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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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25 janvier 2019

Un témoignage laissé par le lieutenant Paul Douchez (11e partie) Blessures.

Paul Vincent Constantin Douchez

Le sous-lieutenant Douchez vient d’être blessé par l’éclatement d’une grenade. Il attend les secours qui vont être très longs à intervenir.

23 octobre 1917

Un sergent que je connais, mais dont je n’ai pu depuis, ni par mémoire, ni par les lettres à ma compagnie et à la compagnie de David, retrouver le nom ou l’unité m’engage à descendre. Je lui fais signe que je ne le puis. « Je vais vous chercher mon lieutenant ». À peine achève-t-il, qu’une balle vient s’enfoncer dans les plaies de ma cuisse droite, en me causant, elle aussi, une sensation de brûlure. Je vois le danger qu’il courait à sortir pour m’enlever. « C’est inutile, je suis perdu et tu te ferais tuer ». Je ne sais comment je n’ai pas été criblé de balles. Outre celles de mitrailleuses qui fauchent le sol, le groupe terré qui m’a abattu, ne me voyant pas entendu, doute peut-être de m’avoir atteint. Posément, il continue à me viser.

L’examen ultérieur de ma capote et de ma vareuse, les seuls effets que j’ai pu conserver, me montra que d’autres balles m'avaient manqué de peu. L’une notamment, pénétrant sous le sein gauche, a traversé la capote et la vareuse. Elle a ricoché, grâce à la position horizontale du buste, sur mon portefeuille. Sous le choc, l’étui en mica qu’il renfermait contenant notre photographie fut brisé. En déviant, elle a tracé un sillon sur le portefeuille, troué de nouveau de nouveau la vareuse, fit sauter le bouton fermant la poche extérieure, sortit par la boutonnière en la déchirant, et de là par la capote à quelques centimètres de son point de pénétration.

Dans la poche du pan gauche, mon carnet de section, ma lampe électrique furent troués. Si j’avais pu garder mes accessoires d’équipement et ma culotte, nul doute que j’y aurais trouvé de nombreuses traces semblables.

Ce brave sergent, insistant, me déclare son intention de passer sous moi pour m’entraîner dans le trou. Sur ma demande, il coupe d’abord au canif les nombreuses courroies arrimant le barda volumineux qui me cale sur place, puis il se glisse sous moi.

J’ai quelque peine à ôter mes mains du sol pour lui entourer le cou. En rampant, il s’engage sur la pente de l’entonnoir où il me fait basculer. Il me couche sur le dos, la tête non loin du bord, les pieds à moitié de la descente. Là, je vois Lorinquier, le barbier de la compagnie, resté pour s’occuper de moi.

À deux, ils coupent mes jambes de culotte et de caleçon toutes de sang et fumantes.

Je ne puis bouger. Mes deux paquets de pansements ne suffisent pas. D’ailleurs, ne pouvant me soulever les jambes, ils ne voient qu’une partie de mes blessures. Le sang continue de couler, s’amassant en large flaque retenue par les plis de la capote.

La pluie tombe, je grelotte avec les cuisses maintenant nues. Ils étendent sur moi leurs couvre-pieds et une toile de tente prise sur un mort. Je bois successivement une gorgée de café glacé, de l’alcool de menthe, du vin, pour me réchauffer. Je ne tarde pas à rejeter le tout.

J’ai toute ma lucidité. Des ruisselets coulent sous moi. Je pense que je vais mourir exsangue et je songe au camarade Lemire, mort dans mon P.C. de la tranchée Rousseau, de la même blessure.

Sans que je m’en sois rendu compte, c’est-à-dire pendant un nouvel évanouissement, David et sa section ont quitté la place par un boyau qui y accède et dont je vois l’orée à ma droite.

Quelques hommes cependant sont restés. Ils ont repéré le « nid » dépassé. Une moitié tiraille de ce côté à coups de fusil et de grenade V.B., l’autre moitié faisant de même, vers l’avant. Tous sont plaqués sur les pentes du trou.

Cette vue m’est agréable. Elle évoque à mon esprit les tableaux de Letaille et d’A. de Neuville. Maintenant encore, je revois très exactement cette belle scène héroïque.

 Je dis à Lorinquier de me laisser et de faire le coup de feu. Le pauvre tremble et tire au hasard, ce qui lui vaut une remarque d’un autre combattant admirable de calme.

J’ai une nouvelle syncope, durant laquelle je m’imagine voir ma section, ayant à sa tête mon ancienne ordonnance Magnien, traverser, à la file indienne, l’entonnoir et me souriant au passage !!!

Toujours est-il, qu’en rouvrant les yeux, je revois ledit entonnoir vide. À l'exception du barbier et du combattant qui m’a traîné là, il n’y a personne. Le sergent me dit alors : « Mon lieutenant, je vais vous chercher vos affaires ».

Je crois avoir ma pleine liberté d’esprit. Je ne souffre réellement que du froid. Ma pensée va vers Jeanne, vers ma mère, vers mon père dont j’ignore la mort, lui que j’aurais tant aimé embrasser avant de mourir et qui, il y a douze jours, m’a devancé dans le grand inconnu.

Je suis attristé en songeant à leur douleur à l’annonce de ma mort et c’est dans une grande tranquillité d’esprit que je prie pour moi, pour eux que je recommande à dieu et pour mes petits.

Je fais l’examen de mon comportement depuis le départ de l’attaque. J’en retire l’assurance d’avoir accompli mon devoir sans avoir commis aucune erreur, aucune faute. Je n’ai nul regret. Je me dis que si j’avais à revivre ces dernières heures, avec la possibilité de les éviter, je n’hésiterais pas à suivre ma destinée. Je souris au souvenir du vœu le plus cher de mon jeune âge : mourir sur un champ de bataille… et qui s’accomplit. J’en remercie la providence.

La lecture d’études médicales sur les blessures de guerre m’a permis depuis d’acquérir, pour l’apaisement de ma conscience, la conviction que je n’ai pas, dans le triste événement qui va s’accomplir, agi en égoïste. J’atteignais ce moment à la fois psychologique et physiologique avec la gravité du traumatisme, la perte de sang, les rapides progrès de la gangrène qui avaient envahi mes plaies. Tout cela m’amenait progressivement à l’affaiblissement général de mes facultés et me plaçait dans un état d’apathie, de somnolence, contre lequel je n'avais plus le pouvoir de réagir.

Quoique le bruit du combat aille en s’éloignant, je sais parfaitement quel risque capital il y a encore à « aller chercher mes affaires », comme vient de dire ce malheureux, bien qu’elles ne soient guère distantes que de 1 m 50 au plus sur le bled.

Un mot suffisait sans doute à l’en dissuader. Ce mot, je ne le dis pas… Il escalade l’entonnoir… Quelques instants après Lorinquier se hasardant à passer le haut de la tête se retourne : « Mon lieutenant, x…. est tué ! »  J’éprouve un sentiment mêlé de tristesse et de désir d’ignorer !  Je ne réponds pas. « Mon lieutenant X…. a reçu une balle dans la tête ! » Je garde obstinément le silence.

Le regret que j’ai de la mort de ce brave que j’aurais dû empêcher, qu’il me semble avoir sciemment laissé s’accomplir, n’est même pas atténué par l’illusoire consolation, n’étant pas parvenu à l’identifier, d’avoir pu faire obtenir aux siens la récompense posthume due à son dévouement.

Le temps passe, les mitrailleuses écrêtent toujours par intermittence les bords du trou. Je suis à la merci d’une trajectoire un peu moins tendue. Des obus tombent toujours autour, me jetant de la boue. Un éclat frappe mon casque. Heureusement que j’ai pu le garder sur la tête, grâce à la jugulaire, le cou posé sur une motte de terre.

Nos troupes avancent, le combat s’éloigne, les brancardiers commencent à circuler. Lorinquier hèle une équipe du 109e R.I., mais il essuie un refus en donnant le numéro du notre régiment.

Des gaz toxiques passent. Il met son masque puis m’en ajuste un après avoir ôté mon casque J’ai donc le temps d’en goûter la saveur âpre, suffocante. Je ne puis reconnaître leur nature, toutefois, ce n’est pas du gaz lacrymogène.

Il pleut toujours, l’eau coule sur le visage, dans les yeux, dans la bouche. Une rigole s’est formée de chaque côté de la tête et du corps. J’ai de plus en plus froid. Un tremblement perpétuel me secoue. Les pieds sont glacés. J’essaye en vain de réchauffer le droit en l’appuyant contre une motte de terre glaise.

Nos avions volent au-dessus du champ de bataille, scrutant le terrain à quelque trente mètres de hauteur. Je suis tenté plusieurs fois de leur faire un signe de détresse. Je m’en abstiens, comprenant l’inanité de ce geste.

Voyant que la mort ne vient pas, je dis à Lorinquier d’aller à la recherche de brancardiers. Resté seul, je vois venir, par le débouché du boyau, un blessé qui avance à tâtons, un bandeau sur les yeux, les deux mains sanglantes à hauteur du visage, comme pour les protéger des heurts. Il bute, s’abat à 4 ou 5 mètres de moi et reste immobile.

Notre caporal brancardier passe si près que je l'aperçois. Je l’appelle. Il me promet de m’envoyer relever. Une heure après, le barbier revient. Il a trouvé le .P.S. du régiment, mais toutes les équipes étaient en recherche. Il panse les mains du pauvre diable et lui donne à boire.

Ici encore, ce pénible état de mes facultés se manifeste. Je déplore de voir ce malheureux, comme moi, sous la pluie, mais sans couverture. J’en ai deux sur moi, plus une toile de tente. Je voudrais m’en faire retirer une pour lui, mais mes lèvres ne s’ouvrent pas pour en prier Lorinquier.

Encore des gaz ! J’abaisse mon masque que j’ai gardé sur le front. Je vois s’éloigner, chassé par le vent, le nuage noirâtre.

Voilà des brancardiers. Croyant qu’ils me cherchent, je les fais appeler. Ils répondent des mots inintelligibles et s’éloignent. Le froid me fait bien souffrir. La perte de sang aidant, la vie semble s’être arrêtée aux hanches.

Il doit y avoir quatre à cinq heures que je suis tombé. Le caporal brancardier repasse, étonné de me retrouver là. Il réitère sa promesse et s’en va.

Je vois apparaître la tête d’un Allemand, puis le buste, puis le corps. Il descend dans l’entonnoir, suivi d’un deuxième, d’un troisième d’un quatrième. Je n’ai plus de revolver et je me vois par avance dépouillé et achevé. À la place de Lorinquier, j’en aurais déjà abattu deux, lui reste médusé ! Enfin, un cinquième homme se montre. C’est un français ! Il conduit les prisonniers…

Le premier me regarde et me dit en bon français : « Je vais dire à l’ambulance qu’on nous envoie venir vous chercher. »

Une nouvelle heure s’écoule. J’envoie Lorinquier dire à notre P.S. que si l’on ne peut venir de suite ce ne sera pas utile.

Le blessé se met à geindre lamentablement. Ne pouvant le secourir, je me garde de lui signaler ma présence. Je voudrais maintenant le faire venir me prendre un couvre-pied, mais je crains sa maladresse forcée et je me tais.

La pluie redouble, le froid se fait plus intense. Peut-être que mon épuisement progressif me le rend-il moins supportable. Je ne cesse de trembler violemment.

Une troisième fois les gaz passent…

Me voyant toujours vivre, je prends la résolution de traîner hors du trou pour gagner un passage de brancardiers où un P.S.. Je me découvre et je vois sous moi, dans une mare de sang, des morceaux de chair et de graisse que je prends, à tort, pour de la matière provenant de la moelle épinière !

Dès le premier effort, je constate que je suis condamné à une immobilité absolue. J’en suis contrarié, car j’avais cru voir là, une chance de me repêcher. C’était d’ailleurs une erreur, car je n’aurais pu ramper dans la boue qui recouvrait maintenant tout le champ de bataille.

L’absence de Lorinquier me parait interminable, car je ne me représente pas que notre P.S. est peut-être très éloigné. Je prie de nouveau.

Enfin, j’entends parler. C’est le barbier qui revient flanqué de quatre brancardiers. Il est, me dit-on, 13 h 30. Il y a alors 7 à 8 heures que je suis là.

Je pense d’abord à faire emporter le blessé, puis je songe que je suis à bout de résistance, que lui est moins saigné et que les brancardiers ne reviendraient peut-être pas. Cette mauvaise pensée est tempérée par celle que l’équipe promise par le caporal va venir et le prendra…

C

Je lui fais mettre un couvre-pied. Il ne dit rien. Sait-il qu’on emporte quelqu’un près de lui et qu’on le laisse là, seul ? Quelle doit être alors sa détresse !

Lorinquier me demande si je veux mes affaires. Un brancardier, sur le bled, répond qu’il n’y a plus qu’un porte-cartes déchiqueté dans un trou d’obus. J’ai tant de hâte à présent d’être entre les mains d’un médecin que je dis de laisser tout et de partir. Cependant, ces souvenirs me seraient aujourd’hui bien précieux à conserver. Comme on m’avait ôté mes jambières de cuir pour me panser, un brancardier les trouve et je l’entends discuter avec ses collègues sur celui qui se les offrira. Je ne proteste pas, tant j’ai hâte d’être emporté bien vite.

J’ai froid… grand froid…

Lorinquier, marri de devoir se mettre à la recherche de la compagnie, me regarde enlever.

Je n’ai pas un regard pour le malheureux couché, le bras tendu vers « mes affaires », le front troué d’une balle…

Les brancardiers, qui me portent sur l’épaule, font des haltes fréquentes, geignant à cause de la fatigue qui leur est imposée. Ils oublient celles autrement plus dures des combattants. Ils oublient que pendant les périodes de tranchée, eux, dorment nuit et jour dans les P.S.. Ils oublient qu’au repos, où ils redeviennent musiciens, ils échappent aux exercices, aux manœuvres, aux corvées, qu’ils bénéficient des meilleurs cantonnements, de faveurs spéciales, etc…

Dès qu’ils me déposent, un tremblement me secoue pour cesser dès que recommence le ballottement du transport.

Nous rencontrons un Allemand désarmé, l'air hagard. Je lui enjoins de se joindre à nous. Craintif, il se met à notre suite, puis il reste en arrière.

Je manque verser par inattention d’un porteur. On me descend dans le boyau qui conduit au P.S. du bataillon : P.O.I. (P.C. Volvreux).

Je donne dix francs à mes brancardiers en leur faisant promettre d’aller chercher le pauvre diable resté dans l’entonnoir.

Le docteur Ruffin ne peut qu’entourer mes cuisses et leur pansement rudimentaire d’une bonne épaisseur de ouate et de bande.

Sur ma demande, il me garnit de même les jambes et les pieds, ce qui ne parvient pas à les réchauffer. Je claque des dents violemment. Il me regarde d’un œil attristé qui m’édifie sur sa pensée. Il me fait une piqûre d’huile mentholée, puis établit comme suit ma « fiche » :

« Plaies pénétrantes des deux cuisses par éclats de grenade et balle. Injection sérum antitétanique à pratiquer le plus tôt possible. »

Il m’envoie par de nouveaux porteurs au P.S. Pigeon du régiment. Là, le médecin-chef me fait une piqûre de citrate de caféine.

Des prisonniers faits au cours du combat me transportent à Vastiboute où une auto me prend avec trois autres blessés pour Sermoise.

Les deux conducteurs, véritables brutes, ont hâte de s’éloigner de la zone bombardée. Malgré nos plaintes, ils franchissent en vitesse, caniveaux, trous, monticules, ricanant des cris de douleurs qui emplissent la voiture. Nous sommes projetés contre les parois. Nos têtes sont secouées. Je ne sais comment nous avons résisté à ce trajet.

Je n’ai pu me rappeler si nous avons réellement fait un arrêt à Sermoise, si nous y avons été descendus d’auto, et si c’est bien là que nous avons reçu la première piqûre antitétanique, ou si nous sommes allés directement à Vasseny.

Toujours est-il que le terme de notre voyage en automobile est Vasseny, à l’H.O.E. 18, ambulance 212. Des Annamites nous introduisent dans un vaste baraquement où s’alignent de nombreux blessés.

Carte Couvrelles-Vasseny

Un homme nous invite à lui déposer ce que nous avons, nous prévenant « que ce qui ne lui est pas remis sera perdu ». Je lui fais compter ce que contient mon portefeuille et me fais remettre un reçu. Les quelques bibelots que contiennent mes poches sont liés dans un mouchoir.

H

Ainsi s'achève le témoignage de Paul Douchez concernant son passage au 149e R.I.. Nous l'avons suivi dans ses activités d'officier pendant les mois qui ont précédé les combats de la Malmaison. On pourra lui reprocher son regard très orienté vers les cadres du bataillon et sur sa vie d'officier plus que sur sa compagnie. Mais ses riches écrits permettent malgré tout, en l'absence de J.M.O., de mieux comprendre la vie quotidienne et les différentes activités au sein de son bataillon. Les nombreuses anecdotes qui ponctuent cette longue période qui s'étend de la fin janvier à la fin octobre 1917 ne rendent tout ce qui se passe que plus humain.

Sources 

Fond Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

Le portrait du sous-lieutenant Douchez provient de ce même fonds.

Le plan qui se trouve sur le montage est extrait du J.M.O. du 10e B.C.P. 26 N 819/6. S.H.D. de Vincennes.

La photographie de groupe représentant les musiciens-brancardiers de la C.H.R. du 149e R.I. provient du fonds Rémy qui se trouve aux archives départementales des Vosges.

Un grand merci à M. Bordes, à J. Breugnot à A. Carobbi, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales des Vosges.

18 janvier 2019

Charles Alphonse Rapenne (1885-1914).

Charles_Alphonse_Rapenne

Charles Alphonse Rapenne naît le 22 octobre 1885 dans la demeure parentale de Luxeuil-les-Bains, une commune située dans le département de la Haute-Saône. Son père, Charles Auguste, exerce le métier de carrier. Il a 33 ans à la naissance de son fils. Sa mère, Marie Joséphine Célina Jeudy, est âgée de 30 ans. Elle travaille comme journalière. La fratrie de Charles Alphonse compte cinq frères et une sœur.

La fiche signalétique et des services de Charles Rapenne est accessible à la lecture sur le site des archives départementales des Vosges. Elle nous informe qu’il possède un degré d’instruction de niveau 3 et qu’il travaille comme tisserand. Le registre matricule notifie également que le conseil de révision l’a ajourné pour faiblesse en 1905, avant de le classer dans la 1ère partie de la liste en 1906.

En dehors de son état civil et des décisions prises par le conseil de révision, il n’est fait aucune allusion à son parcours de soldat dans la partie « détail des services et des mutations diverses ». Nous ne saurons donc rien de plus en consultant ce document.

Un portrait préservé par la famille nous apprend que cet homme a effectué ses obligations militaires au sein du 149e R.I..

De retour à la vie civile, Charles Rapenne se marie avec Henriette Héloïse Guntz dans la petite ville de Golbey le 13 novembre 1909.

Le registre de recensement de cette commune, réalisé en 1911, permet de savoir qu’il est employé comme tisserand dans l’établissement Ziegler et Cie et qu’il demeure dans les cités de Pruines avec son épouse. À cette époque, le couple n’a pas d’enfants.

Golbey_Etablissement_Ziegler_et_Cie___la_Gosse

Lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914, Charles Rapenne est, comme des milliers d’hommes de sa génération, obligé de regagner les rangs de son régiment d’appartenance. Il sait qu’il devra rejoindre la caserne Courcy du 149e R.I. à l’appel des réservistes de la classe 1905.

Est-il arrivé à Vanémont, le 4 août 1914, avec le 2e échelon du régiment ? Faisait-il partie des tout premiers renforts qui servirent à combler les pertes du 149e R.I. après son baptême du feu du 9 août au Renclos des Vaches, le 16 août 1914 ? Le vide intégral laissé par son registre matricule ne permet pas de fixer une date exacte pour son arrivée dans la zone des opérations.

Nous savons simplement que le soldat Rapenne fait partie des effectifs de la 11e compagnie.

Son passage dans le régiment est court. Charles Rapenne est tué durant les combats qui se sont déroulés dans le secteur d’Abrechviller en août 1914.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant cette période, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Carte_1_journee_du_21_aout_1914

Plusieurs informations contradictoires émergent des différents documents officiels concernant le décès du soldat Rapenne.

Cet homme est inscrit dans l’état des pertes du régiment du J.M.O. du 149e R.I. sur la liste des hommes enregistrés comme disparus, dans les combats de Ménil, de Thiaville et de Saint-Benoit qui eurent lieu durant les 25 et 26 août 1914.

Une première indication sur sa fiche « mémoire des hommes » précise qu’il est « mort pour la France » le 21 août 1914 à Abreschviller.

Cette donnée a été raturée pour être remplacée par la mention « mort pour la France » dans la région de Val-et-Chatillon le 20 août 1914.

Nous avons donc trois lieux et quatre dates de décès possibles !

Espérant sa captivité en Allemagne, ses proches firent une demande auprès du Comité International de la Croix Rouge.

RAPENNE_Charles_Alphonse_fiche_C

Hélas, la réponse reçue ne laisse aucun espoir aux siens. Un lieu de sépulture est indiqué sur la fiche du C.I.C.R.. Elle confirme la présence du corps du soldat Rapenne dans la tombe n° 3 de la lisière du Freiwald à Biberkirch.

Si les informations manquent sur son retour à la caserne, sur son court passage au front et sur les circonstances de sa mort, sa mémoire n’en est pas moins conservée par la famille, aujourd’hui encore, par l’intermédiaire de quelques objets.

Les Allemands firent parvenir aux autorités françaises une boîte contenant le porte-monnaie et la plaque d’identité qui appartenaient à Charles Rapenne qui a ensuite été restituée aux siens.

Charles_Alponse_Rapenne_2

La Médaille militaire lui a été attribuée à titre posthume (Publication dans le J.O. du 9 juin 1921).

« Soldat courageux et dévoué. Glorieusement tombé au champ d’honneur, le 20 octobre 1914 à Abreschviller. »

Cette décoration lui donne également droit à la croix de guerre avec étoile de bronze.

Une autre discordance concerne sa fonction au sein du 149e R.I.. Dans le journal officiel du 9 juin 1921, il est écrit qu’il fait office de clairon alors que dans l’état des pertes du J.M.O. du régiment des 25 et 26 août, il est noté qu’il bat le tambour à la 11e compagnie. Ces informations laissent entendre qu’il a été formé à l’école des tambours et des clairons durant la période où il se trouvait sous les drapeaux.

Il n’y a pas de sépulture individuelle connue pour ce soldat.

Le nom de Charles Alphonse Rapenne est gravé sur le petit monument aux morts de la commune de Golbey.

Sources :

La fiche signalétique et des services et l’acte de naissance de Charles Alphonse Rapenne ainsi que le registre de recensement de la commune de Golbey ont été consultés sur le site des archives départementales des Vosges.

Le portrait, le porte-monnaie, la plaque d’identité et la boîte qui a permis la restitution de ces objets ont été photographiés par la famille descendante du soldat Rapenne.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy, à la famille descendante du soldat Rapenne et aux archives départementales des Vosges. 

11 janvier 2019

Un témoignage laissé par le lieutenant Paul Douchez (10e partie) La bataille de la Malmaison.

9e_compagnie_du_149e_R

La section Douchez va bientôt devoir quitter la carrière des Volvreux pour gagner ses emplacements dans les tranchées de 1ère ligne. La bataille de la Malmaison est sur le point de commencer.

23 octobre 1917

0 H 30 : nous recevons l’ordre d’être sur nos emplacements de départ pour 2 h 00. Le trajet se fait en pleine obscurité, très péniblement, à cause de l’étroitesse des boyaux, mais sans autre incident que la mise des cagoules. Ma section se déploie dans la « parallèle », à cheval sur le boyau C2. Dès notre arrivée, je dois faire décharger mes hommes où ils peuvent et leur faire creuser les gradins de franchissement.

Je fournis deux hommes à une équipe qui va ouvrir les passages dans nos réseaux. L’un d’eux, blessé, a les plus grandes difficultés à passer dans la parallèle pour gagner le poste de secours

Un éclat me blesse un autre homme à droite. Il lui faut une douzaine de minutes pour franchir 20 mètres.

Que ne peut-on fourrer ici, à notre place, les misérables qui ont fait creuser cela.

2 h 30 : L’agent de liaison m’apporte un papier. Je m’enfouis la tête dans un trou du parapet. On m’entoure de pans de capotes et j’allume ma lampe électrique. C’est l’indication de l’heure. H = 3 H 15.

3 h 00 : Je préviens tout le monde d’achever de se rééquiper, de charger les magasins des fusils et de se tenir prêt.

Ces instructions sont transmises d’homme à homme, à voix basse.

3 h 10 : Je fais « passer » qu’il faut sortir simultanément de la tranchée dès qu’on me verra sur le parapet, puis se former aussitôt en ligne de sections à 50 pas, en avançant. L’aube s’annonce.

Le lieutenant Claudin vient de la tranchée des Territoriaux par le boyau C2, me serrer la main…

3 h 14 : Sans coup de sifflet, sans geste, je me hisse sur le parapet. Toute la section l’escalade rapidement et nous prenons la formation indiquée. Je prends la tête de la fraction de droite. Il fait encore noir. Le sergent conduisant celle de gauche oublie d’assurer sa liaison. Il s’éloigne trop vers la gauche.

Je roule dans un des entonnoirs dont le bled est parsemé. Vite sur pieds, je boule de nouveau quelques pas plus loin. Ma main n’a pas lâché la boussole, mes lunettes ont tenu bon, tout va bien.

Le début de la marche générale, sur toute la ligne de front d’attaque, est quelque peu chaotique. J’attribue cela aux facteurs suivants :

      1. nos boussoles lumineuses sont influencées par les armes et par les masses de fer au milieu desquelles nous évoluons.

      2. les points de repère que nous connaissons bien, qui nous seraient d’un concours très précieux pour rectifier et fixer notre marche, sont encore noyés dans l’obscurité.

      3. la marche voulue en zigzag des chars d’assaut a dû tromper la 1ère vague, avec répercussion sur les suivantes.

      4. le non-fonctionnement, très difficile d’ailleurs, des liaisons.

Moi-même, je suis accolé à une fraction du 158e R.I., spécialement chargée d’assurer la jonction, sans « trous », de ce régiment, avec ma section. Celle-ci devant former le flanc droit du 149e R.I. durant le 1er bon, avant d’occuper tout le front du régiment durant le second. Or, à aucun moment, cette fraction ne me signalera sa présence.

Pour suivre les évènements qui se sont déroulés durant la 1ère phase de l’attaque de la Malmaison, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Carte_1_journee_du_23_octobre_1917_1er_objectif

En dépit de ces à-coups, non seulement tous nos objectifs seront atteints, mais ils seront dépassés en certains points.

Les détails qui suivent, primitivement altérés dans ma mémoire, du fait de l’anémie cérébrale résultant de la perte de sang, me sont revenus graduellement, quoiqu’avec une netteté incomplète par endroits.

La zone du barrage ennemi franchie, je fais faire halte pour m’orienter. N’ayant pu avancer en ligne directe, je crains de me lancer à faux. Je suis tout heureux de distinguer, dans le noir, la masse plus sombre du bois du Rumpler dont je dois traverser la corne nord, où passe la tranchée allemande du Blocus.

Bois_du_Rumpler

Nous sommes à genoux, en file indienne. Une balle me frappe le côté avec un bruit sec. Un caporal, derrière moi, me dit que je suis blessé, mais je ne sens rien d’anormal. Nous repartons en avant.

Un 77 tombe à nos pieds, dans un trou précédent, éclate sans blesser personne.

Dans un entonnoir, nous trouvons le lieutenant Claudin et sa liaison, venus se placer là pendant notre station. Au passage, nous nous souhaitons bonne chance.

C’est là que dans quelques minutes, il apprendra que le sous-lieutenant Berteville vient d’être tué. Brave et très calme, il n’a pas jugé utile de se conformer aux instructions prescrivant la marche très rapide au départ. Il a été pris, avec sa section, dans le tir de barrage auquel nous venons nous-mêmes d’échapper de justesse. Il est tombé le premier de nous trois.

Pour en savoir plus sur le sous-lieutenant Berteville, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Roger_Georges_Berteville

Quant au lieutenant Claudin, il est à son tour frappé d’une balle qui lui traverse la poitrine de part en part, perforant un poumon, peu de temps après avoir quitté son entonnoir.

Son ordonnance courut chercher des brancardiers et le fit relever une demi-heure après. Quant à celui de Berteville, alcoolique qu’il comblait de cadeaux et d’argent, il abandonne son officier, comme fera bientôt le mien.

Pour en savoir plus sur le lieutenant Claudin, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante.

Paul_Z_phirin_Claudin

Nous passons le bois du Rumpler. Ses arbres ébranchés, brisés, clairsemés se découpent sur la clarté indécise et blême, avant-courrière de l’aube. Ils forment un ensemble fantomatique et lugubre. L’impression est accentuée par le fait que nous abordons ce qui fut l’embranchement des tranchées du Rumpler, du Carlin et du Blocus, 1ère ligne ennemie. Nous en percevons le tracé, jalonné de petits tas incandescents (restes présumés de grenades incendiaires ?)

Ces lueurs rouge sombre, tels des foyers couvant sous la terre, ont un aspect sinistre et sournois.

Désormais, le no man's land est dépassé. Nous avançons en terrain conquis.

Sur une ondulation de terrain se détachent, ombres mouvantes, à quelques dizaines de mètres, les hommes du 1er bataillon dont je me rapproche de nouveau sensiblement.

Je cherche à prendre contact, à ma droite, avec la fraction du 158e R.I.. Je trouve enfin un homme qui lui appartient. Il ne peut me donner aucune indication sur ses camarades ni sur leur gradé.

Ma demi-section de gauche a disparu. Elle est, sans doute, moins avancée que celle qui m’accompagne. Le sergent qui devait rester en serre-file de ma fraction s’est joint, au départprobablement involontairement, à son collègue.

Je n’ai plus vu mon ordonnance, que je comptais utiliser pour ma liaison. Je lui avais donné l’ordre de ne pas me quitter et de me dépouiller si j’étais tué. J’ai su, par la suite, qu’il était porté comme manquant après le combat. Une lettre, que je recevrai de lui à l’ambulance, m’annonçant une blessure légère et son traitement dans un hôpital américain me permettra de conclure qu’il a été atteint en se dérobant vers l’arrière. Avec un autre, ce sont les deux seuls qui ont eu cette conduite, sur 33 soldats, caporaux et sergents qui composaient mon effectif de combat.

J’escompte beaucoup, pour m’orienter avec facilité, la rencontre des tranchées et boyaux ennemis successifs, dont j’ai étudié, avec un grand soin, la disposition d’après les plans et les photos aériennes.

Du_cote_de_la_tranchee_Carlin

J’ai compté sans leur destruction qui ne laisse qu’un terrain chaotique où plus rien ne se détache.

L’aube naissante commence à nous montrer nos rangées de morts. La nuit a été douce et belle. Les capotes bleues, biens propres, fixent l’attitude dernière, généralement face en terre, de ces derniers « tombés au champ d’honneur.

Dans quelques heures, ce ne seront que des tumuli de boue… comme à Verdun.

J’ai rejoint la 1ère vague qui s’est disloquée. Ses groupes, en prenant de la profondeur, amènent de la confusion. Quelque 75 courts me coûtent un blessé qui se met à crier.

Je fais tapir ma fraction dans deux entonnoirs pour laisser se rétablir un intervalle avec le 1er bataillon.

L’artillerie ennemie est nourrie. Ses mitrailleuses, non détruites, sont en pleine action. Je fais avancer par bonds, sans obtenir que les hommes renoncent à se grouper en tas autour de moi.

Nous rejoignons encore la 1ère ligne qui se disloque de plus en plus et qui, cette fois, est accrochée par endroits. Là, je vois un «nettoyeur» accroupi au-dessus d’un abri, une grenade à chaque main, bondissant avec une agilité incroyable. On dirait un chat guettant quelque rat.

Le 1er bataillon reprend sa progression. J’utilise comme cheminement un bout de talus. Celui de la route Paris-Maubeuge ou fragment subsistant d’une tranchée large ? Au-delà, je trouve les tirailleurs en tête, arrêtés par un « nid » de mitrailleuses.

Ayant fait abriter mes escouades dans deux trous, je m’avance afin de savoir, pour ma gouverne, quelle unité j’ai devant, ou plutôt autour de moi. Des gerbes de balles sifflent en éventails, au ras du sol en faisant sauter de petites mottes de terre avec un bruit mat. Cette impression d’être ainsi frôlé sans être touché me donne cette étrange croyance à l’invulnérabilité déjà eue tout à l’heure près d’un éclatement de 77. Réfléchissant néanmoins que je peux être bêtement frappé aux chevilles, je renonce à ma recherche. Je reviens près des miens et j’essaie, à genoux sur le bled, de découvrir ces pièces pour les réduire.

J’aperçois, à 10 m à ma droite, des hommes qui, la baïonnette haute, font demi-tour et rebroussent chemin. Je me représente aussitôt le danger de toute ébauche de retraite. Déjà, un de mes hommes crie : « Y en a qui reculent là-bas ! ».

Je me relève en lui disant de me suivre. Je me dirige vers les autres, leur criant de tenir bon, que je leur apporte du renfort. Mais je n’ai pas le temps d’achever…

En se dispersant, la 1ère ligne a dépassé un entonnoir organisé (j’ai évacué depuis que je me trouvais à une dizaine de mètres en avant et à droite). Il doit être entre six et sept heures. Le ciel s’est couvert. Nous ne pouvons encore bien voir à distance. Par contre, nous offrons aux ennemis terrés, en nous détachant sur l’horizon blafard, de véritables cibles.

Fidèles à leur tactique de frapper avant tout le conducteur d‘une troupe, et ayant vu mon geste de ralliement, ils m’ont pris pour objectif. Une grenade explose sous moi. La gerbe d’éclats se loge dans les cuisses, que sur le moment, je crois fracassées. Je suis violemment jeté sur les genoux et les mains, avec la sensation d’un coup de faux brûlante au travers des cuisses.

Mes hommes se sont arrêtés. Je leur dis : « Cette fois, j’ai mon compte, passez le commandement et en avant ! » Ils s’éloignent.

Mes yeux se portent devant moi. Je me vois tomber au bord d’un vaste entonnoir qui avait dû être « organisé » et dans lequel se trouve le sous-lieutenant David de la 2e compagnie. Il est avec quelques hommes. Il me regarde d’un air anxieux. Je lui souris tristement en lui disant : « Je crois que j’ai les deux cuisses brisées » et je m’évanouis. Détail curieux, à mon réveil, j’ai le souvenir très précis d’un rêve fait pendant cette perte de connaissance. J’étais assis près de Jeanne, à Cambrai (?). Plus tard, un médecin m’expliquera que cette syncope immédiate, en affaiblissant la circulation sanguine, m’a sauvé d’une hémorragie totale.  En rouvrant les yeux, je suis d’abord tout étonné de sentir la fraîcheur de cette matinée d’octobre, de « quitter une chambre claire et tiède » et de me retrouver dans une clarté si triste, enfin de me voir à quatre pattes (car j’ai gardé cette attitude).

Ma vue en se reportant vers l’intérieur du trou me rappelle à la rude réalité.

Grièvement blessé, le sous-lieutenant Douchez croit sa fin proche…

Sources 

Fond Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

La photographie de groupe qui se trouve sur le montage représente la 9e compagnie  du 149e R.I. qui a été photographiée quelque temps avant le commencement de la bataille de la Malmaison. Elle fait partie du fonds Douchez.

Le plan situant le bois Rumpler est extrait du J.M.O. du 10e B.C.P. 26 N 819/6. S.H.D. de Vincennes.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

4 janvier 2019

Paul Zéphirin Claudin (1886-1971).

Paul Zéphirin Claudin

Paul Zéphirin Claudin voit le jour le 23 novembre 1886 à Domvallier, une petite commune située à l’est de Mirecourt, en pays vosgien. Le père, Jean Éloi Zéphirin, est alors âgé de 34 ans. Travaillant comme mécanicien spécialisé dans les machines agricoles, il possède un atelier, à proximité de l’église et du ruisseau le Val d’Arol, ce qui lui permet de fabriquer des machines à battre, des tarares, des concasseurs, des coupes racines et des rouleaux squelettes. La mère, Marie Eugénie Thomas, a 26 ans. Elle élève déjà trois garçons.

La fratrie est au complet après la naissance tardive d’une sœur venue au monde en 1894.

Après avoir fréquenté l’école primaire de Domvallier, Paul obtient une bourse entière d’internat qui va lui permettre de poursuivre sa scolarité à l’école primaire supérieure de Charmes.

Au fil des ans, son orientation professionnelle se dessine.

Il obtient les connaissances suffisantes pour lui permettre de faire carrière dans l’enseignement.

Devenu élève maître, Paul doit maintenant penser à réaliser ses obligations militaires. Le 5 octobre 1905, il se décide à signer un engagement volontaire de trois ans. Deux jours plus tard, il est incorporé au 79e R.I. de Neufchâteau-Nancy.

Son contrat avec l’armée n’est pas mené à terme.

Paul Claudin a eu le droit de contracter un engagement volontaire dans le cadre de l'article 23 de la loi de recrutement de 1889. Il avait un avantage important à le faire : il s'engage, mais en échange d'un engagement d'au moins dix ans dans la fonction publique. Ensuite, il ne fait qu'un an de service actif.

Plus subtil encore, en raison de la mise en place de la nouvelle loi sur le recrutement de 1905, il n'avait que jusqu'au 9 octobre 1905 pour en bénéficier. Signant son engagement le 5 octobre, il ne s'en est pas fallu de beaucoup. Peut-être qu’il a hésité un peu !

Le jeune homme est envoyé dans la disponibilité le 18 septembre 1906 avec le grade de caporal, obtenu 3 jours plus tôt, en attendant son passage dans la réserve de l’armée active.

L’ancien soldat retourne vivre quelque temps dans sa commune d’origine avant de la quitter définitivement pour aller s’installer comme enseignant à Raon-l’Étape. Militairement parlant, il est toujours rattaché, comme caporal de réserve, au dépôt du régiment de Neufchâteau stationné à Nancy.

Ses compétences lui permettent d’être nommé, le 30 avril 1907, sergent de réserve sans porter l’uniforme.

Le 4 septembre de la même année il épouse à Marainviller Marie Berthe Adelphine Humbert, une institutrice qui enseigne à Lunéville.

L’année suivante, Paul accomplit une période d’exercice, du 23 août au 19 septembre, dans le régiment où il a effectué son service militaire.

Il fait sa seconde période d’exercices, toujours dans la même unité, au 79e R.I., du 28 août au 17 septembre 1910.

Ces deux périodes correspondent aux manœuvres d'automne.

Un changement de domicile le fait ensuite dépendre administrativement du 146e R.I. de Toul à partir du 22 décembre 1910.

Le 1er octobre 1913, le sergent de réserve Claudin est rattaché au 21e B.C.P.. Ce bataillon se prépare à quitter Montbéliard. Dix jours plus tard, ses chasseurs s’installent à la caserne Dutertre nouvellement construite à Raon-l’Étape.

Raon-l'Etape

Au moment de la mobilisation générale, évènement annonciateur d’un nouveau conflit contre l’Allemagne, le sergent Claudin rejoint le dépôt de son bataillon le 1er août 1914.

Avec les chasseurs de cette unité, il participe aux combats du Donon, à ceux qui se déroulent dans la région de Badonviller et à ceux qui eurent lieu au col de la Chipotte et dans sa région avoisinante.

Le 19 septembre 1914, Paul Claudin est touché par des éclats d’obus qui le blessent sérieusement à la hanche gauche. Ce jour-là, le 21e B.C.P. est engagé dans le secteur de Souain, un petit village marnais situé au nord-est de Châlons-en-Champagne.

Les soins prodigués par les médecins au sergent Claudin durent longtemps. Le rétablissement complet de ce dernier demande plusieurs mois.

Sa convalescence terminée, il doit rejoindre les rangs de la 25e compagnie du dépôt de son bataillon le 15 mai 1915. Il est très rapidement renvoyé dans la zone des armées.

Le 19 juin, le sergent Claudin est de nouveau blessé dans le secteur de Lorette en Artois. Cette fois-ci, il est victime d’une balle qui lui blesse le 3e orteil du pied gauche.

Paul est de retour dans la zone des armées le 3 décembre 1915. Le 22 décembre, il est nommé au grade de sous-lieutenant de réserve à titre temporaire, pour la durée de la guerre.

Devenu officier il sait qu’il a de fortes chances d’être affecté dans une nouvelle unité.

Il quitte le 21e B.C.P. à la fin du mois de février 1916 pour rejoindre le dépôt du 3e B.C.P. à Langres. Il n’ira jamais combattre avec les chasseurs de ce bataillon.

Le 21 avril 1916, le sous-lieutenant Claudin est envoyé à Somme-Yèvre, à l’est de Châlons-en-Champagne, avec un groupe de renfort qui doit combler une partie des pertes du 1er B.C.P.. Cette unité a perdu beaucoup d’hommes du côté de Verdun. Un peu plus de deux mois plus tard, il apprend qu’il doit abandonner son uniforme de chasseur pour revêtir celui de fantassin.

Une décision ministérielle du 28 juin 1916 l’affecte à la 11e compagnie du 149e R.I..

Ce régiment occupe un secteur en Champagne entre les buttes de Tahure et de Mesnil.

Le 9 juillet, Paul Claudin participe à un coup de main important qui permet de prendre une tranchée de 1ère ligne aux Allemands.

Le 149e R.I. se rend ensuite dans la Somme pour une durée de quatre mois, pour participer à plusieurs attaques dans les secteurs de Soyécourt et d’Ablaincourt.

Paul Claudin est nommé à la tête de la 9e compagnie du régiment spinalien en décembre 1916.

Le 9 janvier 1917, le lieutenant-colonel Pineau inscrit dans le feuillet individuel de campagne de Paul Claudin ceci : « S’est montré, en toutes circonstances, un officier énergique ayant de très sérieuses qualités militaires, initiative, décision, sang-froid, conscience de ses devoirs de chef. Belle tenue. Commande une compagnie depuis un mois, à l’entière satisfaction de ses chefs.   »

Il devient lieutenant de réserve à titre temporaire le 14 janvier 1917.

L’année 1917 est une année assez clémente pour le 149e R.I.. Même si le régiment occupe des secteurs plutôt instables du côté de La Malmaison à proximité du chemin des Dames, il à la chance de ne pas être engagé dans un combat meurtrier avant la fin du mois d’octobre 1917.

Durant cette période, le lieutenant Claudin bénéficie d’une permission entre le 3 et le 13 juillet inclus.

Paul Claudin a pu être photographié avec l’ensemble des officiers du 3e bataillon du 149e R.I., quelques jours avant le commencement de l'offensive de la Malmaison du 23 octobre 1917.

Photographie de groupe des officiers du 3e bataillon du 149e R

Il est atteint d’une balle durant la 2e phase de l’attaque de la Malmaison. Les circonstances de sa blessure sont connues. Elles sont évoquées dans le témoignage laissé par le sous-lieutenant Douchez. Voici ce qu’il a écrit :

« …Quant au lieutenant Claudin, il est à son tour frappé d’une balle qui lui traverse la poitrine de part en part, perforant un poumon, peu de temps après avoir quitté son entonnoir. Son ordonnance courut chercher des brancardiers et le fit relever une demi-heure après.»

La blessure est très grave. Évacué pour la 3e fois depuis le début du conflit, il ne reviendra jamais sur le terrain des opérations.

Pour en savoir plus sur les événements qui se sont déroulés durant la bataille dite de la Malmaison, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Carte_2_journee_du_23_octobre_1917__2e_objectif_

Cet officier est promu lieutenant à titre définitif le 22 décembre 1917.

Il est envoyé en congé de démobilisation le 21 mars 1919, pouvant ainsi se retirer à Raon-l’Etape au n° 60 de la rue Jules Ferry.

Paul part ensuite s’installer à Gérardmer au n° 53 de la Grande Rue ; il retrouve ses fonctions d’enseignant à l’école primaire supérieure de cette ville le 2 août 1919.

Ecole primaire superieure de Gerardmer

Par application de la loi du 30 mars 1920, son rang d’ancienneté de sous-lieutenant est fixé au 22 décembre 1915 et celui de lieutenant au 22 décembre 1917 (J.O. du 29 janvier 1922).

En tant que réserviste, il dépend toujours du dépôt du 149e R.I.. Paul Claudin passe dans l’armée territoriale le 11 avril 1922 (J.O. du 13 avril 1922).

Le 7 décembre 1923, le lieutenant de réserve Claudin est rattaché au 27e Régiment de Tirailleurs. Le 21 décembre de la même année, il est inscrit au 17e Régiment de Tirailleurs.

Un avis du commandant de recrutement de Neufchâteau datant du 3 août 1929 nous apprend qu’il est détenteur d’un permis de conduire d’autos.

Durant quatre années consécutives, entre 1928 et 1931, il fut proposé pour le grade de capitaine, une promotion qu’il n’obtint jamais. 

Le 1er février 1931, Paul Claudin passe au C.M.I.R. n° 205 d’Épinal.

Rayé des cadres par décret du 17 octobre 1933 en application de l’article 10 de la loi du 8 janvier 1925, il peut ranger de manière définitive ses papiers militaires. Il s’apprête à fêter son 47e anniversaire.

Paul Zéphirin Claudin a obtenu la citation suivante :

Citation à l’ordre du 21e C.A. n° 123 en date du 8 décembre 1916.

« Officier très énergique, très actif et d’un sang-froid remarquable. Pendant la période du 13 au 16 novembre 1916, a admirablement organisé son secteur de première ligne nouvellement conquis, dirigeant lui-même nuit et jour le travail sous un très violent bombardement et malgré des pertes importantes, a fait preuve, en toutes circonstances, des plus brillantes qualités militaires. Sur le front depuis le début de la guerre. Blessé deux fois et proposé pour la Médaille militaire alors qu’il était sous-officier. »

Chevalier de la Légion d’honneur ordre numéro 8229 D, prend rang le 2 juillet 1918 (publication au J.O. du 09/09/1918).

« Commandant de compagnie qui a fait preuve le 23 octobre 1917 au chemin des Dames, de brillantes qualités de commandement, de bravoure et d’entrain, à l’assaut d’un fortin qui opposait à notre avance une résistance acharnée. A été blessé grièvement au cours de l’opération. 2 blessures antérieures, 1 citation.»

Ce texte a d'abord été une citation à l’ordre de l’armée du 9 novembre 1917. Celle-ci a été annulée après l’attribution de la Légion d’honneur.

Paul Zéphirin Claudin est décédé le 6 janvier 1971 à Marainviller en Meurthe-et-Moselle.

Deux enfants sont nés de l'union de Paul Zéphirin Claudin et de Marie Berthe Adelphine Humbert. Robert Georges Émile et Paulette sont décédés avant d'avoir pu fêter leur troisième anniversaire.

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Une grande partie des informations concernant la généalogie de cet officier a été trouvée sur le site « Généanet ».

Geneanet

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Collin, à D. et B. Crochetet, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales des Vosges. 

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