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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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11 novembre 2016

Le 149e R.I. à travers les âges.

Drapeau_149e_R

Le sous-lieutenant Trabaud et le soldat Liand sont les auteurs de ce "149e à travers les âges, Poème héroïque à la gloire de ses Drapeaux". Est-elle une œuvre de commande ? Est-ce un travail mémoriel personnel ?

Il semble avoir été réalisé après-guerre, sans qu’il soit possible de dire quand. Toutefois, en observant son thème et sa structure, il est fort probable qu’il ait été rédigé dans les années qui suivirent le conflit.

Le choix du drapeau n’est pas anodin. C’est LE symbole du régiment, symbole sans cesse rappelé. Dès l’enfance, on en apprenait l’importance ; les jeunes recrues rejoignaient les hommes mobilisables lors d’une cérémonie au drapeau, vers mars de l’année suivant leur incorporation.

Drapeau_du_149e_R

Le drapeau du régiment, sorti lors de grandes occasions, était l’objet d’un cérémonial très codifié, avec sa garde prestigieuse.

Drapeau_du_149e_R

Cette importance du drapeau dans l’imaginaire collectif se retrouve dans les nombreux articles rédigés dans la presse sur ce sujet à cette époque, évoquant  l’importance de prendre celui des ennemis.

Chaque partie du poème a une thématique précise : la première est un historique du régiment avant la Première Guerre mondiale, la seconde un historique du régiment au cours du conflit.

Dans pratiquement tous les régiments existait, avant-guerre, un historique du régiment. Il était fourni aux conscrits pour s’inspirer des actes héroïques de leurs prédécesseurs illustres et s’intégrer dans une histoire glorieuse. La première partie de ce poème reprend probablement les grandes lignes d’un tel historique du 149e R.I..

Couverture_historique_du_149e_R

Pour la seconde partie, c’est certainement l’historique rédigé après-guerre qui a servi de base au texte. Ainsi, il semble que l’auteur soit un ancien du 149e R.I. ayant à sa disposition ces deux textes et souhaitant honorer le drapeau de ce corps, et par conséquent les hommes qui y combattirent.

Couverture_historique_149e_R

Poème héroïque à la gloire des drapeaux

Par le sous-lieutenant Trabaud et le soldat Liand

Les êtres qui sont morts pour une noble cause

Demeurent immortels dans l’esprit des vivants.

Que nos cœurs, aujourd’hui, par cette apothéose,

Rendent à tous nos morts un hommage fervent.

Ô chers lambeaux de soie, où l’héroïsme abonde,

Vous gardez, dans vos plis qui méprisent le temps,

Deux siècles et demi de l’histoire du monde

Et tous les souvenirs de notre régiment.

Ô qui que vous soyez, soldats ou capitaines,

Fantassins grisonnants ou jeunes généraux,

Venus de Périgord et venus d’Aquitaine

Vous tous, morts glorieux, mais immortels héros,

Soyez Bénis !

 

Celui là, c’est l'aïeul de notre régiment.

En ce temps là, des milliers d’hommes, lentement,

Se mouraient chaque jour sous la botte saxonne.

La Pologne expirait. Il ne restait personne

Pour rendre à ce pays sa chère liberté.

Mais un homme montre sa générosité,

Plélo l’Armoricain, le Trapu, notre ancêtre,

S’embarquait à Calais, pour combattre les Reitres.

Il commandait le régiment de Périgord.

Trois mois après, là-bas, on retrouvait son corps

Horriblement haché de coups de baïonnette.

N’importe ! Grâce à lui, sortant de tempête,

Stanislas revenait pour rétablir son droit.

La France avait rendu la Pologne d’un Roi.

Celui là, c’est Fleurus, Bracquigny, la Belgique !

Ces soldats sont venus, d’un élan magnifique,

Par centaines, pieds nus, sublimes, s’engager

Quand on eut proclamé « la Patrie en danger » !

Par trois fois, l’Archiduc chargea notre brigade,

Qui resta, le front haut, ainsi qu’à la parade.

Puis Perrin commanda : « vaincre ou mourir ! Le sort

En laissa la moitié vainqueurs, les autres morts.

Puis ce fut Bracquigny, Charleroi, la Chartreuse,

La brigade marchait jour et nuit, radieuse.

La gloire, dans son vol, lui montrait le chemin

A quatre jours de là, nous repassions le Rhin ! …

 

Vingt ans plus tard, là-bas, près des frontières russes,

L’Empereur achevait de détruire la Prusse,

Le héros d’Elchingen et de la Moskova,

Ney, le grand maréchal, alors nous commanda.

Le régiment, flanc-garde, évita la surprise :

Résiste et mord ! Fut ce jour là, notre devise !

À Bautzen, le matin du vingt mai, l’Empereur

Bousculant les Prussiens, allait être vainqueur.

Soudain, dans le brouillard, un mouvement s’ébauche.

Il vit que l’ennemi tournait son aile gauche !...

Le doute, en cet instant, frôla Napoléon,

Le cent quarante neuf était là, il tint bon !…

Bautzen nous vit vainqueurs dans d’horribles souffrances

Mais ce drapeau, le soir avait sa récompense !…

 

Trois mois après, c’était Goldberg, autre victoire,

Dont un drapeau sanglant nous garde la mémoire

Les Russes et Blucher, avec un régiment,

Occupaient de Goldberg un large escarpement.

Le premier bataillon, tout seul, coûte que coûte,

Baïonnette au canon, fonça sur la  redoute !

Rien ne peut arrêter un combat de géants.

Le sol, quand vint le soir, était trempé de sang.

Le lendemain, tout se taisait dans l’aube grise.

Les chefs étaient tous morts, mais la redoute prise !

Drapeau_et_divers_fanions_du_149e_R

 Le drapeau qui s’avance et que vous voyez là

Est le plus beau de tous ; saluez le bien bas,

Car il fut le témoin de rencontres fameuses,

Où vinrent s’affronter des armées valeureuses.

Quand l’ennemi, soudain, voulut nous envahir,

C’est autour du drapeau  qu’on vit se réunir

Tous ceux qui voulaient la France libre et fière,

Tous ceux qui, sans un cri, gagnèrent la frontière.

Dès les premiers combats, il fut leur réconfort.

Pour lui, pour sa défense, ils bravèrent la mort.

Et durant les quatre ans que dura la campagne,

Sous Ypres, sous Verdun, en Alsace, en Champagne,

Toujours il fut leur aide et vint les ranimer.

Vous voyez, O soldats, comme il nous faut l’aimer !

 

Pendant plus de quatre ans, il eut la charge immense

D’abriter le soldat qui mourait pour la France.

Sous son ombre, les morts dorment très doucement,

Leur sommeil éternel, ineffable et dolent.

Il fut de nos héros, la vision suprême,

L’objet de leur amour, leur consolation même,

Car il symbolisait à l’heure du trépas,

Ce qu’il est le plus doux de chérir ici-bas.

Les parents inquiets, l’épouse qui soupire

L’enfant qui parle à peine et qui commence  à sourire.

Tout le charme si doux d’un foyer familial,

Où l’on se sent meilleur près du berceau natal.

Un drapeau représente ces choses si diverses,

L’honneur du régiment, la mère qui nous berce.

Il semble réunir nos amours en ses plis,

Avec notre gloire… Sur ses lambeaux noircis,

Sont inscrits  les hauts faits les plus beaux de l’histoire,

Par lesquels nos aînés obtinrent la victoire.

Hélas ! Il nous revient meurtri, décoloré.

La mitraille, en sifflant, cruelle, a déchiré

Son étoffe autrefois éclatante et soyeuse.

Les balles lui faisant des blessures glorieuses,

N’ont plus laissé de lui, que des lambeaux tenus,

Par un mince filet ensemble maintenus.

Mais, lorsque clapotant au vent frais de l’aurore,

Le soleil de ses feux doucement le colore,

Il nous semble vraiment, que ce pâle rayon,

Est un rayon de gloire aux plis du pavillon !

Tu figures pour nous le soldat qui s’immole

De tes nobles couleurs le rouge a disparu…

Ainsi tes défenseurs quand ils ont combattu,

Ont donné tout leur sang d’un geste magnifique,

Et sont tombés, glorieux, en soldats héroïques.

Drapeau_149e_R

 Oh ! Tu fus à l’honneur au centre des combats,

Lorsque tu dominais les rangs de nos soldats

Aux assauts meurtriers, aux batailles sanglantes,

Tu guidas, triomphant, les troupes assaillantes.

Sainte-Marie-aux-Mines ! Baptême du feu !

Schirmeck, Badonviller, noms désormais fameux !                                

Le régiment prenait l’offensive en Alsace,

S’approchait de Mutzig, qui sentait la menace,

Hélas, à Sarrebourg, nous résistions en vain.

Il fallut reculer, Neuf-Maisons, Saint-Quirin,

Nous voyaient en retraite, et, l’ennemi sans cesse

Débordant notre flanc, nous gagnait de vitesse.

Au col de la Chipotte on tint bon cependant.

Ce fut la Marne enfin, et le redressement.

La Marne ! Oh !  L’étonnante et splendide victoire.

Nom qui retentira pour jamais dans l’histoire !

Sans trêve et sans repos, nous avions reculé…

Auprès de Paris même, on était arrivé.

Nous voyant épuisés, fourbus par la retraite,

L’Allemand triomphait, sûr de notre défaite.

Quand l’on vit tout  coup, ô miracle inouï,

Nos troupes s’unissant à ceux de Galliéni,

Bousculer, rejeter, traquer en maintes places,

L’ennemi tout surpris de notre volte face.

Il cherche à contenir notre élan furibond,

C’est pour voir écrasés, aux marais de Saint-Gond,

Ses meilleurs régiments et la garde impériale….

Nous avons ce jour là, sauvé la capitale !

Le régiment chargea vers Sogny-les-Moulins,

Suippes fut enlevé dans un superbe entrain.

Tout n’était pas fini cependant, car la lutte

S’engagea formidable à Souain, sur la butte.

Là-bas, le régiment obtint la citation,

Où, de son fier courage, il était fait mention.

Mais le destin déjà lui donnait d’autres places.

En Belgique, en Artois, l’ennemi nous menace.

Donc, sans se reposer, il monte vers le nord.

Quels exploits elle vit, cette maigre colline,

Où, tout un bataillon sauta sur une mine !

Ce fut pendant dix mois des combats incessants.

Dix mois de durs assauts et de bombardements.

Combien de corps épars sur cette croupe affreuse

 Que la mort à fauchés, sinistre moissonneuse.

Ah ! Comme l’on frémit en pensant aux héros

Qui reposent là-bas de leur dernier repos.

Qui voudrait les compter ne pourrait pas le faire.

Tout le plateau n’est plus qu’un immense ossuaire.

Paix aux cendres des morts que domine un drapeau !

Plus tard, le régiment gardait le fort de Vaux

Et défendait Verdun. Ô gloire inexprimable,

Qui pour l’âge à venir, demeure inégalable.

Verdun, ce nom évoque à nos esprits troublés,

La lutte âpre et sans fin, tous les corps entassés.

L’ennemi qui déjà claironne sa victoire.

Plus de front défini, de l’eau terreuse à boire…

Leur folle exaltation soutient les combattants.

Dans la fournaise, en vain, fondent les régiments.

On voit les survivants pleins d’une ardeur féroce.

La défense se fait farouche, dure, atroce.

Et telle que l’on vit, à de certains moments,

Les vivants surmenés, faire appel aux mourants,

Crier, « Debout les morts » et tenir bon quand même,

Dans un dernier effort, pour un sursaut suprême !

On recule, on attaque, on cède, mais enfin,

Le drapeau tricolore est toujours sur Verdun !

Et nous pouvons sentir un orgueil légitime,

Notre drapeau connut cette lutte sublime.

Mais bientôt dans la Somme, en hâte transporté,

Le cent quarante neuf était encorcité.

Enlevant Soyécourt d’un bond irrésistible,

Il montre dans l’attaque une ardeur indicible.

Et ses combats dans l’Aisne, vers la Malmaison,

Resteront légendaires parmi tant de grands noms.

Mais bientôt, il fallut garder la défensive,

L’ennemi, vers Paris, fit une tentative.

On dut se replier, or dans ce dur moment,

Le cent quarante neuf résista vaillamment.

Ce fut en vain, que dans sa ruée brutale,

L’Allemand dévalait vers notre capitale,

Mais sur la Marne, encor, de nouveau les vainqueurs,

Nous brisâmes l’élan de nos envahisseurs.

Tandis qu’au Trou Bicot, notre fier régiment,

Contenait l’ennemi dans un combat sanglant.

C’est en ce lieu plus tard, qu’il prenait l’offensive,

Culbutait l’Allemand, la lutte fut très vive.

Nous les semions enfin, ces barbares maudits.

Nos vœux étaient comblés, ils étaient à  merci.

On voyait donc enfin triompher la justice,

Et ces Reitres si fiers, demander l’armistice.

Eux qui trois mois plus tôt croyaient prendre Paris,

Devaient passer le Rhin, honteux et poursuivis !

Ah ! Quel long cri d’amour jaillit au cœur des mères,

Et ne plus craindre enfin et pouvoir être fières.

Fières de ces héros, dont l’opiniâtreté

Avaient, après quatre ans, sauvé la liberté !

 

Ainsi, ce régiment dont ce jour est la fête,

Sut bousculer le « Boche » ou bien lui tenir tête.

Il fut sans cesse au feu, sur la brèche, à l’honneur.

Tous vraiment, dans ses rangs, ont ignoré la peur.

Il a su demeurer fidèle à la devise

Qui montre son courage et le caractérise.

Mais pour sa récompense treize citations,

Ont sans cesse ennobli son drapeau, ses fanions.

Et tous, nous arborons, joyeux, la tête fière,

Sur la veste bleue ciel, la jaune fourragère.

Elle est un souvenir des hauts faits des vaillants,

Et montre le devoir à tous leurs descendants.

Drapeau_149e_R

 Donc, c’est à toi que va notre plus grand hommage,

Drapeau de la Patrie aimable et sainte image.

En toi, nous saluerons, émus et recueillis ;

Tous nos morts de jadis, nos frères, nos amis.

Tu nous rappelleras ce sublime héritage

Qu’en mourant, ils ont su nous laisser en partage.

Or, leurs enseignements ne seront pas perdus,

Nous nous efforcerons d’imiter leurs vertus.

Oui, nous saurons toujours résister et mordre.

Au cent quarante neuf, tel est notre mot d’ordre.

Suivant la tradition d’un vieux mot bien Français

Car la Bretagne aussi dit comme nous « mordles ! »

Alors si quelques jours, l’ennemi nous menace,

Nous saurons retrouver nos qualités de race,

Et défendre l’honneur avec liberté,

Pour te léguer vainqueur à la postérité.

Ainsi donc pour jamais, dans la suite des âges,

Nos fils se grouperont sous ton fier patronage.

Et ils te salueront, comme nous à présent,

Splendide mutilé, gloire du régiment !

Sources :

Les photographies qui se trouvent sur les deux montages sont extraites de l’historique du 149e R.I. version « luxe ».

Les autres clichés et le poème proviennent de ma collection personnelle.

Un grand merci à M. Bordes et à A. Carobbi

Commentaires
G
Merci cher Monsieur Delavois de nous offrir ce superbe ! et émouvant texte en ce jour anniversaire.<br /> <br /> Toujours fidèle à la lecture de votre beau travail .<br /> <br /> jac.line B.
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