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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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28 novembre 2014

Joseph René Micard (1876-1914).

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Joseph René Micard est né le 2 février 1876 dans la petite ville d’Isigny, une commune située dans le département du Calvados. À sa naissance, son père, Jean Sidoine, âgé de 58 ans, exerce la profession de percepteur-receveur. Sa mère, Marie Camille Poupiet, est âgée de 43 ans.

Après l’obtention de son certificat d’études, Joseph poursuit sa scolarité au collège Stanislas de Paris, puis au lycée Sainte-Geneviève de Versailles. Il obtient son baccalauréat ès lettres et philosophie en 1896.

L’âge adulte est arrivé, il est temps pour lui de faire un choix professionnel ! Le jeune Micard opte pour le métier de soldat. Il signe un engagement volontaire d’une durée de 3 ans à la mairie de Versailles le 30 octobre 1896 et entre, le jour même, à l’école spéciale militaire. Joseph intègre la 81e promotion dite « première des grandes manœuvres », comme élève de 2e classe. Il vient d’être admis avec le numéro 160 sur 538 élèves.

Il commence à pratiquer l’escrime et la gymnastique à partir du  1er novembre 1896. Ces deux activités sportives occuperont une place importante dans sa carrière militaire. Le 1er octobre 1898, c’est la nomination au grade de sous-lieutenant par décret du 17 septembre 1898, sa formation saint-cyrienne vient tout juste de se terminer.

Le général responsable de l’école dit de lui : «  C’est un homme à l’esprit pondéré, intelligent, qui a un bon jugement, un peu lent, mais très consciencieux. Il fera un bon officier sur lequel on pourra compter en toutes circonstances. »

Joseph Micard quitte Saint-Cyr avec le numéro 343 sur 522. Sa « feuille de route » lui fait savoir qu’il doit se rendre à Langres, pour rejoindre le 21e R.I..

Le 27 mars 1899, un léger manquement à la discipline lui vaut 2 jours d’arrêts simples. Le capitaine adjudant major de semaine Charrière lui porte le motif suivant : « Étant commandé pour recevoir, comme officier de semaine, l’appel du soir du dimanche 26 mars, à la caserne des Ursulines, n’a pas exécuté ce service.» Ce sera l’unique punition qu’il aura dans tout son parcours de militaire.

Joseph Micard devient lieutenant le 1er octobre 1900. Au cours de l’année suivante, il exerce les fonctions de lieutenant d’armement. Il reprend son service d’officier de compagnie au début du mois d’avril 1902. Considéré comme étant un peu timide à ses débuts par ses supérieurs, cet officier de 26 ans commence à prendre de l’assurance dans l’art du commandement.

 Le lieutenant Micard suit les cours de l’école nationale de gymnastique et d’escrime du 15 octobre 1902 au 15 janvier 1903. Dès son retour de formation, il est chargé de mener à bien les exercices corporels effectués par la troupe. Il est également responsable de la télégraphie en 1903-1904.

En 1905, cet officier est détaché au peloton des dispensés où il est perçu comme un excellent instructeur. Joseph Micard est très apprécié de ses hommes.

En mars 1906, il effectue un stage de 15 jours à l’école normale de tir de Châlons, pour être formé au commandement des sections de mitrailleuses de campagne. À la fin de ce stage, il aura, sous ses ordres, une section de mitrailleuses de son régiment.

En 1907, il se présente au concours de l’école de guerre, mais sans succès.  Le lieutenant Micard suit les cours de l’école des travaux de campagne du 6e génie à Angers, du 7 juillet au 18 août 1907.

Les années d’expérience d’officier commencent à s’accumuler. L’année 1910 le voit de nouveau partir en formation. Il accomplit un stage de cinq semaines à l’école normale de tir de la Valbonne du 20 février au 27 mars 1910.

Le 16 octobre 1911, il épouse mademoiselle Marguerite Marie Hoffmann, une jeune vosgienne âgée de 30 ans qui est domiciliée à Poussay. De cette union naîtra une petite fille.

Un décret du 23 décembre 1912 lui permet de devenir capitaine à compter du 9 janvier 1913. Avec cet avancement, une nouvelle affectation l’attend. Il se prépare à traverser une grande partie de la France, d’est  en ouest pour rejoindre la Bretagne. Il vient d’être muté au 25e R.I., un régiment qui est cantonné à Cherbourg.

Cette région ne semble pas le satisfaire. Quelques mois plus tard, il demande à être muté dans un régiment vosgien pour convenances personnelles. Cette demande est acceptée, le capitaine Micard doit rejoindre le 149e R.I.. Il arrive dans la ville d’Épinal au début du mois d’août 1913 pour prendre le commandement de la 5e compagnie. Il y restera jusqu’au début du conflit contre l’Allemagne en août 1914.

Dans la matinée du 31 juillet 1914, sa compagnie quitte les quais de la gare spinalienne pour se rendre à Bruyères, un petit village situé à quelque 28 km. Ensuite, une longue marche en direction de la frontière commence, celle-ci durera plusieurs jours. Le 9 août 1914, c’est le baptême du feu, le capitaine Micard mène ses hommes au combat, dans le secteur du Renclos des Vaches qui se trouve près de Wisembach.

Le 21 août 1914, cet officier est tué au cours d’une mission de reconnaissance, près du petit village lorrain de Biberkirch.

Joseph Micard est, dans un premier temps, enterré dans une tombe commune, avec un lieutenant et sept soldats français. Le 5 mars 1920, il est inhumé dans le cimetière militaire de Sarrebourg. Sa sépulture individuelle porte le numéro 86 E.

Il repose actuellement dans le petit cimetière communal vosgien de Poussay, dans la sépulture de famille de son épouse.

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Citation à l’ordre n° 70 de la 10e armée en date du 31 mai 1915 :

« Tué le 21 août 1914 vers Abreschviller, en allant reconnaître avec quelques hommes un bois qui se trouvait à la droite de sa compagnie et qui était, depuis la veille, occupé par l’ennemi. Avait déjà fait preuve d’un grand sang-froid et du plus beau courage au combat du 9 août au col de Sainte-Marie en ramenant, sous une fusillade des plus meurtrières, un de ses officiers grièvement blessé. »

Il est inscrit au tableau spécial de la Légion d’honneur par arrêté du 22 juillet 1919 (J.O. du 17 octobre 1919).

Sources :

Dossier individuel consulté au Service Historique de Vincennes.

La photographie de la sépulture du capitaine Micard a été réalisée par É. Mansuy (avec l’aimable autorisation de F. Tabellion pour la publication de ce cliché).

Livre d’or de l’école Sainte-Geneviève (1854-1924). 576 pages. Imprimerie de Catalar frères. 1925.

La fiche individuelle de Joseph Micard, est extraite du fichier des « morts pour la France » du site « mémoire des hommes ».

Un grand merci à M. Bordes, à F. Tabellion, à  A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

21 novembre 2014

André Martenot de Cordoux (1893-1991)

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Jeunesse 

 

Marie Charlotte Batilde Martenot de Cordoux est  âgée de 34 ans, lorsqu'elle donne naissance à un petit garçon, le 14 mars 1893. Il portera le troisième prénom inscrit sur son acte de naissance : Joseph, Marie, André. Divorcée d’une première union, elle s’était remariée deux ans plus tôt avec Claude Jean, un jeune agriculteur âgé de 24 ans. André voit le jour dans le village de Chalezeule qui se trouve dans le département du Doubs.

 

Devenu adulte, ce Chalezeulois doit se rendre à Besançon pour effectuer la visite médicale, qui décidera de sa future vie de soldat.

 

 

Après avoir été examiné par les médecins, il est ajourné durant une année pour faiblesse. André se retrouve classé « bon absent » par la commission de réforme n° 3 de la Seine, à compter du 26 novembre 1913. Le jeune homme obtient également un sursis d’incorporation, ce qui va lui permettre de terminer ses études d’ingénieur.

 

Au 149e R.I.

 

Rattrapé par les évènements qui vont déchirer l’Europe, puis le monde, il est appelé à l’activité militaire le 12 août 1914. Il lui faut gagner son corps d’affectation ; dès le lendemain André Jean doit rejoindre le 149e R.I.. L’apprentissage de la vie de soldat commence.

 

À l’exception des tout premiers combats du mois d’août, il va prendre part à toutes les batailles dans lesquelles est impliqué le régiment au cours de l’année 1914. : la Marne, la prise du village de Souain, la Belgique, pour ne citer que les plus importantes.

 

Il passe ensuite les six premiers mois de l’année 1915 en Artois, une région où le 149e R.I. est engagé à plusieurs reprises dans des combats particulièrement violents et meurtriers. Il voit mourir bon nombre de ses camarades au cours des attaques qui eurent lieu en mars, en mai et en juin 1915.

 

L’aviation pendant la guerre 1914-1918

 

André Jean souhaite quitter l’infanterie, l’envie de devenir aviateur le travaille depuis un bon bout de temps. Pourquoi ne pas tenter l’aventure ! Pour cela, il lui faut rédiger une lettre qui lui permettra peut-être d’être muté dans cette nouvelle arme.

 

Sa demande est acceptée, il va pouvoir être formé à l’art du pilotage. Le 5 août 1915, il se retrouve détaché au 2e groupe d’aviation. Direction le sud-ouest pour apprendre à maîtriser le manche et le palonnier à l’école de chasse de Pau.

 

Les premières heures de formation, s’effectueront sur un Blériot pingouin. L’ex-soldat du 149e R.I obtient son brevet de pilote le lendemain de Noël 1915. Il est nommé caporal le 28 janvier 1916. En avril 1916, André Jean doit rejoindre l’escadrille C 28.

 

Cet aviateur va se faire connaître sous le nom d’André Martenot de Cordoux. Est-ce à partir du moment où il est devenu pilote qu’il a fait le choix de porter le nom de famille de sa mère ? C’est une question sans réponse pour l’instant.

 

Le 20 mai 1916, il obtient sa première victoire. Revenant d’une patrouille, avec son mitrailleur Claude Martin installé derrière lui, ils attaquent deux L.V.G.. Le combat ne dure qu'un quart d’heure. Au cours de cet engagement, le pilote du Caudron est gravement blessé de trois balles à la jambe et au pied droit. Continuant la lutte, il descend l’un des Allemands dans la région de Beine. Grâce à son habileté, à son énergie et son sang-froid, l’aviateur parvient à poser son appareil sur le terrain où se trouve son escadrille.

 

Il est aussitôt pris en charge par l’ambulance 2/60 avant d’être évacué vers l’arrière. Ce premier succès lui permet d’obtenir sa première citation à l’ordre de l’armée.

 

« Le 20 mai, a attaqué à courte distance, un avion ennemi le forçant à atterrir à proximité des lignes, le pilote hors de combat ; atteint dans la lutte d’une balle qui lui a enlevé deux doigts au pied et fait une blessure grave au mollet, n’a dû de ramener son appareil au terrain d’atterrissage qu’à son habileté et son énergie ».

 

Après une longue convalescence, c’est le retour dans la zone de combats. Muté au groupe de protection N 513 au début du mois de février 1917, il pilote l’un des quatre appareils de cette unité rattachée à la C 56.

 

 Une seconde citation à l’ordre de l’armée lui est attribuée.

 

« Pilote adroit et plein d’ardeur. S’est toujours acquitté avec succès des missions de chasse et de protection qui lui ont été confiées. Grièvement blessé au cours d’un combat aérien, a repris sa place à l’escadrille, bien qu’incomplètement guéri, donnant ainsi un bel exemple de devoir. »

 

 En juin 1917, les groupes 512, 513 et 514 fusionnent pour donner naissance à l’escadrille N 94. André Martenot de Cordoux est nommé sergent le 22 juin 1916, puis adjudant le 1er juillet 1917 dans cette unité. Avec son Nieuport 24, ce dernier abat un second avion ennemi le 25 juillet 1917.

 

Cette deuxième victoire lui permet de mettre une troisième palme à sa croix de guerre.

 

« Pilote de chasse expérimenté, habile et courageux, s’est toujours montré à la hauteur de sa tâche dans les missions périlleuses qu’il réclame comme une faveur. Déjà cité à l’ordre de l’armée pour un combat où blessé grièvement, il descendait son adversaire ; est revenu, quoique incomplètement guéri, reprendre sa place au front. Le 25 juillet 1917, par une audacieuse manœuvre, a descendu un avion ennemi qui s’est écrasé au sol (2e avion abattu par ce pilote). »

 

Le 5 novembre 1917, il est décoré de la Médaille militaire.

 

Une décision du général commandant en chef du 25 janvier 1918 lui permet d’être nommé sous-lieutenant à titre temporaire. Cette promotion prend rang le 10 février 1918.

 

En mars 1918, les Nieuport 24 et 27 qui équipent son escadrille sont remisés dans une formation aérienne de réserve ; les Nieuport sont remplacés par des Spad VII flambant neufs. La N 94 devient alors la Spa 94.

 

Le 22 mars 1918, le sous-lieutenant Martenot de Cordoux reçoit la croix de guerre belge.

 

Le 1er avril 1918, la Spa 94 « mort qui fauche » se trouve en région picarde. Au cours d’une mission, André Martenot de Cordoux  doit assurer la défense d’une formation de Bréguet. Pour mener à bien ce travail, il est accompagné d’un second Spad piloté par le lieutenant Bechon. Au cours de la sortie, le groupe est attaqué par sept ou huit allemands. Les deux « gardiens » parviennent à dégager les appareils qui étaient sous leur protection. Ils réussissent même à abattre un adversaire. Cette victoire est homologuée le 8 avril.

 

Quelques mois plus tard, son appareil évolue dans le ciel soissonnais ; nous sommes le 1er juin 1918. Le pilote Martenot de Cordoux, en binôme avec l’adjudant Malinovitch, attaque une patrouille de six Fokker D. VII ; un autre groupe, composé de neuf appareils ennemis se trouvent au dessus, prêt a fondre sur tout adversaire qui livrera le combat. Il engage la lutte. Son moteur lui fait défaut juste après qu’il ait abattu un adversaire.  Il se retrouve coincé entre les deux patrouilles qui l’accompagnent de 3500 à 500 m. Pour compliquer la situation, sa mitrailleuse s’enraye. André Martenot de Cordoux doit faire appel à toute sa science de pilote pour essayer de se tirer d’affaire. Une longue série d’acrobaties commence... Heureusement pour lui, son moteur finit par redémarrer. Il peut ainsi se dégager d’une situation plus que périlleuse, sans aucune égratignure.

 

 Une quatrième citation à l’ordre de l’armée vient rendre hommage à sa bravoure.

 

 « Brillant pilote de chasse. Provoque chaque jour l’admiration de ses camarades par son allant et son entrain. À plusieurs reprises, a attaqué des patrouilles de dix à quinze appareils ennemis et, grâce à son sang-froid et à son audace, a pu sortir indemne de combats très durs. Vient d’abattre son quatrième avion ennemi. Une blessure. Deux citations, Médaillé militaire pour fait de guerre. »

 

Le 1er juin 1918, le sous-lieutenant André Martenot de Cordoux abat un triplace dans la région de Longpont-Parcy.

 

Le 3 juin 1918, en compagnie de l’adjudant Marinovitch, ils attaquent à plusieurs reprises un biplace qui est probablement obligé d’atterrir dans la région de la Ferté-Milon- Mosloy.

 

Le 5 juin 1918, André Martenot de Cordoux descend encore un appareil ennemi. Toujours en présence de l’adjudant Marinovitch, ils abattent un biplace à l’est de la forêt de Villers-Cotterêts. C’est sa cinquième victoire homologuée. Il est cité à l’ordre de la division.

 

Le 22 juillet, vers 10 h 25,  le sous-lieutenant attaque, sans succès, un biplace ennemi dans la région de Champillon. Une nouvelle citation à l’ordre de l’armée lui permet d’accrocher une cinquième palme à sa croix de guerre.

 

 « Pilote de chasse incomparable, animé du plus bel esprit offensif. Véritable exemple de bravoure et adresse pour ses camarades. A remporté récemment ses 4e et 5e victoires. Une blessure. Trois citations, Médaillé militaire pour fait de guerre. »

 

La sixième victoire est obtenue le 21 août 1918. Avec l’aide de l’adjudant Ondet, il libère un Bréguet en grande difficulté qui est attaqué par 5 Fokker D VII. Le pilote allemand, blessé, est fait prisonnier. Il partage ce succès avec son camarade Ondet.

 

En récompense de ses multiples exploits, la Légion d’honneur est accordée au sous-lieutenant Martenot de Cordoux :

 

« Pilote de chasse incomparable, véritable exemple de bravoure et d’adresse pour ses camarades. »

 

Elle lui est remise officiellement par l’aide-major général Duval le 2 septembre 1918.

 

Il abat son septième et dernier avion ennemi le 13 septembre 1918. C’est une victoire commune qui se partage avec les lieutenants Laganne et Carbonnel.

 

Une sixième citation à l’ordre de l’armée vient à nouveau le récompenser.

 

« Pilote d’un entrain et d’une bravoure au-dessus de tout éloge, véritable homme du devoir qui ne cesse de s’imposer à tous par son audace et son courage. Poursuivant toujours avec la même ardeur le combat contre les avions ennemis ; a abattu les 21 août et 13 septembre 1918, ses sixième et septième avions ennemis. Une blessure médaille militaire et chevalier de la Légion d’honneur pour fait de guerre. Quatre citations) » (J.O. du 8 janvier 1919).

 

André Martenot de Cordoux obtient sa septième citation, au cours des dernières opérations qui précédent l’armistice ; elle consacre, une fois de plus, la valeur de cet officier.

 

« Citation à l’ordre de l’armée : J.O. n° 25 du 26 janvier 1919

 

« Officier d’élite, ayant la plus haute conception du devoir, animé d’un courage au-dessus de tout éloge, et joignant aux qualités de pilote de chasse de grande valeur, celle d’observateur des plus minutieux. Les 6 et 12 octobre a opéré un jalonnement précis de notre infanterie malgré des circonstances atmosphériques les plus défavorables, et lui a donné des renseignements très importants, sur la situation de l’ennemi. Une blessure, Médaillé militaire et décoré de la Légion d’honneur pour fait de guerre. Cinq citations. »

 

 Une huitième victoire homologuée non retrouvée est attribuée à André Martenot de Cordoux.

 

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L’après-guerre

 

Les combats terminés, il est envoyé en mission spéciale avec une équipe de mécaniciens, en territoire occupé. Il doit récupérer les avions que devait abandonner l’ennemi, suivant les clauses du traité de paix. Jean Martenot de Cordoux intervient sur les terrains d’aviation de Metz, Strasbourg, Sarrebourg,  Bitche et Sarreguemine. Il fait ramener par des pilotes convoyeurs, environ 350 appareils de tous types sur le Bourget.

 

Par décret du président de la République en date du 5 mai 1919, qui est rendu sur la proposition du président du conseil, André Martenot de Cordoux est promu au  grade de lieutenant dans l’infanterie de réserve pour prendre rang le 26 mars 1919 (J.O. du 5 août 1919).

 

Une décision ministérielle du 22 juin 1920 l’affecte au 2e régiment d’aviation (J.O. du 6 juillet 1920). Il est mis en congé illimité de démobilisation le 25 octobre 1919. L’homme aux sept victoires se retire dans la petite ville de Billancourt. Ce n’est pas pour autant que sa carrière de pilote militaire s’achève.

 

Pour ne pas perdre la main, il doit accomplir plusieurs périodes d’entraînement. La première a lieu au 3e régiment d’aviation du 16 au 30 août 1920, la seconde, au 2e régiment d’aviation du 15 au 30 juin 1922, et la troisième du 11 juin au 26 juin 1923.

 

En juillet 1921, André Martenot de Cordoux réorganise l’aérodrome de Beauval. Il fait l’acquisition de 5 avions des surplus, Nieuport et Caudron, et propose des baptêmes de l’air.

 

À l’âge de trente ans, il passe dans l’aéronautique par décret du 20 juin 1923 en application de la loi du 8 décembre 1922. (J.O. du 7 juillet 1923).

 

Le 8 septembre 1925, il épouse Germaine Berthe Louise Henrion à Compiègne.

 

Suite à une décision ministérielle du 1er décembre 1928  (J.O. du 04/12/1928), il se retrouve rattaché au centre mobilisateur d’aviation n° 2. Une nouvelle affectation le conduit au centre mobilisateur d’aviation n° 52 par décision ministérielle du 1er juin 1929. (J.O. du 6 juin 1929).

 

Il doit se rendre au C.M. d’aviation n° 3, un changement qui est la conséquence de la décision ministérielle du 20 mars 1933 (J.O. du 23 mars 1933).

 

Une réorganisation territoriale du 1er décembre 1936 l’amène à la base aérienne de Châteauroux.

 

André Martenot de Cordoux est classé dans le cadre navigant en application de l’article 9 de la loi du 1er août 1936, à compter du 2 février 1937. Le 6 août 1937, il est muté à la base aérienne de Paris-Issy-les-Moulineaux. Affecté au bataillon de l’air n° 122 par décision ministérielle du 21 juin 1938 à compter du 1er juillet 1938.  Il est alors âgé de 47 ans.

 

En 1939, il fait une demande d’affectation en escadrille qui lui est refusée.

 

Le 29 décembre 1991, Henri Marie André Jean décède en son domicile, situé au 61 rue du Chemin Vert dans le XIarrondissement de Paris.Il était âgé de 98 ans. Il repose dans le cimetière de Saint-Ouen. 

 

Sources :

 

J.M.O. de la  Spa 94. Ref : 1 A 289/6.

 

Article publié dans la revue « La vie aérienne » du 15 mai 1919.

 

La fiche signalétique et des services d’André Jean a été consultée sur le site des archives départementales du Doubs.

 

Cinq des citations à l’ordre de l’armée qui peuvent se lire dans ce texte ont été retrouvées sur le site de la bibliothèque virtuelle de Gallica.

 

Les deux citations manquantes proviennent  du centre des archives du personnel militaire qui se trouve à la caserne Bernadotte de Pau.

 

La carte postale représentant André Martenot de Cordoux sur le deuxième montage provient de ma collection personnelle.

 

Pour en savoir plus sur la carrière de pilote d’André Martenot de Cordoux, il faut se rendre sur les sites suivants :

 

Ciel_de_gloire

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André Martenot de Cordoux apparaît dans le début de l'émission « Horizon », diffusée le 1er novembre 1986 sur FR3. Pour la visualiser, il suffit de cliquer une fois sur le lien suivant :

 

Video

 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à M. Porcher, au Service Historique de la Défense de Vincennes, au centre des archives du personnel militaire de Pau et à L’E.C.P.A.D..

14 novembre 2014

21 août 1914, une journée bien mouvementée...

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Les 2e et 3e bataillons du 149e R.I. occupent depuis la veille des positions de premières lignes au nord d’Abreschviller dans le bois de Voyer. Trois compagnies du 1er bataillon du régiment se trouvent en soutien du 158e R.I. à Soldatenthal.

Des combats ont été engagés par les 1er, 3e et 10e B.C.P. de la 86e brigade dans le secteur de Plaine-de-Walsch et de Vallérysthal, deux petites communes situées au nord de Biberkirch et de Trois-Fontaines. Ces combats ne sont pas favorables aux Français. La brigade coloniale est également en grande difficulté du côté de Walscheid. Les unités de ces brigades sont de plus en plus malmenées, il faut penser à se replier… Les Allemands progressent… Ces mouvements de recul vont avoir une incidence fâcheuse sur les évènements à venir dans le secteur occupé par la 85e brigade dans le bois de Voyer.

Il n’est plus question, pour les 2e et 3e bataillons du 149e R.I. d’aller de l’avant, comme il avait été prévu par le général Legrand-Girarde, l’officier qui commande le 21e C.A.. Ces deux bataillons vont devoir se retrancher sur leurs emplacements de la veille, à la lisière nord et nord-est du bois de Voyer.

À 5 h 00, le colonel Menvielle qui a, sous son autorité, un groupement composé du 31e B.C.P. et des 2e et 3e bataillons de son régiment, reçoit un ordre d’opération envoyé par le général Pillot, responsable de la 85e brigade. Cet ordre lui demande de se maintenir sur la ligne la Valette, cote 475, Haltenhausen, Eigenthal. Il lui faut construire son axe de défense en attendant la reprise de l’offensive. Le colonel Menvielle fait relier sa droite avec les éléments du 158e R.I. qui se trouvent près de la cote 500, et sa gauche avec l’aile droite du 13e C.A., vers la corne nord-ouest du bois de Voyer. La liaison avec les chasseurs est compliquée à mettre en place. Les ordres donnés par le colonel Menvielle ne parviennent pas au commandant du 31e B.C.P..

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Au sud-est d’Abreschviller avec le 1er bataillon du 149e R.I.

Une attaque, menée par une partie des unités de la 85e brigade a lieu du côté de Saint-Léon et de la cote 500. Le soleil n’est pas encore levé. Au loin, les hommes entendent une vive fusillade du côté de la Valette.

L’attaque française est un véritable succès. Le 31e B.C.P. reprend la petite bourgade de Saint-Léon. Le petit village de Walscheid et la ferme de Munichshof sont également reconquis. Un bataillon du 158e R.I. prend position à la cote 500, un autre bataillon de ce régiment s’installe près de Thomasthal. Les trois compagnies du 1er bataillon du 149e R.I. qui se trouvent à Soldatenthal ont également été engagées en soutien. Celles-ci sont sous les ordres du lieutenant-colonel Escallon, l’officier qui commande en ce point. Un bataillon du 158e R.I. a été mis à sa disposition pour épauler ses compagnies.

Les Allemands ne restent pas inactifs. Leur artillerie ouvre le feu vers 8 h 30. Pendant une demi-heure, une pluie d’obus s’abat sur la ligne de front qui se trouve dans la zone de la cote 500. Aussitôt après, une attaque d’infanterie ennemie se déclenche dans le secteur. Les Allemands essayent de se glisser partout, en vain… Ceux-ci sont accueillis par des feux nourris, tirés par les fantassins français qui leur causent des pertes importantes. Ils deviennent très vite hésitants dans leurs progressions. L’offensive adverse est contenue.

La 43e D.I. n’a  plus de troupes disponibles pour reprendre le combat dans ce secteur. Le général Legrand-Girarde a engagé toutes ses réserves. La situation générale de la 85e brigade reste très fragile.

Dans le secteur d’Abreschviller avec les 2e et 3e bataillons du 149e R.I.

Les Allemands ont lancé une attaque dans le secteur du bois de Voyer. La brutalité de cet assaut est telle qu’elle modifie complètement les projets français dans cette région. La droite du 3e bataillon du 149e R.I. est débordée par des forces ennemies qui lui sont supérieures en nombre. Les deux bataillons du 149e R.I. sont mis à mal sur leur ligne de défense. Seules, les 6e, 9e et 12e compagnies réussissent à se maintenir sur leurs emplacements durant quelque temps.

Pour éviter le pire, il faut se résigner à faire demi-tour. Le 2e bataillon du 149e R.I. commence son mouvement de repli vers 8 h 00, il est aussitôt suivi par le 3e bataillon. 

La 10e compagnie du lieutenant Michelin est désignée pour couvrir l’ensemble de ces mouvements. Pour mener à bien cette mission, elle s’installe sur les lisières nord et est de la petite commune de la Valette. Le prix à payer pour protéger la retraite des camarades va être très élevé !

L’ennemi approche, le combat est engagé. Près de la moitié de la compagnie est mise « hors jeu ». Une grande partie des hommes est capturée par les Allemands.

Les autres compagnies des deux bataillons reculent par la lisière sud du bois de Voyer. Elles se dirigent sur le bois de Basse-Valette pour tenter de rejoindre Abreschviller. Une fois arrivés dans le village, les restes des deux bataillons se reforment sous les ordres du colonel Menvielle.

Beaucoup de soldats sont encore disséminés sur le terrain. Certains se sont égarés…

La 4e compagnie du capitaine Altairac, qui est installée à Abreschviller depuis la veille, est maintenue en soutien d’artillerie au nord de cette commune.

Les 5e et 9e compagnies prennent la direction de Saint-Quirin pour être aussitôt envoyées à Val-et-Chatillon, suite à un ordre donné par le général de division Lanquetot.

Du côté de Lettenbach avec les 1er, 2e et 3e bataillons du 149e R.I.

Les compagnies reformées des 2e et 3e bataillons du 149e R.I. qui sont encore disponibles se réunissent à Lettenbach à partir de 10 h 00. Les hommes du colonel Menvielle ont pour mission de fermer l’accès du ravin d’Eigenthal et de la croupe 452 aux Allemands. Lettembach va devenir l’objectif de l’ennemi.

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La 7e compagnie du capitaine Coussaud de Massignac reçoit l’ordre de se porter sur les pentes nord-est de Lettenbach. Elle est appuyée par une section de mitrailleuses du 105e R.I.. Une compagnie du 11e génie occupe les tranchées établies sur les pentes nord-ouest.

À 10 h 20, le reste des deux bataillons est amené par le colonel au col de la cote 420 sur la route de Lettenbach-Saint-Quirin. La troupe doit garder la direction de Saint-Quirin.

Les unités disponibles, placées sous le commandement du colonel commandant par intérim la 86e brigade, sont disposées sur le chemin, à un trait du col 430 de la cote 464 et du carrefour, situé à 600 m au sud-est, à partir de 11 h 15. Elles vont devoir tenir et surveiller tous les éclaircis et tous les chemins venant de la direction de Lettenbach et de vallée de la Sarre rouge.

Peu avant 13 h 00, la 1ère compagnie rejoint le colonel Menvielle. À 13 h 00, la 7e compagnie, qui vient de quitter ses positions de Lettenbach, rejoint également les unités du 149e R.I..

Des éléments des 10e et 17e B.C.P. viennent renforcer les compagnies du régiment spinalien. Le poste de commandement du colonel Menvielle est installé au carrefour entre 464 et 462.

Le général Pillot arrive au P.C. du colonel Menvielle à 14 h 30. Il lui donne l’ordre de faire surveiller plus particulièrement le ravin qui se trouve au sud de Streitwald. La 7e compagnie, une des unités qui a été la moins éprouvée, est désignée. Celle-ci va devoir former un barrage sur la crête à 500 m du carrefour, pour battre le ravin en question.

La 2e section de mitrailleuses du lieutenant Gérardin, qui est soutenue par deux sections des 5e et 6e compagnies, est poussée à la tête du ravin à 800 m sud de la cote 462. Les hommes se positionnent de manière à empêcher toute intrusion de l’ennemi de ce côté.

Le lieutenant-colonel Escallon qui est accompagné de la 2e compagnie, rallie le régiment en passant par le ravin sud de Streitwald à 15 h 30. Une heure plus tard, c’est au tour du capitaine Isler de rejoindre avec sa 3e compagnie.

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À 16 h 45, le 149e R.I. reçoit l’ordre d’aller cantonner à Turquestein. La 7e compagnie est rappelée au point de rassemblement du régiment.

En direction de Val-et-Châtillon

Le 149e R.I. quitte le carrefour qui se trouve à l’ouest de 462 à 17 h 30. Le 2e bataillon prend la tête de la colonne, il est suivi du 3e bataillon. Le 1er bataillon ferme la marche. Les hommes du colonel Menvielle prennent la direction du carrefour des 4 chemins qui est situé à quelque 800 m au sud de 462. Ils doivent suivre le chemin à un trait qui gagne Saint-Quirin par le fond du ravin Saint-Quirin. Lorsque le régiment arrive à Saint-Quirin, le général de division Lanquetot lui donne l’ordre d’aller s’installer à Val-et-Châtillon avec le 158e R.I. et l’artillerie de campagne du 21e C.A..

Le régiment fait une halte à l’entrée du bois de Turquestein, il est 19 h 30. Les hommes sont exténués, ils ont été durement éprouvés par tout ce qu’ils viennent de vivre au cours de la journée. Malgré la fatigue, ils trouvent le temps de se préparer du café.

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Vingt et une heures, il faut reprendre la route pour rejoindre le cantonnement. La fatigue est grande, les muscles des jambes commencent à se raidir.

Les compagnies du 149e R.I. suivent l’itinéraire Turquestein, cote 410, Saussenrupt, scierie Châtillon. Elles arrivent devant Val-et-Châtillon à 22 h 30. Chacun pense au sommeil bien mérité, mais les problèmes ne sont pas encore terminés !

En effet, les lieux de cantonnements n’ont pas été répartis au préalable entre les unités qui doivent occuper le village. Et ce n’est pas une mince affaire que de vouloir loger plusieurs milliers d’hommes ! Entre le 158e, le 149e R.I., et l’artillerie de campagne du 21e C.A.. C’est un peu la pagaille pour placer tout le monde. Finalement, les hommes du  149e R.I. vont prendre une formation de bivouac au carrefour situé à 1000 m au nord-est de l’église de Val-et-Châtillon.

Une grande partie des hommes du régiment va pouvoir enfin se reposer. Deux groupements composés de soldats du 149e R.I., chacun d’une valeur d’une compagnie, veillent sur leur sommeil. Ils sont chargés de couvrir les lieux de cantonnements de la 43e Division. Le premier groupement se trouve à Saussenrupt, le second est à la belle Charmille.

L’ennemi reste offensif, la vigilance est de rigueur.

 Sources :

J.M.O. du 149e R.I.. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 696/8.

J.M.O. de la 85e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/9.

J.M.O. de la 86e brigade. S.H.D. de Vincennes. Réf : 26 N 520/13.

« Opérations du 21e Corps d’Armée » Général Legrand-Girarde, aux éditions Plon Nourrit Cie.

Historique du 149e  Régiment d’Infanterie. Épinal. Imprimerie Klein, 1919.

Les archives du Service Historique de la Défense de Vincennes ont été consultées.

La photographie représentant un groupe de soldats du 149e R.I. est antérieure à 1914.

Les cartes du secteur d’Abreschviller qui peuvent se voir ici, ont été réalisées simplement à partir des indications données dans les différents J.M.O. cités dans les sources. La marge d’erreur indiquant les positions et les déplacements des bataillons du 149e R.I. risque d’être assez importante. Elles ne sont donc là que pour se faire une idée approximative des différents lieux occupés par ces bataillons durant la journée du 21 août 1914.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à É. Mansuy, à M. Porcher et au Service Historique de la Défense de Vincennes.

7 novembre 2014

Capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André, en direction d'Abreschviller...

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Les hommes du capitaine de Chomereau de Saint-André viennent de subir le baptême du feu le 9 août.

Les pertes de la 8e compagnie sont importantes. À peine le temps de se remettre de ses émotions qu’il faut déjà penser à reprendre la route. De longues marches attendent ces hommes les jours suivants.

Un nombre conséquent de soldats du 149e R.I. est obligé de récupérer des sacs allemands sur le champ de bataille pour remplacer ceux qui ont été perdus. Une grave faute que l’ennemi leur fera durement payer !  

Un très grand merci à T. de Chomereau pour son autorisation de publier ici la suite du témoignage laissé par son grand-père.

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10 août 1914

Réveil au petit matin. Les officiers ras­semblent leur unité. Toute la nuit des isolés ont rejoint. Appels.

J’ai perdu cinquante-deux hommes et ma compagnie est la plus éprouvée après la 1ère, du moins comme soldats. De Sury d’Aspremont, Dezitter, Bedos, de Gail, Laval, etc. tués et cinq cent cinquante hommes tués, blessés, disparus.

Revue et félicitations de Legrand-Girarde qui commande le 21e Corps d’Armée. Grand’halte sur place. Rentrée musique en tête, drapeaux déployés dans le village, superbe !

Le 14e Corps va nous remplacer. Installation à l’entrée du village. Vers une heure, j’ai le temps de télégraphier à Yvonne. Aux environs de deux heures, départ du 2e bataillon pour la Sausse. Le cantonnement est tran­quille.

11 août 1914

 Rien le matin : repos. Le soir, vers trois heures, départ. Cantonnement à un kilo­mètre au sud de Bertrimoutier. On se bat au nord vers Provenchères-sur-Fave, à l’est vers Sainte-Marie.

12 août 1914

Départ de nuit. Première position de rassemblement à un kilomètre au nord-est de Herbaupaire. Vers sept ou huit heures, le régi­ment se ras­semble autour de l’église de Lusse. Avec Coussaud de Massignac, je couvre, face à l’est. Recherche de l’emplacement, installation. Chaleur torride. Le 158, lui, surveille,à notre gauche les débouchés du col d’Urbeis.

Vers dix heures, je suis rappelé. Paisible grande tablée auprès de l’église. Canon vers Sainte-Marie. Notre artille­rie brûle Nouveau-Saales, qui n’est pas tenu. Cantonnement à Colroy-la-Grande. L’ennemi qui, avec une brigade de Landwehr, avait la veille ou l’avant-veille atta­qué Provenchères-sur-Fave, a été bous­culé.

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13 août 1914

 Repos le matin. Une division du 14e Corps traverse vite, file sur Urbeis et nous avons l’impression d’un fleuve qui coule vers l’Alsace. Départ vers treize ou quatorze heures pour Provenchères-sur-Fave. Cantonnement, Legrand-Girarde y est.

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14 août 1914

Offensive générale. Le 14e C.A. à droite par Urbeis, le 21e par Saales, le 13e vers Cirey. Ma division suit la route de Saales. Les chasseurs à pied sont à l’avant-garde, le 149 est derrière (1er et 2e bataillons, le 3e garde à droite).

Le 3e bataillon es­carmouche et perd le commandant Didierjean. Le 109 est à gauche, il marche sur Plaine et sur le Donon avec le reste de l’autre division. On bute sur le barrage Plaine – Diespach – Saint-Blaise-la-Roche. Le 109, laissé sans artillerie contre Plaine, est abîmé. Notre avant-garde s’engage. Le 149/1 et deux ba­taillons sont en réserve du débouché du col. Quelques coups longs arrivent sur nous, entas­sés dans la gorge. Heureusement, l’ennemi est occupé ailleurs. Notre artillerie, péniblement, prend position et alors c’est un écrasement de l’ennemi qui se sauve affolé et se rend en masse, laissant tout.

Nous oublions vite l’impression violente produite par quelque 105 Allemands. Nous la retrouvons trop tôt ! Les 1er et 2e ba­taillons gagnent Saint-Blaise-la-Roche. Je reste, soutien d’ar­tillerie,et arrive à nuit noire à Saint-Blaise-la-Roche. Brillant succès.

Vers neuf heures du matin, pourtant cela n’allait pas, paraît-il ! Et le 14e Corps est aussi en retard par la faute de son chef, Pouradier-Duteil. Ma compagnie cantonne au­tour d’une usine, près de la mairie. Je cause avec des officiers prisonniers.

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15 août 1914

Rassemblement vers cinq ou six heures. Vu et touché le premier drapeau pris aux Allemands (ou bien le 16 août, c’est indiqué dans mes lettres). On va s’installer à quelques kilomètres à l’ouest, le long et au sud de la route de Saales. Rien d’autre. À la fin de la journée, retour à Saint-Blaise-la-Roche. Cantonnement devant la mairie : il pleut.

Saint_Blaise_la_Roche

16 août 1914

Vue du butin, mitrailleuses, etc. Rassemblement avec, comme la veille, une grand’halte, au sud-ouest assez près du village. Attente. Temps pluvieux et arrivée de cinq cent cinquante réservistes et officiers saint-cyriens qui viennent boucher les trous du 9. Ils n’ont ni outils ni campement, pas même de manchons.

On envoie, par compagnie, cinquante hommes et un officier chercher le nécessaire sur le champ de bataille. Il manque aussi beaucoup de sacs perdus à Sainte-Marie et qu’on remplace par des sacs pris à l’ennemi : résultats, les porteurs blessés ou prisonniers seront massacrés par les Allemands. Cantonnement à Diespach. L’ennemi aurait évacué Schirmeck.

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17 août 1914

Diespach, repos, visite du champ de bataille du 14. Pluie continuelle. Répartition des nouveaux réservistes. Un piano déniché chez l’institutrice nous permet à Coussaud de Massignac et à moi de chanter, accompagnés par les troupiers qui re­prennent en chœur. Nous tenons le Donon. Matinée splendide.

18 août 1914

 Départ à une ou deux heures du ma­tin. Nuit noire, pluie. Arrêt interminable au bout d’une heure. Traversée à Rothau, Schirmeck où nous faisons face au nord. Depuis Saulcy-sur-Meurthe, beaucoup d’entre nous savent par un officier qui est "École des hautes études mi­litaires" que, masquant Molsheim et Strasbourg, toute l’armée fonce sur l’Alsace, puis sur Mayence et le flanc Sud de l’armée allemande de Belgique !

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Café vers sept ou huit heures à Grandfontaine. Escalade du Donon qui est fortifié : au sommet le 21e Chasseurs. Je retrouve Zuber et Francillart. Grand’halte sur la pente nord. Longue marche par le vallon de Blancrupt et arrêt dans les bois de Turquestein au bord de la Sarre blanche.

Rassemblement. Les hommes sont éreintés, surtout les réservistes arrivés le 16. Canonnade violente au nord. Vers sept heures, ordre de cantonner à Turquestein même. Je suis de jour et pars. Il n’y a pas de village à l’endroit indi­qué !

J’ai du me tromper. Je cherche et finis par m’égarer complètement (je n’ai pas de carte). J’ai donné la mienne à P…, et n’en aurai une autre que le 19, pour la perdre le 21 ! J’arrive enfin à Lafrimbolle, très ennuyé. Je cherche le maire, réquisitionne un guide. À travers les bois, il me précède, la lanterne à la main.

Cette marche, en pays ennemi, perdu dans la forêt, der­rière un in­connu, est fort impressionnante. J’ai l’œil et l’oreille aux aguets. Derrière mon dos, je tiens mon revolver prêt. Mon guide, pourtant, est un vrai Lorrain, tout pareil à ceux de France et qui me dit détester les Allemands. Seulement, il me raconte que Turquestein « ce n’est rien ». Il n’y a que des ruines ! Et moi je pense qu’il ne com­prend pas. J’insiste, lui aussi.

À neuf heures, je crois, nous arrivons sur une route. Je désespère de trouver le village de Turquestein ! Et le régiment qui doit attendre. Misère de sort ! Avant tout, il faut le retrouver… Sur la route : des voitures ! Je cours, les jambes lasses, der­rière eux : c’est du 158 ! D’autres sont plus loin. Je cours tou­jours et, anéanti, à bout de souffle, grimpe sur l’une de ces voitures. C’est du 149 !

Après un instant, je vois des feux à ma gauche et y allant après, je trouve François et Menvielle. C’est le régiment ! Je m’excuse, dis m’être égaré, et Menvielle de répondre : « Ce n’est pas éton­nant, mon pauvre ami ! Turquestein n’existe pas ! l’état-major, à l’aveuglette, a donné des ordres d’après la carte, et Turquestein ce n’est qu’un nom et rien de plus ! Nous y sommes al­lés et le régiment après une heure et demie de marche vaine est re­venu ici ».

Je regarde autour de moi et,malgré l’obscurité, reconnais mon point de dé­part ! Mon guide m’avait mené, par les bois sur le chemin Donon – Turquestein et j’avais refait un peu du trajet de l’après-midi, dans le noir et sans m’en apercevoir.

Ce déplacement inutile du ré­giment (ou plutôt des 1er et 2e bataillons, car le 3e, dont Laure a pris le commandement, est vers Rothau et rejoindra le 19) a achevé l’épui­sement des hommes qui s’endorment — et moi aussi — la cuisine faite à moitié, sous des abris sommaires de sapin, insuffisants contre l’humi­dité (j’ai détaillé ce qui précède, n’ayant, je pense, pu le faire par lettre).

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19 août 1914

Réveil de nuit, départ. Marche pas très longue, mais dure pour les hommes exté­nués. Chaleur vive.

À Vasperviller, j’apprends que nous allons donner. C’est fait d’ailleurs. Suivant la voie ferrée, les 1er et 2e bataillons se rassemblent pas loin de la gare durant un ins­tant. P…, détaché auprès du divisionnaire Lanquetot, m’apprend que « tout va bien ». L’armée occupe Sarrebourg. Nous sommes ré­serve générale de l’armée.

Bientôt, après installa­tion (deuxième rassemblement) au nord d’Abre­schwiller, derrière une crête, journée entière de re­pos. Cuisine de ma popote dans les premières maisons le soir.

Moral merveilleux. Pourtant le soir, le canon, très lointain, se rapproche. Des avions allemands survolent sans relâche. Bivouac sur place. Le 3e bataillon rejoint. J’apprends, par un journal allemand trouvé dans une maison, l’échec à Mulhouse.

20 août 1914

 La nuit a été froide. Le canon ap­proche de plus en plus et une vague inquiétude remplace notre sécurité triomphante. Des avions toujours. Dans l’après-midi (on a envoyé les hommes la­ver leur linge) il y aura un brusque départ pour prendre deux positions de rassemblement à proximité. Puis ce sera le départ vers la Valette et le bois de Voyer.

Journée passée en réserve générale d’armée der­rière la crête au nord d’Abreschwiller. La ligne de contact qui, la veille, était au-delà de Sarrebourg, venait insensiblement à nous. Dans l’après-midi, le régiment quitte tout à coup l’em­placement occupé depuis le 19 au matin (des corvées sont organisées pour faire laver le linge à la Sarre et les hommes sont rappelés en hâte, ils re­joignent en tordant leurs chemises).

Après avoir pris un peu à l’est du village diverses positions d’attente, j’assiste au repli des fractions de colo­niaux de la brigade de Lyon très éprouvées, j’ap­prends que le 158 était fortement engagé à droite vers le Soldatenthal. Je vois filer de ce côté le 1er bataillon du 149.

À la nuit, traversée de la crête et marche sur la Valette. Aucune anicroche. Au loin, Biberkirch flambe. Arrêt à la Valette où le 1er bataillon de chasseurs nous croise. Il paraît que nous al­lons le relever.

Nuit noire et entrée à tâtons dans le bois de Voyer. Ordre de garnir la lisière qui sera sûrement attaquée au jour. Déjà une compagnie est déployée, c‘est la 5e compagnie.

Je reconnais à sa droite l’emplacement de deux sections environ, et mène les hommes un à un. Je trébuche dans les ronces. Le reste est à qua­rante pas en arrière. Alerte vers dix heures. On me signale des ombres suspectes qui approchent.

J’ai défendu de tirer sans motif sérieux et j’at­tends aplati par terre, tâchant de distinguer un profil de casque à pointe. Il me semble que le premier bonhomme a une silhouette allemande et je vais lui brûler la cervelle à bout portant. Pourtant, par excès de précaution, je pousse à mi-voix un « Qui vive ! » bref, je constate que j’ai affaire à de malheureux chasseurs égarés et affolés.

Gabriel posant son sac sur ma jument « Égyptienne » a décroché mon tyrolien et nous dînons sans rien y voir, Dargne, lui, moi et le cuisinier Ferrier. Une bouteille de Moselle corse heureusement notre menu. Rien pour mes pauvres troupiers ! Les distributions se font à la Valette, à un kilomètre en arrière et il faut attendre la fin de la nuit, pour que la soupe soit prête.

Pendant ce temps, les Allemands dor­ment,sans doute le ventre plein grâce aux cui­sines roulantes étu­diées chez nous et adoptées chez eux !

Nuit très calme. Au début, les hommes, énervés par le quasi-contact avec l’en­nemi, bavardent et jacas­sent sans que les gradés puissent les faire taire. Ces gaillards-là se croient aux manœuvres et l’indiscipline, base du caractère français, se mani­feste par une belle in­souciance. C’est peut-être très joli à l’occasion, mais dans bien des cas la rigide discipline des Allemands serait préférable. Il faudra quelques le­çons sanglantes pour leur don­ner du sérieux. Je dois en gendarmer dans les broussailles, me re­levant plusieurs fois pour surveiller mes senti­nelles. Vers Biberkirch, on entend des roule­ments, des coups de trompe d’auto. Sûrement qu’il y aura du nouveau au petit jour.

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À suivre…

Sources :

Témoignage inédit du capitaine Gaston de Chomereau de Saint-André.

La photographie représentant un groupe de soldats est antérieure à août 1914.

Un grand merci à M. Bordes, à A. Carobbi, à T. de Chomereau de Saint-André et à É. Mansuy.

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