bien entendu un Taube passe juste au moment psychologique. Il lance, mal du reste, une bombe sur le pont encombré. Ce fait a été vu par Isler, le capitaine de la 3e compagnie, moi je ne l’ai pas constaté. En tout cas, un autre avion a suivi notre re­pli. Cette observation est horripilante.

Le 2e ba­taillon se rassemble dans un pré, puis re­part. La nuit est venue. Ma carte s’arrêtant à Pexonne, je marche à l’aven­ture, me bornant à suivre François. C’est une longue et une interminable marche.

Nous franchissons les hau­teurs au sud de la Meurthe et la route monte dur. Il y a des à-coups fré­quents, une « grinche générale », puis c’est le silence complet. Nous n’avons plus la force de parler !

Depuis quatre jours, je me suis tant dé­pensé, obligé de tout faire. Je suis à bout, et surtout mourant de sommeil. Oh! dormir, dormir…

Ma belle capote de ciré, trop longue, m’alourdit. Déjà le jour d’Abreschwiller, elle m’avait causé, par son poids, une crampe qui avait failli me faire rester en arrière. Oublieux des services rendus la nuit, je la maudis. Mais je n’ai rien d’autre qu’elle. Les cantines sont loin. À force d’énergie, j’ar­rive à secouer les hommes, à les faire relever aux pauses.

À l’entrée de Ménil-sur-Belvitte, il est, je crois, onze heures et demie. Je m’étends durant l’arrêt exécuté et il m’est im­possible de repartir. La tête me tourne et je vois trente-six chandelles. Je n’ai que le temps de m’accrocher au bras d’un homme qui m’aide à me rasseoir.

Au bout de cinq mi­nutes, je suis ré­veillé : c’était un besoin de sommeil rentré. La compa­gnie est à l’autre ex­trémité du village. Nous can­tonnons ici, paraît-il. Je retrouve la 8e. Tout le monde est par terre, ronflant. Le fourrier est tombé sur des cavaliers qui déjà sont « chez nous ». Il attend mon intervention qui est immédiate et prompte. Dans la première grange, courts pour­parlers, entente : on se serrera… Bien ! Dans la deuxième, gro­gnements, protestations. L’ordre est donné de détacher les chevaux et de les lâcher dans la campagne. Cette menace met les cava­liers en révolution. Eux aussi, éreintés, me font pitié. Mais les miens d’abord !

Le capitaine de l’escadron de cavalerie survient et nous nous arrangeons faci­lement. Ouf ! Je me mets en quête d’un gîte pour moi. Oh ! bonheur ! je déniche enfin un lit chez de braves gens. D’autres me confec­tionnent deux vagues œufs frits et je vais m’en­dormir d’un seul coup, comme une brute. Marcher, manger, dormir, se battre, c’est toute la guerre !

25 août 1914

8e compagnie carte journee du 25 aout 1914

Il fait grand jour quand je me réveille assez d’aplomb. Le soleil est déjà chaud. Les hommes sortent des greniers à foin et bavar­dent. Il y a des coups de canon lointains au nord. Personne ne semble avoir l’impression que l’en­nemi ne peut être très éloigné. La compagnie se rassemble péniblement après le café. Pour ma part, mes hôtes, deux bons vieux, m’ont fait du chocolat au lait et veulent me for­cer à emporter un petit flacon de mirabelle. Je les paie d’une pièce de dix francs. Rareté ! Je n’ai pas, depuis le 31 juillet, touché aux quatre-vingts francs d’or reçus du trésorier Richelot. Mais ces braves gens pa­raissent si tourmentés. Leur fils est au feu, je ne sais où. Ils m’ont de­mandé si je leur conseillais d’émigrer. Prudemment, m’assurant qu’on ne m’entend pas, je leur dis oui et ils commencent leurs prépara­tifs. Pauvres vieux ! Il est 6 heures, je crois. À midi, tout sera écrasé, brûlé dans leur maison. La veille ils avaient fait des manières pour me recevoir, disant : « Nous craignons de déranger des soldats qui sont ici ». Ce qui est savoureux c’est que ce sont les miens. Mais ils ont changé de ton et m’ac­compagnent de souhaits au départ.

J’ai pu aller remettre au va­guemestre une lettre que j’ai commencée le 23 et poursuivie depuis. La grande rue est en­combrée de voitures qui se mettent en route vers Rambervillers.

Des bruits encourageants circu­lent. Pau vient de prendre le commandement. Il prescrit une offensive gé­nérale. Dans le ciel très pur, un avion français passe, le premier vu depuis… quand, au fait ? Nous n’avons aperçu que des Allemands et pas une cocarde tricolore ne nous a survolé, de retour de reconnaissance ou en route pour en effectuer une.

Le moral est bon malgré la fatigue encore présente. Vers six heures et demie, l’ordre est donné de se por­ter vers le nord du village où nous devons nous installer. Hum ! le canon paraît bien près main­tenant !

Quelques hommes se sentent brusque­ment at­teints d’affections inat­tendues. Hémor­roïdes et crampes d’estomac, qui sont aussitôt guéries par la pro­messe d’un traitement à base de coups de pieds ! Une fois de plus, je me souviens de ce peintre admirable de la psycholo­gie du combat­tant qu’a été Ardant. Pour la ving­tième fois, je constate qu’il avait raison : soldat de 1809, de 1896 ou de 1914, l’esprit est identi­quement pa­reil. La majorité « va bien ».

Bazien croquis dessine par le capitaine de Chomereau

Legende Bazien croquis dessine par le capitaine de Chomereau

Par les clôtures du vil­lage, empêtré dans des fils de fer et des haies, je conduis la 8e en direction in­diquée. J’ai pris la formation d’approche, à larges intervalles, cou­vert au loin par des patrouilles. Le terrain est découvert et ondulé. Deux bois sur ma droite et en avant !

À deux kilomètres, il y a un village, c’est Bazien. À peine mes disposi­tions prises, je reçois l’ordre de me porter sur ce dernier point que j’atteins bientôt. François et le reste du 2e bataillon qui étaient à ma gauche et en avant, y arrivent aussi, avec Menvielle et Schalck, son adjoint. Il paraît que nous sommes réserve de division.

À cent cinquante mètres, une crête formant plateau, est, paraît-il, tenue par le 158e R.I.. Les hommes sont couchés, dans un ver­ger ; à ma droite il y a la 7e compagnie de Massignac.

Je sais à ce moment-là seulement quel est le nom du village à la lisière méridionale duquel nous sommes. Car je n’ai toujours pas de carte ! Menvielle et Schalck, appelés vers Ménil-sur-Belvitte par le divisionnaire Lanquetot, partent à cheval.

Le calme est complet, coupé seulement par une fusillade assez vive, loin en avant. Derrière, sur les pentes, d’autres fractions, nombreuses, s’avancent.

Ren­seigné sur ma situation exacte par un officier du 158e R.I., je viens de noter rapidement ces données sur une lettre déjà commencée.

Tout à coup, très près, à cent cin­quante mètres devant nous, un crépitement vio­lent ! Une grêle de balles passe à quelques cen­timètres sur nous. Des tirailleurs déployés à la crête se replient en hâte. C’est une surprise complète !

Autant que j’aie pu l’apprendre par la suite, la ligne de contact dont nous étions « ré­serve » a été soumise, à l’improviste, au feu violent d’un ennemi insoupçonné, qui l’a fait céder.

J’ai l’impres­sion très nette que le rassemblement du 2e batail­lon va être écrasé par l’attaque allemande qui at­teint, à quelques mètres maintenant, le sommet du glacis que nous occupons.

Presque en même temps, pas loin de là, le 3e bataillon du commandant Laure aussi surpris perd beaucoup de monde. Devant moi, les hommes de la 7e compagnie, dés­orientés, reculent.

À coups de pied furieux, j’en ar­rête un instant quelques-uns, aidant Massignac qui tâche de déployer. Mais les miens en font autant !

En réalité la situation est intenable et l’effet de cette surprise est irrésistible. Et dire que nous étions ré­serve de division !

Nos hommes dégringolent la pente. Les fractions en arrière font également toutes demi-tour. Impossible de les arrêter ! En y songeant, il était absurde de rester sur place. Mais sur l’ins­tant, je vois seulement qu’on recule. Furieux, j’agonis mes hommes d’injures en leur mettant le revolver sous le nez.

Obliquant sur ma gauche, j’en entraîne un certain nombre vers un ressaut de terrain couvert de gerbes. Les balles y pleuvent, mais c’est un point important et je m’y cramponne.

Tout près, il y un bois. Je circule en arrière de la lisière et je trouve un lieutenant mitrailleur au 4e Chasseurs à cheval, qui est en train de mettre en batterie. L’arrêt se prolonge.

Sur ma gauche, face à l’ennemi, le 2e bataillon s’est reformé. Nous tenons ferme, non sans pertes sérieuses.

Ma pauvre 8e y laissera encore une cinquantaine d’hommes !

Malheureusement, mes hommes sont loin d’avoir tous des outils. Les abris offerts par la lisière et les abords sont insuffisants. L’attaque ennemie nous déborde par notre droite. Nous nous replions lentement sur Ménil.

Des fractions se sont intercalées entre moi et le reste du bataillon que je m’efforce de rejoindre. Encore un arrêt à l’entrée nord-est du village. Des blessés et des isolés tourbil­lon­nent dans les rues, cherchant le 149e R.I..

Aidé du sergent Fleuriot et de plusieurs sous-officiers, je les regroupe, au milieu des marmites qui commencent à tomber sur les maisons. Laure, me dit-on, est blessé. Le colonel Copet, adjoint au co­lonel, et Schalck tués. C’était, Dieu merci, faux pour ces derniers !

Tandis que je constitue deux grosses unités de tout ce monde, le général Legrand qui commande le 21e C.A. passe aux grandes al­lures, se repliant derrière le village qu’il a l’air d’avoir traversé en ouragan. Il semble terrible­ment nerveux et agité ! Je fais présenter les armes, très fier, en somme, du résultat obtenu en plein feu d’artillerie ! Je salue réglementairement. Je suis aussitôt remercié par un « Je me fous des saluts ! » vraiment bien articulé. Un « Qu’est-ce que ces hommes ? » auquel je ré­ponds : « Ce sont des isolés que je groupe » est immédiatement suivi sur un ton plus correct et moins affolé de « Bien. Déployez-vous au nord-ouest du village. Il faut tenir ! Une divi­sion va déboucher et c’est la victoire assurée ». Puis il repart.

Je contourne le village par le sud, utilisant des bouquets d’arbres et de sapins. Les marmites tombent toujours, dirigées contre des coloniaux qui contre-attaquent.

Par une chance inouïe, rien ne nous touche. Par bond, me défilant, j’atteins le point qui me paraît le meilleur, vers le chemin, je crois, qui mène de Ménil à Brû.

Sur une partie du chemin non battu encore, une auto d’état-major passe très crânement ! Dedans, il y a un capitaine de cavalerie, grand avec une longue mous­tache blonde. Il s’arrête, me demande ce que je suis. Je me nomme et lui réponds : « Vous voyez, je viens du feu, j’y retourne ! » – « Quand on s’appelle Chomereau, on ne sait pas agir autrement ! Au revoir, mon cher Chomereau et bonne chance ». Rarement une phrase ne  m’a été aussi agréable que celle-là ! Ce témoignage, sous les balles, d’un inconnu en­vers une réputation établie par quatre générations d’officiers est certainement mon meilleur souve­nir de la campagne.

J’en ai été fier pour Yvonne, pour mes enfants qui auront à la soutenir et pour mon frère Charles.

Une batterie d’artillerie est en arrière de moi, dans un pli de terrain. Son chef vient de je­ter un coup d’œil de mon côté et je le reconnais sans étonnement. Je m’habitue aux rencontres imprévues ! C’est Théophile Chanel, un camarade de pro­motion de Saint-Cyr qui est passé dans l’artillerie. Sa situation est passablement critique. Ainsi lancé en avant, je lui promets de le soutenir. Mais c’est une be­sogne assez scabreuse, car ses premiers tirs à peine tirés attirent sur nous des marmites qui me forcent à avancer pour échapper aux éclatements.

Il doit être midi. De toute façon, il fait chaud. Un brave petit berrichon, Moreau, s’est accroché à moi. Il me suit fidèlement tandis que je circule, tantôt en rampant, tantôt au pas de course.

L’avance de l’infanterie ennemie paraît s’être arrêtée devant nous. Mais, de ma place légèrement dominante, je vois distinctement, à la jumelle, leur progression sur la droite à l’est de Ménil.

À cinquante pas de distance, méthodiquement, sans courir, avec un ordre impressionnant, des sil­houettes grises passent sur la crête où j’étais le matin. Elles sont si peu visibles, si peu vulnérables qu’elles n’attirent pas le feu. Quelle précision dans la manœuvre !

C’est extraordinaire, d’autant plus que, pas loin de moi, je vois les coloniaux qui avancent également, mais mal tassés et mal mêlés.

Beaucoup plus à l’ouest, des lignes de tirailleurs, faciles à discerner grâce à l’absurde pantalon rouge, sont, comme moi, cramponnées au sol, sans pouvoir gagner du terrain.

On croirait assis­ter à une scène de manœuvre où il y aurait des morts, beaucoup de morts.

Après tout, Chanel se tirera d’affaire sans moi ! Je vais faire prescrire un bond en avant quand le lieutenant mitrailleur Gérardin surgit près de moi. D’où sort-il ? Lui aussi a obliqué vers l’ouest du village, ayant perdu le bataillon qui est, je crois, tout à fait disloqué. Chaque officier s’est incrusté sur place, noyé ensuite dans les renforts.

Gérardin m’apprend que Menvielle est vivant et que Schalck, disparu, était blessé grièvement. Il me dit que le 149 doit être derrière nous, dans les bois, et qu’il y a ordre de se refor­mer vers Brû.

En effet, la division, annoncée par Legrand, débouche de partout. Je reconnais, avec émotion, des bérets et des bandes molletières ! C’est le 97 et aux alentours le 157 et le 159, de ma­gnifiques régiments alpins, qui viennent d’Alsace où ils ont colmaté, à Altkirch et à Mulhouse, perdant un monde fou et bousculant les Allemands à plusieurs reprises.

Il est temps qu’ils nous relè­vent.

Le 149 rallie aussitôt après la surprise due à l’impéritie de certains grands chefs et à la s… de retraite de la première ligne. Menvielle est mis hors de cause ce jour-là.  Le 149e s’est battu avec acharnement, perdant Cadeau, le capitaine de la 12e compagnie, le sous-lieutenant Drouet etc… ceci après plusieurs jours de luttes et de marches exténuantes.

Ramenant les blessés par paquet, je gagne les bois. Mais où est passé le 149 ? Je rallie le lieutenant mitrailleur Petitjean, lui aussi attardé et dés­orienté. Vaines recherches : le mieux est d’aller à Brû. La brigade entière est par là.

Nous croi­sons l’artillerie de la brigade provisoire des Alpes. Je tombe sur le 4e Chasseurs d’Afrique qui lui est adjoint : ah ! les jolis cava­liers ! pimpants, reluisants, astiqués, frais et ra­sés ; les chevaux étrillés, sabots cirés, ont l’air de partir pour une fête.

En vrai cocar­dier ravi d’un pareil spectacle, je ne puis m’empê­cher de féliciter un brigadier médaillé du Maroc qui part en patrouille. Il a d’abord l’air étudié, puis il comprend. L’homme a un petit sourire modeste et triom­phant où perce à la fois tout l’esprit du corps de ce beau régiment.

Par les chemins pleins d’argile rouge et gluante, je traverse la forêt. Les obus d’artillerie allemands tombent sans relâche. Brû, en­fin ! Mais pas de 149e !

Deux ou trois autres of­ficiers, lesquels, je m’en souviens, se sont joints à moi. Avec la 8e compagnie incomplète, j’ai bien plusieurs centaines d’hommes à mes trousses.

Explosions d'obus

Le village n’est pas sûr ; du reste, un obus y est tombé le matin, faisant fuir toute la population. Seul un vieux bonhomme, soldat du Tonkin, est resté. C’est chez lui que mon cuisinier pend la crémail­lère après que j’aie organisé une grande halte. Nous sommes cinq ou six à ma tablée. Celle-ci s’accroît bien­tôt d’un certain nombre d’officiers du 4e Chas­seurs d’Afrique dont Potier, le camarade de mon frère Charles au 26e Dragons.

Ces officiers ont chargé à Altkirch, perdant une centaine d’hommes. J’essaie, avec Potier, d’aller voir où est le colonel de Buyer, mais il est absent. Il doit être au 4e. Notre frugal déjeuner est à peine commencé quand arrivent Menvielle, François et Massignac. Ils avaient stationné dans les bois. Prétet, de la 6e compagnie, manque encore. Il est, paraît-il à Rambervillers avec cinq ou six cents hommes.

Je retrouve pas mal de manquants de la 8e, dont Pesant, mon sergent-major qui sera tué à Ypres.

L’installation est difficile faute de place. Je suis dans une des dernières maisons au nord du village et la nuit vient vite me sur­prendre. Enfin, les distributions terminées, je peux retrouver Menvielle et tous les officiers réunis chez mon indigène à neuf heures.

J’aide à mettre le couvert, avec Massignac, cherchant du maté­riel chez le propriétaire.

Le dîner en commun commence à huit heures, je crois, interrompu par l’irruption de Prétet. Celui-ci est littéralement ivre de fa­tigue, de tension nerveuse. La surexcitation de ce Bourguignon sanguin est telle qu’il est comme fou, répondant à Menvielle qui lui dit de prendre place à table : « Moi j’ai l’habitude de penser d’abord aux hommes et de ne pas me go­berger quand ils ont le ventre creux ! » Puis il sort en faisant claquer la porte.

Je m’offre à aller l’aider, mais il est tellement hors de son bon sens qu’au bout de cinq minutes je lui dis : « Va te faire f… et dé…brouille-toi ». Bien entendu, le len­demain il avait tout oublié et Menvielle ne lui en parlait même pas.

Tous les hommes sont aussi nerveux que lui, accueillis il faut voir comment, par ceux déjà étalés dans les canton­nements et qui dormaient à poings fer­més.

En ce qui concerne la 8e compagnie où arrive une quaran­taine d’égarés, ç’en est vite fini ! Crispé de tou­tes les « grincheries », je bouscule mon monde. Je dis­tribue quelques coups de poing, empile les nou­veaux venus au mieux des can­tonnements. Dix minutes après, tout le monde dort, couché, et moi aussi dans un lit dont j’ai donné la pail­lasse à un de mes sergents.

26 août 1914

Bru croquis dessine par le capitaine de Chomereau

Legende Bru croquis dessine par le capitaine de Chomereau

La nuit est calme. À cinq heures, je groupe la 8e compagnie dans un verger attenant, constatant les pertes. La jour­née se passera sans incident notable. Vers neuf heures, j’entends parler d’un message apporté par avion qui annonce une vic­toire de Castelnau. Il est tombé, tout près, vers des batteries de 75 qui tirent sur la crête au nord de Brû. J’y vais : vague confirmation.

Nous sommes au repos, pa­raît-il, pour la première fois depuis le 17 août à Diespach. Les hommes dorment par terre une grande partie de la journée. L’offensive ennemie paraît enrayée.

Le déjeuner à lieu à onze heures au logement du colonel, assis qui sur son lit, qui sur les quelques chaises res­tantes.

Un peu auparavant, j’ai pu expédier à Yvonne un billet et une carte faite d’un fond de table en carton.

L’après-midi est calme aussi. Vers trois heures, je crois, il y a un rassemblement sous les arbres à l’empla­cement qui sera utilisé le lendemain.

Dans la soirée, nous allons creuser des tranchées un peu au nord du village. Nous rentrons à la nuit sous une pluie assez violente.

Ma chambre a été ré­quisitionnée pour y mettre un poste de secours du 157. J’ai émigré vers la mai­son où j’avais dé­jeuné la veille. Le propriétaire a décampé !

Je dîne, un livre pour enfants en main, que Berquin a déniché dans une armoire, avec aux pieds d’énormes chaussettes trouvées au ha­sard de mes recherches. Ma cantine me manque bien. Le lit est bon, mais cette obligation de se tenir, sans ordre, prêt, toujours, à cinq heures du ma­tin, est odieuse.

27 août 1914

8e compagnie carte journee du 27 aout 1914

Réveil par un temps maussade et pluvieux. Il faut s’attendre à partir. Nous nous rassemblons près de l’église et on attend.

Menvielle me dit que le train de combat est là, tout près, dans la grande rue ! J’y cours, d’abord sur une fausse piste, en­fin dans la boue des chemins dé­foncés. Au passage, je cause avec des officiers de Chasseurs qui ont été décimés comme nous. Un lieutenant d’état-major m’apprend l’écrasement du 97e R.I. à Mulhouse.

Je trouve fi­nalement le train de combat, ma voiture à ba­gages et ma cantine ! Oh joie ! Je la fais porter par le conducteur dans une chambre occupée par deux lieutenants de chasseurs aussi crottés que moi.

Je savoure la volupté de trouver un mouchoir propre, de l’eau dentifrice, de me munir de papier à lettres, d’enveloppes et de mes cartes laissées à Diespach quand nous croyions entrer en Allemagne. Le tout dure cinq minutes, mais quelles bonnes minutes !

Bien des fois je l’ai constaté, et d’autres avec moi en ont fait autant, la cantine, en guerre, c’est le « chez soi » qui vient vous trouver avec les souvenirs d’intimité, du confortable.

Tout guille­ret, je reviens à mes hommes. Je serre la main à Vilarein, capi­taine au 157e R.I., un vieux ca­marade du 22e d’infanterie à Sathonay. J’aperçois également des fractions du 163e R.I., Galland du 7e R.I. de Castries, n’y est pas.

L’ordre est donné d’aller un peu au nord-est du village et de se rassembler sous les arbres.

La bruine est là par ins­tant. Le canon, tout proche, qui la veille, pa­raissait diminuer, s’accroît.

Il paraît que Ménil est enlevé et que les Allemands ont pris pied dans les bois qui nous séparent.

Les grands chefs ont l’air ner­veux. François, qui commande le ba­taillon et qui a un déplorable caractère, est parti­culièrement grincheux.

Gérardin a, en dépit de l’ordre donné d’évacuer les maisons, laissé judicieusement les mitrailleuses à l’abri pour les démonter et les nettoyer. François se rue chez lui, revolver au poing !

Gérardin vient nous re­trouver, suffoquant, s’étranglant, avec des sanglots. Nous le calmons.

J’ajoute que mis à part ce manque de maîtrise de soi-même, François est un chef qui voit juste et commande bien. Je fais un déjeuner tar­dif et solitaire dans « ma » maison. Le bataillon est désert, l’après-midi est triste et long. Il pleut.

Vers trois ou quatre heures, un détache­ment de renfort fourni par le 349e R.I. est réparti séance tenante, ce qui porte les compagnies à environ cent quatre-vingt-dix hommes.

Une batterie de 155 Rimailho a pris position der­rière nous. Elle tire sur Bazien, par-dessus nos têtes. Pour éviter les ripostes, le ré­giment va se rassembler au nord-ouest du village.

Menvielle fait exécuter quelques mouvements de manie­ment d’armes. Il lit ensuite un ordre de Legrand qui confirme la victoire de Castelnau qui pour­suivait l’ennemi en déroute vers Einville-au-Jard. Quand on va poursuivre, il faudra donner jusqu’au dernier homme, jusqu’au dernier souffle. Tout ceci n’emballe personne.

Nous savons, par les camarades qui sont en avant, que l’ennemi ne recule pas du tout et j’ai depuis quelques instants une angoisse que je garde pour moi seul.

Un des ré­servistes du dernier renfort m’a donné un papier sur les « Nouvelles Spinaliennes » qui, imprimé sur une page, fournit le communiqué : « L’offensive du 25 au 27 non réussie, va re­prendre. Position de couverture reprise, même situation que si les Belges n’avaient pas été nos alliés, etc. Cavalerie allemande à Roubaix et à Tourcoing. » Aucun doute, c’est un désastre complet. Dieu merci, les hommes n’ont pas compris : c’est mieux ainsi.

Mais quel coup, il y a de quoi ! Durant toute cette retraite, nous étions soutenus par cette idée que vers la Belgique cela allait bien et que notre échec était sans importance.

Enfin, je plai­sante avec mes troupiers pour qu’ils ne devinent rien et je ren­fonce tout ce que j’éprouve.

J’ai de nouveau un cheval. C’est celui du pauvre Cadeau, une superbe bête qui lui appartient et qu’on m’a af­fectée. François a pris celui de Schalck et Massignac un autre. J’ai accaparé le caoutchouc qui était sur la selle, n’ayant que ma capote, et j’ai prévenu l’ordon­nance, brave Berrichon qui paraît consterné de la disparition de son officier. Je rembourserai le prix en lui disant que Cadeau lui-même me dirait d’agir de cette façon.

Pour en savoir plus sur le capitaine Cadeau, il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant.

La mort du capitaine Cadeau

Nous sommes ainsi étendus. Je tue le temps en gri­gnotant des fruits, en écri­vant et en dormant, quand, à cent mètres, tombent une série de marmites. J’ai par là une section qui garde le rassemblement. Entendant des cris, je me lève d’un bond. Avec quelques hommes, je me précipite. Mes hommes n’ont rien, mais un pauvre diable de réserviste d’un autre régiment a été abîmé. Il passait par là et a eu une jambe broyée. On l’emporte et je re­tourne au rassem­blement qui, ainsi menacé, va aller ailleurs.

Premier arrêt, là où nous étions en premier lieu, puis plus loin. Enfin, nous faisons quelques mouvements de déploiement pour passer le temps. Finalement, nous nous installons au-dessus du village dans les champs de blé et de pommes de terre. Les cuisiniers ap­portent les aliments cuits dans le village. Il fait presque nuit. Les distri­butions se sont corsées d’un petit cochon qu’un indigène a donné à Mégnier, le médecin aide-ma­jor. Celui-ci prélève quelques morceaux, me le refile et la 8e, son capitaine en tête, se régale de grillades !

D’autres compagnies ont attaqué des porcs errant dans la campagne. Les pommes de terre sont très abon­dantes, et à ce point de vue, il n’y a pas à se plaindre.

Bien que les distributions, tardives, in­terdisent de cuire le repas à temps pour le len­demain. Les hommes, empêchés de l’utili­ser ainsi, le jettent souvent. Il y a toujours moyen de confectionner de copieux et savoureux plats.

Le repas est juste terminé quand François me fait appeler. Un ba­taillon ennemi est signalé dans les bois entre Ménil et Brû.

Ordre est donné au 2e batail­lon du 149 de s’installer sur la crête à quelques centaines de mètres du débouché de la forêt et d’arrêter toute attaque.

Reconnaissance rapide, il fait presque nuit et il faut se hâter. Les 5e et 6e compagnies sont en première ligne. Les 7e et 8e compagnies sont derrière, dans des sa­pins. Nous arrêtons un isolé du 157e, un clairon qui paraît fort peu satisfait de nous voir !

Je crois, et c’était vrai, que le 157e devait donner devant nous vers Ménil et que ce bonhomme s’est esquivé. François lui saute dessus. Terrifié à la vue du ca­non de revolver braqué sous son nez, il bafouille pour enfin déclarer qu’il est perdu ! On le renvoie à son corps, escorté par un médecin auxiliaire de son régiment qui, lui, est en mis­sion régulière.

La nuit est noire. À tâtons, comme à Abreschwiller, j’installe mes hommes. Il reste de la paille d’un bivouac précédent. Le sommeil est ins­tantané. Au bout d’une minute, il y a une fusillade vio­lente vers Ménil. Clameurs, charge française, salves. C’est un bataillon du 157 qui attaque et qui doit s’emparer du village. Il en sera chassé le lende­main.

Chacun pour soi ! Nous nous rendormons aussitôt sans faire attention au drame qui se joue à deux ou trois kilomètres. Ce sommeil est court. Vers neuf heures et demie, je suis ré­veillé par un agent de liaison qui me cherche dans l’obscurité. On part de suite.

Rassemblement. Au bout de vingt minutes du­rant lesquelles les autres compagnies serrent sur nous, nous descendons vers le village, dans la boue. Il paraît qu’on va à Saint-Gorgon près de Rambervillers.

Non sans peine, je retrouve mon cheval et la colonne. Tout le 149e chemine, longeant un détachement de ravi­taillement qui en­combre la route et dont les conducteurs dor­ment à moitié.

Traversée de Rambervillers. J’évoque le souvenir du joyeux re­tour de Lunéville avec Yvonne. Tout est silencieux et sombre. La marche est lente, pleine d’à-coups. Tout le monde som­meille en marchant. Je lutte contre une envie de dormir qui est une vraie souffrance.

À plu­sieurs re­prises, je suis sur le point de tomber de cheval. Et il commence à pleuvoir ! À l’arrivée, c’est la désillu­sion. Deux maisons minuscules pour cent quatre-vingt-dix hommes ! Je tasse, j’empile ; c’est insuffisant. Recherche vaine ail­leurs, dans les granges, car celles-ci sont occu­pées par d’autres compagnies aussi à l’étroit que la mienne.

Cantonnement de Saint-Gorgon croquis dessine par le capitaine de Chomereau

L’idée me vient honteusement d’aller à l’église. Elle est vide, c’est une véritable aubaine, car la pluie tombe as­sez sérieusement. Quant à moi, je trouve un lit grabat dont le pro­priétaire, un bouvier ou un berger d’une quin­zaine d’années fait le sacrifice. Je m’y étends avec délices après l’avoir dédoublé pour mon or­donnance. J’ai obtenu de la pro­priétaire qu’elle me cède quelques bouteilles de « cachetés », il faut penser au len­demain ! Le lieute­nant-colonel Escallon loge à côté.

28 août 1914

8e compagnie carte journee du 28 aout 1914

Réveil par un ciel gris, brumeux et triste. Les rues du petit village sont encombrées de nos troupes qui le raniment tout doucement.

Sur la place, devant l’église, il y a des fourgons « trésorerie et poste ». J’apprends de l’un des « habits verts » qui s’y prélassent qu’il est arrivé soixante kilos de lettres pour le 149. Enfin, enfin ! J’essaie, sans succès, de trouver des cartes postales mili­taires.

Je finis par obtenir d’un sergent du régi­ment une simple carte de cor­respondance que j’expédie de suite.

Je voudrais faire savoir à Yvonne que « ça ne va pas ». Je suis obsédé de la voir surprise aux Estivaux ou à Bourges où elle est peut-être. J’ignore où elle est, car depuis plusieurs jours il n’y a aucun courrier.

À coup sûr, et je ne me trompe pas, on cache la vérité qui ne doit pas être brillante.

Les officiers d’état-major ne sont pas farauds et détournent la conversation quand on parle de Belgique. Devant Rambervillers l’ennemi attaque dur et nous recu­lons lentement.

Vers la Chipotte il y a des combats san­glants et une résis­tance pénible. Oh, la triste mati­née ! Je finis par parler à Yvonne d’un retour éventuel à Castries. Elle comprendra !

Départ vers Rambervillers vers six heures, six heures et de­mie, sept heures ? Massignac est en pointe avec la 7e compagnie. Je le suis à six cents mètres avec le gros du 2e bataillon. Je suis assez ennuyé par ma selle que mon sac tyrolien fait tourner, car le poids sup­plémentaire est lourd et mal réparti.

Je me décide à mettre pied-à-terre. Je traverse ainsi la petite ville où les 105 Allemands qui éclatent, tout près, réveillent dans le matin d’automne d’extra­ordinaires sonates.

Quelques indigènes pourtant circulent, des vo­lets s’ouvrent. Grelottant sous ma ca­pote, j’expédie Gérard, mon cy­cliste, chercher un chandail. Je lui confie un bil­let de cinquante francs. J’ai eu un chandail, mais pas la mon­naie !

Dans les rues, quelques cais­sons d’artil­lerie, couverts de boue, sont au ravi­taillement. Les cartouches de 75 s’empilent avec ordre et ra­pidité.

On tourne à droite, direc­tion Methendal. Je reçois l’ordre d’occuper cette ferme et un bois à droite, me reliant à Massignac qui est plus à droite encore.

Le régi­ment est en réserve derrière nous ; il constitue le repli pour les élé­ments du 13e Corps et la Division provisoire des Alpes qui tiennent devant nous les bois d’Anglemont. Ils résistent avec difficulté, dit-on.

Me voici seul avec la 8e compagnie. J’ai pris la tête, j’ai échelonné, comme il convient, et j’atteins le bois-pré Methendal, qui est couvert sur une croupe à ma gauche. Cette croupe est très arrosée par une patrouille, en avant par les éclaireurs montés.

Avant tout, il me faut savoir ce qui se passe devant. Je pars avec quelques hommes, laissant le reste couché. La ferme de Methendal, demi-ferme, demi-château, est une laiterie, avec un jardin entouré de grilles, garni d’arbres fruitiers. Elle est particulièrement entretenue, so­lide et massive. Ce serait un point d’appui sérieux, malgré sa situation à l’orée des bois d’Angle­mont qui permet une approche facile. J’y vais tout droit.

Tout près, il y a un poste de secours d’in­fanterie, mal dissimulé dans un boqueteau d’arbres sur un chemin. Visite rapide. Une marmite est tombée dans la cour il y a peu de temps, cassant tous les carreaux. Mais, à part cela, pas un dégât.

Il me semble distinguer un uniforme par la porte en­trouverte d’un appen­tis. J’approche. C’est un ca­davre de colonial re­couvert d’une capote et qu’on a dû por­ter là. Aucune autre trace de lutte.

Par une sorte de route, j’arrive de l’autre côté des constructions et, imitant mes patrouil­leurs, je fais main basse sur de succulentes mirabelles. Enfin me voici à la lisière du bois.

La bataille fait rage à mille ou mille cinq cents mètres. Je détache quelques-uns de mes hommes dans cette direc­tion pour aller aux nouvelles. Je reviens sur mes pas pour trouver Escallon qui est venu, lui aussi, pour savoir ce qui se pas­sait.

Il paraît qu’une voiture d’inten­dance va arri­ver. Bien. Avec lui je circule dans le fond de Methendal, sur la crête, à l’ouest. Nous décidons des travaux à faire. Gabionnages des tranchées, constitution des ateliers, distribution des pelles, des pioches parvenues sur ces entre­faites.

Tout est promptement expédié. Mes hommes s’attel­lent à la tâche avec la vigueur des gens qui savent qu’ils vont bientôt devoir combattre, abrités par leur propre ouvrage !

Au bout d’une heure et demie, les tran­chées, défilées, parfaitement « fignolées » sont prêtes.

Je reçois avec dé­solation, l’ordre de François, arrivé lui aussi, de changer de place. Nouveau jalonnement, nou­veau travail.

Enfin, Menvielle survient à son tour et change tout. Ça, c’est le bouquet ! Il est midi, les hommes sont éreintés, agacés de ce désordre et moi aussi.

J’ai bien parcouru vingt fois le front très vallonné de mon secteur. Si l’ennemi attaque, après tant de peine et d’efforts de notre côté, il trouvera ma compagnie mal ins­tallée, mal protégée.

Décidément, à tous les échelons, on est affolé. Il faut croire que dans les bois cela va mal, car je dois d’urgence recharger les outils et les réexpé­dier à l’arrière. Ainsi, ma pauvre compagnie oc­cupe la troisième position à peine ébauchée, n’ayant que de rares outils por­tables. Le rendement dans ces terres lourdes et dures est insuffisant. Les réservistes des renforts sont venus sans pelles ni pioches. Je sur­veille les lisières qui barrent la vue à quelques centaines de mètres, et je vois sortir des groupes de tirail­leurs, l’arme à la bretelle, qui reviennent tran­quillement.

Ce sont des « 163 » qui battent en retraite, avec l’air de gens qui « ont assez travaillé pour aujourd’hui ».

Interrogatoire rapide : « Il n’y a pas moyen de tenir, les mar­mites donnent trop ». C’est simple en effet ! Et ces honnêtes gens ont jugé que mieux valait chercher fortune ailleurs ! Pas de blessés, rien que cette fièvre des combattants échauffés, énervés, qui ont cédé après des efforts désespérés. Ils f… le camp, voilà tout !

Un malheureux sous-lieu­tenant de réserve les suit de loin, débordé. La co­lère me saisit et, sortant mon revolver, je pré­viens toute cette clique que je vais déployer du monde et ti­rer dans le tas. Aussitôt toute la pro­cession s’ar­rête et, vague­ment ralliée par le sous-lieutenant, retourne au bois.

J’ai compris, par la suite, le dédain des trois régiments alpins de la division provisoire pour le 163e, échantillon ni­çois du 15e Corps. Seulement… si le 158e pouvait tenir de la même manière dans les bois d’Anglemont. La sur­prise de Ménil a rendu les troupes du 21e Corps défiantes vis-à-vis du 15e.

Le repli que nous constituons ne sera pas de trop ! Il est midi passé. Les cuisiniers arrivent. Je les avais en­voyés à Methendal puisqu’il faut faire la cuisine sur une ligne de feu. Tout le monde déjeune le plus vite pos­sible.

Personnellement, je suis sur une crête à l’est du chemin de Rambervillers, tout près de Massignac. Je me leste avec soin. Je fais encore un tour dans les arbres pour voir mes hommes. Sur la grande crête à l’ouest du chemin précédent, je sur­veille le débouché du bois d’Anglemont.

Les obus de 150 de la fameuse batterie de Bazien, qui a été ci­tée dans les journaux exaltant les combats de Rambervillers, tombent maintenant en abon­dance.

C’est un point capital que cette crête ! Elle permet de prendre d’écharpe toutes les positions autour de Methendal. Je reçois donc l’ordre de François d’y tenir coûte que coûte. Nul ne sait ce qui va sortir du bois d’Anglemont. Français et Allemands sont aux prises. Il faut par conséquent « garnir » la position dès maintenant, sans pouvoir s’abriter durant le bombardement qui est violent dans une carrière voisine.

La tranchée faite pour une section qui barre la crête est petite et peu profonde. De fait, la terre, desséchée par un mois d’août très chaud, n’a pas été pénétrée par les quelques averses des deux derniers jours. Il est impossible de la creuser plus profond. Dans la section de Pesant, qui la tient, il existe au plus une demi-douzaine de pioches et de pelles.

C’est ennuyeux, car cette tranchée est juste dans l’axe des pièces allemandes et les projectiles dégringolent devant derrière.

L’un d’eux s’abat à quelques pas d’une demi-section du premier bataillon qui est déployée à ma gauche, sans aucun couvert, celle-là.

Les hommes ont dû renoncer à creuser dans ce sol dur comme du rocher.

L’effet moral de cette ex­plosion n’est pas long. Cette demi-section détale et je rends compte de mon isolement à François. Décidément, ça se gâte ! Nous sommes « encadrés », c’est visible.

Mes lascars tiennent bon, sauf l’un d’eux qui à chaque « boum » redit d’une voix quelque peu étran­glée : « Mon capitaine, vraiment, je crois qu’il serait temps de se replier ! » Un geste vers l’étui de mon revolver lui ôte toute velléité de « repli ».

Il est certain qu’il ne fait pas bon ici ! Des cailloux et de la terre nous tombent des­sus à tout instant et le souffle, moins dange­reux, par chance, que celui de la mélinite, nous donne des gifles.

Pour me forcer au calme, j’écris quelques notes sur une lettre commencée et j’imagine de cocher sur un morceau de bois les obus les plus rapprochés.

Autant que je puisse m’en souvenir, il est quatre heures. Je termine la deuxième douzaine d’encoches quand un zzzz grossissant nous annonce qu’il en arrive un en plein sur nous.

Ferme de Methendal croquis dessine par le capitaine de Chomereau

Legende ferme de Methenval croquis dessine par le capitaine de Chomereau

Une détonation formidable et je suis plaqué contre le talus. Je demeure, quelques instants, abruti dans un nuage de poussière et de fumée âcre. Autour de moi, il y a un remue-ménage. Je ressens dans l’épaule droite comme une douleur vive résultant d’un solide coup de poing sur un os. Je pousse un « M…, je suis blessé » bien excusable. Je constate que je suis seul !

Mes hommes se réfugient dans la carrière voisine. Le projectile est tombé derrière moi, à ma droite,à environ deux mètres cinquante, touchant légère­ment Pesant que son sac a protégé. Claudel, qui a la même protection, a la capote cri­blée de trous. J’essaie de rappeler mon monde qui me croyait tué, mais peine perdue. Pourtant, Claudel re­vient : « Sûr qu’on ne va pas vous laisser là tout seul, mon capitaine. Attendez, je vais vous aider à quitter la tranchée, mais il faut partir, voyez-vous ».

Je veux crier encore, seulement des obus nouveaux arrivent par deux, par trois, tout autour et il est inutile d’insister. Pesant veut m’aider à marcher. Je lui donne l’ordre de rallier la section et de réoccuper la tranchée aus­sitôt que le bombardement ralentira.

Obus Allemands du côté de la ferme de Methendal

Moi, je sens que ça ne marche plus ! Mon épaule me fait horriblement souffrir et je suis étonné de me sentir trempé de sueur. Je rejoins François cou­ché pas très loin, derrière un tertre. Je lui rends compte de tout. « Mais ça saigne dur, dites donc, Chomereau ! Il faut aller au poste de se­cours. Tout de même, attendez un peu. » En effet entre nous et Rambervillers des projectiles lourds tombent pour le moment. Je me couche un instant près de lui, et bois avec bonheur quelques gor­gées d’eau à son bidon.

Je me sens devenir faible et j’ai mal au cou. C’est bizarre cette transpiration d’un seul côté, qui inonde jus­qu’à mes jambes. Décidément, je pars, tant pis ! Bouillon, le fourrier de ma compagnie, m’ac­compagne. Je m’appuie sur lui et, par les champs, j’atteins l’entrée de Rambervillers.

La marche m’a secoué. Je suis assez gaillard pour lui donner mes cartes à remettre à Pesant qui va commander la 8e compagnie

Je lui dis, en le remerciant, ne plus avoir besoin de lui et je me re­mets en route. Aux premières maisons, je vois le brigadier Pillot qui est assis dehors avec Pignat, son offi­cier d’ordonnance : « Vous êtes touché, mon pe­tit ? » Il me serre la main et je continue mon chemin, soutenant mon bras droit avec ma main gauche.

Je marche de nouveau difficile­ment : la réaction s’opère. Un habitant m’in­dique l’hôpital. J’entre, aussitôt expulsé, très maternelle­ment, par une bonne religieuse : « Nous évacuons l’hospice. » Allons bon !

Sur son conseil, je vais à la gare. Je m’affale sur la banquette à entreposer les bagages à l’enregis­tre­ment. Impossible de faire un pas de plus. Tout tourne et j’ai mal, mal ! Un jeune médecin-major d’un bataillon de Chasseurs s’est empressé et, secondé par un infirmier, me déshabille, ôte ma capote,ce qui est particulièrement doulou­reux.

Ma chemise est, du côté touché, inondée de sang.  C’était donc cela, parbleu, la transpiration qui m’étonnait par son abondance. « Simple cou­pure, c’est l’affaire de quinze jours ». C’est bien mon avis. J’étais persuadé que le mor­ceau d’obus était retombé par terre. Je n’avais même pas, chose curieuse, le soupçon qu’il avait pu pénétrer et rester dans la blessure.

Il me panse lestement, et aussitôt après je me trouve presque mal. Un verre de mélisse me ravigote. Mais resté seul, n’y voyant plus clair du tout, j’ai passé quelques détestables minutes.

Après un remerciement et une poignée de main, quelque peu ressaisi, je m’achemine vers un autre hôpital sur la route d’Épinal.

Tout est plein. Je découvre heureusement à droite en en­trant les docteurs Delacroix et Cléry qui me font étendre sur un lit.

Un convoi part précipitamment pour Épinal dans une heure au plus. J’en profiterai. En effet on m’embarque dans une espèce de car avec des troupiers et nous partons. Il y a une procession d’autos.

Nous traversons des troupes rassemblées un peu partout, surtout de l’artillerie. Oh ! ce voyage, ces coups de frein brusques à chaque instant, surtout aux abords d’Épinal.

Des postes barrent à tout bout de champ les chemins. Chaque secousse se répercute. Je cherche, nous cherchons, des positions nou­velles, moins pénibles. C’est long, long.

Deux heures et demie ou trois, je crois, car il est huit heures et demie quand les autos entrent dans Épinal. Par les rues noires et désertes, elles nous conduisent à l’infirmerie de gare. Je descends, bien empêtré dans ma capote à demi endossée, avec tous mes « cuirs » accrochés pêle-mêle sur mon épaule gauche.

Je suis prévenu qu’un train sanitaire est en partance ce soir vers Grasse. Aucun blessé ne doit rester à Épinal. Déjà le temps de dîner ? Oui, parfait. Je pénètre dans une coopérative d’agents de l’est, devant la gare, et suis servi par le patron qui coupe mes bouchées.

Il est bien anxieux de connaitre le résultat de la terrible canonnade entendue, si proche. Je répète à lui comme à d’autres : « Ça va bien, on tiendra ferme ».

Je ne croyais pas dire si vrai ! La crise tirait à sa fin. Deux jours après, l’ennemi reculait devant Rambervillers au moment où tout semblait perdu.

Je force le brave patron à accepter le prix du repas et, muni d’un journal de la veille, je gagne l’infirmerie. La fièvre agit sûrement, aucune fatigue n’apparaît plus.

Je me laisse soigner par une dame de la Croix-Rouge qui arrange délicatement mon écharpe.

Oh ! Cette impression de calme, de bien-être après des journées terribles, quel paradis ! Qu’il me tarde d’être soigné par Yvonne ! L’idée de la tranquilliser, de l’avertir, de la voir me poursuit sans relâche, mais comment faire ?

Péniblement, de la main gauche, je trace, au crayon, quelques mots sur la lettre commencée dans la tranchée sous le feu.

L’idée me vient d’aviser Guitry. J’ignorai que le télégraphe fonc­tionnait, du moins à l’intérieur du pays. Sur un fond de boite en carton, apporté de Saint-Georges, je dicte une lettre à son adresse à un aimable ma­jor, qui la fera parvenir.

Yvonne est-elle à Bourges ? Je n’en sais rien. Je ne devais recevoir ses vingt-deux lettres et cartes que le 19 sep­tembre.

Ayant fait tout ce qui était en mon pouvoir, je cause un instant avec made­moiselle de Miribel une fille du général, une femme grande, distinguée, calme, qui est infirmière-major.

L’attente est assez longue. Je me re­pose, assis sur une chaise, les idées floues où se mêlent la certitude joyeuse de retrouver Yvonne, la fierté d’être blessé au feu et le sentiment que dans mon petit coin, j’ai agi de mon mieux.

Que fait en ce moment la 8e compagnie ? En me laissant, Bouillon a eu un mot qui me revient et me touche tant : « Ah ! mon capitaine, revenez vite, vous êtes un vrai père pour la compa­gnie ».

Comme cela se brouille dans ma cer­velle ! Et ce train ? Je ressors et avise un in­firmier. Je me fais conduire à un wagon de troi­sième où un prêtre, dévoué au possible, me donne du pain, une boîte de « singe » ouverte, une bouteille de coco. Qui sait combien durera le trajet ?

J’ai froid et je grelotte. Le prêtre découvre une superbe couver­ture que j’ai encore. Je m’étends sur la ban­quette de trois de façon à éviter tout contact à mon épaule, sur le dos, la tête soulevée par un coin de couverture.

Je m’endors aussitôt d’un sommeil de brute, coupé parfois de demi-réveils quand un cahot ou un faux mouvement me cau­sent un élancement particulièrement vif. Il doit être onze heures et le train part, je ne sais quand, pas vite, il me semble.

29 août 1914

Il fait grand jour quand je me relève. Je suis courbaturé, raidi, endolori, sur ma banquette. Des gares se succèdent avec de longs sta­tionnements. Dans l’une d’entre elles, je prie une jeune femme de bien vouloir me faire expédier quelque chose du buffet.  Elle m’apporte du café, en me di­sant que son mari est offi­cier.

Dans une autre gare, j’entends le cher accent du Berry. Je m’enquiers et me trouve au milieu de territoriaux du 62e de Bourges.

Ailleurs, un em­ployé m’a cherché des journaux, un livre de Gyp, quelques Arsène Lupin ou Sherlock Holmes. Je ne pourrais rien lire de sé­rieux. J’ai les idées trop en désordre.

Plus tard, une voix me hèle. C’est un capitaine du 157, qui est installé en première, dans un wagon qui n’était pas là au départ d’Épinal.

Amicalement, il m’in­vite à mon­ter avec lui. J’accepte. Au bout de cinq minutes, nous sommes les meilleurs amis du monde. Avec lui est grimpé un jeune sergent de sa com­pagnie, Curet, fils d’un universitaire, gentil et simple. L’officier qui se nomme Laure a été blessé au bras gauche le 27 au soir, ainsi que son sergent, lors de cette attaque nocturne de Ménil dont, dans mon sommeil, j’avais discerné le bruit.

L’attaque a été menée, en dépit du bon sens. Les hommes, en co­lonne par quatre, sans reconnais­sance, sont conduits par le lieutenant-colonel Cordonnier. Blessé à la main, il exhibe dans le comparti­ment voisin une figure indigne avec barbiche noire de Méphisto. Très arriviste, me dira par la suite de Mortemare qui est devenu sous-lieutenant du 149e, ex-sergent de la compa­gnie de Laure.

Le lieutenant-colonel devait réussir à être promu co­lonel, utilisant sans vergogne des comptes-ren­dus de Laure en se les attribuant.

Laure et moi constatons bientôt notre communauté d’idées militaires et autres. Nous bavardons avec en­train, tout remontés, malgré notre lassitude, par l’admirable, le magnifique empressement de tous à nous soigner.

Tout le long du trajet, les femmes et les enfants veulent nous offrir fruits, bouillon et café. Maternelles, des dames de la Croix-Rouge arrangent un pan­sement, font boire les grands blessés, disent un mot d’encourage­ment. Cet accueil chaleureux et touchant suc­cède aux sanglantes réalités de la veille. C’est le meilleur des réconforts.

Notre train suit un itiné­raire bizarre. Du reste, Grasse est loin. Nous avons traversé Besançon.

Il y a un mois, lors d’un retour précipité du Valdahon, je passais là et déjà je pressentais la guerre inévitable.

Il est près de midi. Laure et moi dénichons une bouteille de Bourgogne qui nous donne un « ton » sérieux qui nous est précieux, car nous sommes assez faibles malgré tout. Sieste. Le train continue toujours. Saint-Jean-de-Loire. J’ai honte d’avouer que nous cé­dons toujours aux gentilles sollicitations qui nous accablent à chaque arrêt.

Notre déjeuner se prolonge jus­qu’à la nuit. Tant d’autres camarades blessés m’ont dit avoir agi de même. Cela me tran­quillise quand j’y pense.

Achat de limonade je ne sais où.

Nous sommes seule­ment trois et nous pouvons nous étendre, mais un des coussins est inondé de sang. Un comman­dant allemand y a agonisé cette nuit depuis Épinal.

Où va-t-on nous conduire ? Laure est décidé à descendre à Lyon, d’où il est originaire. J’aimerai moi aussi, car cela m’éloigne­rait de Bourges, si - et c’en a tout l’air - nous allions au-delà.

Une joie encore nous est réser­vée. Plus loin, une dame de la Croix-Rouge nous offre des mouchoirs : un mouchoir propre ! Délices et voluptés sans pareilles. Laure, Curet et moi touchons avec ravis­sement ce carré de toile usagé, bien blanc.

Le train va à Gap. Ah, mais ! il ira sans moi. C’est décidé, mais ce sera sans doute dur à décro­cher. Faut-il demander à m’arrêter au médecin du train ? Oui, ce serait pratique. Mais, il n’y a pas même, je crois, un infirmier.

30 août 1914

Tandis que je demande comment opérer, nous entrons en gare de Brotteaux. Laure descend. Sa famille qui est ici me sert la main et disparaît. Il est environ une heure du matin.

Sur le quai, un médecin à cinq galons déambule. Je m’adresse à lui et lui expose mon vif désir de descendre à Lyon pour aller ensuite à Bourges. Je reçois aussitôt l’aimable réponse, et sur quel ton ! : « Monsieur, votre train va à Gap, vous irez à Gap : on est militaire ou on ne l’est pas ». Je retiens juste à temps un : « Ça vous est facile de dire cela à vous qui êtes à trois cents kilomètres du front ! » qui aurait tout gâté.

J’insiste, je me fais suppliant (Ah ! le s…). Enfin, il me dit : « Je vais voir ». Une minute plus tard, je suis au poste des dames de la Croix-Rouge, et je m’y cache ! Un bon et compatissant major m’a fait asseoir : « Attendez que votre train soit parti ! » J’attends anxieusement !

Qu’est-ce qu’il fait donc ce train à rester indéfiniment en gare !

Enfin, il s’éloigne et escorté de l’aimable docteur, je vais retrouver mon grincheux.

Accueil froid. Pourtant, il renonce à rattraper le « sanitaire ». « On va vous expédier à Desgenettes ». Soit ! Là ou autre chose, pourvu que je reste à Lyon.

Lyon Hôpital Desgenettes

Dans la cour, des autos aménagées trépident. On me fait grimper près d’un pauvre réserviste at­teint gravement d’une balle dans les reins, je crois, et étendu sur une couchette.

Au bout de quelques minutes, arrêt devant l’hôpital ; c’est-à-dire presque à l’endroit où en 1907, le 19 mai, je rendais les honneurs à Fallières !

Il y a quelques mois, je passais là avec Yvonne, allant à Verges en auto.

Des infirmiers s’empressent, m’interro­gent, inscrivent mon nom. « Faim ? Soif ? Changer le pansement ? » – « Non, dormir, dormir ! » Je suis conduit au premier étage ; et quelqu’un m’aide à retirer mes vêtements.

Mes souliers pas cirés depuis, depuis… huit jours, ont une couche de terre invraisemblable. Mes autres effets sont un poème de crasse !

Je suis entré doucement dans la chambre éclairée par une veilleuse. Quelques lits dont un seul libre. Avec quelle volupté je m’étire dans les draps frais, ma pauvre épaule calée avec soin. Ce calme, cette paix, ce silence !

Par moments, un élance­ment me réveille et je sursaute, ahuri de ne plus entendre de détonations, de piétinements d’infan­terie.

La journée en wagon est comme un rêve et il me semble être à Rambervillers, blessé de­puis un instant seulement. Mais quelle bonne nuit, malgré tout !

Il est cinq heures environ quand un prêtre entre dans la chambre où il fait déjà jour. J’aperçois mes voisins : trois à gauche, un ou deux à droite. Deux d’entre eux communient et je me rendors.

Vers huit heures, déjeuner et visite. De suite je parle de Bourges. C’est difficile, paraît-il, pourtant le médecin-major est ami d’une connaissance… alors oui ! Mais comment donner signe de vie à Yvonne ?

J’apprends avec ahuris­sement que télégraphier est facile. Et grâce à un infirmier et au vaguemestre, je vais faire préve­nir mon père et Quitry. J’ignore naturellement tou­jours si Yvonne est aux Estivaux ou à Bourges.

Me voilà calme, car cette crainte de ne pouvoir l’avertir me torturait.

Je ne suis pas en­core sûr de partir, mais il y a des chances. Yvonne va enfin avoir des nouvelles fraîches.

Une ques­tion se­condaire me tracasse. Je réclame un coif­feur à cor et à cri, car je pourrais, au bout d’un mois de campagne, poser avec succès les Absalon, mais le coiffeur de l’étage est « en main ».

Je me ré­signe, vêtu de gris et flottant dans le costume trop ample à larges babouches, à circu­ler un peu dans le couloir voisin.

J’ai été changé de chambre et suis maintenant dans la pièce voi­sine entre un capitaine d’artillerie qui, opéré au chloroforme pour un shrapnel dans la jambe, sanglote et se lamente durant deux heures et un camarade de promotion de l’infanterie coloniale. Sorti dès le matin, il fait de moi le plus heureux des hommes en me rapportant une brosse à dents, de l’eau de Cologne, etc.

Il y a aussi un lieutenant, cou­ché, que viennent voir des parents munis de fleurs. Celles-ci égaient tout le lieu ; pour ter­miner un énorme intendant atteint de phlébite. Il était chargé de je ne sais quel important ser­vice à l’arrière à la 1ère Armée de Dubail, la mienne. Très aimable, ce gros père me passe des journaux que je parcours distraitement.

Le déjeuner est exquis. La dame de la Croix-Rouge qui coupe mes bou­chées est pleine d’attention pour les blessés. De plus en plus, j’ai la nostalgie des soins de ma petite Yvonne. La femme prononce devant moi le nom de madame Blanc qui est infirmière-major à l’hôpital.

Ceci me rappelle tout à coup que l’avant-veille à Épinal, j’ai appris la mort de Colcombet, le beau-frère de Monsieur Blanc, en même temps que celle de Brouard, capitaine au 349e...

Après entente avec mon infirmière et un de ses amis, madame Blanc est avertie de ma présence.

Je la reconnais parfaitement. Elle m’avait reçu avec Colcombet, chez elle, rue Sainte-Hélène à Lyon en 1909. Sans lui dire tout, je parle de blessure grave. Elle s’éloigne, soupçonnant déjà un peu la vérité.

L’après-midi est coupée par un pansement, le premier depuis Rambervillers, peu douloureux.

N’empêche que, patatras, je suis tangent après une syncope. Je fais une ra­diographie, par excès de précaution. Aussi suis-je singulièrement étonné quand, à huit heures ou neuf heures du soir, un infirmier vient m’annon­cer « qu’il croit bien voir un morceau de métal dans l’épaule ». Tiens, mais, moi aussi, j’aurai une breloque ! Et satisfait de cette nou­velle, je me rends dîner.

Le dîner était à sept heures et comme dit l’infirmière, je n’ai pas perdu une minute de sommeil dans ma journée.

31 août 1914

Ma première idée au réveil est celle avec laquelle je m’étais endormi : quit­ter Lyon au plus vite. Il n’y pas l’ombre d’une fièvre, donc aucune impossibilité médicale.

Je me démène ! Les papiers voulus sont « à la signa­ture ». Mais, mon Dieu, quand les aurai-je ?

À force d’ennuyer les scribes, d’aller d’un bureau à l’autre, tout s’arrange.

Entre-temps, j’ai eu une grande joie : une dépêche d’Yvonne. Enfin, voici le contact repris.

Elle doit en recevoir une autre de moi lui annonçant ma prochaine arrivée et qui, j’espère, parviendra à temps pour l’empê­cher de venir à Lyon.

Les heures passent vite. Je jette par-ci par-là un coup d’œil par la fenêtre grande ouverte sur le quai du Rhône.

Une foule stationne devant l’hôpital, assistant au débar­quement de nombreux blessés. Des voitures pleines de fruits admirables circulent. Comme la guerre est loin !

Cette impression s’accentue dans l’après-midi. J’ai enfin obtenu mon exeat et je vais à « la place ».

Là, muni d’un certifi­cat du médecin major, j’obtiens une permis­sion de quinze jours pour Bourges. J’ai dû attester par écrit que je partais non guéri.

J’achète dans un ba­zar de la rue Victor Hugo une affreuse va­lise où je fourre un peu de linge acquis en hâte. Je me précipite à l’hôpital régler quelques dé­tails, et dire adieu à mes compagnons de chambre, à ma dame de la Croix-Rouge.

Impossible d’ob­tenir ma plaque radiographique contemplée le ma­tin... Elle appartient aux archives de Desgenettes. Une épreuve me sera envoyée.

Permission et radiographie du capitaine de Chomereau

Il est cinq heures quand je suis à Perrache, passant sans difficulté partout, introduit avec déférence dans le bureau du contrô­leur qui me donne un billet. Les places sont limitées, mais les mi­litaires, cette fois, ont le pas sur les civils. Décidément « y en a bon » pour les officiers blessés. Après tant d’années de mépris, les ga­lons ont reconquis leur prestige.

J’aurai un peu plus tard un témoignage bien français de cette sympathie. Mon train partant seulement vers neuf heures, je vais faire quelques courses en ville.

Avant tout, je dois chercher des bonbons pour Yvonne. En rentrant au buf­fet, qui est mon quar­tier général, je trouve ces bonbons accompagnés d’une gerbe de fleurs, geste char­mant de la mar­chande lyonnaise.

J’ai quelques moments libres et me voilà bientôt chez un coiffeur à qui j’ai dit — comme Darré à Dakar après un an de Soudan — : « Faites tout ce que vous voudrez avec ma tête ! »

Je ferme les yeux avec béati­tude tandis qu’il s’en donne à cœur joie.

Courte causerie avec un intendant ; celui-ci est chargé, pré­cisément, du ravitaillement de la Ire armée Dubail. Il est enchanté d’apprendre que tout ar­rive avec abondance, mais fort étonné de savoir qu’il y a un gaspillage inouï, faute de moyens de cuisson. Il sourit quand je chante, après tant d’autres admirateurs, les louanges du potage aux haricots.

Je fais un passage à la poste et au commissariat. Après quoi j’ai un plaisir de col­légien en va­cances à déambuler un moment dans la rue de la République, à m’asseoir au « Tonneau », ad­miré et où les oisifs se bouscu­lent pour me faire place.

Je dîne au buffet. Décidément, on ignore tout de la guerre ici ! Sarrebourg, Morhange, la défaite des 14e, 13e, 8e, 21e, 15e, 20e Corps, tout cela est inconnu : « Repli d’avant-garde ».

Je le note en pas­sant, il faut songer à ce qu’a été la souffrance morale des blessés de l’est apprenant, après les rudes épreuves subies, qu’ailleurs c’était pire, que l’ennemi était sur la Somme, à Compiègne, à Meaux.

À l’heure dite, je monte dans mon wagon. Une jeune Anglaise s’empresse, malgré mes refus polis, de caser mes affaires dans le fi­let.

Craignant un trajet d’une durée illimitée, j’avais emporté des « vivres pour un jour ».

Je suis agréablement surpris de me trouver, après une nuit de courbatures, vers trois heures du ma­tin, à Nevers où je passe deux heures au poste de secours étendu sur un lit. Vers cinq heures, un train part pour Saincaize. Je partage un fourgon avec quelques femmes et un ouvrier du Creusot.

Autre arrêt, le commis­saire de gare, fort complaisant, me reçoit dans son bureau et me narre ses démêlés avec un train de « Joyeux » passés la veille, envahissant la gare et impossible à maîtriser.

Là encore, je télégraphie à Yvonne et monte dans un wagon « coupé-lit » s’il vous plaît ! Avec un médecin-major malade et un officier de cavalerie territoriale qui me dorlotent à qui mieux mieux.

Avec quelle émotion je retrouve Bourges ! J’ai besoin de toute ma volonté pour me contraindre au calme et pour prendre quelques fleurs destinées à Yvonne.

Est-elle déjà ici ? Non, la porte de la maison de la Petite Armée m’est ouverte par la grosse Marie qui paraît stupéfaite. J’ignore que ma mère est à Bourges depuis plusieurs jours et que mon Yvonne doit arriver aujourd’hui ! Avec un calme imperturbable, elle me renseigne.

Ma mère est allée au-devant de moi à la gare et je l’aurai man­quée. Je passe rue du Four chez les Buzonnières où m’attend l’accueil affectueux et fraternel prévu.

Je retourne à la gare chez Bigot ; à la porte, je tombe sur ma mère et sur mon oncle d’Amécourt, très pâle et dont je ne sau­rai le drame que plus tard.

À quatre heures, après une attente prolongée due au passage d’un train de « Joyeux », débraillés, hurlants, juchés sur les toits des wagons et maintenus par des territo­riaux baïonnettes au canon, j’ai l’immense joie, de mon bras valide, d’aider Yvonne à sauter sur le quai de la gare…

Ici s’achève le récit du capitaine de Gaston de Chomereau de Saint-André.

Sources

Témoignage inédit rédigé par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André.

Les différents plans donnant les positions successives de la 8e compagnie du 149e R.I. au cours de la période du 24 au 26 août 1914 ont été dessinés par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André.

Les dessins ont été réalisés par B. Bordes.

Pour en savoir plus sur la capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Gaston de Chomereau de Saint-André 1

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours des journées du 22, du 23, du 24, du 25 et du 26 août 1914, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

25 aout 1914

Pour lire ou relire le texte écrit par le capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André concernant le combat qui a eu lieu dans le secteur d’Abreshviller, il suffit de cliquer une fois sur le dessin suivant.

Le grand bal de la 8e compagnie

Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto, à B. Bordes, à A. Carobbi, à T. de Chomereau et à É. Mansuy.

26 juillet 2019

Ouest du bois en Hache, 25 septembre 1915. (3ème partie)

Compagnie de mitrailleuses 1915

Petit à petit, les trois bataillons du 149e R.I. prennent place dans les tranchées de départ d’attaque laissées vacantes par les 1er et 31e B.C.P..

Certaines compagnies du régiment arrivent avec beaucoup de retard. Elles ont été gênées dans leurs déplacements par des éléments d’unités déjà engagées qui se trouvaient encore dans cette zone.

Le lieutenant-colonel Gothié, toujours sans nouvelles de son 2e bataillon, reçoit enfin un billet rédigé par le commandant Schalck.

« Les 5e et 8e compagnies suivies par les 7e et 6e compagnies se sont mises en route de manière à suivre le 1er B.C.P. dans sa progression. Mais il est resté, dans les sapes fixées pour l’itinéraire, des éléments du 1er B.C.P. (une compagnie et 2 sections de mitrailleuses) qui ont beaucoup retardé le mouvement.

À 15 h 30, le 1er B.C.P. occupe la 1ère ligne allemande, mais ne pouvait pas en déboucher. Les 5e et 8e compagnies occupaient la parallèle de départ entre la sape 3’ et 4’.

La 7e compagnie, suivie de la 6e était arrêtée dans la sape 4.

Une contre-attaque ennemie s’étant dessinée vers 16 h 30, les 5e et 8e compagnies contre-attaquèrent à leur tour les Allemands et occupèrent leur ancienne première ligne qui n’avait pas été abandonnée. Les 7e et 6e compagnies vont renforcer, par un peloton, les 5e et 8e compagnies. L’autre peloton reste disposé dans notre ancienne parallèle de départ. Elles auront pour mission de relier les deux lignes par le prolongement des sapes 3’, 4 et 4’.

Un peloton de la 9e compagnie est venu se mettre en liaison avec moi, à ma droite. »

Carte 5 journee du 25 septembre 1915

Legende carte 5 journee du 25 septembre 1915

L’attaque du 1er B.C.P. qui devait le mener aux  corons sud d’Angres, entre d16 et e33, au moulin Buquet et au moulin de l’Hirondelle, est finalement stoppée.

Les moulins Buquet et de l'Hirondelle

Les tirs des mitrailleuses allemandes placées dans les derniers corons d’Angres, les tirs d’artillerie ennemie et les défenses accessoires insuffisamment détruites par les obus français, ont empêché l’avancée rapide des chasseurs.

De plus, le 2e bataillon du 149e R.I. est arrivé en retard pour soutenir de manière correcte le 1er B.C.P. dans son opération. L’infanterie allemande a également mené plusieurs contre-attaques dans le secteur.

Le 31e B.C.P. subit également une violente contre-attaque ennemie qui le fait reculer sur l’ancienne 1ère ligne allemande et sur la lisière ouest du bois en Hache. Un bataillon du 149e R.I. est dépêché en renfort, mais il est bien trop échelonné dans les boyaux pour être utilisé efficacement dans une contre-attaque.

Un nouvel assaut est programmé par le chef de la 86e brigade, le colonel Rondeau.

Le lieutenant-colonel Gothié a désormais sous ses ordres directs les deux bataillons du 149e R.I., le groupement formé par le 1er B.C.P. et le 2e bataillon de son régiment et le 31e B.C.P..

À 21 h 00, le chef du régiment spinalien écrit au colonel Rondeau.

« J’ai l’honneur de vous rendre compte qu’à la réception de votre ordre reçu à 17 h 30, je me suis rendu aussitôt aux P.C. des 31e et 1er B.C.P. pour essayer d’organiser l’offensive prescrite. Mais au moment où j’arrivais en 1ère ligne, vers 18 h 00, une contre-offensive allemande se produisait sur toute la ligne, faisant replier les chasseurs vers l’arrière. Les boyaux, les tranchées et les parallèles de départ étaient encombrés de tués et de blessés, rendant la circulation difficile.

Tout ce qui avait été conquis au-delà de la 1ère ligne allemande fut reperdu, malgré les contre-attaques exécutées par les 1er et 3e bataillons du 149e R.I.. Ces derniers réussirent pourtant à maintenir la possession de la 1ère ligne ennemie.

Toutes les unités étaient mélangées. Les boyaux très étroits sont encombrés. Il était donc impossible de faire, à la tombée de la nuit, un effort sérieux. Toute la nuit sera employée à remettre de l’ordre dans les unités, à assurer les communications du terrain conquis avec l’arrière et faire le ravitaillement.

Les pertes sont sensibles dans toutes les troupes engagées. Au 149e R.I., la 5e compagnie a perdu tous ses officiers.

L’offensive sera reprise demain à la 1ère heure après une préparation complète de l’artillerie, que je vous demanderais de faire diriger de 5 h 00 à 6 h 30 sur la seconde ligne allemande, g8 g15, g6, g17, e22, e29, e 24, e25, e30. »

L’attaque du 25 septembre ne s’est donc pas tout à fait déroulée selon les prévisions des cadres supérieurs qui ont été à l'initiative de cette opération. Très coûteux en vie humaine, les objectifs fixés ne furent, pour la plupart,  pas atteints. La prise de terrain occupé par les Allemands est minime.

Dans la soirée, le colonel Rondeau envoie un dernier message aux responsables des 158e et 149e R.I.. Son texte est rédigé à 22 h 00.

« L’attaque a progressé à notre droite où la 13e D.I. a atteint la Souchez à l’est du bois 11. Le 158e R.I. tient la ligne des tranchées allemandes au sud du bois en Hache de k21 à m18. Il a des éléments dans le bois en Hache au nord de k7. Sa gauche s’étend entre k7 et k1, à la lisière ouest du bois.

Le 31e B.C.P. occupe la 1ère ligne allemande de k17 à g12.

Le 1er B.C.P. n’a pas pu atteindre la ligne g12-g18.

Le 10e B.C.P. n’a pas pu progresser.

L’attaque sera reprise demain matin à 6 h 30. Elle sera précédée d’une préparation d’artillerie exécutée sur la ligne c14, c31 à 24 et e22, e12, e18, e29, e19, e13, e16, g21, k43 et k25 de la part de l’infanterie.

Le tir sera ensuite allongé sur la ligne d24, d21, d19, e23, e16. Il restera sur cette ligne jusqu’à une demande d’allongement demandée par l’infanterie.

L’artillerie de tranchée prendra sous son feu les mitrailleuses signalées en e12, e24 et e31, ainsi que les défenses accessoires qui lui seraient signalées.

L’attaque sera commandée par le lieutenant-colonel Gothié qui disposera des 3 bataillons de son régiment, des 1er et 10e B.C.P. et de 2 sections de mitrailleuses de la 85e brigade.

Elle sera flanquée à droite par une attaque du 31e B.C.P. et des éléments disponibles du 158e R.I., sous le commandement du lieutenant-colonel Garcin.»

Les responsables de régiments connaissent désormais de manière précise les positions occupées par les éléments des 85e et 86e brigades en fin de journée.

Carte 6 journee du 25 septembre 1915

Legende carte 6 journee du 25 septembre 1915

Les consignes du colonel Rondeau concernant la reprise de l’offensive du lendemain sont divulguées aux officiers subalternes. Les hommes ont peu de temps pour penser aux souffrances du jour. Il faut de nouveau se préparer au pire.

                                 Tableau des tués pour la journée du 25 septembre 1915

      Tableau des décédés des suites de leurs blessures pour la journée du 25 septembre 1915

                 Tableau des blessés et des disparus pour la journée du 25 septembre 1915

Sources :

Les archives du S.H.D. de Vincennes ont été consultées.

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/4

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/10.

J.M.O. de la 86e brigade S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/13 et 14.

J.M.O. du 1er B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 815/2.

J.M.O. du 31e B.C.P.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 826/26.

Historique du 149e Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Fond de carte du secteur de Noulette construit par V. le Calvez.

Concernant la première carte, une nouvelle fois il n’a pas été possible de faire un travail de grande précision. L’échelle du calque utilisé pour sa réalisation est différente de la carte dessinée par V. Le Calvez. Ceci peut expliquer les dissemblances importantes avec la réalité du terrain. Cette carte n’a donc qu’une valeur indicative.

Les zones occupées par les 1er et 31e B.C.P. et les 158e et 149e R.I. dessinées sur la seconde carte sont également indiquées de manière approximative. 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à A. Chaupin, à T. Cornet, à V. le Calvez, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à l’association « Collectif Artois 1914-1915 ». 

19 juillet 2019

Alexandre Filippi (1896-1917).

Alexandre Filippi

Alexandre Filippi naît le 16 juillet 1896 dans l’appartement de ses parents situé au 18 rue des Canettes, dans le 6e arrondissement de la Ville Lumière.

Le lendemain, les témoins, Auguste Rubantel et Louis Ermange, accompagnent le père à la mairie Saint-Sulpice, rue Bonaparte. Le premier est épicier, le second coiffeur. Les trois hommes se présentent devant l'adjoint au maire, Théodore Beaugé, pour signer le registre d’état civil.

Le père d’Alexandre porte le même prénom que son fils. Il travaille à l’institut catholique.

C’est un ancien militaire qui fut engagé durant 12 ans à la 19e section d’infirmiers d’Alger avant de devenir soldat du feu au régiment de sapeur-pompier de Paris. La mère, Marie Joséphine Benedetti, n’exerce pas de profession. Alexandre et Marie Joséphine sont respectivement âgés de 37 et 35 ans lorsque leur enfant voit le jour.

La fiche signalétique et des services d’Alexandre nous fait savoir qu’il possède un degré d’instruction de niveau 5. Ses études l’ont amené à fréquenter le lycée Buffon dont il a suivi les cours pour obtenir son baccalauréat.

Lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914, Alexandre Filippi n’est pas suffisamment âgé pour revêtir l’uniforme. Il fait partie des futurs soldats qui doivent constituer la classe 1916.

Cette classe est appelée en avril 1915, c'est-à-dire bien avant l’heure normale du temps de paix. Quelle en fut la raison ? La guerre qui, soi-disant, ne devait durer que quelques semaines s’est enlisée dans une guerre de tranchées interminable. Elle risque d'être plus longue que prévu. De plus, les pertes en vies humaines ont été particulièrement élevées depuis le début du conflit. Il faut régulièrement alimenter les régiments en hommes pour maintenir l’effectif.

Inscrit sous le numéro 197, le jeune Filippi est classé dans la 1ère partie de la liste du canton du 6e arrondissement parisien. Les médecins du conseil de révision ne trouvent rien de particulier qui pourrait empêcher son incorporation.

Alexandre quitte Paris aux alentours du 10 avril. À la gare de l’Est, il s’installe dans un train qui prend la direction d’Épinal.

Arrivé à destination, il intègre une compagnie du dépôt du 170e R.I. à partir du 12 avril 1915.

Caserne Contades 1

Sa formation est accélérée. Le soldat Filippi va tout de même passer une année à la caserne Contades pour apprendre les rudiments du métier de soldat.

Le 28 mars 1916, Alexandre est envoyé dans la zone des armées.

Il est affecté dans une compagnie non combattante du 149e R.I. ce qui lui permet de poursuivre son instruction. Durant cette période, Alexandre Filippi perd sa mère qui décède le 3 août 1916 ; il lui faut porter le brassard de deuil sur le bras gauche.

 Le 30 octobre 1916, il intègre la 9e compagnie du 149e R.I. qui  est engagée sur le front de la Somme avec le reste du régiment.

 Le 9 avril 1917, Alexandre est nommé caporal.

Le jeune homme  est au P.C. Constantine, au nord-ouest d’Aizy, à proximité du chemin des Dames, lorsqu’il trouve la mort le 21 juin 1917. Il fait partie des nombreuses victimes d’un obus allemand qui a explosé à l'intérieur du poste de commandement du 3e bataillon. 

Alexandre allait fêter ses 21 ans quelques semaines plus tard.

Pour en savoir plus sur ce qui s’est passé durant cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante. 

PC Constantine

L’acte de décès de ce jeune homme a été transcrit à la mairie du 6e arrondissement de Paris le 15 octobre 1917.

Le Caporal Filippi repose actuellement dans le carré B de la nécropole nationale mixte de Vauxbuin. Sa sépulture porte le n° 554.

Sepulture Alexandre Filippi

Alexandre est resté célibataire et n’a pas eu de descendance.

Son nom est inscrit sur la plaque commémorative du lycée Buffon et sur le monument aux morts de la ville de Paris.

Le 30 juin 1917, Alexandre Filippi est cité à l’ordre du régiment par le lieutenant-colonel Boigues avec le texte suivant :

« Caporal de liaison, courageux et dévoué. A rendu les services les plus grands dans des conditions souvent périlleuses. Tombé glorieusement à son poste de combat le 21 juin 1917.»

Il a été décoré de la Médaille militaire à titre posthume (publication dans le J.O. du 5 octobre 1920).

Sources :

Les informations concernant ce soldat sont extraites de ses actes de naissance et de décès ainsi que de sa fiche signalétique et des services consultés sur le site des archives de la ville de Paris.

La photographie de la sépulture d’Alexandre Filippi a été réalisée par J. Baptiste.

Un grand merci à M. Bordes, à J. Baptiste,  à A. Carobbi, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives de la ville de Paris. 

12 juillet 2019

Ouest du bois en Hache, 25 septembre 1915 (2ème partie).

Bois en Hache

Les troupes d’attaque et de réserve de la 43e D.I. sont parées au combat depuis la veille au soir. L’heure d’attaque ne fut fixée que dans la matinée.

À 12 h 25, les bataillons de chasseurs et les deux bataillons du 158e R.I. s’élancent à l’assaut des positions ennemies. Au même moment, deux fourneaux de mine explosent en k20 et en avant de m2.

Carte 3 journee du 25 septembre 1915

Legende carte 3 journee 25 septembre 1915

Les bataillons du 149e R.I. se tiennent prêts à changer de positions.

Le lieutenant-colonel Gothié rédige un premier billet à l’intention des responsables des 85e et 86e brigades à 12 h 42 :

« Les bataillons du 149e R.I. se mettent en mouvement pour serrer sur la 1ère ligne. Je transporte mon P.C. en f7. »

À 15 h 00, il écrit ceci à ces supérieurs :

« J’ai l’honneur de vous rendre compte que sans attendre, la demande de la brigade de 1ère ligne et en prévision de la difficulté de marche dans les boyaux, j’ai donné, dès 12 h 55, aux différents bataillons du 149e R.I., l’ordre de serrer vers la 1ère ligne. Le 1er bataillon se mettait en mouvement aussitôt.

Le 3e bataillon serrait sur sa tête à la tranchée des Saules. En raison de la difficulté de la marche et du lieu, il est resté complètement bloqué dans les boyaux par le dernier bataillon du 158e R.I.. La tête n’arrivait en f7 que vers 15 h 00.

Sur la demande du commandant du 31e B.C.P., je viens de mettre ce bataillon à sa disposition pour l’appuyer dans la direction du moulin Buquet. Je reste en f7 jusqu’à l’arrivée du 1er bataillon. J’attends vos ordres pour l’engagement de ce bataillon.

Le 2e bataillon du commandant Schalck a reçu directement ses ordres du commandant du 1er B.C.P.. Il n’est plus à ma disposition. »

Deux heures plus tard, le commandant du 149e R.I. rédige une nouvelle note aux chefs de brigades de la 43e D.I..

« Le commandant Chevassu me rend compte qu’il est en liaison avec le 31e B.C.P.. Sur l’ordre du commandant de ce B.C.P., il a envoyé la 10e compagnie pour renforcer le bataillon de 1ère ligne à la corne sud-ouest du bois en Hache, vers G13.

La 9e compagnie tient la parallèle de départ. Les deux autres compagnies sont dans le boyau Moreau et le boyau Raimbold.

Carte 4 journee du 25 septembre 1915

Legende carte 4 journee du 25 septembre 1915

Le 1er bataillon est arrêté par les dernières unités du 158e R.I..

Je n’ai aucune nouvelle du bataillon Schalck. Toutes les communications téléphoniques sont coupées.

D’après les renseignements donnés, les premières fractions du 31e B.C.P. auraient pénétré dans le bois en Hache par la lisière sud-ouest. »

À 16 h 40, le capitaine Cochain, chef du 1er bataillon du 149e R.I., informe par écrit son supérieur direct.

« Mon bataillon est actuellement en 1ère ligne, mais il n’a pas pu occuper les emplacements fixés pour chaque compagnie, un bataillon du 158e R.I.. occupant encore les emplacements qui lui étaient destinés. En raison de l’occupation du 158e R.I., le bataillon n’a pu trouver place en entier dans les abris. Une partie des hommes sont dans les parallèles, une autre dans les boyaux d’accès.

Les compagnies ont déjà été sensiblement éprouvées par le bombardement. Tant que le bataillon du 158e R.I. reste en position, la situation ne peut guère s’améliorer.

L’arrivée en ligne du bataillon a été retardée par l’encombrement du boyau Bichat où se trouvaient deux compagnies du 109e R.I.. J’ai dû, pour arriver en 1ère ligne, passer en une seule colonne par le boyau Faury que j’ai trouvé lui-même engorgé à l’arrivée. 

D’après les renseignements recueillis à mon arrivée, l’attaque a été arrêtée à l’est du bois en Hache. On m’a dit qu’une batterie de campagne avait été prise de l’autre côté de Souchez, ce qui indiquerait qu’en certains points, l’attaque a dépassé la Souchez. Le lieutenant Trézenem a vu personnellement passer une soixantaine de prisonniers allemands du 106e régiment d’infanterie saxon près du bois en Hache. D’autres prisonniers portaient le numéro 62.

Jusqu’à nouvel ordre, je reste en position. Dès que le bataillon du 158e R.I. prononcera son mouvement en avant, j’occuperai, comme je l’ai prévu, les lignes successives entre H12 et la sape 9.

Je viens d’envoyer la 1ère compagnie occuper ses emplacements de 1ère ligne. »

La communication entre le lieutenant-colonel Gothié et ses chefs de bataillon est délicate. Les lignes téléphoniques sont toutes hors service. À 17 h 00, il n’a toujours pas reçu de nouvelles du bataillon Schalck. Les agents de liaison ont un gros travail à fournir. Leurs déplacements sont lents, la pluie est au rendez-vous et beaucoup d’hommes circulent dans les boyaux détrempés.

Le début de l’attaque menée par la 43e D.I. ne se déroule pas tout à fait comme le souhaitaient les officiers supérieurs qui ont été à l'initiative de cette opération. Les Allemands ne se sont pas laissés surprendre et n’ont pas été complètement déstabilisés. Très vite, ils lancèrent des contre-attaques qui stoppèrent dans leur élan ou firent reculer certains éléments très avancés de la 86e brigade.

Sources :

Les archives du S.H.D. de Vincennes ont été consultées

J.M.O. de la 43e D.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 344/4

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/10.

J.M.O. de la 86e brigade S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/13 et 14.

Historique du 149e Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Fond de carte du secteur de Noulette construit par V. le Calvez.

Le dessin a été réalisé par I. Holgado.

Le cliché du bois en Hache a été photographié par Thierry Cornet.

La carte indiquant les positions des unités de la 43e D.I. qui ont participé à l’attaque du 25 septembre 1915 a été réalisée à partir des informations trouvées dans le J.M.O. de la 86e brigade. Cette carte n’a donc qu’une valeur approximative.

La  carte suivante donne les emplacements des compagnies des 2e et 3e bataillons au cours de l’attaque du 25 septembre 1915, elle n’a qu’une valeur indicative. Les positions des compagnies et des bataillons ont été simplement déduites à partir de la lecture des  comptes-rendus rédigés par les officiers qui commandaient ces unités.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à A. Chaupin, à T. Cornet, à V. le Calvez, I.Holgado à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et à l’association « Collectif Artois 1914-1915 ».

5 juillet 2019

Augustin Pierre Chabanon (1892-1915).

Augustin_Pierre_Chabanon

Le 13 janvier 1882, le cultivateur Mathieu Chabanon se rend à la mairie de Vals-près-le-Puy pour faire inscrire le nom de son fils, Augustin Pierre, dans le registre d’état civil de la commune. Ce cultivateur est âgé de 36 ans. Le maréchal-ferrant Joseph Chaussende et le plâtrier Régis Gineys l’accompagnent en tant que témoins. La mère, Euphrasie Chabanon, a 31 ans lorsqu’elle donne vie à cet enfant.

Deux ans plus tôt, les Chabanon furent touchés par un terrible drame. Ils perdirent leur fille unique Amélie, décédée à l’âge de quatre ans.

Augustin est scolarisé au pensionnat de Notre-Dame-de-France, un établissement catholique implanté au Puy. La durée de ses études n’est pas connue. La lecture de sa fiche signalétique et des services, consultée sur le site des archives départementales de la Haute-Loire, nous fait simplement savoir qu’Augustin possède un degré d’instruction générale de niveau 3. Il sait donc compter, écrire et lire.

En 1901, Augustin a 19 ans. Il demeure toujours chez ses parents, travaillant sur les parcelles de terres qui appartiennent à son père. Les registres de recensement de la commune de Vals-près-le-Puy correspondant aux années 1886 et 1901 ne font pas état d’autres enfants vivants sous ce toit.

Le temps des obligations militaires est proche pour le jeune Chabanon. En 1903, Augustin doit se présenter devant le conseil de révision qui l'ajourne pour une année.

Le 15 novembre 1904, il est à Lyon. Il s’apprête à rejoindre les effectifs d’une des compagnies du 157e R.I., un régiment qui a deux de ses bataillons cantonnant dans la « capitale des Gaules ». Les deux autres sont répartis dans les nombreux forts frontaliers de la vallée de l’Ubaye. Ils ont pour mission de surveiller et de protéger la frontière italienne en cas d’invasion. Ces deux bataillons tiennent garnison à Tournoux, Jausiers et Saint-Vincent. Il est impossible de savoir avec précision où Augustin effectue son temps d’armée parmi tous ces lieux.

Durant son passage sous l’uniforme, Augustin Chabanon a la possibilité de suivre les cours qui vont lui permettre de devenir caporal. Cette formation est pleinement réussie puisqu’il est confirmé dans ce grade le 24 septembre 1905.

Le jeune homme est envoyé en congé le 18 septembre 1906 en attendant son passage dans la réserve qui fut prononcé le 1er octobre.

Augustin peut retourner vivre au pays avec son certificat de bonne conduite en poche et renouer avec son métier de cultivateur.

Le 8 décembre 1909, il épouse une femme originaire de Saint-Vidal, Fanny Virginie Marie Louise Séjalon, âgée de 22 ans. Le couple donne naissance à deux garçons.

Les années passent, Augustin travaille au champ quotidiennement, à l’exception des périodes d’exercices militaires obligatoires. Il effectue celles-ci au 158e R.I. du 30 août au 21 septembre 1910 et du 8 au 24 novembre 1911.

Le 23 décembre 1912, il apprend son rattachement à la réserve de Montélimar.

Les périodes de labour, de semences et de récoltes rythment les cycles saisonniers. Le métier est rude, mais il permet de vivre à sa faim.

Juillet 1914 : le temps de paix est sérieusement mis en danger. Le premier conflit mondial est proche.

Comme des dizaines de milliers de réservistes, Augustin Chabanon est rappelé sous les drapeaux par ordre de mobilisation générale. Il faut tout laisser derrière soi pour rejoindre la caserne à la date précise notée sur le fascicule de mobilisation ; celui-ci se trouve à l’intérieur du livret militaire. Pour Augustin, la date est fixée au 5 août. Il retrouve ses responsabilités de chef d’escouade au sein d’une compagnie du 52e R.I..

Son parcours précis de mobilisé n'est connu que dans les grandes lignes sans qu'il ne soit possible de détailler. A-t-il été évacué, blessé ? Ces questions se posent, car il change plusieurs fois de corps.

Nommé sergent le 26 novembre 1914, il est affecté au 17e R.I. le 1er février 1915, une unité qui combat en Artois à cette période du conflit.

Le 1er mai 1915, le sous-officier Chabanon passe au 149e R.I.. Ce régiment est en Artois depuis plusieurs mois dans le secteur d’Aix-Noulette. Il rejoint les rangs de la 8e compagnie. Son inscription dans les effectifs de ce régiment est malheureusement de très courte durée. Nous pouvons même nous demander s’il a trouvé le temps de découdre les numéros de son ancien régiment pour les remplacer par les nouveaux avant de remonter en ligne.

Augustin Chabanon est mortellement blessé au cours d’une attaque qui permet la reprise d’une sape dans la nuit du 9 au 10 mai 1915.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Journee du 10 mai 1915

Le nom de ce sous-officier figure parmi les 78 hommes du 149e R.I. qui sont inscrits sur la liste des tués du régiment pour cette journée.

Le tribunal du Puy officialise la date de son décès le 29 novembre 1917.

Il n’y a pas de sépulture militaire individuelle qui porte son nom.

Le 10 juin 1915, le général d’Urbal, commandant de la 10e armée, le cite à l'ordre de l’armée (citation mentionnée dans le J.O. du 31 juillet 1915).

« Au cours du combat de Notre Dame de Lorette, a fait preuve d’une grande énergie et d’un véritable sang-froid, pendant la journée du 7 mai 1915, en entraînant brillamment les hommes. A été mortellement blessé au cours de la reprise d’une sape dans la nuit du 9 au 10 mai. »

Le nom d’Augustin est gravé sur le monument aux morts de la commune de Vals-près-le-Puy.

Ses deux fils, respectivement âgés de 9 et 6 ans sont adoptés par la nation à la suite du jugement prononcé par le tribunal du Puy du 23 août 1919.

Sources :

La fiche signalétique et des services du sergent Chabanon et les registres de recensements des années 1896,1901 et 1911 de la commune de Vals-près-le-Puy ont été consultés sur le site des archives départementales de la Haute-Loire.

Le portrait de ce Valladier est extrait du livre d’or du pensionnat de Notre Dame de France « Maitres et anciens élèves morts pour la patrie 1914-1918 »  Le Puy (Haute-Loire).

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. Cornet et aux archives départementales de la Haute-Loire.

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