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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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22 février 2019

Année 1917, un témoignage conséquent laissé par le lieutenant Paul Douchez.

Paul_Douchez__1879_1959_

En 1983, un des fils de Paul Douchez dépose, au S.H.D. de Vincennes, trois gros volumes réalisés par son père. Pour en simplifier la lecture, je me propose de rassembler ici les différents extraits qui concernent le témoignage laissé par le sous-lieutenant Paul Douchez et qui ont été publiés sur le blog du 149e R.I..

La 1ère partie débute au moment où l’adjudant Douchez s’apprête, au mois de septembre 1916, à quitter le 5e R.I.T., qui fut son régiment depuis le début du conflit, pour rejoindre les rangs du 149e R.I. comme sous-lieutenant.

Seule la partie concernant son passage dans le régiment spinalien est  transcrite.

Pour avoir accès aux textes, il suffit de cliquer une fois sur chacune des images suivantes.

 1) Arrivée au 149e R.I. (février-mars 1917)                                                                                                 

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  2) Où on avale des kilomètres...(avril-mai 1917)                                                          

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  3) En 1ère ligne du côté de la ferme du Toty (juin 1917)

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  4) Patrouilles et reconnaissances (juin-juillet 1917)  

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  5) Une ivresse contestataire au 149e R.I. (août 1917)

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 6) Où il est question de Fantômas, d’obus à gaz et de médecin poltron (août 1917)

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 7) Description de la vie quotidienne d’un officier dans un secteur instable (août 1917)

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 8) Un repos bien mérité avant de remonter en 1ère ligne (août-septembre-octobre 1917)

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 9) Derniers préparatifs avant l’attaque de la Malmaison (octobre 1917)

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10) La bataille de la Malmaison (octobre 1917)

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11) Blessures (octobre 1917)

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Sources :

Fonds Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher  et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

15 février 2019

Pierre Joseph Guilleminot (1888-1918).

Pierre_Guilleminot

Pierre Joseph Auguste Guilleminot naquit au « hasard des garnisons », le 17 décembre 1888 à Besançon. Son père, Claude, est un capitaine âgé de 36 ans qui exerce ses fonctions d’officier au 10e bataillon d’artillerie de forteresse. Sa mère, Marie Eugénie Joséphine Guyotte, vient de donner vie à son premier enfant. Elle est âgée de 32 ans.

Pierre Guilleminot est l'aîné d’une fratrie composée d’une sœur et deux frères.

Genealogie_famille_Guilleminot

Après l’école primaire obligatoire, Pierre a la possibilité de poursuivre des études qui le mèneront jusqu’au baccalauréat « latin, sciences et mathématiques ».

L’année de ses 20 ans, il tente le concours d’entrée de l’école spéciale militaire qu’il réussit. Le 20 juillet 1909, il est reçu sous le numéro 25. Ce succès lui permet de contracter un engagement spécial, réservé aux grandes écoles. Le 8 octobre 1909, il appose sa signature sur ce contrat, promettant ainsi de servir avec « fidélité et honneur » la France pendant une durée de quatre ans.

Le lendemain, il est à Montbéliard, incorporé dans les effectifs d’une compagnie du 21e B.C.P.. Pierre entreprend sa formation de caporal qu’il termine le 10 avril 1910. À cette période, il sert à la 4e compagnie.

Le 15 octobre 1910, le jeune homme entre à l’école spéciale militaire avec le grade d'aspirant, intégrant ainsi la promotion de Fez.

Il fait ses deux années d’études obligatoires avant de quitter Saint-Cyr, obtenant le numéro 99 sur 211 élèves classés.

Son livret matricule nous apprend qu’il a eu, au total, 18 jours d’arrêts simples durant sa formation. Toutes ces punitions sont minimes, mais elles nous montrent la rigueur de la vie militaire.

Le 6 janvier 1910, son capitaine lui inflige 4 jours pour avoir fumé une cigarette en étude pendant le repos qui suit le repas de midi. Le 24 février, ce capitaine lui donne de nouveau 4 jours pour être encore couché dix minutes après le réveil. Le 22 juin, Pierre Guilleminot a un avertissement pour négligence de pliage réglementaire de fournitures de literie. Le 18 octobre 1911, il écope de 2 jours pour avoir laissé traîner sa vareuse sur le pupitre. Le 29 février 1912, l’aspirant prend 4 jours pour avoir présenté, lors de l’inspection par l'officier de semaine, une vareuse à laquelle il manquait un bouton. Le 16 juillet, le capitaine de service lui impose 4 jours pour avoir quitté, en étude, sa vareuse et sa veste.

Le 10 octobre 1912, le général responsable de l’école écrit ceci : « Manque encore un peu d’assurance et d’entrain. Très bien doué, cependant zélé, bon esprit, pourra avec quelques efforts faire un très bon officier. S’est bien présenté »

Affecté au 149e R.I., il rejoint les rangs de ce régiment cantonné à Épinal comme sous-lieutenant.

C’est au tour du colonel Menvielle de l’évaluer. Le 10 avril 1913, cet officier supérieur rédige le texte suivant dans le feuillet individuel de campagne  de son subordonné :

« Jeune officier en période de formation. S’annonce comme devant faire un bon officier. Instruit, intelligent, a beaucoup lu et continue de travailler. A fait l'instruction des élèves caporaux, s’en est occupé avec zèle. Très apte à faire campagne. »

Le 25 septembre 1913, il poursuit : « Officier vigoureux, ayant du calme et du sang-froid, sans beaucoup d’allant. Est animé du désir de bien faire et sert avec zèle, donnant toutes satisfactions à son capitaine. A bien fait les marches-reconnaissances dans les Vosges et les manœuvres d’automne. »

Pierre Guilleminot est nommé dans le grade supérieur le 1er octobre 1913.

La guerre le trouve à la tête d’une des sections de la 7e compagnie, sous les ordres directs du capitaine Coussaud de Massignac.

Le lieutenant Guilleminot prend part à l’affrontement du Renclos des Vaches près de Wisembach et à la retraite d’Abreschviller avant d’assurer le commandement de la 5e compagnie. Ce commandement a été laissé vacant à la suite du décès du capitaine Micard le 23 août 1914 ainsi que de l’absence du lieutenant Petin et du sous-lieutenant Camus ; cette absence faisait suite à leurs blessures du 9 août 1914.

Trois jours plus tard, le lieutenant Guilleminot est engagé du côté de Ménil-sur-Belvitte avec les sections de sa compagnie. Il participe ensuite aux attaques qui se déroulent à l’intérieur et autour du petit village de Souain, dans la Marne.

Le 27 septembre 1914, Le lieutenant Petin est de retour au 149e R.I.. Il prend le commandement de la 5e compagnie. Pierre Guilleminot retourne à la 7e compagnie pour en devenir le chef. Avec ses hommes, il combat en Artois en octobre 1914, puis en Belgique au mois de novembre et, de nouveau en Artois, une région où le régiment restera pratiquement dans le même secteur durant toute l’année 1915.

Au combat, c’est un homme courageux. Le lieutenant-colonel Gothié, chef du 149e R.I. inscrit ceci dans son feuillet de campagne :

« Commandant de compagnie très brillant au feu. (3 citations, décoré sur le champ de bataille) Plein d’allants et d’entrain, mais un peu jeune et manquant quelques fois de pondération. Avec plus d’expérience et de maturité d’esprit, il fera un officier de tout premier ordre. »

Une décision ministérielle du 3 juin 1915, publiée dans le J.O. du 7 juin,  lui permet de porter le titre de capitaine de façon temporaire. Cette nomination prend rang à compter du 22 mai 1915. Pierre Guilleminot est définitivement admis dans ce grade à partir du 3 septembre 1915. Il n’a pas encore fêté ses 27 ans.

Le 6 décembre 1915, il écope de 4 jours d’arrêts simples par ordre du lieutenant-colonel Gothié avec le motif suivant : « Commandant son bataillon en 1ère ligne en l'absence de son chef de bataillon en permission, n’a pas rendu compte à son chef de corps de faits graves intéressant le régiment et qu’il avait signalés au commandant de l’infanterie du secteur. »

Trois jours plus tard, le Journal Officiel annonce qu’il est fait chevalier de la Légion d’honneur.

Le 149e R.I. est  ensuite engagé durant un mois dans la bataille de Verdun durant un mois. Le régiment y perd beaucoup d’hommes.

Lorsqu’il laisse derrière lui le secteur meusien à la mi-avril 1916, Pierre Guilleminot reçoit l’ordre de quitter la 7e compagnie pour prendre le poste de capitaine adjudant-major au 2e bataillon. Il doit seconder le commandant Schalck à partir du18 avril. Il lui est nécessaire de se former.

Le capitaine suit les cours d’informations des adjudants-majors au centre de perfectionnement de Châlons-sur-Marne du 29 mai au 1er juin 1916.

Début septembre 1916, le régiment spinalien combat dans la Somme. Le lieutenant-colonel Gothié est fait prisonnier. Le lieutenant-colonel Pineau  est nommé à la tête du régiment.

Cet officier ne se fait pas une très bonne opinion de son subordonné. Le 23 décembre 1916,  il inscrit noir sur blanc : « Officier un peu jeune, ne montre pas toute l’énergie que l’on serait en droit d’attendre de lui. Un peu nonchalant a besoin d’être stimulé de temps à autre. A pris trop jeune les fonctions d’adjudant-major. Ne semble pas encore apte à prendre le commandement d’un bataillon. A été proposé comme stagiaire d’E.M. pendant l'absence du colonel. Cette proposition n’est pas du tout justifiée et le colonel ne l’aurait pas faite. Il espère qu’elle n’aura pas de suite. A besoin de beaucoup travailler. »

Le 23 mars 1917, Pierre Guilleminot est « rétrogradé ». Il quitte ses fonctions de second de bataillon pour prendre le commandement de la 1ère compagnie du régiment.

Cette situation ne dure pas. En mai 1917, le lieutenant-colonel Pineau est remplacé par le lieutenant-colonel Boigues.

Pierre Guilleminot retrouve ses fonctions de capitaine adjudant-major le 22 août 1917 ; cette fois-ci, il est affecté au 1er bataillon sous les ordres du commandant de Chomereau de Saint-André.

Le_capitaine_Guilleminot_et_son_ordonnance__aout_1917

Le 23 septembre 1917, le colonel Boigues note ceci sur le feuillet de campagne du capitaine : « Je ne partage pas l’avis de mon prédécesseur sur le capitaine Guilleminot, qui, à ce que j’ai cru comprendre, s’est trouvé comme adjudant-major, dans une situation délicate vis-à-vis de son chef de bataillon à raison d’une vieille intimité. Intelligent, courageux, je crois qu’il peut faire un bon adjudant-major. S’est, d’autre part fait noter très élogieusement comme commandant d’unité. »

Deux mois plus tard, le régiment est engagé dans la bataille de la Malmaison.

C’est à la tête de son bataillon, à proximité du commandant de Chomereau de Saint-André, qu’il quitte la tranchée pour se lancer à l’assaut de la 1ère ligne allemande au cours de la 1ère phase de l’attaque.

Pour en savoir plus sur les évènements de la journée du 23 octobre 1917, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Carte 1 emplacements des 3 bataillons du 149e R

Son attitude au feu lui vaut une citation à l’ordre de l’armée, confortant ainsi l'opinion que s’était fait de lui le colonel Boigues qui écrit ceci en février 1918 : «  Le capitaine Guilleminot fait un très bon adjudant-major. Il est au-dessus de tout éloge comme bravoure individuelle et comme dévouement. Doué d’une très bonne instruction générale, intelligent, il fera un bon chef de bataillon supérieur à la moyenne, s’améliorera encore certainement en face des responsabilités du commandement qui le stimuleront. »

Février 1918, le 149e R.I. occupe un secteur dans les Vosges. Le cliché suivant a été réalisé durant cette période.

La Cude Commandant Gaston de Chomereau de Saint-André

La photographie suivante n’est ni datée ni légendée. Grâce à la palme bien visible sur la croix de guerre du capitaine Guilleminot, nous pouvons affirmer qu'elle a été réalisée entre le 18 novembre 1917 et son départ du 149e R.I..

Capitaine Guilleminot photographie non datee

Début mai 1918, Pierre Guilleminot est muté au 4e B.C.P., il ne reste que quelques semaines dans cette unité. Au début du mois de juillet 1918, il est affecté au 70e R.I. pour y prendre le commandement du 3e bataillon.

Sorti indemne de toute blessure lorsqu’il était au 149e R.I., Pierre trouve la mort dans l’Aisne à la ferme la Grange au nord de la Vesle le 4 août 1918. Le J.M.O de ce régiment nous indique les circonstances de son décès. Les Allemands ont piégé la ferme avant de l’abandonner. La violence de la charge explosive est telle qu’elle ensevelit plusieurs hommes.

Le corps de cet officier n’est retrouvé que bien plus tard. Le capitaine Guilleminot est dans un premier temps enterré dans le cimetière communal de Braine, dans une fosse individuelle qui porte le numéro 156.

Pierre Joseph Guilleminot repose actuellement avec ses parents et l’intégralité de sa fratrie dans un caveau familial placé dans le cimetière des Chaprais à Besançon. Les trois frères et la sœur ne se sont jamais mariés. Il n’y a pas de descendance connue pour l’ensemble de cette fratrie.

Sepulture famille Guilleminot

Cet officier a obtenu les citations suivantes :

Citation à l’ordre du régiment  n° 46 du 22 avril 1915 :

« Chargé d’une reconnaissance délicate dans la nuit du 5 au 6 mars en avant de Noulette, s’en est acquitté parfaitement. A contribué dans une large mesure à la réussite de l’attaque du 6 mars par la précision et l’à propos de ses ordres. »

Citation à l’ordre de la 43e D.I. n° 61 du 8 juin 1915 :

« Commandant de compagnie remarquable par son entrain, son mépris du danger, son calme sous le feu. En dernier lieu dans l’attaque du 29 mai, étant en 1ère ligne, a entraîné sa compagnie hors des tranchées ennemies dont il a conquis une cinquantaine de mètres »

Citation à l’ordre du 21e C.A. n° 11 en date du 23 septembre 1916 :

« Officier brillant, sur le front depuis le début de la campagne, s’est distingué dans tous les nombreux combats livrés par le régiment par son énergie, son sang-froid, son esprit de décision, ses remarquables qualités de commandement dans la part prise par le 2e bataillon, aux succès remportés par le 149e Régiment d’Infanterie, les 4, 5 et 6 septembre 1916 et le 17 septembre 1916, a secondé son chef de bataillon avec le dévouement le plus absolu. »

Citation à l’ordre de l’armée n° 539  en date du 18 novembre 1917 :

« Officier d’une haute valeur morale. Le 23 octobre 1917 a chargé en première vague, avec la même bravoure insouciante qu’à Sainte-Marie, Souain, Ypres, Lorette, Verdun et Soyécourt. A été là comme ailleurs le bras droit de son chef de bataillon »

Citation à l’ordre de la 11e D.I.  n° 229 du 18 juin 1918 :

« Officier de premier ordre d’un grand sang-froid, d’une belle bravoure, s’est dépensé sans compter au cours des combats du 10 et 11 juin 1918 pour assurer la liaison entre les différentes unités engagées et le chef de bataillon, auxiliaire le plus précieux pour son chef de corps. »

Sa croix de guerre est constituée d’une palme, d’une étoile de vermeil, de deux étoiles d’argent et d’une étoile de bronze.

Chevalier de la légion ordre n° 1743 en date du 9 octobre 1915. 

« Commandant de compagnie d’un calme, d’un entrain et d’un courage remarquables, le 26 septembre 1915 a maintenu sa compagnie sous un bombardement des plus violents.

A entraîné sa première vague d’attaque, a réussi à prendre pied avec elle dans la tranchée allemande » 

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Les fiches signalétiques et des services des frères Guilleminot et la plupart des actes de naissance, de mariage et de décès de la famille  ont été trouvés sur les sites des archives départementales du Doubs.

La photographie de la plaque mortuaire de Bernard et de Pierre Guilleminot a été trouvée sur le site « Généanet ».

Un grand merci à M. Bauer, à M. Bordes, à A. Carobbi, à J. Huret, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes, aux archives départementales du Doubs et aux mairies de Besançon et de Bainville-sur-Madon. 

8 février 2019

Les pertes du 149e R.I. durant la bataille de la Malmaison.

Fin octobre 1917 le cimetiere de Conde-sur-Aisne

En l'absence de J.M.O. du 149e R.I. pour la période des combats de la Malmaison, j'ai été amené à construire mes récits à partir d’autres sources : J.M.O. de la 43e D.I., documents en provenance du S.H.D. de Vincennes tels que rapports écrits, cartes d’état-major ou encore témoignages laissés par des combattants qui ont participé directement à cet évènement.

Le problème posé pour établir un état des pertes du régiment assez précis fut encore plus difficile à résoudre étant donnée la rareté des sources.

Concernant la réalisation de cet article, je n'ai eu à ma disposition que trois petits feuillets trouvés dans un carton du S.H.D. de Vincennes.

Chacun d’entre eux a été écrit depuis l'état-major de la division, à partir des informations remontantes fournies par les unités qui la constitue.

Le tableau suivant recoupe toutes les données concernant le 149e R.I. figurant sur ces trois feuillets.

Tableau des pertes durant la bataille de la Malmaison

La première partie du tableau, datée au 26 octobre 1917, fournit l’état des pertes pour la période allant du 21 au 25 octobre.

Ce premier bilan comptable, enregistré sous la référence 8097s, concerne les officiers, sous-officiers et hommes de troupe qui ont été tués, blessés ou considérés comme disparus durant la période allant du 21 au 25 octobre 1917.

Au premier abord, ce bilan reste assez difficile à interpréter.

La plupart des chiffres sont barrés et portent plusieurs mentions annexées au crayon à papier.

Au fil du temps, les sources fournies par les compagnies s’affinent.

Un deuxième bilan datant du 28 octobre (2e liste nombre augmenté) complète le précédent état numérique des pertes. Contrairement au précédent, celui-ci ne comporte aucune rature.

Lorsque nous additionnons les chiffres de ces deux bilans par catégories, les résultats trouvés correspondent tout à fait à ceux qui ont été ajoutés au crayon à papier sur le 1er état des pertes.

La période allant du 26 au 31 octobre est enregistrée sur le dernier feuillet.

La plupart des hommes tués durant les combats de la Malmaison ont été enterrés dans le petit cimetière militaire de Condé-sur-Aisne. Plus tard, un grand nombre d’entre eux furent exhumés pour être mis en terre dans la nécropole nationale de Vauxbuin ; ce lieu est situé à 4 kilomètres au sud-ouest de Soissons. Il a été créé en 1919. De nombreux corps ont été rendus aux familles.

Les carres A,B,C et D de la necropole de Vauxbuin

Une recherche approfondie effectuée sur le site « Mémoire des hommes » a  permis d’identifier 114 hommes tués entre le 22 et le 29 octobre 1917.

                                     Tableau des tués durant la bataille de la Malmaison

Sources :

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

Site « Mémoire des hommes ».

La photographie représentant le cimetière de Condé-sur-Aisne à été réalisée par Gaston de Chomereau de Saint-André. Elle est la propriété de la famille descendante de cet officier.

Les clichés des carrés A, B, C et D de la nécropole de Vauxbuin ont été réalisés par J. Baptiste en 2003.

Un grand merci à M. Bordes, à J. Baptiste, à A. Carobbi,  à T. de Chomereau, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

1 février 2019

Raymond Clément David (1874 - ....).

Raymond_Clement_David

Raymond Clément David est né le 23 novembre 1874 dans le Haut-Rhin. Son père, Jean Baptiste, accompagné d’Étienne Ernest Freschet et de Charles Marie du Crest, se sont rendus le jour même à la mairie de Belfort pour se présenter devant l’adjoint au maire, François Juteau. Ces trois officiers sont venus apposer leurs signatures sur le registre d’état civil qui officialise ainsi la naissance de Raymond.

Le père a 44 ans, il exerce les fonctions de capitaine d’habillement au 42e R.I.. La mère, Catherine Roland, est originaire de Corse. Âgée de 25 ans, elle vient, avec la naissance de Raymond, de donner vie à son troisième enfant.

Le couple David s’est marié le 19 octobre 1868 à Bastia. Cinq enfants sont nés de cette union. La sœur ainée n’a pas survécu à sa 10e année.

Genealogie famille David

Raymond perd son père à l’âge de 11 ans. La lecture de sa fiche signalétique et des services nous apprend qu’il possède un degré d’instruction de niveau 3. Le jeune David fait des études au Prytanée de la Flèche. Plus tard, probablement après son engagement dans l’armée, il suit les cours de l’institut de chimie de Lille.

À sa sortie de l’école militaire, Raymond a la ferme intention de faire une carrière de soldat.

Le 17 mars 1893, il se rend à la mairie du Mans pour y signer un engagement volontaire d’une durée de 4 ans. Il n‘a pas encore fêté ses 19 ans. Raymond doit se rendre à Caen pour rejoindre le dépôt du 36e R.I..

Le soldat David est nommé caporal le 1er octobre 1893, puis sergent le 14 octobre 1894.

L’ancien élève du Prytanée ne va pas aller jusqu’au bout de son contrat. Il est envoyé en congé le 28 août 1896 en attendant son passage dans la réserve. Un de ses frères vient de mourir sous les drapeaux. Cette situation lui donne le droit d'interrompre son engagement.

Raymond se retire à Lille. Le 29 août 1896, il est rattaché au régiment d’infanterie de réserve stationné au Mans.

Le 20 avril 1900, Raymond passe au recrutement de Lille. Il appartient maintenant au régiment d’infanterie de réserve stationné à Arras. Il vit avec une Lilloise avec qui il a deux enfants.

En 1903, il est rattaché au  régiment de réserve de Bar-le-Duc-Lerouville.

Sa compagne et lui se marient en 1905, reconnaissant et légitimant comme issus de leur œuvre leurs deux enfants.

Le 17 mars 1906, Raymond David a l’âge de passer dans l’armée territoriale. Le 1er octobre  il est affecté au 5e R.I.T..

Six ans plus tard, il est l’heure pour lui de rejoindre la réserve de l’armée territoriale rattachée à la place forte de la ville de Lille.

À cette période de sa vie, il pense peut-être en avoir presque terminé avec la question militaire, mais les évènements européens qui se profilent à l’horizon vont en décider tout autrement.

Le sergent David est rappelé à l’activité par décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Il doit rejoindre, le 2 septembre 1914, le dépôt du 5e R.I.T. qui se trouve à Jarnac.

Envoyé au bataillon de Calais le 14 septembre, il arrive dans la ville portuaire du nord de la France le 19 septembre pour intégrer les effectifs de la 8e compagnie de cette unité.

Le 28 décembre 1914, Raymond David se porte volontaire pour passer à la section des autos mitrailleuses de la place de Calais.

Le 20 novembre 1915, il retrouve son ancien régiment pour intégrer la 7e bis compagnie du 5e R.I.T.. Pourquoi a-t-il demandé à quitter un poste à l'écart des dangers du front ?

La suite de son parcours plaide en faveur d’un besoin d'être actif dans le conflit, de ne pas rester « embusqué ».

Le 1er décembre 1915, le sergent David est affecté à la 2e compagnie de mitrailleuses du régiment.

Il est nommé dans le grade supérieur le 10 janvier 1916.

Avec cette unité, il fait campagne aux tranchées de Nieuport du 26 novembre 1915 à la fin avril 1915.

Du 1er mai au 26 juin 1916, il est à Verdun, puis en Haute-Alsace.

Prenant goût au commandement, l’adjudant David informe ses supérieurs qu’il souhaiterait devenir officier. Pour cela, il va devoir suivre les cours d’élèves officiers de la 7e armée à partir du 15 octobre 1916.

Il  a été photographié avec une partie de sa promotion.

Stage officiers David

À la fin de la formation, il ne reste plus que 72 candidats sur 108. Raymond Clément David  termine 3e. Très bien noté, il est jugé apte à faire un excellent officier d’active, voire même à commander une compagnie. 

Début janvier 1917, il retrouve son poste à la 2e compagnie de mitrailleuses du 5e R.I.T..

Mais ce n’est pas pour longtemps. L’adjudant est promu sous-lieutenant à titre temporaire le 29 janvier 1917. Malgré son âge, il a demandé à partir dans un régiment d’active.

Une note provenant du G.Q.G. numérotée 25 258 et datée du 5 février 1917 l’affecte au 149e R.I.. Il arrive au corps le 8 février 1917, pour être affecté à la 2e compagnie du régiment.

À cette époque du conflit, le 149e R.I. occupe en alternance plusieurs secteurs du côté de la Malmaison, à proximité du chemin des Dames. Le secteur est assez instable, mais il n’y a pas d’attaque majeure avant l’offensive du 23 octobre 1917.

Durant cette période, Raymond David a la possibilité de parfaire ses connaissances avec les nouvelles tactiques de combat et les nouveaux armements.

Il suit les cours du fusil R.S.C. du 1er au 8 mai 1917 inclus puis du 12 au 21 juillet 1917, il entreprend un stage sur le canon de 37 mm au dépôt divisionnaire 43. Ces deux formations ont lieu au dépôt divisionnaire de la 43e D.I..

Le sous-lieutenant David est promu dans son grade à titre définitif par décret du 16 novembre 1917. Ce titre prend effet à partir du 29 janvier 1917.

Une nouvelle fois il se rend au dépôt divisionnaire pour effectuer un stage d’obusier Stocke du 5 au 13 octobre  1917.

Raymond David prend ensuite le commandement de la section de discipline de la 43e D.I. entre le 1er décembre 1917 et le 28 février 1918.

En février 1918, le colonel Boigues écrit dans le feuillet individuel de campagne de Raymond David «  A montré dans le commandement de la S.D. de réelles qualités de tact et d’intelligence. C’est un très bon officier qui a fait ses preuves dans les attaques de l’Aisne. Très méritant»

Groupe d'officiers du 149e R

Réaffecté à la 2e compagnie du 149e R.I.,le lieutenant David bénéficie d’une permission du 26 mai au 4 juin inclus. Durant sa permission, son régiment est envoyé d’urgence dans la région d’Arcy-Sainte-Restitue. Les Allemands viennent de lancer une vaste offensive qui  pourrait faire une brèche dans la ligne de front. Le sous-lieutenant David ne participe pas aux évènements.

Le 9 juin 1918, il est affecté à la 1ère compagnie.

Le 149e R.I. est engagé plusieurs fois en Champagne en juillet 1918. Cette fois-ci, Raymond combat avec ses hommes.

Sous-lieutenant David petit groupe d'officiers

Le 29 juillet 1918, il est nommé lieutenant d’infanterie territoriale par décret présidentiel, directement à titre définitif. (J.O. du 31 juillet 1918).

Fin septembre 1918, le 149e R.I. participe à une attaque en Champagne qui va durer trois jours. Le lieutenant David s’y fait particulièrement remarquer puisqu’il sera décoré de la Légion d’honneur à la suite de ces évènements.

Le 2 octobre 1918, le lieutenant David est évacué pour intoxication par les gaz. Il obtient une permission de convalescence de 10 jours qui commence le 15 octobre.

Raymond David est de retour au corps le 2 novembre 1918.

Le 3 novembre 1918, c’est au tour du lieutenant-colonel Vivier d’y aller de sa plume pour noter son officier. Voici ce qu’il écrit :

« Très belle figure de soldat, le lieutenant David est venu sur sa demande au 149e R.I., alors que, par son âge, il pouvait servir dans l’A.T.. Très bon commandant de compagnie, possédant, avec la maturité qui lui donne son âge, un cœur et un tempérament d’officier. Très bel exemple pour le régiment, proposé plusieurs fois pour la croix. Je regrette de quitter le commandement du régiment sans avoir pu lui faire obtenir cette récompense si justement méritée. »

Excepté au cours d’une attaque dans laquelle son capitaine a été blessé, Raymond David n’avait encore jamais commandé de compagnie. Le 15 août 1918, c’est chose faite. Il prend la tête de la 1ère compagnie.

La fin de la guerre approche, il faut maintenant penser à l’avenir, mais la situation est loin d’être simple malgré la signature de l’armistice.

Le 26 décembre 1918, le lieutenant David rédige une lettre à son colonel :

« Mon colonel,

Lors de ma dernière permission, il m’a été donné de constater la situation vraiment désastreuse de Lille. Notamment au point de vue industriel.

Cette situation d’après un article du «Matin», paru avant-hier, ne semble nullement s’être améliorée.

Dans ces conditions, je serais heureux d’obtenir mon maintien provisoire aux armées dans les conditions de la dernière circulaire concernant les officiers de complément (jusqu’au décret mettant fin à l’état de guerre).

Je vous serais très reconnaissant de me faire maintenir également au 149e R.I. qu’il me serait très pénible de quitter  quelques mois avant ma démobilisation. »

Cette demande remonte la voie hiérarchique et obtient une réponse favorable.

Une décision ministérielle du 13 mars 1919 fait savoir au lieutenant David que l’application de la circulaire du 7 décembre 1918 permet son maintien en activité jusqu'à la publication du décret mettant fin à l’état de guerre.

Le 2 octobre 1919, il fait une nouvelle demande écrite pour être maintenu dans la réserve de l’armée active jusqu’à la limite d’âge fixée par la loi. Cette demande est également accordée.

Le 24 octobre 1919, le lieutenant-colonel Lecoanet rédige le texte suivant dans le relevé de note du lieutenant David : 

«  Bonne constitution physique. Très résistant à la fatigue. Élève de mathématiques spéciales. Élève au Prytanée militaire de la Flèche, institut de chimie de Lille. Tenue et conduite irréprochables. Très bonne éducation. Instructeur parfait. Très bon mitrailleur. A commandé une compagnie de la façon la plus brillante. Dégagé par son âge d’obligation militaire dans un corps d’actif, a tenu à rester avec les jeunes. D’un allant et d’un courage admirables, ayant beaucoup d'expérience et un grand tact, a toujours eu un grand ascendant sur ses subordonnés. S’impose par son service et son exemple personnel, aimé de ses hommes desquels il obtient d’excellents résultats. Demande à être maintenu comme officier de complément dans son régiment actif jusqu’à la limite d’âge. Décoré. »

Il est officiellement démobilisé le 25 octobre 1919. Envoyé en congé illimité de démobilisation le 16 novembre 1919, il se retire à Lille. Il est maintenu dans les cadres de l’armée territoriale ; ce maintien est décidé, le 14 octobre 1922, par le général commandant le 1er groupe de subdivision de la 1ère région.

Revenu à la vie civile, Raymond David travaille comme chimiste.

Il passe au 110e R.I. par décision ministérielle du 20 novembre 1922 (J.O. du 23 novembre 1922) puis est affecté au centre mobilisateur d’infanterie n°11 par décision ministérielle du 12 août 1927.

L’ancien militaire est proposé, le 30 novembre 1927, pour une mise en non-disponibilité  en raison d’un problème de tuberculose.

Son état de santé se dégrade. Il est suggéré qu’il soit radié des cadres avec une pension temporaire de 40 % par la C.R. de Lille le 24 septembre 1930.

Un décret du 30 novembre 1931, valable à compter du 23 novembre 1931, le raye des cadres. Il en a définitivement terminé avec la vie de soldat.

Raymond est placé dans la position de lieutenant honoraire le 30 novembre 1931.

Cet officier a obtenu les citations suivantes :

Citation à l’ordre de la VIe armée n° 545 en date du 28 décembre 1917 :

« A quitté sur sa demande la territoriale pour passer dans un régiment de choc de l’active. Joint les qualités d’un officier d’élite à la plus haute valeur morale. Blessé un peu avant l’attaque a refusé de se laisser évacuer. A enlevé sa section avec une fougue superbe, réduisant plusieurs nids de mitrailleuses et contribuant largement au succès de son bataillon.»

Citation à l’ordre du 21e C.A. n° 219 du 21 août 1918 :

« Chargé de l’exécution d’un coup de main, a entraîné ses hommes avec un élan admirable, a atteint tous ses objectifs et malgré un bombardement violent ennemi, a maintenu ses hommes sur la position conquise. Officier d’élite très courageux, fanatique, enthousiaste.»

Citation à l’ordre du 21e C.A. n° 220 du 28 août 1918 :

« Officier d’une haute valeur morale. Malgré son âge et sa classe, tient à rester dans un régiment actif. Au milieu de circonstances critiques, son capitaine venant d’être blessé, le 15 août 1918, a pris le commandement de sa compagnie, repoussant victorieusement une attaque violente en maintenant ses positions. »

La Légion d’honneur lui est attribuée par décision ministérielle n° 11204 « D» du G.Q.G. du 5 novembre 1918 :

« Officier d’élite, d’une bravoure incomparable et d’un sang-froid superbe. Véritable entraîneur d’hommes, n’a cessé pendant les combats des 26 et 27 septembre 1918 de manœuvrer les centres de résistance ennemis, les réduisant et capturant des prisonniers. Toujours en avant, poussant des pointes audacieuses dans les lignes ennemies pour aider la progression des unités voisines. A montré partout le plus absolu mépris du danger. Une blessure, trois citations»

Le lieutenant David parlait et écrivait l’allemand couramment.

La date exacte de décès de cet ancien officier n’est pas connue. Cependant, un courrier adressé à l’administration militaire rédigée par son épouse le 20 août 1943, en vue de constituer un dossier de pension de veuve de victime civile de guerre, laisse supposer qu’il est mort à cause de la guerre comme victime civile, peut-être au cours d’un bombardement.

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

J.M.O. du 5e R.I.T.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 773/1

La fiche signalétique et des services du lieutenant David a été lue sur le site des archives départementales de la Sarthe.

Un grand merci à N. Bauer, à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher  et au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales de la Sarthe. 

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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