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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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24 octobre 2011

Marcel Perret (1896-1915).

                    Marcel Perret

Avant de vous présenter les lettres du caporal Marcel Perret, je me dois de remercier toute l’équipe de l’association « collectif Artois 1914-1915 ». En effet, cette association m’autorise à publier sur ce blog, une partie de la correspondance écrite par un jeune caporal du 149e R.I.. Une chaleureuse poignée de main à A. Chaupin, à T. Cornet et à F. Videlaine. 

Au début des années cinquante, l’association de Notre-Dame-de-Lorette souhaite rassembler des témoignages d’officiers, de sous-officiers et de soldats qui ont participé aux combats en Artois dans le but de créer un livre d’or. Pour cela, elle se propose de faire parvenir un questionnaire aux familles qui pourraient être intéressées par ce projet. Cent cinquante-trois témoignages furent ainsi recueillis pour être rassemblés en trois gros volumes.Les 2 premiers volumes sont présentés officiellement le 9 mai 1965 à l’occasion du cinquantenaire de la seconde bataille d’Artois. Le 3e volume sera publié ultérieurement pour compléter la collection des témoignages déjà recueillis. 

Les lettres du caporal Marcel Perret se trouvent dans le 1er tome du livre d’or des morts du front d’Artois. 

Les informations suivantes proviennent des renseignements qui ont été donnés par mademoiselle Marie Louise Perret, sœur de Marcel, qui était domiciliée sur la commune de Moirans-en-Montagne dans le Jura. Voici ce qu’elle écrit. 

Marcel Perret était en bon terme avec les camarades de son âge, mais il recherchait volontiers la compagnie des plus âgés et peut-être des plus lettrés. Il est resté en relation avec les vicaires de sa paroisse comme en témoignent quelques cartes. Il nous envoyait régulièrement ses correspondances en nous demandant de les lui conserver. Toutes ses lettres depuis la première jusqu’à la dernière, sont pleines d’espoir. « Je reviendrai… J’ai confiance, priez dieu qu’il me garde… Du courage j’en ai, souhaitez-moi de la chance… »

Atteignant l’âge de 18 ans le 19 août 1914, trois semaines à peine après la déclaration de la guerre, il contracte un engagement volontaire pour la durée de la guerre au bureau de recrutement de Lons-le –Saunier. Il est incorporé au 75e R.I. le 11 septembre 1914. Il arrive au corps comme simple soldat de 2e classe, le 15 septembre 1914. Nommé caporal le 19 novembre 1914, Marcel passe au 158e R.I. par décision du général gouverneur militaire de Lyon le 28 janvier 1915. L’heure de départ pour le front sonne le 9 février 1915. Le caporal Marcel Perret est muté au 149e R.I. le 12 mars 1915.

Il prend part à l’attaque du 9 mai 1915. Présumé disparu à cette date, dans une lettre écrite par le capitaine qui commande la 2e compagnie datant du 24 mai 1915. 

Citation à l’ordre du régiment : Le lieutenant-colonel Abbat, commandant le 149e R.I., cite à l’ordre du régiment le caporal Marcel Perret de la 2e compagnie, n° matricule 12.587. Motif de la citation : « Est tombé glorieusement le 9 mai 1915 en entrainant ses hommes à l’attaque des tranchées allemandes. » Ordre du régiment n° 48 (extrait) en date du 25 mars 1916. 

Il n’y a pas de sépulture connue. Aucun objet lui ayant appartenu ne nous a été renvoyé. Cela malgré lettre sur lettre, qui ont été adressées par mon père, à des camarades de mon frère, dont il nous avait donné les noms. De tous, le lieutenant Ravoire, est le plus précis : 

Voici son témoignage : 

Épinal, 27 mars 1916

Votre lettre du 27 février dernier adressée du dépôt à la clinique Sainte-Anne, et de la clinique à chez moi m’arrive après un mois de retard. Je comprends votre désir de savoir quelques détails sur les conditions de la mort de votre fils, et le lieu de sa sépulture. Je comprends votre douloureuse surprise de n’avoir reçu jusqu’à ce jour, aucun objet ou souvenir ayant appartenu à votre fils.

 Des détails sur sa mort, je peux vous en donner. Je les tiens de l’aspirant qui commandait la 3e section de la 2e compagnie à l’assaut du 9 mai. Les 3 sections de première ligne étaient arrivées à quelques mètres des tranchées allemandes et attendaient, couchées sur le sol pour reprendre la marche en avant, que notre artillerie eût allongé son tir. Votre fils portait un fanion d’artillerie et à ce moment-là, l’agitait comme tous les porteurs de fanions, pour signaler à notre artillerie d’allonger son tir. Quand le moment de repartir à l’assaut fut venu, l’aspirant voyant votre fils immobile l’interpella.  N’obtenant pas de réponses, il se pencha vers lui et constata qu’il était mort. Le fanion qu’il portait pouvant être nécessaire, l’aspirant le prit et continua à monter à l’assaut avec ses hommes. Il fut blessé peu après. En allant au poste de secours, il passa près de votre fils qui était à la même place et avait gardé la même attitude. Il n’avait pas de blessures apparentes, le visage empreint d’un grand calme. L’aspirant qui l’a donc vu à deux reprises est persuadé que votre fils a été tué sur le coup d’une balle en pleine poitrine, sans souffrance. J’étais moi-même à vingt mètres près de l’endroit où votre fils est tombé. Ce n’est évidemment pas à  Noulette même, mais à proximité de ce petit village, à moins de 200 m des tranchées de départ du régiment.Je compatis sincèrement à votre grande peine. Votre fils était un très bon soldat, discipliné et courageux. Je sais bien que votre douleur ne cessera pas, mais savoir qu’il est bien mort en bon Français, n’atténue t’-il pas la peine de l’avoir perdu ? Je suis toujours à votre disposition pour vous fournir tous les renseignements que vous me demanderez.

Avec ma vive sympathie, recevez mes meilleurs sentiments. 

Lieutenant Ravoire dépôt du 149e R.I.. Épinal. 

Quelques informations complémentaires concernant Marcel Perret. 

Marcel Perret est né le 19 août 1896 dans le petit village de Moirans-en-Montagne qui se trouve dans le département du Jura. Fils d’Alphonse et de Marie Louise Charniers, ce tout jeune caporal n’a même pas 19 ans lorsqu’il trouve la mort au cours de l’attaque du 9 mai 1915 dans le secteur d’Aix-Noulette. Il servait dans la 3e section de la 2e compagnie. Son acte de décès sera enregistré le 11 juin 1916 et transcrit à la mairie de Moirans-en-Montagne le 29 juillet 1916. André Junillon et Louis Passet sont les deux témoins qui viennent valider sa mort. 

Voici maintenant le contenu de la lettre écrite par la sœur de Marcel Perret au secrétaire de l’association de Notre-Dame-de-Lorette. 

Moirans-en-Montagne le 18 juin 1922 

Monsieur le secrétaire,

Je vous retourne le questionnaire que vous avez bien voulu m’adresser pour le livre d’or de Notre-Dame-de-Lorette. Je ne sais trop si je l’ai rédigé bien dans l’esprit de ceux qui ont décidé pour ce livre d’or. Comme photos, je n’ai plus que quelques mémentos dont je joins un exemplaire, si vous le jugez bon, vous pourrez vous servir de la photo.

Quand aux lettres de mon frère, elles sont toutes conservées, je dirais presque religieusement par maman et j’hésite à m’en séparer. Et pourtant !, après moi,  puisque restée seule avec mes parents, je suis restée célibataire, qui les recueillera ? De vagues cousins dont les enfants n’ont pas connu mon frère.

J’approuve entièrement vos projets et vous exprime en tant que membre des familles des morts, ma reconnaissance pour tout ce que vous faites pour eux.

Ce matin me sont parvenus le programme et les tickets pour la 18e manifestation que vous avez pris la peine de m’adresser, ce dont je vous remercie. Par le même courrier, mon autorisation de congé de mon administration. Ainsi, rien j’espère ne m’empêchera d’être des vôtres. Mon permis de circulation demandé ne saurait tarder d’arriver.

Je vous avais parlé d’un autre membre des familles, Monsieur Roux Charles, ancien combattant et prisonnier de la guerre 14-18, dont l’un des frères, classe 14, est disparu à Neuville-Saint-Vaast. J’ai préparé pour lui, la demande de permis, il sera aussi des nôtres. Je ne sais s’il vous envoie le montant des frais, mais j’espère bien que vous lui réserverez une place. Il règlera certainement à Arras, s’il ne le fait d’ici là.

Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire, l’expression de mes sentiments les meilleurs et les plus distingués. 

Mademoiselle Marie-Louise Perret, 8 rue du Jura. Moirans-en-Montagne (Jura). 

(À suivre...)

Référence bibliographique :

Tome 1 du livre d’or des morts du front d’Artois. 

Un grand merci à M. Bordes, à A. Chaupin, à T. Cornet, à F. Videlaine, à l’association « collectif Artois 1914-1915 », à l’association Notre-Dame-de-Lorette et à la garde d’honneur de l’ossuaire de la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette.

10 octobre 2011

Et la terre s'enivra de leur sang...

Pour clôturer le travail sur l’engagement du 149e R.I. durant l’attaque du 9 mai et des jours suivants, voici une analyse succincte réalisée à partir des quelques tableaux suivants :

                 Tableau_des_pertes_generales

Ce tableau nous montre l’état des pertes générales du régiment pour les 9 jours où il est resté en première ligne. Les tués sont représentés en rouge, les blessés en vert et les disparus  en orange. 

La liste des tués rassemble les hommes qui ont trouvé la mort dans les zones de combat, ceux qui sont décédés dans les hôpitaux à la suite de leurs blessures reçues et ceux dont l’acte de décès a été officialisé quelques années plus tard par décision des tribunaux.

                 Pertes_du_1er_bataillon

L'effectif théorique d’un bataillon est d'environ 1000 hommes (250x4). En additionnant les pertes des 4 compagnies du 1er bataillon, nous arrivons à un total de 477 hommes, soit 47,7 % de l'effectif théorique. Cette notion d'effectif théorique est essentielle ici, car les compagnies étaient rarement à un effectif de 250 combattants : malades, blessés... expliquent ce fait. En réalité, le pourcentage de pertes pour les combattants est bien supérieur au pourcentage par rapport à l'effectif théorique.

Pour le 1er bataillon, nous obtenons les résultats suivants :      
1ère compagnie : 56,4 % de l'effectif théorique.
2e compagnie : 61,2 % de l'effectif théorique.
3e compagnie : 42,4 % de l'effectif théorique.
4e compagnie : 30,8 % de l'effecttif théorique.

                 Pertes__du_2e_bataillon

Pour le 2e bataillon, nous obtenons les résultats suivants :       
5e compagnie : 24 % de l'effectif théorique.
6e compagnie : 16,8 % de l'effectif théorique.
7e compagnie : 9,6 % de l'effectif théorique.
8e compagnie : 16 % de l'effectif théorique.

En additionnant les pertes des 4 compagnies du 2e bataillon, nous arrivons à un total de 166 hommes, soit 16,6 % de l'effectif théorique.

                 Pertes__du_3e_bataillon

Pour le 3e bataillon, nous obtenons les résultats suivants :       
9e compagnie : 19,6 % de l'effectif théorique.
10e compagnie : 29,6 % de l'effectif théorique.
11e compagnie : 34,4 % de l'effectif théorique.
12e compagnie : 21,2 % de l'effectif théorique.

En additionnant les pertes des 4 compagnies du 3e bataillon, nous arrivons à un total de 255 hommes, soit 25,5% de l'effectif théorique.

En guise de conclusion :

Je n’ai pas réussi à retrouver le nombre exact de l’effectif du régiment au début de l’attaque du 9 mai 1915. La lecture de l’ensemble de ces résultats ne peut donc donner qu’une idée approximative des pertes réelles du 149e R.I. durant les combats qui ont eu lieu pendant cette période. Il faut ajouter aux pertes des trois tableaux précédents les nombres de 7 tués, de 16 blessés et de 7 disparus pour les compagnies de mitrailleuses et de 1 blessé pour la C.H.R.. En partant de l’hypothèse que le régiment est composé de 3200 hommes, le pourcentage des pertes serait de 29,87 %. Les pertes globales du 149e R.I. pour cette période sont de 293 tués, 621 blessés et 42 disparus.

Un grand merci à M. Bordes et à A. Carobbi.

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