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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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25 mai 2018

Frédéric Alexis Biehler (1893-1917).

Frederic_Alexis_Bielher

Frédéric Alexis Biehler est né le 10 juillet 1893, dans le petit village de Saint-Laurent situé au sud-est d’Épinal. Son père, Frédéric, est âgé de 34 ans. Il travaille comme boucher. Sa mère, Marie Célestine Michel, 35 ans, exerce le métier de tisserande dans une usine locale. Elle élève déjà une fille. Les parents se séparent après la naissance de leur troisième enfant. Le père se remarie avec Marie Angélina Colin, avec qui il aura 7 autres enfants.

Une fois sorti de l’école communale avec un degré d’instruction de niveau 2, Frédéric Alexis choisit de pratiquer la profession paternelle. Il reste sur son billot à découper la viande et à désosser les carcasses jusqu’à son départ pour la conscription..

Dans sa jeunesse, il pratique le tir dans le club sportif « l’avant-garde ». Il obtient d'excellents résultats au niveau régional en 1912 et 1913.  

Déclaré « bon pour le service armé », le jeune homme est classé dans la première partie de la liste du canton d’Épinal pour l’année 1913.

Malheureusement pour nous, sa fiche matricule, visible sur le site des archives départementales des Vosges, ne fournit pas d’explication sur son parcours militaire.

Tout ce que nous pouvons affirmer, c’est que Frédéric Alexis Biehler porte toujours l’uniforme, lorsque les hostilités contre l’Allemagne débutent en août 1914, probablement au 149e R.I..

Pour tenter à minima une reconstruction de son parcours de soldat, nous disposons des informations trouvées sur sa fiche du site « Mémoire des Hommes » et sur son acte de décès fourni par la mairie d’Épinal. Ce qui est très peu.

Comme pour son service militaire, nous ne saurons rien sur ce qu’il a fait durant les 3 premières années du conflit si ce n’est cette petite anecdote racontée par J. Baptiste, petit-neveu de ce sous-officier.

« Lors d'une permission obtenue pour Noël 1916, il a rapporté un fusil pris aux Allemands. Lorsqu’il est arrivé à la gare d'Épinal, un chef de police militaire a voulu lui confisquer. Le sergent Biehler a attrapé cet homme par le col de sa veste pour lui dire que s'il voulait obtenir un fusil comme celui-ci, il devrait faire comme lui, monter aux tranchées de premières lignes, pour le prendre aux Allemands.

Dans les années 1950-1955, l'un de ses derniers frères s'en servait encore à la chasse pour tirer le gros gibier. »

Le sergent Biehler faisait partie des effectifs de la 11e compagnie du 149e R.I., le jour où il a été tué au cours de la bataille de la Malmaison, près du bois de la Belle Croix, le 23 octobre 1917, touché par une balle en pleine tête.

Les sergents Ernest Verbe et Roger Richard confirment sa mort quelque temps plus tard lorsque son acte de décès est enregistré par l’officier d’état civil du régiment.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés au cours de cette journée, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Bois_de_la_Belle_Croix

Après les combats, il est inhumé par le groupe de brancardiers de la 43e D.I. à Condé-sur-Aisne, dans une sépulture individuelle numérotée 171.

Il repose actuellement à Vauxbuin avec 30 de ses camarades tués le même jour dans ce secteur. Sa tombe porte le numéro 63. Elle est placée dans le carré C de la nécropole nationale française de cette commune.

Sepulture_Frederic_Alexis_Bielher

Le nom de cet homme est inscrit sur le monument aux morts de la commune de Saint-Laurent rattachée à Épinal en 1964.

Monument_aux_morts_de_Saint_Laurent

Frédéric Alexis Biehler a obtenu la 1ère citation de sa croix de guerre en Artois en 1915. La seconde est gagnée dans le secteur du fort de Vaux en 1916 et la troisième près du trou Bricot.

Le sergent Biehler est décoré de la Médaille militaire le 14 octobre 1916.

« Sous-officier d'une bravoure et d'un sang-froid exemplaires. Le 4 septembre 1916, après avoir brillamment enlevé une section de grenadiers à l'assaut d'un village fortement occupé, s'est rendu maître de deux forts groupes ennemis qui offraient une résistance acharnée et a tué de sa main six Allemands. Violemment contre-attaqué, a résisté seul et a maintenu la position en attendant bravement l'arrivée d'une section de renfort. Blessé au cours de l'action, a refusé de se laisser évacuer et a conservé le commandement de son groupe après un pansement sommaire. Déjà cité trois fois à l'ordre. »

Cette concession prend rang le 18 septembre 1916, elle comporte également l’attribution d’une palme à sa croix de guerre.

La généalogie de la famille Biehler peut se consulter en cliquant une fois sur l’image suivante.

Geneanet

Sources :

La fiche signalétique et des services et l’acte de naissance de Frédéric Alexis Biehler ont été consultés sur le site des archives départementales des Vosges.

Les registres de recensement des années 1901 et 1911 de la commune de Saint-Laurent qui ont permis de retrouver la composition de la famille Biehler ont été consultés sur le site des archives départementales des Vosges.

Les portraits de ce sous-officier proviennent de la collection personnelle de J. Baptiste, petit neveu du sergent Biehler.

Le cliché du monument aux morts de la commune de Saint-Laurent a été réalisé par É. Mansuy.

La photographie de la sépulture a été faite par J. Baptiste.

Un grand merci à M. Bordes, à J. Baptiste, à A. Carobbi, à É. Mansuy,  aux archives départementales des Vosges et à la mairie d’Épinal. 

18 mai 2018

Ferdinand Dupuy-Gardel (1885-1917).

Ferdinand_Dupuy_Gardel

Ferdinand Dupuy-Gardel est né le 21 décembre 1885 à Viscomtat dans la maison paternelle puydomoise. À sa naissance, son père, Jean-Marie, âgé de 40 ans, travaille dans un atelier de cordonnerie. Sa mère, Jeanne Bassot, âgée de 35 ans, n’exerce pas d'activité professionnelle. Elle s’apprête à élever son deuxième enfant.

Le degré d’instruction de Ferdinand n’est pas inscrit sur sa fiche matricule. Malgré ce manque, nous pouvons affirmer sans aucun souci qu’il a poursuivi ses études bien au-delà de sa période de scolarité obligatoire. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de l’école normale de Chamalières, ce qui permet de dire que ce jeune homme avait les connaissances requises pour être enseignant.

Le 27 septembre 1905, Ferdinand Dupuy-Gardel est incorporé au 105e R.I. de Riom, immatriculé sous le numéro 6641. Il vient tout juste de valider un engagement volontaire d’une durée de trois ans, dans les conditions de la loi du 11 juillet 1892. Cette loi lui offre « la faculté d’être renvoyé au bout d’un an ».

Cette clause lui permet de rompre son contrat en toute légalité. Le soldat Dupuy-Gardel est envoyé dans la disponibilité de l’armée active avec l’octroi de son certificat de bonne conduite le 18 septembre 1906.

Ferdinand travaille ensuite comme instituteur public à Saint-Rémy-sur-Durolle.

Durant les années suivantes, il accomplit plusieurs périodes d’exercices dans son ancien régiment. La première a lieu du 24 août au 20 septembre 1908, la seconde se déroule du 29 août au 20 septembre 1910 et la troisième du 29 mai au 14 juin 1913.

Entre-temps, il a épousé Angélina Bion une jeune institutrice originaire du village de Fayet-Ronaye. Le couple s’est marié le 3 août 1909 à Viscomtat. De cette union est né un petit garçon prénommé Jean René Alphonse.

Genealogie_famille_Dupuy_Gardel

Lorsqu’il franchit le portail de la caserne d’Anterroche le dernier jour de sa 3e période d’exercice, Ferdinand Dupuy-Gardel est loin de s’imaginer qu’il sera, de nouveau, obligé de laisser ses élèves, pour partir à la guerre.

Caserne_d_Anterroche_Riom_105e_R

En juillet 1914, les tensions politiques entre la France et l’Allemagne sont extrêmes. Le 1er conflit mondial du 20e siècle est sur le point de voir le jour.

Ferdinand Dupuy-Gardel est rappelé à l’activité militaire en vertu du décret de mobilisation générale du 1er août 1914.

De retour au 105e R.I., l’ex-instituteur retrouve son uniforme de soldat le 4 août. Cette fois-ci, il ne s’agit plus d’entraînements…

Son régiment quitte Riom trois jours plus tard. Les hommes embarquent dans les trains qui se tiennent prêts à partir en gare de Gray pour prendre la direction des Vosges. Le 105e R.I. combat dans le secteur d’Abrechviller avant de retraiter.

Le 14 septembre 1914, le soldat Dupuy-Gardel est blessé près de Fontenay. Touché par une balle à la cuisse gauche, il est évacué vers l’arrière.

La date exacte de son retour sur la ligne de front n’est pas connue. Elle a probablement lieu en janvier 1916.

Tout ce que nous savons de manière sûre, c’est qu’il fait partie des effectifs de la 28e compagnie du dépôt du 105e R.I. à la date du 12 août 1915. Ce jour-là, Ferdinand Dupuy-Gardel rédige un courrier à son supérieur. Il souhaite être nommé au grade de sous-lieutenant en vertu de la circulaire ministérielle n° 4753 c/1 du 31 juillet 1915.

Son commandant de compagnie donne son aval avec l'appréciation suivante : « Très bon soldat, dévoué et intelligent, a fait campagne et a été blessé. Instituteur public. Rentre dans la catégorie des candidats visée par la circulaire du 31 juillet 1915. Avis très favorable. »

Le 29 septembre, il est nommé caporal. Ses nouveaux galons et son savoir d’enseignant lui permettent d’exercer les fonctions de fourrier avant d’être promu dans le grade convoité pour la durée de la guerre à compter du 28 décembre 1915.

Une nouvelle affectation l’attend. Il a ordre de rejoindre le 17e R.I..

Arrivé sur le front le 23 janvier 1916, son récent passage au grade de sous-lieutenant l’amène en Artois, dans un secteur compris entre Houdain et Gouy-Servins. Il prend le commandement d’une section du régiment.

Comme le laisse supposer une annotation laissée sur son feuillet du personnel, rédigé par le lieutenant-colonel Paitard, responsable du 17e R.I., sa période passée au sein du régiment n’a pas laissé que des bonnes impressions.

Début septembre 1916, il écrit ceci : « Officier très calme et quelque peu effacé, s’occupant respectueusement de ses fonctions, mais ne semble pas en état, au moins pour le moment, d’exercer le commandement d’une unité supérieure à la section. »

Le 19 septembre 1916, Ferdinand Dupuy-Gardel est blessé du côté de Berny-en-Santerre.

Lorsqu’il revient dans son ancienne unité après sa convalescence, il est affecté à la 10e compagnie.

Le 7 août 1917, le sous-lieutenant Dupuy-Gardel est sévèrement puni par ses supérieurs. Le lieutenant-colonel Paitard lui inflige 8 jours d’arrêt de rigueur avec le motif suivant : « Étant en permission et ayant un motif légitime de demander une prolongation, en a adressé la demande au chef de corps, malgré l’interdiction, mainte fois répétée, d’agir ainsi. A considéré sa prolongation comme accordée bien qu’il n’eut pas reçu de réponse, et est, de ce fait, rentré quatre jours en retard. »

Le chef du 17e R.I. donne son appréciation sur les compétences de son subordonné : « Il n’avait, jusqu’ici, donné lieu à aucune plainte au sujet de sa conduite. Officier ayant de la bonne volonté, mais fort peu de moyens. Ne paraît pas s’être encore rendu compte de la gravité de la faute qu’il a commise. C’est pourquoi je ne le punis pas plus sévèrement et que je ne demande pas d’augmentation. »

Sa hiérarchie ne l’entend pas de cette façon. Elle impose une sanction beaucoup plus sévère. La punition est vite portée à 20 jours d’arrêt de rigueur, par le général commandant le 21e C.A. avant de passer à 30 jours par ordre du général responsable de la VIe armée. 

Cette faute entraîne une pénalisation supplémentaire. Sa prochaine permission devra être réduite de quatre jours tout en étant retardée de deux mois. De plus, le général commandant le 21e C.A. estime que cet officier ne doit pas rester au 17e R.I.. Pour lui, c’est un mauvais exemple pour la troupe. Un changement de corps s'impose.

Le lieutenant-colonel Peitard rédige une note très dure dans le feuillet individuel de campagne du sous-lieutenant Dupuy-Gardel : « A reçu deux blessures au cours de la campagne ce qui lui a fait perdre quelque peu de son activité. Consciencieux pendant les périodes de calme, mais perd tous ses moyens sous le feu. En somme, à peu près inutile au combat. À surveiller à tout point de vue. Moyens limités. »

C’est dans ces conditions qu’il reçoit sa mutation pour le 149e R.I.. Le 25 août 1917, il arrive au C.I.D. de la 43e D.I.. Le 22 septembre, Ferdinand Dupuy-Gardel intègre la 10e compagnie du régiment, placée sous l’autorité du lieutenant Monnoury. Le régiment est sur le point de commencer un entraînement préparatoire en vue de la future attaque de la Malmaison.

Peu de temps avant le déclenchement de cette offensive, le sous-lieutenant Dupuy-Gardel est immortalisé par l’objectif du photographe parmi tous les officiers du 3e bataillon à Ancienville.

Photographie_des_officiers_du_3e_bataillon_du_149e_R

La bataille de la Malmaison a lieu le 23 octobre 1917. La 10e compagnie est engagée en tête d’attaque durant la 2e phase de l’opération avec le reste du 3e bataillon après avoir été en soutien durant la 1ère phase.

La section du sous-lieutenant Dupuy-Gardel est dans le secteur du bois de Belle Croix lorsque celui-ci trouve la mort.

Sa fin est violente et instantanée, plusieurs éclats d’obus lui arrachent une partie du visage et du crâne.

Le sergent Alfred Marquand évoque sa rencontre avec le corps sans vie de cet officier dans l’ouvrage « Et le temps à nous est compté » :

«…Le deuxième cadavre est celui du sous-lieutenant Dupuy-Gardel que je reconnais péniblement malgré la boursouflure du visage à la courte barbe en pointe. Le cou n’est plus qu’une masse broyée de caillots hideux. Les jambes dépouillées des leggins offrent la pitrerie macabre des chaussettes tombant sur le cou-de-pied. Les infâmes détrousseurs ont déjà glané leur butin… »

Le passage de cet officier au sein des effectifs du 149e R.I. a vraiment été trop bref pour que ses chefs puissent se faire une opinion sur lui.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant la journée du 23 octobre 1917, il suffit de cliquer une fois sur la carte suivante.

Tranchee_de_la_Loutre__bois_de_Belle_Croix

Ferdinand Dupuy-Gardel est inhumé dans le cimetière de Condé-sur-Aisne, par les soins du groupe de brancardiers de la 43e D.I., dans une sépulture qui porte le n° 313.

Son acte de décès est envoyé pour transcription sur le registre d’état civil de la commune de Saint-Rémy-sur-Durolle, le 26 mars 1918.

Le corps de cet homme a certainement été rendu à la famille dans les années 1920.

Son nom est inscrit sur les monuments aux morts des communes de Saint-Rémy-sur-Durolle et de Viscomtat ainsi que sur celui de l’école normale de Chamalières.

Cet officier a obtenu les citations suivantes :

Citation à l’ordre n° 201 de la 13e D.I. :

« A constamment donné l’exemple du courage et de l’énergie. Blessé le 19 septembre 1916 en surveillant, malgré un violent bombardement, l’organisation d’une tranchée récemment enlevée à l’ennemi. »

Citation à l’ordre de l’armée (publication dans le J.O. du 17/01/1918)

« Officier brave et courageux, joignant aux plus brillantes qualités militaires, le sentiment du devoir poussé jusqu’à l’abnégation. Tué à … au moment où il se portait à l’attaque du fortin ennemi qui opposait une résistance acharnée. »

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de la Défense de Vincennes.

Fiche signalétique et des services lue sur le site des archives départementales du Puy-de-Dôme.

« Et le temps, à nous, est compté » Lettres de guerre 1914-1919. Albert Marquand, présentation de Francis Barbe, postface du général André Bach. C'est-à-dire Éditions mille mots chuchotés. 2011.

J.M.O. du 105e R.I.. S.H.D. de Vincennes.  Réf : 26 N 676/1

J.M.O. du 17e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 588/2

La photographie de groupe est extraite du fonds Paul Douchez, un témoignage en trois volumes. Ce volumineux travail a été déposé par le fils de cet officier, aux archives du Service Historique de la Défense de Vincennes en 1983. Fond Douchez ref : 1K 338.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carrobi, à M. Porcher, à F. Barbe, au Service Historique de la Défense de Vincennes et aux archives départementales du Puy-de-Dôme. 

11 mai 2018

Aperçus de la photographie militaire au début du XXe siècle : sous l'uniforme du 149e R.I..

Studio_photographique

Important : ne soyez pas surpris de découvrir ailleurs un texte proche de celui-ci. Il ne s’agit pas de plagiat ou d’un copier/coller facile, mais ce travail est le résultat d’une réflexion collective entre trois personnes. Chacun a ensuite publié sa propre version de ce travail suivant ses fonds documentaires.

Arnaud Carobbi du site « Parcours du combattant 14-18 »

Site_Arnaud_Carobbi

Stéphan Agosto du blog du 74e R.I.

Blog_Stephan_Agosto

Denis Delavois du blog du 149e R.I.

Bonnes découvertes !

Petit aperçu de la photographie de soldats, 1900-1919

Les photographies sont un outil d’une extraordinaire richesse pour qui s’intéresse au parcours d’un homme, à l’histoire d’un régiment. C’est dans ce dernier cadre qu’est faite la présentation qui suit : quels sont les types de photographies que l’on rencontre lorsque l’on étudie un régiment et plus particulièrement ici le 149e R.I. ?

Des photographies avant 1900 existaient, mais elles sont moins fréquentes. Toutefois, les premiers types de photographies évoqués sont représentatifs de ce qui se faisait avant 1900. Le cliché ci-dessous représente quatre soldats de la classe 1894.

Des_gars_du_Puy_de_Dome_de_la_classe_1894

Une démocratisation en marche :

Au tournant du XIXe siècle, la photographie est encore un objet rare et le plus souvent réservé à des moments clefs de la vie : une naissance, un mariage, un portrait (individuel ou de famille), parfois un décès (mais cette pratique disparaît) et l’incontournable photographie au service. Ces clichés sont majoritairement pris par un photographe. Les portraits sont faits dans son atelier. C’est l’époque des cartes photos, photographies collées sur un carton aux couleurs du photographe. La majorité a perdu le petit papier qui les protégeait.

D’autres sont plus « habillées », collées sur une bordure cartonnée, sans inscription au dos.

Portraits_d_avant_guerre

La pose est souvent stéréotypée, d'après les instructions du photographe, ce qui explique les similitudes importantes d’un cliché à l’autre pour un même atelier.

Portraits_mod_les_classiques

Comme le montre le montage suivant réalisé à partir de trois photographies rassemblées, la pose peut-être beaucoup plus originale. Ici nous pouvons voir un sergent-major du 149e R.I. dont l’identité reste hélas inconnue.

Un_sergent_major_du_149e_R

À noter le fusil qui ressemble vaguement à un lebel. Mais le fût est bien trop mince. L’anneau grenadière fait plutôt penser à un système Berthier. Pourtant, ce n’en est pas un non plus. Ce fusil semble être un assemblage de plusieurs pièces d’armes différentes. La baïonnette n’est en aucun cas réglementaire. Sa poignée est bien en métal, mais de forme aplatie. L’armement a certainement été fourni par le photographe pour rendre la pose plus martiale.

Dans certains cas, le photographe prête même une veste présentant bien mieux que la capote de sortie.

Uniforme_identique

La photographie amateur existe également au début du XXe siècle. Elle est souvent le fait d’officiers ou de militaires rengagés et a conduit les auteurs à les regrouper dans des albums.

Les deux clichés suivants, réalisés en 1911, proviennent d’un petit album hélas disparu.

Photographies_album_1901_appareil_Kodac_1897

Il arrive fréquemment que ces clichés aient fortement pâli ou jauni avec le temps, ce qui est moins souvent le cas des tirages des professionnels.

Ces clichés amateurs sont souvent des portraits, des groupes et des moments permettant une pause des sujets, presque toujours en extérieur.

On trouve tout de même, à mesure que les années passent, de plus en plus de photographies prises à tous les moments de la vie militaire : arrivée à la caserne, vie à la caserne, groupes, marches, manœuvres… Ce changement est lié au développement d’un nouveau support : la photo-carte. Cette photographie, tirée sur un papier donnant au final une carte postale à un prix modique, marque une étape importante dans la démocratisation de la photographie.

Elle est d’abord réduite à une portion du verso.

Carte_photo_la_plus_ancienne

Elle remplit ensuite la totalité de la surface.

Manoeuvres

On imagine mal la révolution que fut cette photo-carte et, par son coût réduit, le plus grand nombre de clichés qui furent achetés à partir de cette décennie.

Rarement conservée, cette photo-carte est l’épreuve qui a été tirée afin que les hommes y figurant puissent passer commande.

Dans d’autres cas, on trouve aussi un système de numérotation permettant de vendre les photographies.

Epreuve_a_rapporter

La venue à la caserne de photographes professionnels (ambulants comme sédentaires) était  semble-t-il très bien tolérée quand on voit le nombre de photographies de groupes prises au sein même de l’établissement. Si, souvent, les hommes posent comme ils sont, au moment de la corvée, entre camarades de chambrée, il arrive qu’il y ait certainement une commande officielle pour photographier tous les hommes.

On trouve fréquemment ces photographies de groupe sur photo-carte, parfois sur un support cartonné (c’était déjà le cas au cours du XIXe siècle).

Photographies_de_groupes

De nombreuses cartes-lettres ont également été mises en circulation à cette époque. Elles sont composées de deux photographies évoquant des scènes de la vie quotidienne du soldat. Une partie est consacrée à la rédaction du texte écrit par l’homme qui souhaitait l’envoyer à ses proches. L’autre partie rappelle l’histoire du régiment. Certaines de ces cartes-lettres ont pu traverser le temps.

Les_cartes_lettres

Le cliché suivant, réalisé par un professionnel de la chambre noire, nous montre une scène de tir. 

Pour en savoir plus sur ce sujet, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

S_ance_de_tir

À partir de 1900, l’imprimeur A. Gelly produit des fascicules appelés « Albums régimentaires » regroupant des photographies des hommes par compagnie. On a donc pratiquement toutes les personnes du régiment à la date des clichés. S’il ne s’agissait pas d’une commande officielle du Ministère de la Guerre, cette initiative privée connut un réel succès et une bienveillance évidente des autorités militaires.

Le 149e R.I. dispose de plusieurs albums. Il en existe un pour les années 1902, 1905, 1908, 1909 et 1911. D’autres ont été probablement réalisés.

Le 4e bataillon du 149e R.I., qui appartient au groupe de forteresse d’Épinal, a été photographié avec cette unité qui possède ses propres albums.

Les hommes de ce bataillon ont été « immortalisés » en 1909, 1911, 1912. Un album non daté, intitulé 2e groupe des 4e bataillons, a aussi été créé. Comme pour le 149e R.I. il doit y avoir d’autres fascicules.

Albums_r_gimentaires_149e_R

Le cas des plaques de verre :

La plaque de verre négative

Il arrive de trouver des plaques de verre montrant des soldats avant-guerre. Il faut rappeler qu’avant-guerre, on photographie sur plaque (les pellicules souples Kodak arrivent au début de la décennie 1910). Il s’agit donc de plaques originales ayant servi à faire des tirages sur papier. Leur grande fragilité explique qu’il n’en reste pas tant que cela un siècle plus tard.

Des centaines de soldats ayant effectué leur service militaire au 149e R.I. se sont fait tirer le portrait dans les studios de la famille Scherr. Celle-ci possédait un important magasin, avenue des Templiers à Épinal.

Photographie_Scherr

Malheureusement, ce bâtiment a été touché par un bombardement aérien américain qui a eu lieu durant la Seconde Guerre mondiale, détruisant ainsi tout le stock de plaques de verre et de négatifs archivés.

On peut aussi trouver des photographies sur plaques de verre associant deux vues. Il s’agit de plaques utilisées pour un appareil photographique stéréoscopique. Placées dans cet appareil spécial, ces vues donnaient une impression de relief et de profondeur.

Un autre procédé permettait de lire des vues stéréoscopiques. Ces clichés,réalisés sur un support en carton, pouvaient être visionnés avec un appareil qui portait le nom de « mexicain ».

L’image suivante représente le lieutenant-colonel Pineau qui commande le régiment à la fin 1916, sur les ruines du château de Déniécourt au mois d’octobre de cette année, dans la Somme.

Mexicain

Le cas des photographies en intérieur :

Ce sont certainement les clichés les plus rares. En effet, ces photographies nécessitaient une exposition supérieure. Peu d’amateurs se risquèrent à faire cette expérience. La photographie qui suit représente une chambrée de soldats du 149e R.I.. Elle a été faite en 1901.

Photographie_d_interieure_la_chambree

Celle qui suit représente la musique du régiment. Elle a été réalisée dans une école à l’occasion d’une des fêtes données à Épinal. La date où elle a été créée n’est pas connue, mais la silhouette caractéristique de l’homme qui est debout derrière le pupitre permet de l’identifier sans aucune difficulté. Il s’agit du sous-chef Émile Ferdinand Drouot.

Photographie_d_interieur_fetes_des_ecoles

Une démocratisation qui s’accélère avec la guerre ?

Il peut paraître étonnant que la guerre et la pénurie de produits chimiques pour les tirages aient conduit à une généralisation de la photographie. Il existe plusieurs explications à ce phénomène qui peut paraître incongru.

Tout d’abord, les anciens types de photographies continuèrent d’être achetés chez les photographes : photographies sur carton, photographies de groupes ou individuelles tirées sur photo-carte.

Portraits_realis_s_durant_le_conflit_14_18

Cependant, les cartes photo passèrent de mode et on en trouve de moins en moins à mesure que la décennie 1910 passe. De même, il n’y eut plus de photographies dans des albums régimentaires, même si des photographes professionnels continuèrent de venir dans les dépôts et lors de marches ou d’exercices.

Ensuite, c’est au front que cette démocratisation s’accélère. Certes, les appareils photographiques ne sont pas nombreux, mais des officiers, voire des hommes du rang, partirent avec leur appareil photographique. C’est là que les appareils Kodak pliables (le fameux Vest Pocket) dotés d’une pellicule souple permirent la réalisation de nombreux clichés.

Non seulement les amateurs en firent des albums photographiques qui sont des merveilles d’informations quand ils sont légendés, mais ils fournirent à des camarades des tirages de ces photographies. Ces échanges font que la vie à l’arrière, voire au front, est documentée pour le 149e R.I..

Album_149e_R

 Exemple de tirage offert au capitaine Jules Georges Hippolyte Robinet dans les années 1960.

Album_du_capitaine_Robinet

D’autres sources :

Des photographes du service des armées ou des journalistes prirent des clichés des hommes du 149e R.I. à plusieurs occasions.

Ce qui est le cas pour le 14 juillet 1917 lorsqu’une délégation du régiment s’est rendue à Paris. Ces hommes ont été désignés pour faire partie des éléments de régiments et de formations pour défiler derrière le général Augustin Dubail, durant la fête nationale du 14 juillet, dans les rues de la capitale, entre le cours de Vincennes et la place Denfert-Rochereau.

le_147e_R

Un autre évènement majeur pour le régiment photographié par un professionnel : son retour à Épinal le 4 août 1919.

Retour_du_149e_R

En guise de conclusion :

On imagine souvent que la photographie était encore un luxe au début du XXe siècle. Si sa pratique l’était, être photographié le fut de moins en moins. La photo-carte fut le médium principal de cette démocratisation au début du XXe siècle. Le développement de la pratique grâce à Kodak en fut un autre, à partir des années 1920.

Les photographies sont une source essentielle de cette histoire militaire du premier quart du XXe siècle. Si elles permettent de découvrir des aspects méconnus de la vie militaire, elles sont aussi une source particulièrement bien connue des spécialistes de régiments. Ceux-ci sont alors capables de replacer les clichés dans leur contexte spatial, chronologique, mieux que n’importe qui d’autre.

Sources :

La photographie de groupe du 147e R.I. provient du site « Gallica ».

Pour la consulter dans son format original, il suffit de cliquer une fois sur l’image suivante. 

B

L'ensemble des autres photographies utilisées pour ce travail collectif provient de ma collection personnelle.

Pour consulter le travail réalisé par A. Carrobi, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

Site_Arnaud_Carobbi

Pour consulter le travail réalisé par S.Agosto, il suffit de cliquer une fois sur l'image suivante.

Blog_Stephan_Agosto

Un grand merci à M. Bordes, à S. Agosto, à A. Carrobi, à J. Huret, à É. Mansuy et à « Marcus » qui intervient sur le forum « Pages 14-18 ».

4 mai 2018

Témoignage laissé par le sous-lieutenant Paul Douchez (2e partie). Où l’on avale du kilomètre…

Jeanne_et_Paul_Douchez

Fin mars 1917, la 43e D.I. s’apprête à quitter la région de Belfort pour s’installer en Haute-Saône. Le sous-lieutenant Douchez qui assistait à une formation au C.I.D. est obligé de la suspendre pour suivre le mouvement.

Effectuant sa première marche de nuit Paul Doucher laisse derrière lui Méziré. Il doit prendre ses quartiers dans le village de Mignavillers, près de Granges-la-Ville. Le trajet qu’il effectue avoisine les 40 km. Il traverse les communes d’Aibre et de Secenans.

Fin_mars_1917_parcours_approximatif_effectue_de_nuit_par_le_sous_lieutenant_Douchez

Logé chez l’habitant, il peut reprendre ses cours qui se déroulent à Granges-la-Ville.

Le C.I.D. quitte ensuite cette commune pour aller à Lure.

Le sous-lieutenant Douchez abandonne Lure pour rejoindre Belfort en limousine. Il prend ensuite le train pour gagner Villersexel. Le convoi ferroviaire passe par la gare de Vesoul.

Début avril, cet officier retrouve son ancien régiment. Durant les semaines suivantes, les hommes du 149e R.I. subissent un entraînement assez dur. Les exercices et les marches sont monnaies courantes.

Retrouvons les écrits de Paul Douchez…

« Nous faisons des manœuvres à Oricourt et à Aillevans.

Les_manoeuvres_d_Oricourt_et_d_Oppenans

Avant un nouveau départ, je vais à Belfort pour l’acquisition d’une tenue n°1. 

6 avril 1917

Villersexel à Désandans (par la route)

7 avril 1917 

Desandans à Exincourt (par la route)       

Exincourt à Faverois (par la route)

Parcours_effectu__par_le_sous_lieutenant_Paul_Douchez_les_6_et_7_avril_1917

La popote des officiers de bataillon se déroule chez la récente veuve du pasteur protestant.

L’accueil est cordial et confiant. Rien n’est fermé à clé. Des couverts en argent sont mis à notre disposition. Aussi, ne tarde-t-il pas à en disparaître. Plus tard, durant une permission du cuisinier, son barda est ouvert pour y chercher un objet. Les couverts y sont trouvés. J’essaie d’en provoquer l’envoi à leur propriétaire. Aucune sanction n’est prise, pour des raisons, hélas, trop facile à deviner.

12 avril 1917 

Nous embarquons à Morvillars à 4 h 00 (le train traverse Bar-le-Duc).

14 avril 1917 

Passage à Montmirail avant de débarquer à Artonges à 8 h 00.

De_la_gare_de_Morvillars___la_gare_d_Artonges

D’Artonges, nous prenons la route pour Fontenelle.

16 avril 1917 

Nous quittons Fontenelle pour l'aller à Azy.

De_la_gare_d_Artonges___Azy

17 avril 1917 

Cinquième permission, je passe 7 jours à Calais. Bombardement de la ville la nuit par 5 destroyers.

27 avril 1917 

Je retrouve le régiment à Givry.

29 avril 1917 

Promenade de Givry à Château-Thierry dans la voiture de compagnie.

La 9e compagnie cantonne à la ferme des Brusses.

7 mai 1917 

Départ des Brusses, passage par Givry, Bouresches, bois de la Marette, Bourbelon, le Vitray, Maison-Blanche, Montgivrault, Lucy-le-Bocage, Belleau, Givry, les Brusses

7_mai_1917_marche_effectuee_par_la_9e_compagnie_du_149e_R

Legende_carte_journee_du_7_mai_1917

18 mai 1917 

Départ de Givry à Breny (route) par Belleau, Monthiers, Bonnes, Grisolles et la Croix

Parcours_approximatif_effectue_par_la_9e_compagnie_du_149e_R

19 mai 1917 

Breny à Launoy (route) par Oulchy-le-Château, Oulchy-la-Ville, le Plessier-Huleu, Hartennes-et-Taux, Launoy, ferme de Launoy

Je suis désigné comme porte-drapeau pour ce déplacement.

Parcours_approximatif_effectue_par_l_officier_porte_drapeau_du_149e_R

20 mai 1917 

Ferme de Launoy à Droisy et retour (route)

23 mai 1917 

Ferme de Launoy à Breuil (route) par Droisy, Taux, cote 157, Raperie, Chaudin, ferme Cravançon, Missy-aux-Bois, Breuil

Parcours_approximatif_effectu__par_la_9e_compagnie_du_149e_R

Legende_carte_journee_du_23_mai_1917

26 mai 1917 

Breuil à Soissons (promenade)

28 mai 1917

Breuil à Ciry-Salsogne (route) par Grand’routes Paris-Soisson et Reims-Sermoise (Soisson-Sermoise)

Parcours_approximatif_effectue_par_la_9e_compagnie_du_149e_R

1er juin 1917 

Ciry-Salsogne au bois Marcon (grande sablière) : 2e ligne (route) par Chasseny, Vailly, ferme Hameret

Parcours_approximatif_effectu__par_la_9e_compagnie_du_149e_R

Entre la fin mars et le 1er juin 1917, de Mérizé à la ferme Hameret,  le sous-lieutenant Douchez aura effectué près de 225 km à pied.

Ferme_Hameret_juin_1917

Sources :

Fonds Douchez composé de 3 volumes. Déposé au S.H.D. de Vincennes en 1983. Réf : 1 K 338.

Le cliché de la ferme Hameret est extrait d'un album photographique qui appartenait à officier du 149e R.I. dont le nom est inconnu.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher  et au Service Historique de la Défense de Vincennes. 

149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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