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149e R.I., un régiment spinalien dans la Grande Guerre.
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11 mars 2010

Témoignage de Louis Cretin : la bistouille.

               La_bistouille

(De nouveau un très grand merci à D. Browarsky pour son autorisation de reproduire ici de larges extraits du témoignage de Louis Cretin).

"1 h 00, dans le courant du mois de février 1915, nous cantonnions à la fosse 10, sur la commune de Sains-en-Gohelle. 15 hommes, la moitié de la musique (j’étais du nombre), logeaient au coron, habitation n° 69, occupée par un ménage de mineurs. Le mari travaillait à la fosse 10 toute proche de là. C’était de braves gens, mais le maître du logis aimait un peu trop la « bistouille », un mélange d’eau de vie de genièvre avec du café. Il parait que chaque fois qu’il touchait sa quinzaine, il rentrait à la maison complètement ivre. Habituellement, cette « noce » n’avait pas de lendemain. Sa femme profitait du sommeil de son homme pour visiter ses poches et prendre tout l’argent qui s’y trouvait. Les vivres coupées, le bonhomme était sérieux et « jeûnait » forcement jusqu’à la prochaine paye. Pour satisfaire davantage sa passion pour l’alcool, une idée peu banale, je dirais même qu'une ruse diabolique germa dans son esprit. A la quinzaine du mois de février, il rentra à la maison sans aucun mal, mais toute la soirée, il s’ingénia à nous trouver isolement et à chacun de nous faisait accepter une petite somme d’argent (3 ou 4 francs) en nous disant qu’il nous la demanderait quand il en aurait besoin pour acheter son tabac…  Bien entendu, nous confiait-il, il ne faut pas le dire à ma femme. Il savait être si persuasif que pour un peu nous l’eussions plaint  d’avoir un pareil tyran. Le lendemain, commença une « bombe » fantastique. La perquisition habituelle dans ses poches fut stérile et pour cause… Le lendemain, nouvelle « soulographie » accompagnée d’un chambard insupportable une partie de la nuit. Cela se continua tant qu’il y eut des banquiers. Aucun paquet de tabac ne fut acheté, mais il avala un nombre incalculable de « bistouille ». A cette époque et dans ce pays, cette consommation se payait 0,25 franc. La dernière mise de fonds venait d’être récupérée par lui la veille quand le 3 mars au matin on quitta ce cantonnement pour monter aux tranchées. Je suis persuadé que jamais son épouse n’a compris comment son mari, étant sans argent, avait pu trouver le moyen, sans lui faire de dettes, pendant une quinzaine de jours de se payer une cuite chaque soir…"

 

Un grand merci à D. Browarsky et à T. Cornet.

 

Référence bibliographique : « Souvenirs de Louis Cretin »

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